Language of document : ECLI:EU:T:2009:507

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

15 décembre 2009 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale TRUBION – Marque communautaire figurative antérieure TriBion Harmonis – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑412/08,

Trubion Pharmaceuticals, Inc., établie à Seattle, Washington (États-Unis), représentée par MC. Hertz-Eichenrode, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Merck KGaA, établie à Darmstadt (Allemagne), représentée initialement par Mes M. Best et R. Freitag, puis par Mes Best et U. Pfleghar, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 3 juillet 2008 (affaire R 1605/2007‑2), relative à une procédure d’opposition entre Trubion Pharmaceuticals, Inc. et Merck KGaA,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona (rapporteur) et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2008,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 16 janvier 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 16 janvier 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 février 2004, la requérante, Trubion Pharmaceuticals, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal TRUBION.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Spécialités pharmaceutiques ; produits pharmaceutiques utilisés dans le domaine de l’immunologie et de l’oncologie » ;

–        classe 42 : « Services de développement de produits pharmaceutiques ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 50/2004, du 13 décembre 2004.

5        Le 11 mars 2005, l’intervenante, Merck KGaA, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur deux marques communautaires antérieures, à savoir la marque verbale BION (n° 72 884) et la marque figurative et verbale suivante (n° 3 282 936) :

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7        La marque figurative et verbale reproduite ci-dessus désigne notamment les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Préparations diététiques à usage médical ».

8        Le 10 septembre 2007, la division d’opposition a, d’une part, rejeté l’opposition en ce qui concerne la marque verbale antérieure BION au motif que les marques concernées n’étaient pas similaires et a, d’autre part, partiellement fait droit à l’opposition fondée sur la marque complexe TriBion Harmonis pour les produits relevant de la classe 5, tout en la rejetant pour les services relevant de la classe 42.

9        Le 10 octobre 2007, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009) contre la décision de la division d’opposition, en ce qu’elle rejetait sa demande d’enregistrement pour les produits relevant de la classe 5.

10      Par décision du 3 juillet 2008 (ci‑après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours et confirmé la décision de la division d’opposition. En substance, elle a considéré, d’abord, que les produits en cause étaient similaires dans la mesure où ils partagent souvent les mêmes circuits de distribution et « répondent fréquemment à un but identique ou complémentaire ». Ensuite, après avoir indiqué que le terme « tribion » constituait l’élément dominant du signe antérieur, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient similaires. À la lumière de ces considérations, elle a conclu qu’il existait un risque de confusion entre la marque verbale demandée et la marque antérieure représentée au point 6 ci-dessus.

11      Par lettre adressée à l’OHMI le 24 septembre 2008, soit le jour précédant l’introduction du présent recours, la requérante, conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009), a déclaré qu’elle limitait la liste des produits relevant de la classe 5 visés dans sa demande d’enregistrement comme suit : « Spécialités pharmaceutiques pour le traitement du cancer, des maladies inflammatoires et auto-immunes ». Les services relevant de la classe 42 restaient en revanche inchangés.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la limitation des produits désignés dans la demande d’enregistrement

14      À titre liminaire, l’OHMI fait valoir que la limitation des produits visés par la marque demandée effectuée par la requérante par lettre du 24 septembre 2008 (voir point 11 ci-dessus) doit être ignorée dans la mesure où elle modifie le contexte factuel présenté devant la chambre de recours et, par conséquent, l’objet du litige devant le Tribunal. Ainsi, celui-ci devrait examiner la légalité de la décision attaquée exclusivement à la lumière de la liste originale des produits et des services.

15      En principe, une limitation, au sens de l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, de la liste des produits ou des services contenue dans une demande de marque communautaire, qui intervient postérieurement à l’adoption de la décision de la chambre de recours attaquée devant le Tribunal, ne peut affecter la légalité de ladite décision, qui est la seule contestée devant le Tribunal [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 25, et la jurisprudence citée].

16      Lorsque la limitation de la liste des produits ou des services contenue dans une demande de marque communautaire a pour objet la modification, en tout ou en partie, de la description desdits produits ou services, il ne peut être exclu que cette modification puisse avoir un effet sur l’examen de la marque en question, effectué par les instances de l’OHMI au cours de la procédure administrative. Dans ces circonstances, admettre cette modification au stade du recours devant le Tribunal équivaudrait à une modification de l’objet du litige en cours d’instance, interdite par l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal (voir arrêt Mozart, précité, point 29, et la jurisprudence citée).

17      En l’espèce, par le biais de sa modification, la requérante a supprimé la référence à la catégorie générale « Spécialités pharmaceutiques », changé la description « Produits pharmaceutiques utilisés dans le domaine de l’oncologie » en « Spécialités pharmaceutiques pour le traitement du cancer », et substitué la description « Produits pharmaceutiques utilisés dans le domaine de l’immunologie » par « Spécialités pharmaceutiques pour le traitement des maladies inflammatoires et auto-immunes » (voir points 3 et 11 ci-dessus).

18      Force est de constater que cette limitation consiste en des spécifications susceptibles d’influer sur l’appréciation de la similitude des produits en cause et, par conséquent, de modifier le cadre factuel qui avait été présenté devant la chambre de recours. En effet, la suppression de la référence à la catégorie générale « Spécialités pharmaceutiques » constitue déjà en elle-même un changement susceptible d’influencer l’examen de la similitude des produits, dans la mesure où elle consiste en la suppression de la référence à une catégorie générale qui inclut les autres produits visés par la marque demandée. En outre, les « spécialités pharmaceutiques pour le traitement des maladies auto-immunes » constituent une spécification de la catégorie « Produits pharmaceutiques utilisés dans le domaine de l’immunologie », les maladies auto-immunes étant des maladies affectant le système immunitaire. Enfin, la référence aux spécialités pharmaceutiques utilisées dans le domaine des « maladies inflammatoires » apparaît pour la première fois dans la demande de limitation des produits et introduit donc un élément nouveau qui n’a pas été soumis à l’examen de la chambre de recours.

19      À la lumière de ces considérations, ladite limitation ne saurait être prise en compte par le Tribunal.

 Sur le fond

20      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009]. Les deux moyens étant étroitement liés, il convient de les examiner ensemble.

 Arguments des parties

21      Dans son premier moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur en ce qu’elle n’a pas tenu compte de la marque antérieure dans sa globalité, mais a apprécié la similitude des signes en conflit en ne prenant en considération que l’élément « tribion ».

22      Premièrement, la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le terme « harmonis » aurait un caractère distinctif plus faible que le terme « tribion », parce qu’il évoquerait une caractéristique des produits, à savoir l’harmonie. Les préparations diététiques à usage médical ne seraient pas connues du consommateur pour procurer une harmonie mentale et physique. De plus, ces produits seraient différents des médicaments à usage humain ayant un effet pharmaceutique ainsi qu’il ressortirait de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires (JO L 183, p. 51).

23      Deuxièmement, la requérante conteste la considération de la chambre de recours selon laquelle le terme « tribion » est l’élément dominant de la marque antérieure. Cette conclusion serait uniquement fondée sur une analyse phonétique et négligerait, d’un point de vue visuel, l’élément figuratif de la marque antérieure. Cet élément aurait un caractère distinctif et serait plus qu’un simple élément décoratif. Il serait plus important en taille que l’élément verbal et serait donc remarqué en premier lieu par le consommateur moyen. D’un point de vue conceptuel, le terme « tribion », contenant le préfixe « tri », évoquerait le chiffre trois. D’un point de vue phonétique, le terme « harmonis » n’aurait pas d’équivalent phonétique dans la marque demandée. En conclusion, il n’y aurait pas de similitudes visuelle, phonétique, ni même conceptuelle entre les signes en cause.

24      Dans son second moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur de droit, en ce qu’elle a omis de déterminer le degré de similitude des produits en cause et des signes en conflit, ce qui aurait eu comme conséquence qu’elle n’aurait pas été en mesure de tenir compte de l’interdépendance entre les facteurs à considérer lors de l’appréciation du risque de confusion.

25      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

26      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

27      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

–       Sur le public pertinent

28      Il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours. Il est donc constant entre les parties que le public pertinent est composé à la fois de consommateurs finaux et de professionnels de santé de l’ensemble de la Communauté européenne. En outre, tant les médicaments, délivrés sous ordonnance médicale ou non, que les produits diététiques en général peuvent être regardés comme bénéficiant d’un degré d’attention accru de la part des consommateurs normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés [arrêt du Tribunal du 21 octobre 2008, Aventis Pharma/OHMI – Nycomed (PRAZOL), T‑95/07, non publié au Recueil, point 29].

–       Sur la comparaison des produits

29      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

30      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, bien qu’ils soient d’une nature quelque peu différente, les produits relevant de la classe 5 visés par les marques en cause, à savoir les spécialités pharmaceutiques, les produits pharmaceutiques utilisés dans le domaine de l’immunologie et de l’oncologie, et les préparations diététiques à usage médical partageaient souvent les mêmes canaux de distribution et « répon[daient] fréquemment à un but identique ou complémentaire », à savoir celui d’améliorer la condition médicale des patients. Elle en a déduit que ces produits étaient similaires (point 18 de la décision attaquée).

31      À cet égard, il convient d’abord de relever que, ainsi que le fait valoir à juste titre l’OHMI, la requérante, dans son recours, affirme explicitement ne pas contester l’appréciation de la chambre de recours concernant la similitude des produits. En outre, les considérations de la requérante concernant la similitude des produits en cause se réfèrent essentiellement aux produits tels qu’identifiés à la suite de la limitation des produits désignés dans la demande d’enregistrement. Or, ainsi qu’il a été exposé aux points 14 à 19 ci-dessus, cette limitation étant susceptible de modifier le cadre factuel du litige présenté devant la chambre de recours, le Tribunal ne peut pas en tenir compte aux fins du contrôle de la légalité de la décision attaquée. Ainsi, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments de la requérante qui se fondent sur cette limitation.

32      En tout état de cause, même à considérer que la requérante ait voulu contester l’appréciation de la chambre de recours concernant la similitude des produits, force est de constater que, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, les produits en cause remplissent, en général, la même fonction, à savoir celle d’améliorer la condition médicale des patients. En outre, ils présentent un certain lien de complémentarité, étant donné qu’un médecin peut prescrire des préparations diététiques à usage médical dans le cadre d’un traitement médical. Cette considération est d’autant plus pertinente pour des maladies graves telles que le cancer ou des troubles immunologiques. De surcroît, les produits en cause partagent généralement les mêmes canaux de distribution.

33      À la lumière de ces considérations, il convient donc de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que les produits en cause étaient similaires.

–       Sur la comparaison des signes

34      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30]. L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

35      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée).

36      Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. En outre, le fait qu’un élément ne soit pas négligeable ne signifie pas qu’il soit dominant, de même que le fait qu’un élément ne soit pas dominant n’implique nullement qu’il soit négligeable (arrêt Nestlé/OHMI, précité, points 43 et 44).

37      De plus, s’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre, et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts du Tribunal MATRATZEN, précité, point 35, et du 8 février 2007, Quelle/OHMI – Nars Cosmetics (NARS), T‑88/05, non publié au Recueil, point 57].

38      En l’espèce, sont en conflit, d’une part, le signe verbal TRUBION et, d’autre part, le signe complexe constitué d’un élément figuratif représentant trois bulles de différentes dimensions ainsi que de l’élément verbal « tribion harmonis ».

39      La chambre de recours a considéré que, dans leur impression d’ensemble, les signes en conflit étaient similaires. En substance, elle a fondé sa conclusion sur la considération selon laquelle l’élément verbal « tribion » constituait l’élément dominant de la marque antérieure alors que le mot « harmonis » était « moins distinctif » pour les produits en cause et que l’élément figuratif avait un caractère fondamentalement décoratif. En conséquence, malgré les différences introduites par les autres éléments de la marque antérieure, dans la mesure où la marque demandée TRUBION présentait de fortes similitudes avec l’élément dominant de la marque antérieure, la chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient similaires. Il convient donc tout d’abord d’analyser si, au vu des caractéristiques des éléments composant la marque antérieure, le mot « tribion » constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par cette marque.

40      En ce qui concerne d’abord l’élément verbal de la marque antérieure, il convient de relever que, ainsi que l’a également considéré la chambre de recours, le terme « harmonis » est susceptible de jouer un rôle moins important que le terme « tribion » comme indication de l’origine commerciale des produits. À cet égard, force est de constater que le terme « harmonis » est placé en seconde position dans l’élément verbal de la marque antérieure. Or, généralement le consommateur prête une plus grande attention au début d’un signe verbal qu’à sa fin [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 mars 2009, L’Oréal/OHMI – Spa Monopole (SPA THERAPY), T‑109/07, non encore publié au Recueil, point 30, et la jurisprudence citée]. En conséquence, il est plausible que, compte tenu de sa position initiale, le consommateur percevra en premier lieu le mot « tribion » comme indication de l’origine commerciale des produits.

41      En outre, il y a lieu de considérer que le terme « tribion » est susceptible de jouer le rôle principal dans le processus de mémorisation du signe par le public pertinent, car, ainsi que le fait valoir à juste titre l’OHMI, ce terme est susceptible d’être perçu par le consommateur comme le signe indiquant l’origine commerciale des produits, tandis que le terme « harmonis » est susceptible d’être perçu comme un terme élogieux indiquant une ligne de produits spécifiques au sein de la gamme « tribion ».

42      À cet égard, il convient de relever que, dans le secteur des produits de santé et davantage encore dans le secteur des produits complémentaires aux produits de santé, tel que celui des préparations diététiques, il est très fréquent que des fabricants mettent sur le marché des lignes de produits au sein de gammes revêtant un signe verbal spécifique indiquant l’origine commerciale des produits suivi d’éléments verbaux différents ayant une fonction essentiellement descriptive et/ou élogieuse des caractéristiques propres aux différents produits de la gamme.

43      Même s’il est vrai, ainsi que le fait valoir la requérante, que l’harmonie physique et mentale ne peut pas être vraisemblablement considérée comme une caractéristique intrinsèque des préparations diététiques à usage médical, cette constatation n’enlève rien au fait que, ainsi que le font valoir à juste titre l’OHMI et l’intervenante, le terme « harmonis » est suffisamment proche du terme « harmonie » pour donner lieu à des associations positives dans l’esprit du public, de sorte qu’il est susceptible d’être perçu comme un terme élogieux laissant entendre que les produits concernés permettent de rétablir l’équilibre corporel. Il est donc plausible que le consommateur percevra le terme « harmonis » comme un terme élogieux indiquant une ligne de produits spécifiques au sein de la gamme « tribion ».

44      S’agissant de l’élément figuratif, bien que sa taille soit plus grande que celle de l’élément verbal de la marque antérieure, force est de constater qu’il ne se présente pas sous une configuration particulière, originale ou élaborée, de sorte qu’il serait susceptible d’influencer de façon considérable l’impression globale produite par le signe antérieur. D’ailleurs, ainsi que le fait valoir à juste titre l’OHMI, cet élément figuratif n’a pas de contenu sémantique propre.

45      En outre, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêt du Tribunal du 22 mai 2008, NewSoft Technology/OHMI – Soft (Presto! Bizcard Reader), T‑205/06, non publié au Recueil, point 54, et la jurisprudence citée]. Au vu des caractéristiques de l’élément figuratif de la marque antérieure décrites ci-dessus, la chambre de recours a donc considéré à juste titre que ce raisonnement général pouvait s’appliquer dans la présente espèce. En conclusion, même s’il n’est pas négligeable au vu de sa dimension, cet élément figuratif est susceptible d’être perçu par le consommateur essentiellement comme un élément décoratif, et non comme un élément indiquant l’origine commerciale des produits.

46      À la lumière de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que le terme « tribion » constituait l’élément dominant de la marque antérieure. Cependant, bien qu’ils jouent un rôle secondaire, les autres éléments de la marque antérieure ne sont pas négligeables dans l’impression d’ensemble qu’elle produit. Par conséquent, au regard de la jurisprudence mentionnée au point 36 ci-dessus, la comparaison entre les signes en cause ne pourra s’effectuer sur le seul fondement de l’élément dominant de la marque antérieure, mais devra s’effectuer au vu des marques en conflit considérées chacune dans son ensemble [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mai 2008, Redcats/OHMI – Revert & Cía (REVERIE), T‑246/06, non publié au Recueil, point 39]. C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de comparer les signes en cause.

47      En ce qui concerne la comparaison visuelle des signes en cause, il y a lieu de constater que la marque verbale demandée TRUBION est presque identique au terme « tribion », lequel est l’élément dominant de la marque antérieure. En effet, la différence entre les marques en conflit résultant des lettres médianes « u » et « i » est pratiquement imperceptible, même pour un public très attentif, qu’il soit professionnel ou non.

48      Il est vrai que l’élément figuratif et le mot « harmonis » figurant dans la marque antérieure introduisent des différences du point de vue visuel entre les deux marques en conflit. Toutefois, ainsi qu’il a été exposé aux points 40 à 46 ci-dessus, ces deux éléments sont susceptibles de jouer un rôle moins important pour distinguer les produits dans l’esprit du public pertinent. Par conséquent, il est raisonnable de s’attendre à ce que le consommateur moyen ait tendance à se concentrer sur l’élément dominant « tribion » de la marque antérieure, à savoir sur la partie de la marque antérieure qui est quasi identique à la marque demandée et qui constitue, d’ailleurs, le seul élément de la marque demandée.

49      Au vu des caractéristiques des éléments constituant la marque antérieure, il convient de conclure, en l’espèce, à l’existence d’une certaine similitude visuelle entre les signes en cause pris dans leur globalité.

50      S’agissant de la comparaison phonétique, il y a lieu de relever qu’il existe également une très forte similitude phonétique entre la marque demandée et l’élément dominant de la marque antérieure. En effet, la différence de sonorité entre les troisièmes lettres « u » et « i » des mots « trubion » et « tribion » est marginale par rapport à l’identité de sonorité des six autres lettres communes.

51      Or, si l’élément verbal additionnel de la marque antérieure, à savoir le mot « harmonis », introduit une certaine différence entre les marques en conflit, celle-ci est négligeable du point de vue phonétique. En effet, ce mot est clairement détaché, dans la marque antérieure, de l’élément presque identique appartenant aux deux marques en conflit, puisque sa prononciation est précédée d’une brève interruption. Cette prononciation n’a donc pas d’impact phonétique sensible et n’affecte pas la coïncidence phonétique presque totale entre l’unique élément de la marque demandée et l’élément dominant de la marque antérieure.

52      À la lumière de ces considérations, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, en l’espèce, la différence phonétique introduite par la présence du mot « harmonis » dans la marque antérieure n’est pas en mesure de contrebalancer, ni de remettre en cause, la quasi-identité phonétique de la marque demandée et de l’élément dominant de la marque antérieure de façon à rendre très différente, d’un point de vue phonétique, l’impression globale des deux marques en conflit. La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur en ce qui concerne la comparaison phonétique des signes en conflit.

53      Du point de vue conceptuel, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, qu’il n’est pas possible d’effectuer une comparaison conceptuelle entre les marques en conflit, car ni le terme « tribion » ni le terme « trubion » n’ont de signification dans les langues de l’Union européenne. À cet égard, il est vrai que, ainsi que le fait valoir la requérante, le préfixe « tri » dérive d’une racine grecque largement utilisée et signifiant « trois ». Toutefois, cette observation ne s’applique pas dans la présente espèce, le mot « bion » n’ayant pas de signification propre ou de sens qui pourrait être lié au concept de « trois ». En outre, il est également vrai que, ainsi que l’admet l’OHMI, la marque antérieure, à la différence de la marque demandée, contient une référence à l’harmonie. Toutefois, le terme « harmonis » est susceptible d’être perçu en tant que terme élogieux de l’élément indicatif de l’origine commerciale des produits, à savoir le mot « tribion », ce qui lui attribue un rôle secondaire pour la distinction des produits en cause. Au vu de cette constatation, la présence du terme « harmonis » dans la marque antérieure n’est pas susceptible de remettre en cause l’impression globale produite par les marques en conflit d’un point de vue conceptuel.

54      À la lumière de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant que, dans l’ensemble, les signes en cause étaient similaires. De plus, loin d’avoir pris seulement en considération dans son analyse l’élément « tribion », ainsi que le fait valoir la requérante, la chambre de recours a fondé son analyse sur une appréciation d’ensemble des deux signes en conflit.

–       Sur le risque de confusion

55      Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce. Cette appréciation globale tient compte du degré de similitude des marques et des produits ou des services désignés et implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17).

56      Aux points 29 et 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, au vu de la similitude entre les produits en cause et entre les signes en conflit, il était très probable que le public pertinent croie que les produits en cause revêtus des signes en conflit proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Elle en a conclu qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause dans l’esprit du public pertinent de la Communauté européenne.

57      À la lumière des considérations mentionnées ci-dessus concernant la similitude des produits en cause et des signes en conflit, cette conclusion doit être approuvée. En particulier, il est constant que les produits en cause partagent généralement les mêmes canaux de distribution. En outre, ainsi qu’il a été relevé au point 42 ci-dessus, il est fréquent de trouver sur le marché plusieurs lignes de produits de santé revêtues d’un signe verbal suivi d’un ou de plusieurs éléments descriptifs ou élogieux. En outre, il n’est pas insolite qu’une société pharmaceutique, telle que la requérante, commercialise des produits en complément de traitements médicaux tels que des préparations diététiques à usage médical.

58      Au vu de ces considérations ainsi que de la similitude existant entre les produits en cause et entre les signes en cause, et en particulier du fait que la marque verbale demandée est presque identique à l’élément dominant de la marque antérieure qui est susceptible d’être considéré comme un élément indiquant l’origine commerciale des produits, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il existait un risque de confusion dans la présente espèce.

59      Enfin, compte tenu du risque de confusion ainsi établi entre les marques en conflit, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’interdépendance des facteurs pertinents, puisqu’elle n’a pas déterminé le degré de similitude entre les produits en cause, d’une part, et entre les signes en conflit, d’autre part, n’est pas susceptible d’infirmer l’appréciation globale de ce risque, telle qu’effectuée par la chambre de recours au regard de tous les éléments pertinents caractérisant lesdites marques. En effet, la seule absence de la mention de l’interdépendance entre les facteurs pris en compte dans la décision attaquée ne saurait conduire à la présomption selon laquelle l’appréciation du risque de confusion qui y est exposée est entachée d’erreur [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Madaus/OHMI – Optima Healthcare (ECHINAID), T‑202/04, Rec. p. II‑1115, points 65 et 66]. En tout état de cause, il convient d’observer que, en constatant que les produits en cause, d’une part (voir point 18 de la décision attaquée), et les signes en conflit, d’autre part (voir point 27 de la décision attaquée) étaient similaires, la chambre de recours a, de ce fait, tenu compte de l’interdépendance des facteurs pertinents lorsqu’elle a procédé à l’analyse globale du risque de confusion entre les marques en conflit.

60      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le présent recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Trubion Pharmaceuticals, Inc. est condamnée aux dépens.

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.