Language of document : ECLI:EU:T:2008:69

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 mars 2008 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative Coto D’Arcis – Marques communautaires verbales antérieures EL COTO et COTO DE IMAZ – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Absence d’atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑332/04,

Sebirán, SL, établie à Requena (Espagne), représentée par Mes J. A. Calderón Chavero et T. Villate Consonni, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Laporta Insa, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

El Coto de Rioja, SA, établie à Oyón (Espagne), représentée initialement par MM. E. López Camba, puis par Mes López Camba et J. Grimau Muñoz, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 15 juin 2004 (affaire R 550/2003‑2), relative à une procédure d’opposition entre El Coto de Rioja, SA et Sebirán, SL,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme I. Wiszniewska-Białecka, faisant fonction de président, MM. V. Vadapalas et E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2004,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 26 novembre 2004,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 18 novembre 2004,

à la suite de l’audience du 23 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 mars 2000, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32, 33 et 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » ;

–        classe 39 : « Transport ; emballage et entreposage de marchandises diverses ».

4        Le 23 octobre 2000, cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 84/00.

5        Le 22 janvier 2001, l’intervenante a formé opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, en se fondant sur son nom commercial et sur plusieurs marques antérieures contenant le terme « coto », dont notamment :

–        la marque verbale communautaire EL COTO, enregistrée le 30 juillet 1999, notamment, pour les « bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons  non alcooliques ; sirops et autres préparations pour faire des boissons », relevant de la classe 32, et les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33 ;

–        la marque verbale communautaire COTO DE IMAZ, enregistrée le 5 octobre 1999, notamment, pour les « vins, spiritueux et liqueurs », relevant de la classe 33.

6        À l’appui de son opposition, dirigée à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits et des services visés par la demande d’enregistrement, l’intervenante a invoqué l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement nº 40/94.

7        Par décision du 22 juillet 2003, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

8        Le 15 septembre 2003, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 15 juin 2004 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours a partiellement accueilli le recours. Elle a confirmé la décision de la division d’opposition pour autant qu’elle rejetait l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les services relevant de la classe 39. La chambre de recours a considéré, d’une part, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit, lesdits services étant différents des produits désignés par les marques antérieures et, d’autre part, que le profit indu tiré du caractère distinctif des marques antérieures ou le préjudice porté à ce dernier, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94, n’était pas établi (point 13 de la décision attaquée).

10      La chambre de recours a annulé partiellement la décision de la division d’opposition et rejeté la demande d’enregistrement pour les produits relevant des classes 32 et 33. En substance, après avoir relevé que l’identité ou la similitude des produits en cause relevant desdites classes étaient incontestées, la chambre de recours a considéré que les similitudes phonétique, visuelle et conceptuelle des marques en conflit pouvaient créer un risque de confusion dans l’esprit du public concerné, à tout le moins en Espagne, pays dans lequel la marque antérieure EL COTO possède un caractère distinctif accru en raison de la connaissance dont elle jouit auprès du public. Selon la décision attaquée, cette conclusion n’est pas remise en cause par les différences existant entre les marques en conflit, en particulier par la présence du second élément verbal « d’arcis » dans la marque demandée, étant donné que le public pourrait percevoir cette dernière comme une variante de la marque antérieure EL COTO. Cette hypothèse serait d’autant plus plausible que l’intervenante utilise des marques dérivées de la marque principale EL COTO, à savoir les marques COTO DE IMAZ, COTO MAYOR, COTO REAL et COTO PRIVADO (points 38 à 40 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        confirmer la décision de la division d’opposition ;

–        ordonner à l’OHMI d’enregistrer la marque demandée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée pour autant qu’elle a rejeté le recours formé par l’intervenante pour les services relevant de la classe 39 désignés par la marque demandée ;

–         rejeter le recours pour le surplus ;

–        condamner l’OHMI et la requérante aux dépens.

14      Au cours de l’audience, la requérante a déclaré renoncer à ses deuxième et troisième chefs de conclusions, ce dont le Tribunal a pris acte.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. À l’appui de ses conclusions en annulation partielle, l’intervenante invoque un moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94

 Arguments des parties

16      La requérante relève que la chambre de recours a examiné la marque demandée uniquement par rapport aux deux marques communautaires antérieures EL COTO et COTO DE IMAZ.

17      S’agissant de la comparaison des signes en conflit, la requérante expose tout d’abord qu’il existe une différence visuelle importante entre eux, notamment en raison de la présence d’un élément figuratif et d’une police de caractères élaborée dans la marque demandée, lesquels sont décisifs pour cette comparaison. Elle considère ensuite que, sur le plan phonétique, les signes en conflit présentent également des différences, malgré une certaine similitude due à la présence du terme « coto », qui leur est commun. Toutefois, la requérante estime que cette similitude ne peut être considérée comme décisive, dans la mesure où le terme « coto » est très couramment employé dans le secteur vitivinicole et dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits désignés par les marques en conflit. Selon la requérante, seule la présence de l’article « el » permet à la marque antérieure EL COTO d’être suffisamment individualisée pour prétendre à une protection en tant que marque. En ce qui concerne la marque demandée, l’élément « d’arcis » en constituerait l’élément distinctif. Ce serait donc de manière erronée que la chambre de recours a considéré que le terme « coto » était l’élément dominant des signes en conflit. Enfin, la requérante affirme qu’il existe également des différences conceptuelles entre ces signes.

18      Quant au risque de confusion, en premier lieu, la requérante estime que, sur la base d’une comparaison globale des marques en conflit, un tel risque est exclu dans l’esprit du public concerné. À cet égard, elle invoque l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Valencia (audience provinciale de Valence, Espagne) du 12 janvier 2004, selon lequel, de l’avis de la requérante, les marques en cause dans la présente affaire ne sont pas similaires et le public pertinent des produits en question est composé de consommateurs spécialisés.

19      En deuxième lieu, la requérante s’oppose à l’appréciation effectuée par la chambre de recours dans la décision attaquée selon laquelle les marques antérieures jouiraient d’un caractère distinctif élevé en raison de leur notoriété en Espagne.

20      Ainsi, d’une part, la requérante soutient que la question de la notoriété des marques antérieures, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, aurait dû être tranchée par la chambre de recours sur la base des mêmes motifs que ceux qui l’ont conduite à écarter l’application de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement. La chambre de recours aurait ainsi dû constater que les pièces produites devant l’OHMI n’ont pas permis d’établir l’existence d’un préjudice porté au caractère distinctif des marques antérieures ou d’un profit indu tiré de ce caractère.

21      D’autre part, la requérante indique que la chambre de recours n’a pas précisé laquelle des marques antérieures bénéficiait de la notoriété retenue dans la décision attaquée, qu’elle n’a pas dûment établi, en pratique, le degré de notoriété des marques antérieures, les preuves fournies à cet égard étant insuffisantes, et qu’elle a étendu de manière illégale le degré de notoriété de la marque antérieure EL COTO. Le terme « coto », seul élément commun aux marques en conflit, serait en réalité dépourvu de caractère distinctif et serait fréquemment utilisé dans des marques désignant des produits relevant de la classe 33. La notoriété de la marque antérieure EL COTO ne saurait donc, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, justifier l’interdiction à toute autre entreprise commerciale d’utiliser le terme courant « coto ».

22      En troisième lieu, pour des raisons semblables à celles exposées au point précédent, la requérante considère comme non fondée l’analyse de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée pourrait être considérée comme une variante appartenant à la famille de marques dont l’intervenante est titulaire, en raison de la présence dans l’ensemble des marques en conflit du terme « coto ».

23      L’OHMI et l’intervenante soutiennent que la chambre de recours a conclu à bon droit à l’existence du risque de confusion. En outre, l’OHMI invoque l’irrecevabilité de l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Valencia au motif qu’il a été produit pour la première fois devant le Tribunal.

 Appréciation du Tribunal

24      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques communautaires enregistrées dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

25      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Ce risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratoires RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

26      Il résulte du caractère unitaire de la marque communautaire, consacré à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, qu’une marque communautaire antérieure est protégée de façon identique dans tous les États membres. Les marques communautaires antérieures sont, dès lors, opposables à toute demande de marque ultérieure qui porterait atteinte à leur protection, ne fût-ce que par rapport à la perception des consommateurs d’une partie du territoire communautaire. Il s’ensuit que le principe consacré à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, selon lequel il suffit, pour refuser l’enregistrement d’une marque, qu’un motif absolu de refus n’existe que dans une partie de la Communauté, s’applique, par analogie, également au cas d’un motif de refus relatif au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94. Dès lors, il suffit qu’il existe un risque de confusion avec une marque communautaire antérieure dans une partie de la Communauté pour que l’enregistrement de la marque demandée soit refusé [arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Ontex/OHMI – Curon Medical (CURON), T‑353/04, non publié au Recueil, point 54].

27      En l’espèce, la marque antérieure prise en considération par la chambre de recours était la marque communautaire EL COTO. La chambre de recours n’a fait qu’à titre surabondant certaines références à la marque verbale COTO DE IMAZ.

–       Sur le public pertinent

28      Bien que la chambre de recours se soit référée, au point 19 de la décision attaquée, au consommateur final de la Communauté, il découle de son raisonnement qu’elle a examiné le seul marché espagnol (points 34 à 38 de la décision attaquée). Il convient, dès lors, de vérifier si, comme le prétend la requérante, la chambre de recours, en concluant à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, en particulier dans l’esprit du public espagnol, a méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

29      En ce qui concerne le degré d’attention du consommateur lors de l’achat des produits concernés, il convient de considérer que les produits en cause font normalement l’objet d’une distribution généralisée, allant du rayon alimentation d’un grand magasin aux restaurants et cafés. Il s’agit de produits de consommation courante, pour lesquels le public pertinent est le consommateur moyen des produits de grande consommation, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié au Recueil, point 46].

30      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré, en l’espèce, que le public pertinent n’était pas constitué par des consommateurs spécialisés (point 19 de la décision attaquée).

–       Sur la similitude des signes

31      Selon la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques concernées, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles‑ci, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci [arrêt du Tribunal du 5 octobre 2005, Bunker & BKR/OHMI – Marine Stock (B.K.R.), T‑423/04, Rec. p. II‑4035, point 57 ; voir également, par analogie, arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 25].

32      Si le consommateur moyen perçoit normalement la marque comme un tout sans se livrer à un examen de ses différents détails, en général, ce sont les caractéristiques dominantes et distinctives d’un signe qui sont plus facilement mémorisées [arrêt du Tribunal du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3471, point 39 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, points 47 et 48].

33      Une marque complexe ne peut être considérée comme étant semblable à une autre marque, identique ou semblable à l’un des composants de la marque complexe que si ledit composant constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 33 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI – Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT), T‑117/02, Rec. p. II‑2073, point 45].

34      Cette approche ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu d’opérer une telle comparaison en examinant chacune des marques en cause dans leur ensemble. Cependant, cela n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (arrêt MATRATZEN, précité, point 34).

35      Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe (arrêt MATRATZEN, précité, point 35).

36      En l’espèce sont en cause, d’une part, une marque complexe constituée de l’élément verbal « coto d’arcis », écrit dans une police de caractères élaborée et inscrit au-dessus d’un cadre rectangulaire dans lequel semble être représentés un champ labouré ou des vignes situés devant un château et d’autres constructions en ruine, et, d’autre part, la marque verbale EL COTO.

37      C’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que les éléments dominants des marques en conflit sont, respectivement, l’élément verbal « coto d’arcis » pour la marque demandée et le terme « coto » pour la marque antérieure.

38      En effet, quant à la marque demandée, il y a lieu de constater que les consommateurs des produits en cause sont habitués à les désigner et à les reconnaître en fonction de l’élément verbal qui sert à les identifier [arrêt du Tribunal du 13 juillet 2005, Murúa Entrena/OHMI – Bodegas Murúa (Julián Murúa Entrena), T‑40/03, Rec. p. II‑2831, point 56], d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, l’élément figuratif est plutôt imprécis. Par ailleurs, dans la mesure où le composant figuratif de la marque demandée évoquerait un vignoble, ce composant aurait une faible valeur distinctive pour des vins et ne saurait constituer un élément permettant au public pertinent de le retenir comme dominant l’impression d’ensemble de la marque demandée que ce public gardera en mémoire.

39      Quant à la marque antérieure, l’article « el » doit être considéré comme un élément négligeable au sein du signe. Il se contente d’introduire le mot « coto » et ne saurait être perçu comme formant une unité logique et conceptuelle propre.

40      Cependant, la seule comparaison des éléments dominants des marques en conflit ne suffit pas pour conclure à leur similitude, puisqu’elles doivent être comparées chacune dans leur ensemble, l’appréciation de la similitude des signes pouvant se faire sur la seule base de l’élément dominant uniquement si tous les autres composants de la marque sont négligeables.

41      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’apprécier la similitude des signes en conflit.

42      Sur le plan visuel, l’élément figuratif de la marque demandée ne revêt pas une grande importance dans l’appréciation d’ensemble du signe, étant donné qu’il est soit plutôt imprécis, soit faiblement distinctif pour les vins et que, dès lors, il sera plus difficile à retenir pour le consommateur pertinent. De plus, il convient de relever que l’élément « coto », dominant l’impression d’ensemble de la marque antérieure EL COTO, est intégralement reproduit au début de la marque demandée. Quant à la police de caractères de l’élément verbal de cette dernière, elle ne saurait être considérée comme suffisamment caractérisée pour être retenue par le consommateur moyen pertinent. Les marques en conflit présentent donc une certaine similitude sur le plan visuel.

43      Sur le plan phonétique, la répétition de l’élément dominant la marque antérieure au début de la marque demandée emporte un certain degré de similitude, qui n’est pas remis en cause par l’ajout dans celle-ci de l’élément « d’arcis ».

44      Enfin, pour le public espagnol, les marques en question sont aussi similaires sur le plan conceptuel, étant donné qu’elles partagent le terme espagnol « coto ». Quant à l’élément « d’arcis » contenu dans la marque demandée, il n’a pas de signification en espagnol et il est, dès lors, sans pertinence du point de vue conceptuel. Même à supposer qu’il soit compris par le consommateur pertinent comme une référence à un nom de lieu, cela n’aurait pas pour conséquence de remettre en cause la similitude conceptuelle reposant sur le mot « coto ». Il en est de même de l’élément figuratif de la marque demandée, étant donné qu’il est constitué d’un dessin plutôt imprécis (voir point 38 ci-dessus). À supposer même que, compte tenu de l’imprécision de l’élément figuratif, le consommateur, orienté par l’élément verbal de la marque demandée, puisse croire que celui-ci représente un « coto », au sens de terrain clos, l’élément figuratif ne ferait que reprendre le mot « coto » de l’élément verbal de la marque demandée, de telle sorte qu’il pourrait contribuer à rapprocher les marques en conflit du point de vue conceptuel. Si, enfin, le consommateur était en mesure de reconnaître un vignoble dans l’élément figuratif, la capacité de ce dernier de différencier la marque demandée par rapport à la marque antérieure serait particulièrement limitée en raison de son faible caractère distinctif par rapport aux produits visés par la marque demandée. Il y a donc lieu de conclure que les marques en conflit, prises dans leur ensemble, sont conceptuellement similaires.

45      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’existence de similitudes phonétique, visuelle et conceptuelle des marques en conflit.

–       Sur le risque de confusion

46      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important [arrêt du Tribunal du 19 octobre 2006, Bitburger Brauerei /OHMI – Anheuser-Busch (BUD, American Bud et Anheuser Busch Bud), T‑350/04, Rec. p. II‑4255, point 66 ; voir également, par analogie, arrêt SABEL, précité, point 24]. Les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent, alors, d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (arrêt BUD, American Bud et Anheuser Busch Bud, précité, point 66 ; voir également, par analogie, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 18, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 20).

47      Il convient de rappeler que, pour examiner si une marque jouit d’un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance qu’en a le public, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles [arrêt du Tribunal du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, Rec. p. II‑2211, point 35 et la jurisprudence citée].

48      L’existence d’un caractère distinctif supérieur à la normale, en raison de la connaissance qu’a le public d’une marque sur le marché, suppose nécessairement que cette marque soit connue d’au moins une partie significative du public concerné, sans qu’elle doive nécessairement posséder une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Il y a dès lors lieu de reconnaître une certaine interdépendance entre la connaissance qu’a le public d’une marque et le caractère distinctif de celle-ci en ce sens que, plus la marque est connue du public ciblé, plus le caractère distinctif de cette marque est renforcé (arrêt VITACOAT, précité, point 34).

49      Ainsi, l’argument de la requérante selon lequel la connaissance sur le marché de la marque antérieure, ou son caractère notoire, selon l’expression utilisée par la requérante, ne saurait être prise en considération dans l’appréciation du risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 n’est pas fondé.

50      D’ailleurs, la chambre de recours a pris en compte la connaissance sur le marché de la marque antérieure EL COTO et elle a fait une correcte application de la jurisprudence rappelée au point 47 ci-dessus en constatant le caractère distinctif élevé de la marque antérieure EL COTO en raison de sa connaissance sur le marché espagnol, au vu des éléments suivants : le certificat délivré par le secrétaire général du Consejo Regulador de la Denominación de Origen Calificada « Rioja » (Conseil régulateur de l’appellation d’origine contrôlée « rioja »), attestant que l’intervenante commercialise ses vins notamment sous les marques EL COTO et COTO DE IMAZ depuis 1977 et que ces marques « jouissent d’une notoriété significative » en Espagne ; plusieurs décisions de l’OEPM reconnaissant que la marque EL COTO de l’intervenante « jouit de notoriété en Espagne » ; le document relatif à l’évolution des ventes de l’intervenante, précisant que 339 852, 379 847, 435 857 et 464 080 caisses de douze bouteilles de vins avaient été vendues sous la marque EL COTO respectivement en 1995, en 1996, en 1997 et en 1998.

51      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que le terme « coto » est courant en espagnol. En effet, le fait qu’un terme soit courant dans une langue de la Communauté n’implique pas, en principe, qu’il soit dépourvu de caractère distinctif lorsqu’il ne désigne pas les produits ou une des caractéristiques des produits pour lesquels il est enregistré. Or, en l’espèce, comme le souligne à juste titre l’OHMI, aucune des significations du terme « coto » en espagnol ne sert à désigner les produits en cause ou leurs caractéristiques.

52      Par ailleurs, la requérante n’a fourni au Tribunal aucune preuve du fait que le terme « coto » serait communément utilisé dans le secteur vitivinicole espagnol ni du fait qu’il aurait perdu sa capacité de distinguer les produits de l’intervenante. En particulier, la requérante s’est limitée à invoquer l’existence d’autres marques contenant le terme « coto » enregistrées en Espagne pour des produits relevant de la classe 33, mais elle n’a avancé aucun élément prouvant que celles-ci aient été utilisées sur le marché espagnol. En tout état de cause, la connaissance dont la marque antérieure jouit en Espagne indique qu’elle n’a pas perdu son caractère distinctif.

53      Par conséquent, compte tenu, d’une part, de l’identité des produits en cause, non contestée par les parties, et de la similitude des marques en conflit et, d’autre part, du caractère distinctif accru que la marque antérieure possède du fait de sa connaissance sur le marché espagnol, il convient de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion.

54      Eu égard à l’existence d’un tel risque en l’espèce, il n’est pas nécessaire de vérifier le bien-fondé des arguments de la requérante, selon lesquels la chambre de recours aurait à tort constaté l’utilisation de la part de l’intervenante d’une série de marques contenant toutes l’élément « coto ». En effet, comme il ressort des points 38 à 40 de la décision attaquée, ce n’est qu’à titre surabondant que la chambre de recours a fait référence à la présence d’une série de marques, après avoir établi l’existence d’un risque de confusion.

55      Enfin, en ce qui concerne la référence faite par la requérante à l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Valencia du 12 janvier 2004, déposé pour la première fois devant le Tribunal en annexe à la requête, il y a lieu de souligner qu’il découle de l’article 63, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’OHMI ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal, lequel est appelé à apprécier la légalité de la décision de la chambre de recours en contrôlant l’application du droit communautaire effectuée par celle-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à ladite chambre. Le Tribunal ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui (arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, non encore publié au Recueil, point 54).

56      Cependant, il résulte de la jurisprudence que ni les parties ni le Tribunal ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit communautaire, d’éléments tirés de la jurisprudence communautaire, nationale ou internationale. Une telle possibilité de se référer à des jugements nationaux n’est ainsi pas visée par la jurisprudence rappelée au point précédent, dès lors qu’il ne s’agit pas de reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait figurant dans un arrêt national précis, mais d’avoir violé une disposition du règlement n° 40/94, et qu’il s’agit d’invoquer la jurisprudence à l’appui de ce moyen [arrêts du Tribunal du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, Rec. p. II‑5309, point 16, et VITACOAT, précité, point 71].

57      Toutefois, en l’espèce, d’une part, la requérante ne soulève aucun argument de droit spécifique tiré de l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Valencia du 12 janvier 2004 et, d’autre part, le cadre factuel et juridique de l’affaire traitée par la juridiction espagnole diffère en tout état de cause de celui de la présente affaire, étant donné que les marques litigieuses sont différentes, que des éléments autres que les marques sont pris en compte (tels que les bouteilles et les étiquettes utilisées pour la commercialisation des produits) et que, enfin, il est aussi fait application du droit espagnol de la concurrence déloyale. Dès lors, cet arrêt ne saurait être pris en considération afin d’examiner la légalité de la décision attaquée.

58      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94

 Arguments des parties

59      Se prévalant de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, l’intervenante invoque un moyen autonome d’annulation partielle tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94. En faisant référence aux procédures nationales espagnoles, notamment à celle ayant donné lieu à l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Valencia du 12 janvier 2004, ainsi qu’au contenu du site Internet de la requérante, dont des extraits figurent en annexe à son mémoire en intervention, l’intervenante considère que le préjudice porté au caractère distinctif des marques antérieures ou le profit indu qui en serait tiré auraient été démontrés. Elle conclut donc que l’enregistrement de la marque demandée aurait également dû être refusé sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94 pour ce qui concerne les services compris dans la classe 39.

60      L’OHMI sollicite le rejet de la demande de l’intervenante et soulève l’irrecevabilité de l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Valencia au motif qu’il a été produit pour la première fois devant le Tribunal.

61      La requérante demande de confirmer la décision attaquée en ce qui concerne les services relevant de la classe 39.

 Appréciation du Tribunal

62      Il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en rejetant le recours de l’intervenante pour autant qu’il était fondé sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 au motif que l’intervenante n’avait pas fourni de preuves du préjudice porté à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure EL COTO ou du profit indu qui en serait tiré.

63      La légalité de la décision attaquée ne saurait être remise en cause par la circonstance que, afin de prouver l’existence d’un préjudice ou d’un profit indu, l’intervenante invoque pour la première fois devant le Tribunal l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Valencia du 12 janvier 2004 ainsi que des extraits tirés du site Internet de la requérante.

64      En effet, en application de la jurisprudence citée aux points 55 et 56 ci‑dessus, ces éléments de preuve ne sauraient être pris en considération par le Tribunal. Il y a lieu de constater que l’intervenante n’invoque l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Valencia du 12 janvier 2004 que comme un nouvel élément de preuve à l’appui d’un argument déjà soulevé devant la chambre de recours. Il en va de même des extraits tirés du site Internet de la requérante.

65      Il résulte de ce qui précède que le moyen autonome avancé par l’intervenante et tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 doit être rejeté comme non fondé. Il y a donc lieu de rejeter les conclusions en annulation tant de la requérante que de l’intervenante.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes du paragraphe 3, premier alinéa, du même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

67      Étant donné que la requérante a succombé en ce qui concerne l’intégralité de son recours et que l’intervenante a succombé en ce qui concerne son chef de conclusions autonome au sens de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens et les dépens de l’OHMI ainsi que la moitié de ceux de l’intervenante. L’intervenante supportera la moitié de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La demande d’El Coto de Rioja, SA tendant à l’annulation partielle de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 15 juin 2004 (affaire R 550/2003‑2) est rejetée.

3)      Sebirán, SL est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’OHMI et la moitié de ceux exposés par El Coto de Rioja.

4)      El Coto de Rioja est condamnée à supporter la moitié de ses propres dépens.

Wiszniewska-Białecka

Vadapalas

Moavero Milanesi




Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2008.

Le greffier

 

      Le président faisant fonction

E. Coulon

 

      I. Wiszniewska-Białecka


* Langue de procédure : l’espagnol.