Language of document : ECLI:EU:T:2008:39

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 février 2008 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale GALVALLOY – Marque nationale verbale antérieure GALVALLIA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑189/05,

Usinor SA, établie à Puteaux (France), représentée par Mes P. de Candé, et J. Blanchard, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Corus UK Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par M. S. Malynicz, barrister,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 10 février 2005 (affaire R 411/2004-1), relative à une procédure d’opposition entre Usinor SA et Corus UK Ltd,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme I. Wiszniewska-Białecka, faisant fonction de président, MM. E. Moavero Milanesi et N. Wahl, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2005,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 6 octobre 2005,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 23 septembre 2005,

à la suite de l’audience du 13 juin 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 avril 1998, l’intervenante a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal GALVALLOY.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 6 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Tôles et lames en acier, tôles et lames en acier ayant un revêtement de protection ».

4        Le 21 juin 1999, la société Sollac a formé opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, en se fondant sur la marque verbale antérieure GALVALLIA, enregistrée en France le 13 janvier 1984 sous le nº 1257354.

5        Les produits pour lesquels la marque antérieure est enregistrée relèvent également de la classe 6 au sens de l’arrangement de Nice et correspondent à la description suivante : « Métaux, notamment tôle d’acier revêtue d’un alliage fer-zinc ».

6        L’opposition, fondée sur le motif relatif de refus de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, était dirigée contre l’ensemble des produits visés par la demande d’enregistrement.

7        Par décision du 30 mai 2000, la division d’opposition a rejeté l’opposition aux motifs qu’il n’était pas possible pour l’OHMI de déterminer si la marque antérieure avait été effectivement renouvelée, si elle appartenait toujours au déposant initial ou si elle avait fait l’objet d’un transfert dûment enregistré.

8        Le 20 juillet 2000, la société Sollac a formé un recours auprès de l’OHMI à l’encontre de la décision de la division d’opposition.

9        Le 2 août 2002, la deuxième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et a renvoyé l’affaire devant cette dernière.

10      Le 20 novembre 2003, la société Sollac ayant été dissoute, les droits et actions attachés à son patrimoine ont été transférés à la requérante, la société Usinor.

11      Le 25 mars 2004, la division d’opposition a statué à nouveau sur l’opposition et a accueilli cette dernière au motif qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit aux yeux des consommateurs français pour tous les produits visés par l’opposition.

12      Le 25 mai 2004, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI à l’encontre de la décision de la division d’opposition.

13      Par décision du 10 février 2005, la première chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition et a, par conséquent, rejeté l’opposition (ci-après la « décision attaquée »). En substance, la chambre de recours a considéré que, malgré l’identité des produits désignés par les marques en conflit et une certaine similitude visuelle, les signes en cause se différenciaient sur le plan phonétique et n’avaient aucun lien conceptuel, de sorte qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit dans l’esprit du public concerné, composé de professionnels particulièrement attentifs. La chambre de recours s’est également fondée sur le caractère distinctif très faible de la marque antérieure et les caractéristiques du marché international de l’acier, constitué d’un nombre très limité de fabricants.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

15      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir le recours ;

–        décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. L’OHMI conteste la recevabilité de certains éléments avancés pour la première fois par la requérante devant le Tribunal.

 Sur les éléments de fait et de droit avancés pour la première fois devant le Tribunal

 Arguments des parties

18      L’OHMI soutient que la requérante invoque pour la première fois devant le Tribunal le caractère distinctif de la marque antérieure du fait de son usage et que les documents fournis à cet égard ont été produits pour la première fois devant le Tribunal en annexes 23 à 29 de la requête introductive d’instance. L’OHMI demande que cet argument et ces documents soient, par conséquent, déclarés irrecevables.

19      La requérante a fait valoir, lors de l’audience, que lesdites pièces permettraient au Tribunal de constater que la marque GALVALLIA est présente sur le marché de la tôle automobile depuis plus de vingt ans. Même si elles devaient être considérées comme irrecevables, il n’en demeurerait pas moins que, en raison du caractère très restreint de ce marché, la marque GALVALLIA est très connue.

 Appréciation du Tribunal

20      Il ressort du dossier relatif à la procédure devant l’OHMI que le caractère distinctif acquis par la marque antérieure du fait de son usage n’a pas été invoqué devant l’OHMI. Or, selon une jurisprudence constante, des éléments de droit invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant les instances de l’OHMI, et pour autant qu’un examen de ces éléments par ces instances n’était pas obligatoire pour résoudre le litige porté devant elles, sont irrecevables. À cet égard, il y a lieu de relever que l’invocation du caractère distinctif acquis par l’usage constitue une question de droit autonome par rapport à celle du caractère distinctif intrinsèque de la marque en cause. Dès lors, en l’absence d’invocation, par l’une des parties devant l’OHMI, du caractère distinctif acquis par sa marque, l’OHMI n’est pas tenu d’examiner d’office l’existence de ce caractère [arrêt du Tribunal du 17 octobre 2006, Hammarplast/OHMI – Steninge Slott (STENINGE SLOTT), T‑499/04, non publié au Recueil, points 20 et 21 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec. p. II‑287, points 22 et 30]. Il en résulte, en l’espèce, que l’invocation du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque antérieure est irrecevable devant le Tribunal.

21      En outre, force est de constater que, parmi les annexes en cause, seule l’annexe 23 de la requête introductive d’instance avait déjà été produite devant l’OHMI, alors que les annexes 24 à 29 ont été produites pour la première fois devant le Tribunal. Ces dernières sont dès lors, et en tout état de cause, irrecevables devant le Tribunal, lequel est appelé à apprécier la légalité de la décision de la chambre de recours en contrôlant l’application du droit communautaire effectuée par celle-ci, eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à ladite chambre, et ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui (arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, point 54).

 Sur le fond

 Arguments des parties

22      Bien que la requérante approuve les appréciations de la chambre de recours relatives à l’identité des produits désignés par les signes en conflit et à la similitude visuelle de ces signes, même si cette dernière constatation aurait dû, selon elle, être plus catégorique, les signes en conflit étant fortement similaires sur le plan visuel, elle soutient que la décision attaquée est entachée d’erreurs portant sur leur comparaison phonétique et conceptuelle ainsi que sur l’appréciation du risque de confusion.

23      Premièrement, quant à la conclusion de la chambre de recours relative à la forte différence phonétique entre les signes en conflit, la requérante soutient que la chambre de recours s’est à tort référée, à ce stade, à la perception phonétique des signes par le public pertinent, lequel, en l’espèce, serait un public très attentif. En effet, de l’avis de la requérante, la comparaison phonétique des signes doit être réalisée indépendamment du degré d’attention du public pertinent, lequel n’entre en jeu que dans le cadre de l’examen de l’éventuel risque de confusion. En l’espèce, elle relève que, selon la phonétique française, les signes en conflit se composent chacun de trois syllabes, les deux premières étant identiques et la troisième débutant, dans les deux cas, par la consonne « l » et se terminant par le son « a », puisque le groupe de lettres « oy » de la marque demandée se prononce « oua » en français. La requérante estime donc que les signes en conflit présentent globalement une forte similitude phonétique, contrairement à ce qu’a conclu la chambre de recours.

24      Deuxièmement, s’agissant de la comparaison conceptuelle des signes en conflit, la requérante relève qu’il convient de rechercher, notamment, si ceux-ci font appel aux mêmes concepts ou aux mêmes associations d’idées, sans avoir égard au caractère distinctif des divers éléments composant ces signes. Or, en l’espèce, en se fondant sur le caractère prétendument descriptif du préfixe « galva », commun aux signes en conflit, afin d’en atténuer l’impact dans le cadre de la comparaison conceptuelle desdits signes, et sur l’absence de signification des suffixes « llia » de la marque antérieure et « lloy » de la marque demandée, la chambre de recours aurait commis une erreur. Par ailleurs, la requérante soutient que les signes en conflit sont construits de façon identique et reposent sur la même association d’idées, à savoir une imbrication des idées de galvanisation (« galva » dans les deux signes) et d’alliage (« alloy » dans la marque demandée, signifiant précisément alliage en anglais, et « allia » dans la marque antérieure). Dans ces circonstances, elle soutient que c’est à tort que la chambre de recours a exclu l’existence d’une similitude conceptuelle entre les signes en conflit.

25      Troisièmement, à propos du risque de confusion, la requérante estime, tout d’abord, que la marque antérieure n’est pas descriptive, contrairement à ce qui est exposé dans la décision attaquée.

26      Ensuite, la requérante soutient que, en l’espèce, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, ce n’est pas lors du choix de la marque, mais antérieurement, lors du choix du produit dont il a besoin, que le public pertinent a un degré d’attention particulièrement élevé. Ainsi, la marque n’étant qu’un élément secondaire du processus de détermination du choix de l’acheteur, il est évident, de l’avis de la requérante, que le public concerné sera amené à penser que la marque demandée ne constitue qu’une variante anglaise du néologisme qui forme la marque antérieure, de sorte qu’il pensera nécessairement que les marques en conflit proviennent de la même entreprise ou d’entreprises économiquement liées.

27      Il s’ensuit que la chambre de recours aurait dû, selon la requérante, confirmer la décision de la division d’opposition et constater l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

28      L’OHMI, en concluant à ce que le Tribunal accueille le recours, fait observer qu’il partage la position de la requérante et considère le recours fondé. S’agissant, en premier lieu, de la comparaison des signes en conflit, l’OHMI relève, tout d’abord que, sur le plan visuel, la considération, exposée dans la décision attaquée, selon laquelle le préfixe « galva » n’est pas distinctif, n’a pas conduit la chambre de recours à écarter totalement cet élément de la comparaison visuelle des signes en conflit. L’OHMI note ainsi que la chambre de recours a admis qu’il existait une similitude visuelle entre les signes en conflit, en partie atténuée par les différences entre leurs suffixes.

29      Ensuite, l’OHMI conteste les constatations de la chambre de recours relatives aux différences phonétiques existant entre les signes en conflit. Ces deux signes se termineraient par le son « a » en français et l’intervenante n’aurait pas démontré durant la procédure devant l’OHMI que le public concerné prononcerait la marque demandée conformément aux règles de la prononciation anglaise. L’OHMI estime que, en toute hypothèse, les éléments de similitude phonétique des signes en conflit l’emportent sur leurs différences.

30      Enfin, s’agissant de la comparaison conceptuelle des signes en conflit, l’OHMI soutient que la requérante n’a pas démontré que le suffixe « allia » de la marque antérieure serait compris comme une abréviation commune du terme français « alliage ». Par ailleurs, selon l’OHMI, la similitude conceptuelle doit être examinée par rapport à la force évocatrice d’une marque prise dans son ensemble, nonobstant la signification des éléments qui la composent. Dans ces conditions, l’OHMI estime que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’une comparaison conceptuelle entre les signes en conflit n’était pas pertinente.

31      En second lieu, l’OHMI ne souscrit pas à la conclusion de la chambre de recours selon laquelle tout risque de confusion entre les signes en conflit serait exclu.

32      Il relève, premièrement, que ces signes doivent être comparés en tenant compte de l’impression d’ensemble qu’ils dégagent, eu égard à leur structure et à leur configuration globales. Dans la mesure où les signes en conflit consistent en un seul mot, il serait impossible d’en déterminer le ou les éléments dominants. Ce serait donc à tort que la chambre de recours aurait considéré que le public pertinent mémoriserait davantage les suffixes « lloy » dans la marque demandée et « llia » dans la marque antérieure.

33      Deuxièmement, l’OHMI considère que la marque antérieure possède un caractère distinctif moyen et non, comme l’a retenu la chambre de recours, un très faible caractère distinctif. Le préfixe « galva » ne pourrait être artificiellement séparé des autres éléments composant la marque antérieure. Sa combinaison avec le suffixe « llia » atténuerait la portée descriptive du préfixe, et ce même si le mot « galvallia » était perçu comme une contraction des termes « galvanisation » et « alliage ». En effet, l’utilisation de la lettre « a » comme pivot des deux éléments composant la marque antérieure participerait à l’originalité de cette marque, laquelle ne pourrait donc être réduite à la combinaison d’un préfixe non distinctif et d’un suffixe.

34      Troisièmement, l’OHMI fait observer que le fait que les signes en conflit soient composés du préfixe « galva », suivi d’un suffixe contenant quatre lettres et caractérisé par le doublement de la lettre « l », conduit à leur reconnaître une configuration visuelle et phonétique très similaire. Bien que l’OHMI admette que le public pertinent puisse percevoir les deux dernières lettres des signes en conflit, de sorte qu’il ne confondra pas ces signes, il fait valoir qu’une confusion directe entre les signes en conflit n’est pas une condition requise par le règlement nº 40/94, lequel exige seulement l’existence d’un risque de confusion. Or, selon l’OHMI, la similitude visuelle et phonétique des signes en conflit et l’attention portée par le public concerné sur la structure et la configuration de ces signes conduira ce public à croire que le même fabricant a diversifié son offre en utilisant, pour ce faire, une marque dérivée de la marque antérieure.

35      Dans ces circonstances, et au regard de l’identité des produits désignés par les marques en conflit, l’OHMI propose d’accueillir le recours fondé, en substance, sur l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

36      En premier lieu, l’intervenante relève qu’il est constant que les produits désignés par les marques en conflit sont identiques et que le public pertinent est formé de professionnels.

37      En deuxième lieu, elle rejette l’allégation de la requérante selon laquelle la présence du préfixe « galva » revêtirait de l’importance dans la comparaison visuelle des signes en conflit. L’intervenante fait observer à cet égard que le public pertinent ne saurait considérer l’élément descriptif commun des signes en conflit comme l’élément dominant l’impression d’ensemble qu’ils dégagent.

38      En troisième lieu, l’intervenante se rallie à la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit se prononcent de manière sensiblement différente.

39      En quatrième lieu, elle soutient que les signes en conflit sont conceptuellement différents, que le terme « galva » est descriptif des produits désignés par les marques en conflit et que le public pertinent ne fera aucun lien entre la signification, en anglais, du suffixe « alloy » de la marque demandée et du terme « alliage » en français, puisque le public concerné ne comprendra pas le suffixe « allia » de la marque antérieure comme une abréviation du terme « alliage ». En outre, l’intervenante expose que l’argumentation de la requérante est contradictoire en ce qu’elle ferait valoir, sur le plan conceptuel, que le public concerné est suffisamment familiarisé avec la langue anglaise pour comprendre le suffixe « alloy » de la marque demandée comme correspondant à la traduction du terme « alliage », alors que, sur le plan phonétique, elle inviterait le Tribunal à constater que le public concerné prononcerait ce suffixe suivant les règles de la prononciation française.

40      En cinquième et dernier lieu, elle considère que, eu égard au degré particulièrement élevé d’attention du public pertinent, formé de professionnels, et aux caractéristiques du marché, éléments factuels non contestés par la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a écarté tout risque de confusion entre les marques en conflit. Quant aux arguments de la requérante, l’intervenante conteste notamment l’affirmation selon laquelle l’attention du public pertinent porterait plus sur les produits que sur les marques. En effet, selon l’intervenante, l’examen de l’existence éventuelle d’un risque de confusion doit être global.

 Appréciation du Tribunal

41      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal, celui-ci peut à tout moment, d’office, examiner les fins de non-recevoir d’ordre public.

42      Or, selon une jurisprudence désormais bien établie, l’OHMI ne saurait être tenu de défendre systématiquement toute décision attaquée d’une chambre de recours ou de conclure obligatoirement au rejet de tout recours dirigé à l’encontre d’une telle décision, et rien ne s’oppose à ce que l’OHMI se rallie à une conclusion de la partie requérante ou encore se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal, tout en présentant tous les arguments qu’il estime appropriés pour éclairer le Tribunal. En revanche, il ne peut formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête ou présenter des moyens non soulevés dans la requête [arrêts du Tribunal du 30 juin 2004, GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), T‑107/02, Rec. p. II‑1845, points 34 et 36, et du 16 mai 2007, La Perla/OHMI – Worldgem Brands (NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC), T‑137/05, non publié au Recueil, point 19].

43      Il s’ensuit que le chef de conclusions de l’OHMI par lequel celui-ci conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’accueillir le recours, et se rallie ainsi à la conclusion de la requérante visant à l’annulation de la décision attaquée, doit être déclaré recevable dans la mesure où ce chef de conclusions et les arguments exposés à son appui ne sortent pas du cadre des conclusions et des moyens avancés par la requérante.

44      Quant au fond, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

45      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratoires RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 et 31, et du 1er février 2006, Rodrigues Carvalhais/OHMI – Profilpas (PERFIX), T‑206/04, non publié au Recueil, point 28].

46      Cette appréciation globale tient compte, notamment, de la connaissance de la marque sur le marché, ainsi que du degré de similitude des marques et des produits ou des services désignés. À cet égard, elle implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt du Tribunal du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, Rec. p. II‑1677, point 23 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17].

47      En outre, la perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêt Représentation d’une peau de vache, précité, point 24 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt Représentation d’une peau de vache, précité, point 24 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26).

48      De plus, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire [arrêt du Tribunal du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY), T‑99/01, Rec. p. II‑43, point 32].

49      Il convient, dès lors, de vérifier si, comme le prétend la requérante, la chambre de recours, en excluant l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, a méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

50      En l’espèce, le litige porte sur la question de la similitude des signes. L’identité des produits désignés par les marques en conflit n’est pas contestée, étant donné que les produits visés par la marque demandée (à savoir les tôles et les lames en acier ayant un revêtement de protection) font partie des produits pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée.

51      En ce qui concerne le public pertinent en l’espèce, il convient d’admettre, comme l’a constaté la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée, sans être contestée à ce sujet, que les produits en cause sont des produits semi-finis destinés, notamment, à l’industrie automobile. Il s’agit, comme l’a reconnu la requérante à l’audience, d’un marché particulièrement oligopolistique, sur lequel le nombre de fabricants offrant des tôles d’acier laminé ayant un revêtement de protection est très restreint, et dont les produits sont destinés à un nombre limité de clients.

52      La marque antérieure étant enregistrée en France, le public pertinent à prendre en considération aux fins de l’appréciation du risque de confusion est composé des consommateurs moyens français d’aciers spéciaux.

53      Il s’ensuit que le public pertinent est formé d’un nombre limité de professionnels spécialisés du marché français de l’industrie des aciers spéciaux, ayant une connaissance élevée du marché et faisant preuve d’une attention particulière dans le choix des produits offerts par chaque fabricant.

–        Sur la similitude des signes

54      Selon la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques concernées, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles‑ci, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci [arrêt du Tribunal du 5 octobre 2005, Bunker & BKR/OHMI – Marine Stock (BKR), T‑423/04, Rec. p. II‑4035, point 57 ; voir également, par analogie, arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25].

55      Dès lors, il convient de procéder à une comparaison des signes en cause sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, en vue d’examiner si le degré de similitude existant entre lesdits signes suffit, compte tenu de l’identité des produits concernés, pour conclure à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, tel que défini au point 53 ci-dessus.

56      Les signes à comparer sont, d’une part, la marque verbale GALVALLOY et, d’autre part, la marque verbale GALVALLIA.

57      En premier lieu, sur le plan visuel, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, les signes en conflit sont chacun composés de neuf lettres. En outre, excepté leurs deux dernières lettres, « i » et « a » pour la marque antérieure et « o » et « y » pour la marque demandée, ils sont identiques, dans la mesure où leurs sept premières lettres sont les mêmes et sont placées dans le même ordre, « g », « a », « l », « v », « a », « l » et « l ». Il s’ensuit que, comme le soutient la requérante, les marques en conflit sont globalement très similaires sur le plan visuel.

58      En deuxième lieu, sur le plan phonétique, la chambre de recours a procédé à une analyse fondée uniquement sur les règles de la prononciation française.

59      À cet égard, il y a tout d’abord lieu de constater que le consommateur concerné en l’espèce opère sur un marché – le marché des aciers spéciaux destinés notamment à l’industrie automobile – caractérisé par un degré élevé d’internationalisation et dans lequel la langue anglaise est couramment utilisée. Dès lors, le mot « alloy » en anglais sera familier pour le public pertinent et celui-ci en connaîtra la signification en langue française (alliage). Il s’ensuit qu’il est possible qu’il prononce la marque demandée comme s’il s’agissait d’un néologisme tiré de la langue anglaise, compte tenu du fait que « galva » pourrait également être perçu comme l’abréviation du mot anglais « galvanization ». En tout état de cause, même dans l’hypothèse où il prononcerait le mot « galvalloy » selon le rythme propre à la langue française, en trois syllabes « gal‑va‑loy », la présence du mot anglais « alloy » dans la marque demandée ne lui échapperait pas et il aurait donc tendance à prononcer sa terminaison « oï », à l’anglaise, et non, comme le prétend à tort la requérante et l’a indiqué la chambre de recours au point 34 de la décision attaquée, comme le son « oua » français.

60      Par ailleurs, les signes en conflit sont de même longueur et sont prononcés selon le même rythme, qu’ils le soient conformément aux règles de la prononciation française ou anglaise. En outre, ils sont identiques sur le plan phonétique s’agissant de leurs préfixes. Le préfixe de la marque antérieure sera prononcé « galva ». Le préfixe de la marque demandée, qu’il soit prononcé dans sa totalité ou en partie selon les règles de la prononciation anglaise, ne diffère pas du préfixe « galva » prononcé selon les règles de la prononciation française, puisque ses lettres « a » se prononcent comme la lettre « a » dans le mot anglais « cat ». En outre, les deux lettres « l » se prononcent « èl » dans chacun des signes en conflit. Il s’ensuit que la sonorité des deux premières syllabes des signes en conflit (« galva ») est identique et que la sonorité de la dernière syllabe de chacun des signes en conflit (« llia » et « lloy ») est similaire.

61      Il résulte de ce qui précède que, comme le soutient la requérante, les signes en conflit sont globalement similaires sur le plan phonétique.

62      En troisième lieu, sur le plan conceptuel, il convient de relever que, si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25), il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [arrêts du Tribunal du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 51, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, non encore publié au Recueil, point 57].

63      En l’espèce, la chambre de recours a correctement constaté que les signes en conflit partageaient le préfixe « galva ». Celui-ci évoque la technique de galvanisation, c’est-à-dire l’action de fixer un dépôt électrolytique sur un métal pour le préserver de l’oxydation.

64      En revanche, la chambre de recours a, à tort, considéré qu’une comparaison conceptuelle de la seconde partie des signes n’était pas possible, les suffixes « llia » et « lloy » étant dépourvus de toute signification.

65      En effet, cette conclusion se fonde sur un découpage artificiel des signes en conflit, qui méconnaît leur perception d’ensemble. Comme il a été constaté au point 59 ci‑dessus, le public pertinent, francophone mais connaissant la langue anglaise, reconnaîtra dans la marque demandée la présence du terme de langue anglaise « alloy », signifiant « alliage » en français, même si la lettre initiale « a » de ce terme a été fusionnée avec la dernière lettre du préfixe « galva », selon le procédé habituel de l’haplologie. Cette marque sera donc perçue comme renvoyant aux concepts de galvanisation et d’alliage.

66      Pour ce qui est de la marque antérieure, le suffixe « allia » est combiné au préfixe « galva » selon le même procédé. La force évocatrice du suffixe « allia » permettra au public pertinent, en raison de sa connaissance et de son expérience, de comprendre que celui-ci fait référence au mot « alliage ». Cette opération d’identification est rendue d’autant plus aisée par l’association de l’idée d’alliage à celle de galvanisation, le suffixe « allia » étant accollé au préfixe « galva ».

67      En décomposant les signes en conflit, le public pertinent les interprétera donc tous les deux comme renvoyant aux concepts de galvanisation et d’alliage.

68      Il y a donc lieu de conclure que, comme le soutient à juste titre la requérante, sur le plan conceptuel, les signes en conflit sont très similaires, dans la mesure où tous les deux évoquent l’idée de galvanisation et d’alliage entre métaux, bien que cette idée soit véhiculée plus directement par la marque demandée que par la marque antérieure.

–       Sur le risque de confusion

69      Ainsi qu’il résulte de l’examen de la similitude conceptuelle des signes en conflit, leur préfixe commun « galva » est susceptible de contenir pour le public pertinent une connotation suggestive par rapport aux produits en cause en ce sens que ceux-ci ont subi un processus de galvanisation. Il en va de même pour les suffixes « alloy » et « allia », susceptibles de contenir une connotation descriptive pour le premier et suggestive pour le second du processus d’alliage. Étant donné que les concepts véhiculés par les deux marques en conflit font référence à des caractéristiques des produits concernés, leur aptitude à contribuer à l’identification des produits qu’elles désignent comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises peut en être affaiblie.

70      Toutefois, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion (arrêt Canon, précité, point 24), il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, d’une part, et d’une marque dont l’enregistrement est demandé qui n’en constitue pas une reproduction complète, d’autre part, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [arrêt du Tribunal du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec. p. II‑949, point 61], et ce d’autant plus lorsque la marque dont l’enregistrement est demandé contient des éléments encore moins distinctifs que l’élément commun aux marques en conflit (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée au Recueil, point 45). En effet, le risque de confusion constituant la condition spécifique de la protection de la marque antérieure, cette protection s’applique indépendamment de la question de savoir si la marque antérieure jouit uniquement d’un faible caractère distinctif [arrêt du Tribunal du 12 janvier 2006, Devinlec/OHMI – TIME ART (QUANTUM), T‑147/03, Rec. p. II‑11, point 110]. Le caractère distinctif faible de la marque antérieure ne permet donc pas d’ignorer la similitude des marques en conflit, faute de quoi il serait manqué à l’obligation, découlant de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, d’apprécier globalement l’existence d’un risque de confusion (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 mars 2007, TIME ART/Devinlec et OHMI, C‑171/06 P, non encore publié au Recueil, point 41).

71      En l’espèce, étant donné que les produits en cause sont identiques et qu’il existe d’importantes similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en conflit, il ne peut être exclu que même un public attentif, tel que le public pertinent en l’espèce, puisse être amené à croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, et ce malgré le caractère distinctif limité de la marque antérieure. Il en va d’autant plus ainsi que la marque demandée contient un élément, « alloy », encore moins distinctif que l’élément commun aux marques en conflit, « galva », que le marché est oligopolistique et que la marque demandée peut apparaître comme une simple traduction de la marque antérieure.

72      Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’a constaté la chambre de recours, il existe un risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94. Dès lors, il y a lieu d’accueillir le moyen tiré d’une violation de cette disposition et d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

74      La décision de la chambre de recours étant annulée et l’OHMI devant à ce titre être considéré comme ayant succombé, nonobstant le sens de ses conclusions, l’OHMI devra supporter, outre ses dépens, les dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. L’intervenante, ayant succombé en ses conclusions, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 10 février 2005 (affaire R 411/2004-1) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Usinor SA.

3)      Corus UK Ltd supportera ses propres dépens.

Wiszniewska-Białecka

Moavero Milanesi

Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 février 2008.

Le greffier

 

      Le président faisant fonction

E. Coulon

 

      I. Wiszniewska-Białecka


* Langue de procédure : l’anglais.