Language of document : ECLI:EU:T:2008:51

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

27 février 2008(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale WORLDLINK – Marque nationale figurative antérieure LiNK –  Motif relatif de refus – Risque de confusion – Limitation des services désignés dans la demande de marque – Identité des services – Similitude des signes – Articles 73 et 74 du règlement (CE) n° 40/94  »

Dans l’affaire T‑325/04,

Citigroup, Inc., anciennement Citicorp, établie à New York, New York (États-Unis), représentée initialement par Mes V. von Bomhard, A. Renck, A. Pohlmann, avocats, et M. C. Schulte, solicitor, puis par Mes von Bomhard et Renck,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Link Interchange Network Ltd, établie à Londres (Royaume‑Uni), représentée par Mme D. McFarland, barrister, et M. R. Brown, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 18 mai 2004 (affaire R 789/2002‑1), relative à une procédure d’opposition entre Link Interchange Network Ltd et Citigroup, Inc.,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de M. A. W. H. Meij, faisant fonction de président, Mme I. Pelikánová et M. S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2004,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2004,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2004,

vu la substitution de la requérante à la société Citicorp,

vu l’ordonnance du 6 février 2007 suspendant la procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire C-29/05 P,

à la suite de l’audience du 23 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er avril 1996, la société Citicorp a demandé à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) l’enregistrement en tant que marque communautaire de la marque verbale WORLDLINK, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relevaient notamment de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour cette classe, à la description suivante : « Assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières ».

3        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 14/99, du 1er mars 1999.

4        Le 27 mai 1999, l’intervenante a formé une opposition à l’enregistrement de la marque demandée, fondée notamment sur la marque figurative n° 1274743, enregistrée au Royaume-Uni le 25 juillet 1997 pour les services relevant de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice, correspondant à la description suivante : « Services bancaires pour le retrait d’espèces ; services de transfert de fonds et de paiement ; services d’informations financières ». La marque antérieure se présente comme suit :

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5        L’opposition était fondée notamment sur le motif relatif de refus prévu à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, à la suite de limitations opérées devant la division d’opposition, était dirigée contre les services « affaires financières, affaires monétaires » appartenant à la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice et visés par la marque demandée.

6        La division d’opposition a consenti à l’intervenante un délai expirant le 16 octobre 2000 pour présenter des observations, des preuves et des arguments à l’appui de son opposition, ce que l’intervenante a fait par lettre du 13 octobre 2000.

7        À la suite de plusieurs prorogations de délais, Citicorp a présenté ses observations en réponse à celles de l’intervenante le 28 mai et le 26 juin 2001. L’intervenante a réagi auxdites observations le 13 septembre 2001.

8        Le 28 septembre 2001, la division d’opposition a informé les parties qu’aucune autre observation ne pouvait lui être soumise. Nonobstant cette communication, Citicorp a présenté, le 11 février 2002, des observations supplémentaires dans lesquelles elle exposait que l’arrêt de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancellerie, Royaume-Uni] du 5 décembre 2001 relatif à une procédure d’opposition entre l’intervenante et Citicorp (ci-après l’« arrêt de la High Court ») ainsi que l’affaire dans laquelle il était rendu n’étaient pas pertinents pour l’opposition formée devant l’OHMI, contrairement à ce qu’aurait prétendu l’intervenante. La division d’opposition a refusé de prendre en compte ces observations au motif qu’elles avaient été déposées hors délai.

9        Le 30 juillet 2002, la division d’opposition a fait droit à l’opposition et a rejeté la demande de marque communautaire pour autant qu’elle visait les services « affaires financières ; affaires monétaires ». La division d’opposition a en effet conclu qu’un risque de confusion existait, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et la marque antérieure.

10      Le 19 septembre 2002, Citicorp a formé un recours contre la décision de la division d’opposition. Le 29 novembre 2002, elle a déposé un mémoire exposant les motifs du recours, auquel l’intervenante a répondu par des observations en date du 30 janvier 2003.

11      Citicorp a présenté devant la chambre de recours, le 5 mars 2003, des observations supplémentaires qui constituaient, selon elle, une réaction aux faits et arguments présentés par l’intervenante pour la première fois devant la chambre de recours. Une copie des observations présentées par Citicorp devant la division d’opposition le 11 février 2002 (voir point 8 ci-dessus) a été jointe à ces observations.

12      Par décision du 18 mai 2004 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a rejeté le recours de Citicorp. Elle a refusé de prendre en considération certaines observations des parties, notamment les observations présentées par Citicorp le 5 mars 2003. Elle a estimé à cet égard qu’il convenait de prendre en compte l’arrêt de la High Court et les observations de la requérante le concernant uniquement pour autant que ce dernier avait été invoqué par l’intervenante, à savoir en tant que preuve de la notoriété alléguée de la marque antérieure.

13      En ce qui concerne le fond du litige, la chambre de recours a estimé, tout d’abord, que le public pertinent était composé des consommateurs moyens du Royaume-Uni et que les services en cause étaient identiques. Elle a considéré, ensuite, que, prises chacune dans leur ensemble, la marque demandée et la marque antérieure étaient similaires, le terme « link » étant leur élément dominant. De même, selon la chambre de recours, le terme « link » n’était pas directement descriptif des services concernés et était, en tout état de cause, doté d’un caractère distinctif plus prononcé que l’élément « world ». Elle a considéré en revanche que la notoriété alléguée de la marque antérieure ne pouvait pas être prise en compte dès lors qu’elle avait été invoquée pour la première fois devant elle. En conclusion, la chambre de recours a estimé qu’un risque de confusion existait entre la marque antérieure et la marque demandée.

14      Par lettre adressée à l’OHMI le 3 août 2004, soit deux jours avant l’introduction du présent recours, Citicorp a déclaré qu’elle « limit[ait] la spécification des produits et services » visés par la marque demandée, en remplaçant, dans la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice, la description initiale « affaires financières ; affaires monétaires » par « affaires financières, à savoir services bancaires électroniques et sur support papier, tous concernant les systèmes de paiement multidevises, tous compris dans la classe 36 ». Dans une lettre adressée à Citicorp le 8 novembre 2004 et intitulée « Confirmation d’une limitation des produits ou services dans une demande de marque communautaire (article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94) », l’OHMI a indiqué qu’il « confirm[ait] par la[dite lettre] que la spécification des produits et/ou des services de la demande susmentionnée a[vait] été modifiée pour correspondre à la description [susvisée] ».

15      Avec effet au 1er août 2005, Citicorp a fusionné avec la requérante, Citigroup, Inc., cette dernière devenant ainsi l’ayant cause à titre universel de la première. Le 14 novembre 2005, sur demande de la requérante, le changement de titulaire de la demande de marque communautaire a été enregistré par l’OHMI.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

17      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      La requérante soulève deux moyens tirés, le premier, d’une violation des articles 73 et 74 du règlement n° 40/94 et, le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

19      Les parties s’opposent également sur les conséquences qu’il convient de tirer pour le présent litige de la limitation des services désignés dans la demande de marque (voir point 14 ci‑dessus). Dans la mesure où le Tribunal estime que cette question est de nature à influer sur l’examen des moyens soulevés par la requérante, il y a lieu de l’examiner à titre liminaire.

 Sur la limitation des services désignés dans la demande de marque

 Arguments des parties

20      La requérante estime que, à la suite de la limitation des services désignés dans la demande de marque, il n’y a plus lieu de statuer sur la présente affaire, qui devrait être renvoyée à la chambre de recours pour une nouvelle décision fondée sur la liste des services restreinte. Elle soutient, à cet égard, que cette limitation serait comparable, quant à ses conséquences procédurales, au retrait d’une opposition. Or, le retrait de l’opposition entraînerait la caducité de la décision de l’OHMI s’y rapportant. La solution inverse reviendrait selon elle à exclure l’application de l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94.

21      L’OHMI et l’intervenante soutiennent que la limitation des services en cause ne saurait être prise en compte, le Tribunal étant tenu d’examiner la légalité de la décision attaquée à la lumière du cadre juridique et factuel, tel qu’il existait devant la chambre de recours. Ils estiment à cet égard que la limitation opérée par la requérante est susceptible de modifier l’objet du litige en ce qui concerne l’examen de la similitude des services en cause.

 Appréciation du Tribunal

22      Il convient d’abord d’observer que contrairement à ce que soutient la requérante, il y a toujours lieu de statuer sur la présente affaire. En effet, dans la mesure où, d’une part, la requérante n’a pas supprimé de la liste des produits et des services visés par la marque demandée tous les services visés par l’opposition et où, d’autre part, l’intervenante a maintenu ladite opposition nonobstant la limitation opérée par la requérante, il persiste entre elles un litige portant sur l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure en ce qui concerne certains services appartenant à la classe 36. Par conséquent, la décision attaquée, qui tranche ce même litige, n’est pas devenue caduque et il n’y a donc pas lieu de prononcer un non‑lieu à statuer.

23      Il convient ensuite d’observer que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, le demandeur peut, à tout moment, limiter la liste des produits ou des services désignés dans la demande de marque. En l’espèce, la requérante a effectué une telle limitation par sa lettre adressée à l’OHMI le 3 août 2004.

24      En ce qui concerne l’incidence de cette limitation sur la présente affaire, il y a lieu de rappeler qu’un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 63, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours, qui doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [arrêts du Tribunal du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec. p. II‑287, point 17, et du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 16]. Cette circonstance exclut en principe la prise en considération des éléments apparus postérieurement au prononcé de la décision de la chambre de recours, tels que la limitation des services visés par la marque demandée en cause en l’espèce [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec. p. I‑4237, point 55, et ordonnance du Tribunal du 15 novembre 2006, Anheuser-Busch/OHMI – Budějovický Budvar (BUDWEISER), T‑366/05, non publiée au Recueil, points 40 à 48].

25      Toutefois, par souci d’économie de procédure, le Tribunal peut tenir compte d’une limitation des produits et des services désignés dans la demande de marque, à condition que celle‑ci ne soit pas de nature à modifier le cadre factuel sur lequel a porté l’examen de la chambre de recours en ce qui concerne les produits ou les services non affectés par cette limitation.

26      Ainsi, une limitation opérée conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 postérieurement à l’adoption de la décision attaquée peut être prise en considération par le Tribunal lorsque le demandeur se borne strictement à réduire l’objet du litige en retirant certaines catégories de produits ou de services de la liste des produits et des services désignés dans la demande de marque [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, points 13 à 17, et du 8 juillet 2004, Telepharmacy Solutions/OHMI (TELEPHARMACY SOLUTIONS), T‑289/02, Rec. p. II‑2851, points 13 à 15]. En effet, dans la mesure où, en vertu de l’article 43, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, la chambre de recours doit apprécier l’existence du risque de confusion par rapport à chacun des produits et des services pour lesquels la marque communautaire est demandée, sans être pour autant tenue de procéder à une analyse de chacun des produits ou des services faisant partie d’une catégorie incluse dans la liste (ordonnance BUDWEISER, précitée, point 35), le simple retrait d’une ou de plusieurs catégories de produits et de services de la liste pour laquelle la demande de marque est introduite n’est pas, en principe, de nature à modifier le cadre factuel sur lequel a porté l’examen de la chambre de recours en ce qui concerne les produits et les services non affectés par cette limitation.

27      Lorsque, en revanche, cette limitation conduit à une modification de l’objet du litige, en ce qu’il en résulte l’introduction d’éléments nouveaux qui n’avaient pas été soumis à l’examen de la chambre de recours aux fins de l’adoption de la décision attaquée, elle ne peut pas, en principe, être prise en compte par le Tribunal. Tel est le cas lorsque la limitation des produits et des services consiste en des spécifications susceptibles d’influer sur l’appréciation de la similitude des produits et des services ou sur la détermination du public ciblé et de modifier, par conséquent, le cadre factuel qui avait été présenté devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec. p. II‑1401, points 20 à 22].

28      Dans le cas d’espèce, la limitation opérée par la requérante consiste, d’une part, en le retrait de la liste des services désignés dans la demande de marque de l’indication « affaires monétaires » et, d’autre part, en la spécification de la catégorie « affaires financières » par l’ajout de la précision « à savoir services bancaires électroniques et sur support papier, tous concernant les systèmes de paiement multidevises, tous compris dans la classe 36 ».

29      Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus, le retrait de la catégorie « affaires monétaires » peut être pris en considération.

30      En revanche, ainsi que les parties l’ont évoqué lors de l’audience, la précision apportée à la catégorie « affaires financières » est susceptible d’avoir une influence sur l’examen de la similitude de cette catégorie de services avec les services visés par la marque antérieure et modifie, par conséquent, le cadre factuel tel qu’il avait été porté devant la chambre de recours. Partant, elle ne peut pas être prise en considération par le Tribunal.

31      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que, pour les besoins du présent litige, les services visés par la marque demandée, relevant de la classe 36 et concernés par l’opposition, correspondent à la description « affaires financières ».

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des articles 73 et 74 du règlement n° 40/94

32      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante présente deux griefs. D’une part, elle soutient que la chambre de recours a erronément refusé de prendre en considération certains éléments présentés devant elle. D’autre part, elle estime que la chambre de recours a pris en considération certains éléments de fait qui n’ont pas été soulevés par les parties.

 Sur le premier grief, tiré de ce que la chambre de recours aurait refusé de prendre en compte certains éléments présentés par la requérante

–       Arguments des parties

33      La requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, en refusant d’exercer le pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par cette disposition quant à la question de savoir si certains éléments présentés par la requérante devaient être pris en considération.

34      Ainsi, la chambre de recours n’aurait pas pris en considération l’arrêt de la High Court, ni son analyse par la requérante, remis d’abord à la division d’opposition, le 11 février 2002, et ensuite à la chambre de recours. La requérante avance à cet égard que l’arrêt de la High Court ne pouvait pas être produit durant le premier échange d’observations devant la division d’opposition dans la mesure où il n’a été prononcé que le 5 décembre 2001, soit après la date à laquelle la division d’opposition a informé les parties qu’elle n’accepterait pas d’observations supplémentaires. En outre, devant la chambre de recours, les deux parties auraient fait référence à l’arrêt de la High Court, l’intervenante en ayant même présenté une copie à l’OHMI. Or, malgré cette invocation explicite, la chambre de recours aurait refusé de le prendre en considération, préférant se référer à la décision du Hearing Officer de l’United Kingdom Trade Marks Registry (fonctionnaire de l’office des marques du Royaume-Uni compétent en première instance dans les procédures d’opposition) du 4 mai 2001 (ci-après la « décision du Hearing Officer ») qui a fait l’objet du recours devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division.

35      La chambre de recours aurait également refusé de prendre en considération les documents annexés au mémoire de la requérante du 29 novembre 2002, relatifs aux marques communautaires et nationales antérieurement déposées et comportant l’élément « link ». Or, ces documents, qui provenaient de sources publiques facilement accessibles, n’auraient servi qu’à compléter les éléments de preuve déjà déposés durant la procédure d’opposition pour montrer le caractère distinctif faible de l’élément « link ». La requérante ajoute à cet égard que les références à ces documents dans la décision attaquée ne permettent pas de considérer qu’ils ont été effectivement analysés et pris en compte par la chambre de recours.

36      Enfin, la chambre de recours aurait refusé d’apprécier, sauf pour partie, les observations de la requérante du 5 mars 2003, qui étaient pourtant de nature juridique et auraient été présentées en réponse aux faits et arguments nouveaux avancés par l’intervenante dans ses observations du 30 janvier 2003.

37      L’OHMI soutient que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur. Il estime que la décision attaquée expose les motifs pour lesquels l’arrêt de la High Court et son analyse par la requérante, ainsi que ses observations du 5 mars 2003, n’ont pas été pris en considération. Les documents relatifs aux marques communautaires et nationales antérieurement déposées et comportant l’élément « link » auraient en revanche été analysés par la chambre de recours.

38      L’intervenante se rallie à la position de l’OHMI, en faisant observer que la chambre de recours a dûment exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Elle ajoute que les éléments que la chambre de recours a refusé de prendre en considération n’étaient en tout état de cause pas pertinents pour la solution du litige.

–       Appréciation du Tribunal

39      En vertu de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, l’OHMI peut ne pas tenir compte des faits qui n’auraient pas été invoqués ou des preuves qui n’auraient pas été produites en temps utile par les parties. Selon la jurisprudence de la Cour, il découle de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement n° 40/94 et qu’il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits (arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec., p. I‑2213 point 42).

40      En revanche, une telle invocation ou production tardive de faits et de preuves n’est pas de nature à conférer à la partie qui y procède un droit inconditionnel à ce que de tels faits ou preuves soient pris en considération par l’OHMI. En précisant que ce dernier « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de tels faits et preuves, l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 investit en effet l’OHMI d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre ceux‑ci en compte. Une telle prise en compte par l’OHMI, lorsqu’il est appelé à statuer dans le cadre d’une procédure d’opposition, est, en particulier, susceptible de se justifier lorsque celui‑ci considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de l’opposition formée devant lui et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte (arrêt OHMI/Kaul, précité, points 43 et 44).

41      C’est à la lumière de ce qui précède qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a méconnu l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94.

42      À cet égard, il y a lieu d’observer, d’abord, que, au point 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a exposé qu’elle tiendrait compte de l’arrêt de la High Court et des observations de la requérante s’y rapportant pour autant que ce dernier a été invoqué par l’intervenante, c’est-à-dire pour autant qu’il concerne la question de savoir si la marque antérieure jouissait d’une notoriété au Royaume‑Uni. Cependant, au point 39 de la même décision, la chambre de recours a estimé qu’elle ne pouvait pas tenir compte des documents déposés par l’intervenante aux fins de démontrer la notoriété de la marque antérieure dans la mesure où ces documents avaient été produits devant elle pour la première fois.

43      Ainsi, il apparaît que la raison pour laquelle la chambre de recours n’a pas pris en considération l’arrêt de la High Court et les observations de la requérante s’y rapportant est liée à la circonstance que ceux-ci étaient devenus sans objet, dans la mesure où la chambre de recours avait refusé de prendre en considération les éléments de preuve présentés par l’intervenante aux fins de démontrer la notoriété de la marque antérieure au Royaume-Uni. En effet, les observations présentées par la requérante ne l’avaient été qu’en réponse à celles de l’intervenante. Il y a lieu de constater, par conséquent, que le rejet des observations de la requérante relatives à l’arrêt de la High Court n’était pas motivé par la présentation tardive de ces éléments et ne résultait pas, dès lors, de l’exercice du pouvoir conféré à la chambre de recours par l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Il convient de relever, en outre, que l’approche de la chambre de recours correspond à la position de la requérante elle-même, qui prétendait que, en raison des circonstances particulières de l’affaire dans laquelle il a été rendu, l’arrêt de la High Court n’était pas pertinent dans la procédure devant l’OHMI. Il s’ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté pour autant qu’il vise l’arrêt de la High Court et les observations s’y rapportant.

44      En ce qui concerne, ensuite, les documents relatifs aux marques communautaires et nationales antérieurement déposées et comportant l’élément « link », il convient d’observer que, au point 39 de la décision attaquée, la chambre de recours les a, dans un premier temps, exclus de son examen en raison de leur présentation tardive, mais les a examinés par la suite. En effet, il résulte de la dernière phrase du point 39 de la décision attaquée, qui expose les motifs pour lesquels les documents présentés par la requérante ne permettent pas d’établir l’absence de risque de confusion entre les signes en conflit, que, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours s’est effectivement livrée à un examen desdits documents. Le grief de la requérante doit donc être rejeté pour autant qu’il concerne ces documents.

45      Enfin, quant aux observations de la requérante du 5 mars 2003, la chambre de recours a exposé, aux points 19 à 22 de la décision attaquée, que, sauf en ce qui concernait l’arrêt de la High Court, elles se rapportaient à des questions qui avaient été débattues auparavant par les parties, contrairement à ce que prétendait la requérante, et elle en a conclu qu’elles ne devaient pas être prises en compte. Cette considération implique que la chambre de recours a estimé que la pertinence des nouvelles observations de la requérante ne pourrait être que limitée, étant donné l’absence d’éléments nouveaux dans le cadre du litige, et que, dans ces circonstances, l’intérêt lié au bon déroulement et à l’efficacité de la procédure devait l’amener à refuser la prise en considération desdites observations. Il s’ensuit que la chambre de recours a exercé son pouvoir d’appréciation quant à la question de savoir si les observations du 5 mars 2003 devaient être prises en compte, et qu’elle a motivé, quoique brièvement, sa conclusion selon laquelle tel n’était pas le cas.

46      Pour autant que la requérante conteste le bien‑fondé de cette conclusion, il convient de relever que les observations du 5 mars 2003 se bornent pour l’essentiel à réitérer les arguments invoqués par la requérante dans ses observations précédentes présentées à l’OHMI ou à y faire référence. Dès lors, il n’apparaît pas que la chambre de recours a commis une erreur en estimant que, sauf en ce qui concerne l’arrêt de la High Court, lesdites observations ne se rapportaient pas à des éléments nouveaux et ne devaient par conséquent pas être prises en considération.

47      Il s’ensuit que le premier grief doit être rejeté.

 Sur le second grief, tiré de ce que la chambre de recours aurait pris en considération certains éléments non invoqués par les parties

–       Arguments des parties

48      Dans le cadre de son second grief, la requérante soutient que la chambre de recours s’est fondée sur des faits non notoires qui n’avaient été ni invoqués ni étayés par l’une des parties. La chambre de recours aurait ainsi violé l’article 73 et l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94.

49      Les allégations de la requérante portent sur les éléments suivants évoqués dans la décision attaquée :

–        l’assertion selon laquelle, dans le terme « worldlink », l’élément « world » serait perçu comme un adjectif ;

–        le fait que le terme « world » aurait une signification donnée dans le secteur des services financiers ;

–        la possibilité d’utiliser des « sous-marques » ou des « super-marques » définies géographiquement dans le secteur des services financiers, ayant pour conséquence que l’élément « world » dans « worldlink » serait perçu comme une précision géographique ;

–        l’affirmation selon laquelle le mot « world », signifiant « global », serait fréquemment utilisé dans le secteur des services financiers.

50      L’OHMI et l’intervenante contestent le bien‑fondé des allégations de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

51      Selon la jurisprudence, la limitation opérée par l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, selon lequel, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen réalisé par l’OHMI est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties, n’exclut pas que celui-ci prenne en considération, outre les faits avancés explicitement par les parties à la procédure d’opposition, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles [arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, point 29].

52      En particulier, la chambre de recours peut fonder son analyse sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de consommation générale, lesquels faits sont susceptibles d’être connus de toute personne et sont, notamment, connus des consommateurs de ces produits [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’une papillote), T‑402/02, Rec. p. II‑3849, point 58].

53      En l’espèce, d’une part, l’interprétation en langue anglaise du mot « world », lorsqu’il précède un substantif, comme signifiant « global » et qualifiant géographiquement le substantif en cause est un fait susceptible d’être connu par toute personne et par des sources accessibles à tous. D’autre part, l’applicabilité de cette interprétation au secteur des services financiers, l’utilisation fréquente du terme « world » dans ce même secteur ainsi que la possibilité pour les opérateurs actifs dans ce domaine d’employer des « sous‑marques » ou des « super‑marques » géographiques sont des faits notoires résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des services financiers. Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en prenant ces circonstances en considération. Il y a donc lieu de rejeter le second grief du premier moyen et, partant, de rejeter ce moyen dans son intégralité.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

54      Dans le cadre de son second moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en concluant à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit. Ses arguments concernent la similitude des services en cause, le caractère descriptif de l’élément « link », la similitude des signes en conflit et certaines circonstances qui seraient de nature à écarter le risque de confusion dans les circonstances de l’espèce.

 Sur la similitude des services

–       Arguments des parties

55      La requérante expose que, à la suite de la limitation des services visés par la marque demandée, les services visés par les marques en cause ne sont plus identiques, mais similaires.

56      L’OHMI et l’intervenante estiment que, dans la mesure où la limitation des services visés par la marque demandée ne peut pas être prise en considération, les services sont identiques.

–       Appréciation du Tribunal

57      En l’espèce, les services à comparer sont les « services bancaires pour le retrait d’espèces ; services de transfert de fonds et de paiement ; services d’informations financières » visés par la marque antérieure et, s’agissant de la marque demandée, ainsi qu’il ressort du point 31 ci‑dessus, les « affaires financières ».

58      Or, les services protégés par la marque antérieure sont tous des services financiers, et appartiennent dès lors à la catégorie générale « affaires financières » visée par la marque demandée. Par conséquent, il y a lieu de conclure que les services en cause sont identiques.

 Sur le caractère descriptif de l’élément « link »

–       Arguments des parties

59      La requérante soutient que le terme « link » est dépourvu de caractère distinctif ou du moins est hautement allusif par rapport aux services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée. En effet, les services financiers tels que ceux visés par la marque antérieure seraient habituellement fournis au moyen d’un réseau électronique, composé d’un nombre important de liens entre ses différents acteurs. Or, le terme « link », signifiant « ce qui relie », serait descriptif de cette qualité des services financiers. La chambre de recours aurait donc commis une erreur en parvenant à la conclusion inverse.

60      À cet égard, la requérante prétend, tout d’abord, que la chambre de recours aurait dû prendre en considération l’arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Harbinger/OHMI (TRUSTEDLINK) (T‑345/99, Rec. p. II‑3525), dans lequel il a été considéré que « link » était un élément descriptif et donc dépourvu de caractère distinctif. En effet, cette considération, fondée sur la signification courante de « link » et concernant des services comparables aux services visés par la marque antérieure, serait transposable à la présente affaire.

61      La requérante fait observer, ensuite, que les autorités chargées de l’administration des marques dans la Communauté seraient sceptiques à l’égard du caractère distinctif du terme « link ».

62      La requérante fait valoir, enfin, que de nombreuses marques et demandes de marques comportant l’élément « link » existent, tant dans le registre du Royaume-Uni que dans celui tenu par l’OHMI. Cette circonstance serait révélatrice de la faiblesse du caractère distinctif dudit élément.

63      L’OHMI fait observer que le caractère distinctif doit s’apprécier par rapport aux produits et aux services visés. Il expose que l’arrêt TRUSTEDLINK, précité, ne serait pas transposable au cas d’espèce dans la mesure où les services concernés ne sont pas des services de communication. En effet, à la différence de ces derniers services, le terme « link » ne désignerait pas une caractéristique essentielle des services financiers, tels que ceux visés par la marque antérieure, et ne serait donc pas directement descriptif, mais tout au plus allusif.

64      Pour répondre à l’allégation de son scepticisme face au caractère distinctif de l’élément « link », l’OHMI précise que, parmi les demandes de marques contenant ce terme et présentées devant lui, 55 ont été rejetées, alors que 371, dont 48 pour des services compris dans la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice, ont été accueillies.

65      L’intervenante se rallie aux arguments exposés dans la décision attaquée.

–       Appréciation du Tribunal

66      Selon la jurisprudence, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêt du Tribunal du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, Rec. p. II‑1677, point 35, et la jurisprudence citée].

67      Quant au caractère descriptif éventuel de l’élément « link » par rapport aux « services bancaires pour le retrait d’espèces ; services de transfert de fonds et de paiement ; services d’informations financières », il n’est pas contesté en l’espèce que « link » sera perçu par le public concerné comme signifiant « ce qui relie ». En outre, il apparaît effectivement, ainsi que le soutient la requérante, que les services financiers sont habituellement fournis au moyen d’un réseau électronique reliant les différents acteurs et consistant en une série de liens.

68      Toutefois, dans l’esprit des consommateurs concernés, à savoir l’ensemble des consommateurs du Royaume-Uni, l’objet des services financiers visés par la marque antérieure consiste à leur permettre de gérer leurs ressources financières, d’en disposer et d’obtenir des informations s’y rapportant, et non à créer et maintenir des liens. Par conséquent, ce public ne percevra pas le terme « link » comme étant directement descriptif d’une des qualités des services financiers en cause, mais tout au plus comme étant allusif, étant donné l’utilisation des liens de communication dans la fourniture desdits services.

69      Par ailleurs, quant à l’invocation par la requérante de l’arrêt TRUSTEDLINK, précité, il y a lieu de rappeler que cet arrêt concernait des produits informatiques et des services destinés au commerce électronique ainsi qu’aux communications électroniques. Ainsi, la finalité de ces produits et de ces services consistait à rendre possible une transaction ou une communication électronique, en assurant la création et le maintien des liens de communication, ce qui justifie que l’élément « link » a été considéré comme descriptif à leur égard. Or, ainsi qu’il a été observé au point précédent, dans la perception du public pertinent, l’objet des services visés par la marque antérieure ne consiste pas à créer des liens de communication, ce qui prive de pertinence l’invocation de l’arrêt TRUSTEDLINK, précité, en l’espèce.

70      Quant à l’approche prétendument sceptique des autorités chargées de l’administration des marques quant au caractère distinctif de l’élément « link », il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’OHMI et, le cas échéant, le juge communautaire ne sont pas liés par les décisions intervenues au niveau des États membres, lesquelles peuvent toutefois être prises en considération pour l’appréciation d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47, et du 26 novembre 2003, HERON Robotunits/OHMI (ROBOTUNITS), T‑222/02, Rec. p. II‑4995, point 52]. De même, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement n° 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de celles-ci (arrêt STREAMSERVE, précité, point 66).

71      En outre, les éléments présentés par la requérante ne permettent pas d’établir que les autorités nationales et l’OHMI refuseraient systématiquement de reconnaître le caractère distinctif de l’élément « link » pour des services financiers tels que ceux en cause en l’espèce. Ainsi, au Royaume-Uni, la marque antérieure a été qualifiée de « marque allusive valide » dans la décision du Hearing Officer ayant donné lieu à l’arrêt de la High Court, ce qui révèle une approche nuancée du Trade Marks Registry. Quant au système communautaire, les données statistiques présentées par l’OHMI, dont l’exactitude n’a pas été contestée, montrent que ce dernier ne considère généralement pas l’élément « link » comme étant dépourvu de caractère distinctif, y compris en ce qui concerne les services appartenant à la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice.

72      En ce qui concerne l’existence alléguée d’un grand nombre de marques nationales et communautaires contenant l’élément « link », les éléments présentés par la requérante, qui sont des extraits des bases de données de marques, ne permettent pas de vérifier si cette circonstance implique que ledit élément serait effectivement perçu par le public concerné comme étant dépourvu de caractère distinctif par rapport aux services visés par la marque antérieure. En effet, les extraits présentés ne contiennent généralement pas de description des produits et des services visés par les différentes marques répertoriées, ceux‑ci se bornant à indiquer les numéros de classes au sens de l’arrangement de Nice. Or, dans la mesure où le caractère distinctif d’un élément est susceptible de varier en fonction des produits et des services, et ce même au sein d’une classe au sens de l’arrangement de Nice, cette indication n’est pas suffisante. De même, à défaut de précisions supplémentaires, les marques contenant des éléments autres que « link » inclus dans les extraits ne sont pas pertinentes, étant donné que ces autres éléments sont susceptibles de participer dans une mesure significative au caractère distinctif global de la marque. Enfin, les extraits n’indiquent pas si les marques en cause ont été enregistrées en raison de leur caractère distinctif intrinsèque ou en raison du caractère distinctif acquis par leur usage.

73      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant, au point 51 de la décision attaquée, que l’élément « link » n’est pas directement descriptif des services visés par la marque antérieure mais seulement allusif à leur égard.

 Sur la similitude des signes

–       Arguments des parties

74      La requérante s’oppose, tout d’abord, à la conclusion selon laquelle le terme « link » serait l’élément distinctif et dominant de la marque antérieure et de la marque demandée. En effet, dans l’analyse de la marque antérieure, la chambre de recours aurait fait abstraction de son élément figuratif ainsi que du fait que l’élément « link » n’était que faiblement distinctif. Dans le cas de la marque demandée, elle aurait constaté erronément que ce dernier élément était dominant uniquement parce que le caractère distinctif de l’autre élément, « world », aurait été encore moins important.

75      La requérante considère ensuite que le signe WORLDLINK sera perçu comme un tout par le public pertinent et ne sera pas dissocié en deux éléments « world » et « link ». Se fondant sur cette prémisse, la requérante estime que la marque demandée et la marque antérieure présentent des différences visuelles et phonétiques considérables. Elle fait observer à cet égard que, contrairement à ce que l’OHMI avait supposé, lors de la prononciation normale du terme « worldlink », l’accent se met sur la première syllabe. Par conséquent, la seule similitude existant entre les signes en conflit serait une faible similitude conceptuelle, qui serait cependant contrebalancée par le caractère descriptif de l’élément « link ». La requérante en conclut que les signes en cause en l’espèce ne peuvent pas être confondus ou associés par les consommateurs.

76      L’OHMI et l’intervenante se rallient à la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’élément « link » est l’élément dominant ainsi que le principal élément permettant d’identifier la marque antérieure et la marque demandée. Ils considèrent dès lors que les deux signes en conflit sont similaires.

–       Appréciation du Tribunal

77      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

78      À cet égard, un élément d’une marque peut être considéré comme dominant lorsqu’il est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 33]. Lors de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe (arrêt MATRATZEN, précité, point 35).

79      En ce qui concerne l’existence d’éléments dominants dans les deux signes en conflit, il y a lieu de relever que l’élément « link » est le seul élément verbal de la marque antérieure, dans laquelle il occupe une position centrale et est représenté en caractères de grande taille. En outre, l’élément figuratif, placé à droite de l’élément verbal de la marque antérieure, auquel se réfère la requérante, représente, de manière stylisée, deux cercles entrelacés formant un lien. Dès lors, ce dernier élément ne sera perçu par le public concerné que comme une illustration du contenu conceptuel de l’élément verbal « link ». Il convient d’en conclure, à l’instar de la chambre de recours, que la marque antérieure est dominée par l’élément « link ».

80      Quant à la marque demandée, il importe de remarquer que, si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents éléments (arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 25), il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il le décomposera en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou ressemblent à des mots qu’il connaît [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 51].

81      Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, le public concerné, qui est anglophone, décomposera la marque demandée en deux éléments, « world » et « link », qui sont des mots courants de la langue anglaise.

82      Sur les plans visuel et phonétique, le poids des deux éléments précités dans la perception du public concerné est comparable, l’impact de l’élément « world » étant légèrement plus prononcé en raison de sa position au début de la marque demandée. Sur le plan conceptuel toutefois, conformément aux règles de la grammaire anglaise, l’élément « world » sera conçu par les consommateurs concernés, en raison de son placement en première position, comme un adjectif signifiant « global » et qualifiant l’élément « link ». Ainsi, le poids conceptuel de l’élément « world » sera moins important que celui de l’élément « link », le premier étant l’accessoire du second. De plus, en raison de sa signification, l’élément « world » sera perçu comme étant descriptif d’une qualité des services visés, les services financiers étant souvent fournis à l’échelle mondiale, alors que l’élément « link » est tout au plus allusif par rapport à ces mêmes services, ainsi qu’il a été conclu au point 68 ci‑dessus. Il s’ensuit que, sur le plan conceptuel, l’élément « link » est considérablement plus important dans l’impression d’ensemble que dégage la marque demandée. Toutefois, son caractère distinctif n’est pas suffisant pour rendre l’autre élément négligeable, ce qui implique qu’il ne peut pas être considéré comme étant l’élément dominant de ladite marque.

83      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’observer que, sur les plans visuel et phonétique, les signes en conflit présentent une certaine similitude en raison de leur élément commun « link ». Ce constat n’est pas remis en cause par l’argument de la requérante tiré de ce que, lors de la prononciation de « worldlink », l’accent serait mis sur la première syllabe. En effet, cette circonstance n’est pas de nature à rendre l’élément « link » imperceptible pour le consommateur concerné. Toutefois, la similitude visuelle et phonétique due à l’élément commun « link » est affaiblie, sans être complètement neutralisée, par la présence de l’élément « world » placé au début de la marque demandée. Par conséquent, il y a lieu de constater que les signes en conflit sont faiblement similaires sur les plans visuel et phonétique.

84      Sur le plan conceptuel, la marque antérieure sera perçue par le public concerné comme signifiant un « lien », alors que la marque demandée sera conçue comme signifiant « lien global ». Or, ces deux interprétations sont très proches dans la mesure où elles sont fondées sur le même concept et où elles ne se distinguent que par l’adjonction d’un qualificatif géographique, qui sera perçu comme décrivant le fait que les services concernés sont fournis à l’échelle mondiale. Les deux marques en conflit sont donc fortement similaires sur le plan conceptuel.

85      Étant donné, d’une part, leur faible similitude visuelle et phonétique et, d’autre part, leur forte similitude conceptuelle, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant en substance, au point 46 de la décision attaquée, que les signes en conflit, appréciés dans leur ensemble, présentent un certain degré de similitude.

 Sur le risque de confusion

–       Arguments des parties

86      Selon la requérante, la faible similitude existant entre les signes en conflit ne saurait conduire à un risque de confusion. La constatation de l’existence d’un tel risque octroierait ainsi indûment à l’intervenante un monopole de l’usage du mot « link ».

87      L’existence d’un risque de confusion en l’espèce serait d’autant moins probable que, depuis plusieurs années, les marques LiNK et WORLDLINK ont coexisté pacifiquement dans le registre des marques et sur le marché du Royaume-Uni, sans engendrer de confusion parmi les consommateurs ni de conflit juridique.

88      La requérante fait observer en outre que le fait que le Trade Marks Registry, qui examine d’office l’existence des motifs relatifs de refus, n’a pas considéré qu’il existait une similitude susceptible d’entraîner un risque de confusion entre les marques LiNK et WORLDLINK est un élément hautement pertinent militant contre la reconnaissance d’un tel risque par l’OHMI. Or, la chambre de recours n’aurait pas pris en considération cette circonstance, malgré le fait que l’affaire examinée par le Trade Marks Registry et le présent litige concernent les mêmes marques, les mêmes parties et le même territoire.

89      L’OHMI estime, d’abord, que la conclusion de la chambre de recours sur l’existence d’un risque de confusion est justifiée en raison de la similitude existant, d’une part, entre les services en cause et, d’autre part, entre les signes en conflit. Il poursuit en faisant observer que, de par sa construction, « worldlink » est si proche de « link » que le public concerné attribuerait probablement une origine commune à des services identiques ou similaires visés par les deux signes en conflit, nonobstant le caractère allusif de l’élément « link ».

90      L’OHMI soutient, ensuite, que l’argument fondé sur la coexistence entre LiNK et WORLDLINK ne saurait être décisif dans la mesure où, d’une part, la coexistence de deux marques sur un marché national n’exclut pas a priori l’existence d’un risque de confusion et où, d’autre part, une telle coexistence entre la marque antérieure et la marque nationale WORLDLINK n’aurait pas été suffisamment établie en l’espèce. En outre, une différence existerait entre les services visés par la marque demandée et ceux visés par la marque nationale WORLDLINK.

91      Enfin, quant au fait que le Trade Marks Registry a estimé qu’il n’existait pas de risque de confusion entre la marque nationale WORLDLINK et la marque antérieure, l’OHMI rappelle qu’il n’est pas lié par les décisions des autorités nationales.

92      L’intervenante se rallie aux arguments de l’OHMI, tout en précisant qu’aucune opposition n’a été formée par l’intervenante devant le Trade Mark Registry dans la procédure à laquelle la requérante se réfère et que, par conséquent, l’autorité du Royaume-Uni n’était pas amenée à se prononcer sur l’existence d’un risque de confusion invoqué par un tiers. Par ailleurs, l’intervenante expose que, au moment où a été adoptée la décision invoquée par la requérante, elle n’était titulaire d’aucun droit antérieur qui aurait pu être pris en considération par le Trade Marks Registry, alors qu’elle serait actuellement titulaire de nombreux droits et marques antérieurs dont il a été tenu compte dans des procédures récentes.

–       Appréciation du Tribunal

93      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

94      Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et PICARO, précité, points 49 et 50, et la jurisprudence citée].

95      En l’espèce, il résulte de l’examen mené ci‑dessus que les services concernés sont identiques et que les signes en conflit présentent un certain degré de similitude, la marque demandée ne se différenciant de l’élément dominant de la marque antérieure que par l’adjonction d’un élément qui sera perçu par les consommateurs concernés comme un qualificatif géographique descriptif.

96      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure à l’existence d’un risque de confusion, nonobstant le fait que la marque antérieure est allusive dans une certaine mesure. En effet, si cette circonstance implique, ainsi que le soutient la requérante, que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure est limité, et si elle est, par conséquent, susceptible de réduire ledit risque (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 24), elle n’est pas apte à l’écarter dans les circonstances de l’espèce.

97      Ce constat n’est pas remis en cause par les arguments invoqués par la requérante.

98      Ainsi, en premier lieu, le fait de constater l’existence d’un risque de confusion dans le cas d’espèce ne revient pas à conférer à l’intervenante un monopole sur l’utilisation de l’élément « link ». En effet, la présente affaire ne concerne que, d’une part, la marque antérieure LiNK et la marque demandée WORLDLINK et, d’autre part, les services visés par ces deux marques. Or, étant donné que le risque de confusion doit être apprécié en fonction de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, la conclusion relative à l’existence d’un risque de confusion dans la présente affaire ne préjuge pas de la solution à apporter à d’autres affaires mettant en cause d’autres demandes de marques ou encore d’autres services financiers.

99      En deuxième lieu, il convient d’observer que, dans sa requête, la requérante n’a pas exposé de façon circonstanciée l’argument tiré de la prétendue coexistence pacifique entre la marque antérieure et sa marque nationale WORLDLINK, et qu’elle n’a pas non plus présenté au Tribunal les éléments de preuve établissant à suffisance ladite coexistence. En outre, ainsi que l’OHMI l’a relevé, la coexistence pacifique entre deux marques peut résulter de motifs autres que l’absence de risque de confusion entre elles [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 mai 2005, Grupo Sada/OHMI – Sadia (GRUPO SADA), T‑31/03, Rec. p. II‑1667, point 86], ce qui implique que cette circonstance n’est pas de nature à exclure, en elle‑même, un tel risque. Enfin, il y a lieu de relever que la marque nationale WORLDLINK de la requérante est enregistrée pour les « services bancaires électroniques et sur support papier, tous concernant les systèmes de paiement multidevises ». Si ces services relèvent de la catégorie « affaires financières » visées par la marque demandée et contre laquelle est dirigée l’opposition, ils sont néanmoins considérablement plus spécifiques que l’ensemble des services compris dans cette catégorie, cette dernière comprenant également d’autres services présentant des caractéristiques différentes. Or, dans la mesure où ces autres services ne sont pas visés par la marque nationale WORLDLINK, la coexistence de cette dernière marque avec la marque antérieure n’est pas pertinente en soi pour apprécier, pour autant que ces services sont concernés, l’existence du risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure.

100    En troisième et dernier lieu, la disparité entre les services visés par la marque demandée et ceux visés par la marque nationale WORLDLINK, constatée au point précédent, prive de pertinence pour la présente affaire la position alléguée du Trade Marks Registry à l’égard de cette dernière marque.

101    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en constatant l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure. Il convient dès lors de rejeter le second moyen et, donc, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Citigroup, Inc. est condamnée aux dépens.

Meij

Pelikánová

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 février 2008.

Le greffier

 

       Le président faisant fonction

E. Coulon

 

      A. Meij


* Langue de procédure : l’anglais.