Language of document : ECLI:EU:T:2008:72

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 mars 2008 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale Delivering the essentials of life – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑128/07,

Suez, établie à Paris (France), représentée par Mes P. Combeau et D. Régnier, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 2 février 2007 (affaire R 811/2006-1), concernant une demande d’enregistrement de la marque verbale Delivering the essentials of life comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme K. Pocheć,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2007,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 juillet 2007,

à la suite de l’audience du 21 novembre 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 octobre 2004, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Delivering the essentials of life.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes l, 9, 11, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 1 : « Produits chimiques destinés à l’industrie, aux sciences, à la photographie, ainsi qu’à l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture ; résines artificielles à l’état brut, matières plastiques à l’état brut ; engrais pour les terres ; compositions extinctrices ; préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; produits chimiques destinés à conserver les aliments ; matières tannantes ; adhésifs (matières collantes) destinés à l’industrie ; produits chimiques destinés au traitement de l’eau ; produits chimiques pour la purification de l’eau » ;

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques (autres qu’à usage médical), nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) ; appareils et instruments d’enseignement ; appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques ; disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses ; machines à calculer ; appareils pour le traitement de l’information, ordinateurs ; extincteurs ; appareils indicateurs de niveau d’eau ; appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques ; disques acoustiques ; disques compacts, disques compacts interactifs, disques compacts à mémoire morte, disques vidéo-numériques ; progiciels ; logiciels ; publication électronique (téléchargeable) ; appareils téléphoniques, écouteurs téléphoniques, fils téléphoniques, transmetteurs téléphoniques, postes radiotéléphoniques » ;

–        classe 11 : « Appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires ; accessoires de réglage et de sûreté pour appareils à eau ; appareils à filtrer l’eau ; appareils de prise d’eau ; appareils et installations pour l’adoucissement de l’eau ; appareils et installations pour la purification de l’eau ; installations de conduites d’eau ; installations de distribution d’eau ; installations pour l’approvisionnement d’eau ; installations pour le refroidissement de l’eau ; appareils réchauffeurs d’eau ; installations de refroidisseurs d’eau ; stérilisateurs d’eau ; filtres pour l’eau ; réservoir d’eau ; installations de chauffage à eau chaude » ;

–        classe 16 : « Papier et carton (brut, mi-ouvré ou pour la papeterie ou l’imprimerie) ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; livres, journaux, magazines, affiches ; papeterie ; adhésifs (matière collantes pour la papeterie ou le ménage) ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction et d’enseignement (à l’exception des appareils) ; caractères d’imprimerie ; clichés » ;

–        classe 35 : « Organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité ; services de réponses téléphoniques ; diffusion d’annonces publicitaires, transcription de communications ; abonnement à des journaux ; aide à la direction des affaires ; aide à la direction, à l’exploitation et au développement d’entreprises industrielles ou commerciales ; diffusion d’annonces publicitaires ; publicité radiophonique, publicité télévisée ; location de matériel publicitaire ; relations publiques ; services de conception et de création de campagnes publicitaires ; créations publicitaires » ;

–        classe 36 : « Affaires bancaires, affaires financières, affaires monétaires, agences de crédit, services d’analyse financière, assurances, assurance vie, services de crédit-bail, services de courtage en bourse, services de financement, services d’investissement financier, d’ingénierie financière, montage d’opérations financières, prises de participations dans tous types de sociétés, organismes et groupements, rachat d’entreprises, rapprochement d’entreprises, financement de l’innovation ; services de prêts ; parrainage et mécénat financier ; affaires immobilières, courtage de biens immobiliers, évaluation et gérance de biens immobiliers, location de biens immobiliers, estimations immobilières, investissement de capitaux » ;

–        classe 37 : « Constructions et réparations ; installations et réparations de systèmes de distribution d’eau, de traitement des eaux et de dispositifs d’irrigation ; nettoyage de bâtiments et d’édifices ; désinfection ; travaux publics ; construction, supervision de travaux de construction, démolition de constructions ; construction d’usines, de ponts ; réalisation de revêtements routiers, services d’étanchéité ; installation et réparation de chauffage, d’appareils pour le conditionnement de l’air, d’appareils électriques, de fourneaux, d’appareils de réfrigération ; services de conception et de construction de stations de traitement des eaux ; services de réalisation de conduites d’eau et d’usines de traitement de l’eau et informations en ces domaines » ;

–        classe 38 : « Télécommunications, télécommunications multimédia, télécommunications par terminaux d’ordinateurs, par voie télématique, radiophonique, télégraphique, téléphonique ; diffusion de programmes de télévision ; émissions radiophoniques, télévisées ; communications téléphoniques, radiophoniques, par réseau de fibres optiques, par terminaux d’ordinateurs ; services de communications, communications radiophoniques, télégraphiques télématiques ; transmission de messages, transmission de messages et d’images assistée par ordinateur, transmission et échange de données, d’informations, de messages, de signaux et d’images codées ; transmission d’informations contenues dans des banques de données ; visualisation d’informations d’une banque de données ; services d’appel radioélectrique, messagerie électronique, radiotéléphonie mobile, transmission par satellite, information en matière de télécommunications, location d’appareils de télécommunication, de modems, de télécopieurs, de téléphones ; diffusion de programmes de télévision, émissions radiophoniques et télévisées ; télévision par câble ; location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données ; consultation dans le domaine du multimédia, de la télématique, de la télécommunication » ;

–        classe 39 : « Transport ; emballage et entreposage de marchandises ; organisation de voyages ; services d’adduction et de distribution des eaux ; transport d’eau ; transport aérien, terrestre, par bateau, courtage en matière de transport, information en matière de transport ; distribution d’énergie et de l’électricité ; conditionnement de produits, notamment mise en bouteilles et bonbonnes d’eau, livraison de marchandises, notamment de bouteilles et bonbonnes d’eau » ;

–        classe 40 : « Traitement de matériaux ; traitement et purification de l’eau ; traitement des déchets, destruction d’ordures, désodorisation, purification et rafraîchissement de l’air ; production d’énergie ; location de générateurs ; information en matière de traitement des matériaux ; incinération d’ordures, recyclage d’ordures et de déchets ; services de production d’eau, services de traitement de l’eau, de l’eau potable, services de purification de l’eau, services d’assainissement ; tri de déchets et de matières premières de récupération ; imprimerie » ;

–        classe 41 : « Édition ; services d’enseignement et de formation ; services d’enseignement et de formation dans les domaines du traitement des déchets, des ordures, des boues ; diffusion d’informations culturelles et de loisirs ; organisation et conduite de conférences ; divertissement télévisé, production de films, montage de bandes vidéo, montage de programmes radiophoniques et de télévision ; divertissement télévisé, production de films, montage de bandes vidéo, montage de programmes radiophoniques et de télévision ; remise de récompenses ; divertissements ; organisation de concours en matière de loisirs ; location de lieux d’exposition ; reportages photographiques » ;

–        classe 42 : « Recherche en chimie, en bactériologie, analyse chimique ; architecture, conseils en construction, établissement de plans pour la construction ; recherche en mécanique, étude de projets techniques, expertises (travaux d’ingénieurs) ; consultations sur la protection de l’environnement ; conception et élaboration de logiciels ; téléchargement ; consultation dans le domaine de l’informatique ; consultations techniques et expertise dans le domaine du multimédia ; création (conception) de plans de communication, de sites notamment pour le commerce électronique, de sites marchands, de bornes interactives, intranet ou extranet ; conception de centres serveurs, conception et réalisation d’applications informatiques de communication utilisant tous les médias numériques sous toutes formes de stockage et utilisant tout type de communication par réseau, conception de réseaux informatiques ; mise à jour et création de sites ; création (conception) et réalisation de disques compacts interactifs, optiques et à mémoire morte ».

4        Par décision du 20 avril 2006, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94, au motif, d’une part, que la marque demandée n’était pas distinctive et, d’autre part, qu’elle était descriptive des produits et des services visés dans les parties anglophones de la Communauté.

5        Le 16 juin 2006, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 2 février 2007 (ci‑après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours au motif que le signe verbal Delivering the essentials of life était un slogan promotionnel dépourvu de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

10      Premièrement, la requérante relève que la marque Delivering the essentials of life est un ensemble de mots de langue anglaise, signifiant « fournir les bases de la vie » et dont l’équivalent français utilisé par la requérante dans les pays francophones est « vous apporter l’essentiel de la vie ». Or, selon la requérante, la décision attaquée ne donne aucune traduction de ce groupe de mots. La chambre de recours admettrait en outre, dans la décision attaquée, que cette expression peut se comprendre de différentes manières et peut, dès lors, avoir un sens vague, voire philosophique. Il serait ainsi établi que le signe demandé pris dans son ensemble n’a pas de signification précise.

11      Deuxièmement, la requérante estime que, contrairement à ce qu’indique la décision attaquée, le terme « essentials » ne définit pas quelque chose d’indispensable et est dépourvu de connotation strictement laudative. Il s’agirait seulement d’un message à connotation positive, idéaliste, n’ayant rien de concret.

12      Troisièmement, la requérante relève qu’un slogan peut être enregistré en tant que marque et que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a admis que son enregistrement n’était pas exclu en raison d’une telle utilisation. Partant, il convient, selon la requérante, de déterminer si la marque demandée, qui constitue effectivement un slogan, est ou non de nature à remplir sa fonction de marque, à savoir distinguer les produits et services provenant d’une entreprise de ceux provenant d’autres entreprises.

13      À cet égard, la requérante estime que, compte tenu de sa signification imprécise et abstraite, la marque demandée ne décrit pas les propriétés ou caractéristiques des produits ou des services qu’elle est destinée à désigner. Elle ne vanterait pas non plus la qualité desdits produits ou services. Par ailleurs, selon la requérante, il existe un contraste entre le terme « delivering », en vertu duquel le public s’attend à ce qu’il lui soit fourni quelque chose de concret, et les termes « essentials of life », qui ne visent rien de précis et dont la signification varie d’un individu à l’autre. Ainsi, ce slogan provoquerait un effet de surprise. Au demeurant, la marque demandée n’est pas dépourvue de fantaisie ou d’imagination, dès lors qu’elle promet, selon la requérante, d’apporter une chose conceptuelle. Ce slogan étant, en outre, utilisé pour accompagner ses produits et services, la requérante estime qu’il est difficile de comprendre pourquoi il ne permettrait pas aux consommateurs d’identifier leur provenance commerciale. Il importe seulement, selon elle, que le slogan ne puisse pas être compris comme promettant au consommateur de lui apporter quelque chose d’objectif, ce qui est le cas en l’espèce. Dès lors, les autres entreprises du secteur n’ont aucune raison, selon la requérante, d’utiliser cette expression comme slogan ou marque.

14      Quatrièmement, la requérante considère que, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas analysé le signe demandé par rapport aux produits et aux services visés dans la demande d’enregistrement. Elle se serait contentée d’affirmer qu’il s’agissait de produits divers utilisés dans l’industrie, mais également de produits d’utilisation quotidienne et de services variés. Or, il ressortirait de la jurisprudence qu’un signe n’est dépourvu de caractère distinctif que s’il présente avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de la catégorie des produits et des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques. La requérante estime qu’il faut en déduire qu’un signe n’est élogieux que si l’éloge porte sur un mérite ou une qualité concrète des produits et des services en cause et leur est directement attribuable. Or, cela ne serait pas le cas en l’espèce.

15      Cinquièmement, le caractère distinctif de la marque demandée est, selon la requérante, corroboré par le fait qu’elle a été enregistrée dans de nombreux pays, dans sa version anglaise (notamment aux États-Unis), dans sa version française (notamment en France et au Benelux) et dans sa version espagnole. La requérante relève en outre que l’OHMI a accepté l’enregistrement de nombreuses autres marques construites sur le même modèle, qui promettent la fourniture de quelque chose d’abstrait et dont le caractère distinctif n’apparaît pas plus élevé que celui de la marque demandée. Dès lors, la requérante estime que, même si le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit pas être apprécié sur la base d’une pratique antérieure de l’OHMI, cette pratique antérieure révèle tout du moins qu’il n’existe aucun obstacle sérieux à l’enregistrement de la marque demandée.

16      L’OHMI conteste l’ensemble des arguments de la requérante et considère que le recours n’est pas fondé.

 Appréciation du Tribunal

17      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

18      Les signes dépourvus de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont ceux qui sont incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service afin de permettre au public concerné de répéter une expérience d’achat, si elle s’avère positive, ou de l’éviter, si elle s’avère négative, lors de l’acquisition ultérieure des produits ou des services en question [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, Rec. p. II‑705, point 26, et du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, Rec. p. II‑1915, point 24]. Tel est le cas, notamment, des signes qui sont communément utilisés pour la commercialisation des produits ou des services concernés [arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 65] ou qui sont susceptibles de l’être [arrêt du Tribunal du 31 mars 2004, Fieldturf/OHMI (LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS), T‑216/02, Rec. p. II‑1023, point 34].

19      Même si l’enregistrement d’une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou services visés par cette marque n’est pas exclu en tant que tel en raison d’une telle utilisation (arrêt LIVE RICHLY, précité, point 66), il n’en demeure pas moins qu’un signe qui remplit d’autres fonctions que celles d’une marque au sens classique n’est distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, que s’il peut être perçu d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services visés afin de permettre au public concerné de distinguer sans confusion possible les produits ou services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale [arrêt du Tribunal du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, Rec. p. II‑2235, point 21].

20      Pour constater l’absence de caractère distinctif, il suffit que le contenu sémantique du signe verbal en cause indique au consommateur une caractéristique du produit ou du service qui, sans être précise, procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire que le public pertinent percevra en premier lieu en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des services [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, Rec. p. II‑5179, points 29 et 30, et Mehr für Ihr Geld, précité, point 31].

21      Aussi, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception d’un public concerné qui est constitué par le consommateur de ces produits ou services [arrêts du Tribunal LITE, précité, point 27, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 38], en particulier parce que la perception de la marque par le public concerné est influencée par son niveau d’attention, qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 42].

22      En l’espèce, il y a lieu de relever, tout d’abord, que le signe demandé Delivering the essentials of life est composé de mots de langue anglaise dont la combinaison est grammaticalement correcte et, prise dans son ensemble, a un sens pour un public anglophone ou ayant des connaissances suffisantes de l’anglais, en ce qu’il peut être lu et compris par celui-ci. Dès lors, la chambre de recours a considéré à juste titre que le public concerné était anglophone, ce qui n’est pas contesté par la requérante.

23      Il convient aussi de rappeler que les produits et services désignés dans la demande de marque sont des produits chimiques (classe 1), des appareils et instruments scientifiques (classe 9), des appareils et instruments utilisés quotidiennement par le consommateur moyen (classe 11), des produits de papier et de carton (classe 16) ainsi que des services de publicité (classe 35), financiers (classe 36), de construction (classe 37), de télécommunication (classe 38), de transport (classe 39), de traitement de matériaux (classe 40), de diffusion d’informations (classe 41) ainsi que de recherche et de conception technique (classe 42). Comme le relève à juste titre l’OHMI, le public concerné par ces produits et services, s’agissant des classes 9, 11, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 40 et 41, est constitué par les professionnels des secteurs concernés ainsi que par le consommateur final et, s’agissant des classes 1 et 42, par les professionnels des secteurs concernés.

24      À supposer que la chambre de recours, en désignant le public pertinent comme étant le consommateur moyen, n’ait pas pris en compte les professionnels, une telle erreur serait pourtant sans conséquence, car il résulte de la jurisprudence que, malgré un niveau d’attention généralement élevé d’un public composé de professionnels, ce niveau peut être relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel qui ne sont pas déterminantes pour un public avisé (voir, en ce sens, arrêts REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, précité, point 24 ; BEST BUY, précité, point 25, et LIVE RICHLY, précité, point 74).

25      S’agissant du caractère distinctif du signe demandé, il convient de constater, à l’instar des parties, que le signe demandé Delivering the essentials of life est un slogan promotionnel qui, comme l’ont relevé la chambre de recours et la requérante, dans l’abstrait, ne vise rien de précis, peut se comprendre de différentes manières et peut alors avoir notamment un sens vague, voire philosophique. Il y a également lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que le caractère laudatif et promotionnel dudit signe résulte du mot « essentials », qui signale qu’il s’agit de produits et de services importants pour la vie de leurs consommateurs. La requérante reconnaît, d’ailleurs, qu’il s’agit d’un message « à connotation positive, idéaliste ».

26      Certes, la requérante fait aussi valoir qu’il doit être déduit de la jurisprudence, issue de l’arrêt du Tribunal du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM) (T‑334/03, Rec. p. II‑65), qu’un signe n’est élogieux que si l’éloge porte sur un mérite ou une qualité concrète des produits et des services en cause et leur est directement attribuable, ce qui, selon elle, n’est pas le cas en l’espèce. Toutefois, cette jurisprudence se réfère aux signes descriptifs visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 et non à ceux qui relèvent de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, qui est seul pertinent en l’espèce. En outre, la seule absence d’information relative à la nature des produits ou des services visés ne saurait être suffisante pour conférer un caractère distinctif à ce signe (voir, en ce sens, arrêts BEST BUY, précité, point 30, et Mehr für Ihr Geld, précité, point 31). Par ailleurs, comme le relève l’OHMI et contrairement à ce que prétend la requérante, il doit être considéré qu’un signe peut être laudatif non seulement en vantant des qualités concrètes qui sont directement attribuables aux produits et aux services visés, mais également en vantant leurs qualités abstraites.

27      Il s’ensuit que, par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé, un public anglophone comprendra le signe demandé comme faisant allusion, de manière laudative et promotionnelle, à la fourniture de produits et de services qui sont essentiels à la vie de leurs consommateurs. Or, une telle signification abstraite ne donne pas d’emblée au public concerné une indication de l’origine commerciale ou de la destination de ces produits et services, ce qui suffit pour constater l’absence de caractère distinctif du signe demandé (voir point 20 ci-dessus). Dans la mesure où le public pertinent est peu attentif à l’égard d’un signe qui ne lui donne pas d’emblée une indication sur la provenance et/ou la destination de ce qu’il souhaite acheter, mais plutôt une information exclusivement promotionnelle et abstraite, il s’ensuit également qu’il est peu probable, en l’espèce, que le public concerné s’attarde à rechercher les différentes fonctions éventuelles du slogan promotionnel abstrait en cause et à le mémoriser en tant que marque (voir, en ce sens, arrêt REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, précité, point 29).

28      En outre, l’OHMI relève à juste titre que le signe demandé est un slogan classique dans sa forme et est dépourvu d’éléments qui pourraient, au-delà de sa signification promotionnelle, permettre au consommateur moyen concerné de le mémoriser facilement et immédiatement en tant que marque pour les produits et services désignés (voir, en ce sens, arrêts REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, précité, point 28, et LIVE RICHLY, précité, point 85). En particulier, contrairement à ce que prétend la requérante, ce slogan ne provoque pas un effet de surprise et les éléments de fantaisie et d’imagination qu’elle y perçoit ne sont pas d’une nature permettant d’identifier cette suite de mots comme une marque. En effet, afin de permettre l’identification de l’origine commerciale des produits et des services offerts, ce genre de slogan est utilisé, le plus souvent, en association avec une marque. En revanche, dans l’hypothèse où le signe en cause serait utilisé seul, sans autre signe ou marque, le public concerné ne pourrait, sans en avoir été averti préalablement, le percevoir autrement que dans son sens promotionnel (voir, en ce sens, arrêts REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, précité, point 28, et LIVE RICHLY, précité, point 85). Or, en l’espèce, il n’existe aucun indice d’un tel avertissement.

29      Ainsi, en raison de l’absence d’une référence à l’origine commerciale des produits et des services visés, du contenu laudatif et imprécis du signe demandé et de l’absence d’un avertissement préalable du public concerné, il y a lieu de considérer que ce dernier comprendra ledit signe, de prime abord, comme un slogan promotionnel et ne cherchera pas à le reconnaître comme une marque indiquant l’origine commerciale des produits et des services visés.

30      Par conséquent, eu égard à ce qui précède, il convient de constater que le signe demandé n’a pas de caractère distinctif.

31      Enfin, ce constat n’est pas remis en cause par les autres arguments avancés par la requérante. Premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel le signe demandé ne promet pas au consommateur de lui apporter quelque chose d’objectif et que, dès lors, d’autres entreprises n’ont aucune raison de l’utiliser, il y a lieu de relever que ni le fait que les concurrents de la requérante n’aient pas d’intérêt à utiliser ledit signe ni l’absence de promesse faite au consommateur de lui apporter quelque chose de précis ne confère un caractère distinctif audit signe.

32      Deuxièmement, dans la mesure où la requérante fait valoir que le signe demandé a été accepté en tant que marque dans ses différentes versions linguistiques dans des États membres et des pays tiers et que l’OHMI a enregistré des slogans qui sont, selon elle, semblables à celui du cas d’espèce, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, d’une part, le régime communautaire des marques est un système autonome et, d’autre part, la légalité des décisions des chambres de recours s’apprécie uniquement sur la base du règlement n° 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de celles-ci (arrêts BEST BUY, précité, point 41, et LIVE RICHLY, précité, point 95). Dès lors, cet argument n’est pas pertinent.

33      Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a omis d’analyser le signe demandé par rapport aux produits et aux services visés dans la demande d’enregistrement, il convient de relever que la chambre de recours a observé que les produits et services désignés dans la demande de marque étaient à la fois des produits divers utilisés dans l’industrie, mais également des produits d’utilisation quotidienne et des services variés. L’OHMI souligne à juste titre que la chambre de recours pouvait retenir que la perception du signe demandé par le public concerné serait la même pour tous les produits et services visés. En particulier, il résulte de la jurisprudence que, lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, l’OHMI peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy, C‑239/05, Rec. p. I‑1455, point 37).

34      Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

35      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Suez est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : le français.