Language of document : ECLI:EU:C:2019:512

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 19 juin 2019 (1)

Affaire C93/18

Ermira Bajratari

contre

Secretary of State for the Home Department

en présence de

AIRE Centre

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord, Royaume-Uni)]

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Directive 2004/38/CE – Droit de séjour d’un ressortissant de pays tiers ascendant direct de citoyens de l’Union mineurs – Article 7, paragraphe 1, sous b) – Condition de ressources suffisantes – Ressources constituées de revenus provenant d’un travail exercé sans permis de séjour et de travail »






I.      Introduction

1.        Par sa demande de décision préjudicielle, la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord, Royaume-Uni) interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38/CE (2).

2.        Les questions posées par la juridiction de renvoi portent, en substance, sur le caractère suffisant des ressources dont doit disposer un citoyen de l’Union lorsque ces ressources, mises à la disposition des enfants en bas âge citoyens de l’Union, proviennent de revenus tirés de l’emploi exercé dans un État membre par leur père, ressortissant d’un État tiers qui, ayant bénéficié d’un permis de séjour et de travail dans le passé, ne bénéficie plus de ce permis dans cet État membre du fait de l’expiration de sa carte de séjour.

3.        Si la Cour se penchera, pour la première fois, sur cette question précise, il convient toutefois de relever que la disposition en cause au principal a déjà été interprétée par la Cour, notamment, dans l’arrêt Zhu et Chen (3).

4.        Par conséquent, la présente affaire amènera la Cour, en particulier, à préciser la portée de cet arrêt dans le contexte spécifique de l’affaire en cause au principal.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

5.        L’article 2 de la directive 2004/38, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)      “citoyen de l’Union” : toute personne ayant la nationalité d’un État membre ;

2)      “membre de la famille” :

[...]

b)      le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d’un État membre, si, conformément à la législation de l’État membre d’accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l’État membre d’accueil ;

[...]

d)      les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) ;

3)      “État membre d’accueil” : l’État membre dans lequel se rend un citoyen de l’Union en vue d’exercer son droit de circuler et de séjourner librement. »

6.        L’article 3 de cette directive, intitulé « Bénéficiaires », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent. »

7.        L’article 7 de ladite directive, intitulé « Droit de séjour de plus de trois mois », prévoit, à son paragraphe 1, sous b) :

« 1.      Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

[...]

b)      s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, ou,

[...] »

8.        L’article 14 de la directive 2004/38, intitulé « Maintien du droit de séjour », énonce, au paragraphe 2 :

« Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu aux articles 7, 12 et 13 tant qu’ils répondent aux conditions énoncées dans ces articles. »

B.      Le droit du Royaume-Uni

9.        La seule disposition citée par la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord) dans sa décision de renvoi est l’article 1er, paragraphe 2, de l’Immigration Act 1971 (loi de 1971 sur l’immigration), en vertu duquel une personne qui n’est pas citoyenne britannique doit avoir une autorisation de séjourner, de travailler et de s’installer au Royaume-Uni (4).

III. Les faits à l’origine du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

10.      Mme Ermira Bajratari, une ressortissante albanaise, réside en Irlande du Nord depuis l’année 2012. Pour la période allant du 13 mai 2009 au 13 mai 2014, son époux, M. Durim Bajratari, qui est également un ressortissant albanais résidant en Irlande du Nord, a été titulaire d’une carte de séjour l’autorisant à résider au Royaume-Uni. Cette carte lui avait été délivrée sur la base de sa relation antérieure avec Mme Toal, une ressortissante du Royaume-Uni (5), relation qui a pris fin au début de l’année 2011.

11.      Bien que, à la suite de la fin de sa relation avec Mme Toal, l’époux de Mme Bajratari ait quitté le Royaume‑Uni au cours de l’année 2011 pour se marier en Albanie avec la requérante au principal, il est retourné en Irlande du Nord au cours de l’année 2012. À aucun moment sa carte de séjour n’a été révoquée.

12.      Le couple a trois enfants qui sont tous nés en Irlande du Nord et deux d’entre eux ont obtenu un certificat de nationalité irlandaise.

13.      Depuis l’année 2009, l’époux de Mme Bajratari a exercé différentes activités professionnelles, notamment comme employé de restaurant en Irlande du Nord, mais il travaille illégalement depuis le 12 mai 2014, date de l’expiration de sa carte de séjour.

14.      La famille ne s’est jamais déplacée et n’a jamais résidé dans un État membre de l’Union autre que le Royaume‑Uni.

15.      Après la naissance de son premier enfant, ressortissant irlandais, la requérante au principal a introduit une demande auprès du Home Office (ministère de l’Intérieur, Royaume-Uni) en vue de la reconnaissance d’un droit de séjour dérivé au titre de la directive 2004/38, en invoquant son statut de personne assurant effectivement la garde de son enfant, citoyen de l’Union, et en faisant valoir qu’un refus de permis de séjour priverait son enfant du bénéfice de ses droits de citoyen de l’Union.

16.      Cette demande a été rejetée pour deux motifs distincts, à savoir, d’une part, que la requérante au principal n’avait pas la condition de « membre de la famille » au sens de la directive 2004/38 et, d’autre part, que son enfant ne satisfaisait pas à la condition d’autonomie financière prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ladite directive.

17.      Le 8 juin 2015, le First-tier Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal de première instance (chambre de l’immigration et de l’asile, Royaume-Uni)] a rejeté le recours introduit par Mme Bajratari contre la décision du ministère de l’Intérieur. Le 6 octobre 2016, l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile), Royaume-Uni] a rejeté le second recours de la requérante. Celle-ci a alors saisi la juridiction de renvoi d’une demande d’autorisation de pourvoi contre l’arrêt de l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile)].

18.      La juridiction de renvoi observe que la Cour a précédemment jugé que l’exigence imposée par l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, selon laquelle un citoyen de l’Union doit disposer de ressources suffisantes, est satisfaite dès lors que ces ressources sont à la disposition dudit citoyen, et qu’il n’existe pas d’exigence quant à la provenance de ces ressources, ces dernières pouvant être fournies, notamment, par le ressortissant d’un État tiers (6). Cette juridiction relève que la Cour ne s’est toutefois pas prononcée spécifiquement sur la question de savoir s’il convient de prendre en considération les revenus tirés d’un emploi illégal au regard du droit national.

19.      C’est dans ces conditions que la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord) a, par décision du 15 décembre 2017 parvenue au greffe de la Cour le 9 février 2018, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les revenus d’un emploi illégal au regard du droit national peuvent‑ils démontrer en tout ou en partie la disponibilité de ressources suffisantes au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la [directive 2004/38] ?

2)      En cas de réponse affirmative, peut-il être satisfait aux conditions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), [de cette directive] si l’emploi est considéré comme précaire uniquement en raison de sa nature illégale ? »

20.      Le 6 novembre 2018, la Cour a adressé à la juridiction de renvoi une demande d’éclaircissements au titre de l’article 101 du règlement de procédure de la Cour, à laquelle la juridiction de renvoi a répondu le 12 décembre 2018 (7).

21.      Des observations écrites ont été déposées par la requérante au principal et AIRE Centre (8), les gouvernements du Royaume-Uni, tchèque, danois, néerlandais et autrichien ainsi que par la Commission européenne.

22.      Au cours de l’audience qui s’est tenue le 24 janvier 2019, des observations orales ont été présentées au nom de la requérante au principal, d’AIRE Centre, des gouvernements du Royaume-Uni et danois ainsi que de la Commission.

IV.    Analyse

A.      Sur la persistance du litige au principal

23.      Il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt de la Cour rendu à titre préjudiciel (9). Partant, la Cour est susceptible de vérifier d’office la persistance d’un litige tel que celui en cause au principal (10).

24.      Le litige au principal porte sur le rejet de la demande de droit de séjour dérivé formulée par Mme Bajratari au titre de la directive 2004/38, la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord) ayant été saisie d’une demande d’autorisation de pourvoi contre l’arrêt de l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile)].

25.      Or, il ressort des observations écrites du gouvernement du Royaume‑Uni que le Crown Solicitor’s Office (bureau du solicitor de la Couronne, Irlande du Nord) a informé la juridiction de renvoi, les 22 février et 6 mars 2018, soit après l’introduction de la présente demande de décision préjudicielle, du fait que les certificats de nationalité irlandaise des enfants de Mme Bajratari avaient été invalidés au motif que l’époux de celle-ci avait cessé d’avoir un droit de séjour dérivé au Royaume-Uni à la suite de la fin de sa relation avec une ressortissante du Royaume-Uni au cours de l’année 2011.

26.      À cet égard, le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que les enfants de Mme Bajratari ne jouissent plus de la citoyenneté de l’Union et des droits qui en découlent dans la mesure où la nationalité irlandaise leur a été retirée après que les autorités compétentes ont constaté que celle‑ci leur avait été attribuée alors que leur père n’était plus en possession d’un titre de séjour valide. Par conséquent, la demande de décision préjudicielle n’aurait pas d’objet et les questions soulevées par la juridiction de renvoi seraient de nature hypothétique. Dès lors, la Cour ne serait pas compétente et devrait donc refuser de répondre à ces questions.

27.      Toutefois, il ressort également des observations du gouvernement du Royaume‑Uni que, le 12 avril 2018, la requérante au principal a été autorisée à contester, par un recours en contrôle juridictionnel (judicial review), les décisions invalidant les certificats de nationalité irlandaise de ses deux premiers enfants.

28.      Eu égard à ces circonstances, la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord) a été invitée à indiquer à la Cour l’incidence d’un éventuel retrait des certificats de nationalité irlandaise des deux premiers enfants de Mme Bajratari sur la procédure au principal ainsi que les conséquences d’un tel retrait sur les questions préjudicielles.

29.      Par ordonnance du 12 décembre 2018, la juridiction de renvoi a indiqué que, s’il était possible que le litige devant elle devienne sans objet en raison de la perte de la nationalité irlandaise de ces deux enfants, celui‑ci persistait toutefois à ce jour et demeurait valide (11).

30.      Au vu de ce qui précède, le litige au principal est toujours pendant devant la juridiction de renvoi et une réponse de la Cour à la question posée demeure utile pour la solution de ce litige.

B.      Sur les questions préjudicielles

31.      Par ses deux questions, qu’il convient d’analyser conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens qu’un enfant en bas âge citoyen de l’Union dispose de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour lorsque ces ressources proviennent de revenus tirés de l’activité exercée de manière illégale, sans permis de séjour et de travail, dans cet État membre par son père, ressortissant d’un État tiers.

32.      Avant de répondre à cette question, j’aborderai brièvement, en premier lieu, la question de savoir si la situation de la requérante au principal et de ses deux enfants mineurs en bas âge, qui ne se sont jamais rendus ou n’ont jamais séjourné dans un État membre autre que celui où ils sont nés et ont leur résidence, relève du champ d’application du droit de l’Union et, en particulier, de l’article 21 TFUE et de la directive 2004/38. Je me pencherai, en second lieu, sur la question suivante : est-ce que les enfants de Mme Bajratari remplissent les conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, les ressources sont constituées des revenus de leur père, ressortissant d’un État tiers, provenant d’un travail exercé sans permis de séjour ni de travail ?

1.      Sur l’existence d’un droit de séjour accordé au citoyen de l’Union et aux membres de sa famille dans l’État membre d’accueil fondé sur l’article 21 TFUE et la directive  2004/38

33.      Il convient de rappeler, tout d’abord, que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, est « bénéficiaire » des droits conférés par cette directive « tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi [que les] membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent ».

34.      En l’espèce, Mme Bajratari est une ressortissante albanaise, mère de deux enfants mineurs en bas âge de nationalité irlandaise dont elle a la garde effective et qui séjournent depuis leur naissance dans le même État membre, à savoir le Royaume-Uni (12).

35.      À cet égard, le fait que ces enfants n’ont jamais fait usage de leur droit de libre circulation et ont toujours séjourné dans l’État membre où ils sont nés et ont leur résidence pourrait conduire à considérer qu’ils ne relèvent pas de la notion de « bénéficiaire » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38 (13). Cependant, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la situation du ressortissant d’un État membre qui est né dans l’État membre d’accueil et qui n’a pas fait usage du droit à la libre circulation ne saurait, de ce seul fait, être assimilée à une situation purement interne privant ledit ressortissant du bénéfice dans l’État membre d’accueil des dispositions du droit de l’Union en matière de libre circulation et de séjour des personnes (14).

36.      Les deux premiers enfants de la requérante au principal, dans la mesure où ils séjournent dans un État membre autre que celui de leur nationalité, sont par conséquent en droit de se prévaloir de l’article 21, paragraphe 1, TFUE.

37.      Dans ces conditions, l’article 21, paragraphe 1, TFUE et la directive 2004/38 confèrent, en principe, un droit de séjour au Royaume‑Uni aux enfants de Mme Bajratari.

38.      À cet égard, il convient de préciser que le droit de séjour des citoyens de l’Union dans un État membre autre que celui dont ils possèdent la nationalité est reconnu sous réserve des limitations et des conditions prévues par le traité FUE ainsi que par les dispositions prises pour son application (15).

39.      Dans ce contexte, il y a lieu d’examiner si les enfants de Mme Bajratari, citoyens de l’Union, remplissent les conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, auquel cas un droit de séjour dérivé de plus de trois mois serait accordé à celle‑ci.

2.      Les enfants de Mme Bajratari, citoyens de l’Union, remplissentils les conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 ?

40.      Un droit de séjour dérivé de plus de trois mois ne peut être accordé à la requérante au principal que si ses deux premiers enfants, mineurs en bas âge citoyens de l’Union, remplissent les conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, à savoir, en particulier, s’ils disposent, pour eux et pour les membres de leur famille, « de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de [leur] séjour, et d’une assurance maladie complète dans [cet État membre] » (16).

41.      S’agissant de la condition relative à l’assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, il convient de noter qu’il ressort de la décision de renvoi qu’elle n’a pas été contestée par le ministère de l’Intérieur.

42.      En revanche, en ce qui concerne la condition selon laquelle le citoyen de l’Union doit disposer de ressources suffisantes, cette autorité a considéré qu’elle n’était pas remplie (17).

43.      À cet égard, l’analyse contenue dans la décision de renvoi témoigne du fait que la juridiction de renvoi a connaissance de la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38. Elle nourrit toutefois des doutes sur le point de savoir si cette jurisprudence s’applique en l’espèce.

44.      Je vais donc commencer par rappeler cette jurisprudence.

a)      La jurisprudence de la Cour relative à la condition selon laquelle le citoyen de l’Union doit disposer de ressources suffisantes pour l’exercice d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil

45.      La Cour s’est déjà prononcée à plusieurs reprises sur la condition relative au caractère suffisant des ressources au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 dans le cadre d’affaires similaires à celle en cause au principal.

46.      Dans l’arrêt Zhu et Chen (18), la Cour a jugé, en assemblée plénière, s’agissant des instruments du droit de l’Union antérieurs à la directive 2004/38, qu’« il suffit que les ressortissants des États membres “disposent” de ressources nécessaires sans que cette disposition comporte la moindre exigence quant à la provenance de celles-ci », ces dernières pouvant être fournies, notamment, par le ressortissant d’un État tiers, parent des citoyens mineurs concernés (19). La Cour a également précisé, d’une part, que « cette interprétation s’impose d’autant plus que les dispositions consacrant un principe fondamental tel que celui de la libre circulation des personnes doivent être interprétées largement » et, d’autre part, qu’une interprétation contraire « ajouterait à cette condition, telle qu’elle est formulée dans cette directive, une exigence relative à la provenance des ressources qui constituerait une ingérence disproportionnée dans l’exercice du droit fondamental de libre circulation et de séjour garanti par [l’article 21 TFUE], en ce qu’elle n’est pas nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi, à savoir la protection des finances publiques des États membres » (20).

47.      La Cour a réitéré cette interprétation de la condition relative au caractère suffisant des ressources, notamment, dans les arrêts Alokpa et Moudoulou (21) ainsi que Rendón Marín (22).

48.      Dans l’arrêt Rendón Marín (23), rendu en grande chambre, la Cour, en renvoyant aux points 45 à 47 de l’arrêt Zhu et Chen (24), a rappelé, en premier lieu, que le refus de permettre au parent, ressortissant d’un État membre ou d’un État tiers, qui a effectivement la garde d’un citoyen de l’Union mineur, de séjourner avec ce citoyen dans l’État membre d’accueil priverait de tout effet utile le droit de séjour de celui‑ci, étant donné que la jouissance du droit de séjour par un enfant en bas âge implique nécessairement que cet enfant ait le droit d’être accompagné par la personne assurant effectivement sa garde et, dès lors, que cette personne soit en mesure de résider avec lui dans l’État membre d’accueil pendant ce séjour (25). La Cour a rappelé, en second lieu, que si l’article 21 TFUE et la directive 2004/38 confèrent un droit de séjour dans l’État membre d’accueil au ressortissant mineur en bas âge d’un autre État membre qui remplit les conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive, ces mêmes dispositions permettent au parent qui a effectivement la garde de ce ressortissant de séjourner avec celui-ci dans l’État membre d’accueil (26).

49.      Si l’on applique cette jurisprudence à l’affaire au principal, cela signifie que, dans la mesure où les enfants de Mme Bajratari remplissent les conditions fixées dans cette disposition pour pouvoir bénéficier d’un droit de séjour au Royaume-Uni sur le fondement de l’article 21 TFUE et de la directive 2004/38 et où la requérante au principal a effectivement la garde de ses enfants, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, alors celle-ci pourra se prévaloir d’un droit de séjour dérivé au Royaume-Uni au titre de ces mêmes dispositions.

50.      Si le fait que les enfants concernés disposent, par l’intermédiaire de leur père, ressortissant d’un État tiers, de ressources suffisantes au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 ne constitue pas un obstacle pour remplir la condition relative aux ressources suffisantes fixée par cette disposition, tel qu’interprétée par la jurisprudence exposée aux points 46 et 47 des présentes conclusions, il conviendra toutefois d’examiner la question qui se trouve au cœur de la présente affaire et à laquelle je consacrerai le reste de mon analyse : les revenus tirés d’une activité exercée sans permis de travail et de séjour peuvent-ils être qualifiés de « ressources suffisantes » au sens de cette disposition ?

b)      Les revenus tirés d’un emploi exercé sans permis de travail et de séjour dans l’État membre d’accueil peuvent-ils être qualifiés de « ressources suffisantes »  au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 ?

51.      Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’examiner, tout d’abord, l’emploi exercé par l’époux de Mme Bajratari avant et après l’expiration, le 12 mai 2014, de sa carte de séjour (27).

52.      Il ressort de la décision de renvoi ainsi que des observations écrites de la requérante au principal que, au cours de la période comprise entre l’année 2009 et le mois de février 2018, l’époux de Mme Bajratari a travaillé en tant que chef de cuisine dans un restaurant à Belfast (Irlande du Nord). En outre, Mme Bajratari précise que, depuis lors, son époux travaille comme préposé dans une station de lavage automobile.

53.      À cet égard, en réponse à une question posée par la Cour lors de l’audience, le représentant de la requérante au principal a confirmé que, à la suite de l’expiration de sa carte de séjour au cours de l’année 2014, l’époux de Mme Bajratari a perdu son permis de travail et de séjour mais a toutefois continué à travailler dans le restaurant où il était employé depuis l’année 2009. Ce serait donc uniquement en raison de l’expiration de sa carte de séjour que l’emploi de l’époux de Mme Bajratari serait devenu illégal. Malgré l’expiration de cette carte, celui-ci aurait continué à être redevable des impôts et des cotisations au système de sécurité sociale et, comme cela a été confirmé lors de l’audience, des montants auraient été périodiquement retenus à la source par son employeur (28).

54.      Dans ces circonstances, il convient de rappeler que le droit de séjour des citoyens de l’Union dans un État membre autre que celui dont ils possèdent la nationalité est reconnu sous réserve des limitations et des conditions prévues par le traité FUE ainsi que par les dispositions prises pour son application (29), l’application de ces limitations et conditions devant être faite dans le respect des limites imposées par le droit de l’Union et conformément aux principes généraux de ce droit, notamment au principe de proportionnalité (30).

55.      Par conséquent, il convient de déterminer si le refus de l’éventuel droit de séjour de Mme Bajratari, fondé sur la considération selon laquelle les revenus gagnés par son époux sans permis de travail et de séjour ne constituent pas des ressources suffisantes au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, est une mesure conforme au principe de proportionnalité.

56.      Eu égard aux circonstances de l’affaire au principal, l’examen du principe de proportionnalité implique de déterminer si les mesures nationales prises pour subordonner le droit de séjour de la requérante au principal et de ses enfants aux intérêts légitimes du Royaume-Uni sont appropriées et nécessaires pour atteindre le but recherché.

57.      À cet égard, je rappelle que l’objectif principal de la directive 2004/38 est, ainsi qu’il ressort de ses considérants 1 à 4, de faciliter l’exercice du droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres qui est conféré directement aux citoyens de l’Union par l’article 21, paragraphe 1, TFUE et que cette directive a notamment pour objet de renforcer ce droit (31). Dans le cadre de cet objectif principal, la condition de suffisance des ressources énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, ainsi qu’il ressort du considérant 10 de cette directive, vise l’objectif spécifique « [d]’éviter que ces personnes ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil » (32).

58.      Il ressort de la jurisprudence rappelée au point 46 des présentes conclusions qu’il suffit que les ressortissants des États membres « disposent » de ressources nécessaires sans que l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 comporte « la moindre exigence quant à la provenance de celles-ci » (33). Selon la Cour, une interprétation contraire ajouterait à cette condition, telle qu’elle est formulée dans cette directive, une exigence relative à la provenance des ressources qui constituerait une ingérence disproportionnée dans l’exercice du droit fondamental de libre circulation et de séjour garanti par l’article 21 TFUE, en ce qu’elle n’est pas nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi, à savoir la protection des finances publiques des États membres (34).

59.      Dès lors, il est évident que le fait que le père des enfants de Mme Bajratari, citoyens de l’Union en bas âge, a commencé à travailler en 2009, alors que sa carte de séjour était en cours de validité, et qu’il a continué à exercer le même emploi sur le territoire de l’État membre d’accueil après la date d’expiration de cette carte de séjour, sans permis de travail et de séjour, ne saurait constituer un motif permettant d’ajouter à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 une exigence concernant la provenance des « ressources suffisantes » qui n’est pas prévue à cette disposition.

60.      En outre, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, du 2 juillet 2009, concernant les lignes directrices destinées à améliorer la transposition et l’application de la directive 2004/38 (35) que, pour être considérées comme « suffisantes », les ressources ne doivent pas obligatoirement être régulières et peuvent prendre la forme d’un capital accumulé (36). En effet, seule la perception de prestations d’assistance sociale peut être considérée comme pertinente pour déterminer si l’intéressé représente une charge pour le système d’assistance sociale (37). À cet égard, la Cour a jugé que « le seul fait, pour un ressortissant d’un État membre, de bénéficier d’une prestation d’assistance sociale ne saurait suffire à démontrer qu’il représente une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil » (38).

61.      Ainsi, l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2004/38 prévoit que « le recours au système d’assistance sociale par un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille n’entraîne pas automatiquement une mesure d’éloignement ». De plus, il ressort du considérant 16 de cette directive que les bénéficiaires du droit de séjour ne devraient pas faire l’objet de mesures d’éloignement aussi longtemps qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil (39).

62.      La Cour a déjà rappelé qu’il ressort du considérant 16 de la directive 2004/38 que, pour déterminer si une personne bénéficiaire d’une prestation d’assistance sociale constitue une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil, ce dernier, avant d’adopter une mesure d’éloignement, doit examiner si l’intéressé rencontre des difficultés d’ordre temporaire ainsi que prendre en compte la durée du séjour et la situation personnelle de celui-ci de même que le montant de l’aide qui lui a été accordée (40).

63.      Dans le cadre de l’appréciation de ces trois critères énumérés au considérant 16 de la directive 2004/38, les autorités nationales doivent apprécier, notamment, la durée pour laquelle l’allocation a été octroyée, le degré d’intégration du citoyen de l’Union et des membres de sa famille dans la société de l’État membre d’accueil, des considérations particulières telles que l’âge, l’état de santé, la situation familiale et économique, et si le citoyen de l’Union (ou les membres de sa famille) a toujours été fort dépendant de l’assistance sociale ainsi que la durée de la contribution de ce citoyen (ou des membres de sa famille) au financement de l’assistance sociale dans l’État membre d’accueil (41).

64.      En l’espèce, non seulement rien n’indique que les enfants de Mme Bajratari aient eu recours à l’assistance sociale dans l’État membre d’accueil (42), mais il a été confirmé lors de l’audience, circonstance qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, que l’époux de Mme Bajratari, père de ses enfants, a continué à contribuer, après l’expiration de sa carte de séjour, au financement de l’assistance sociale de l’État membre d’accueil par le biais des impôts et des cotisations retenues périodiquement à la source.

65.      Dans ce contexte, je note, tout d’abord, ainsi qu’il ressort du point 53 des présentes conclusions, que la prétendue illégalité de l’emploi de l’époux de Mme Bajratari résulte en principe du seul fait que sa carte de séjour a expiré. De plus, l’emploi qu’il a exercé avant l’expiration de sa carte de séjour et qu’il a continué à exercer après l’expiration de celle‑ci n’était pas, en lui-même, illégal, et ce d’autant plus, à mon avis, que les revenus tirés de cet emploi ont été soumis aux cotisations fiscales et au système de sécurité sociale imposées par le droit national. Partant, je suis d’avis qu’une situation dans laquelle un travailleur paie des impôts et cotise à la sécurité sociale, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, ne saurait être considérée comme étant contraire à la protection des finances publiques des États membres.

66.      En outre, le fait que des ressources aient un caractère suffisant et le fait que des ressources tirées d’une activité criminelle aient un caractère illégal sont, sans aucun doute, deux choses complètement différentes. Ainsi, la conséquence de cette différence pour l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 ne peut être qu’indirecte : si, par exemple, les ressources dont disposent les enfants mineurs citoyens de l’Union, par l’intermédiaire d’un autre citoyen de l’Union ou d’un ressortissant d’un État tiers, sont tirées d’une activité criminelle, telle que le trafic de stupéfiants, et que cette personne est condamnée à une peine d’emprisonnement, alors ces enfants, en principe, ne disposeront plus, dans la pratique, des ressources pour subvenir à leurs besoins.

67.      Il y a lieu d’observer, ensuite, que malgré la perte de son permis de travail et de séjour à la suite de l’expiration de sa carte de séjour le 12 mai 2014, non seulement la présence de l’époux de Mme Bajratari a été tolérée par l’État membre d’accueil pendant cinq années, durant lesquelles celui‑ci a, je le rappelle, continué à payer des cotisations fiscales et sociales, mais, ainsi que cela a été également confirmé lors de l’audience, son deuxième enfant s’est vu délivrer au cours de cette période, le 26 juillet 2016, un certificat de nationalité irlandaise.

68.      De plus, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, le droit des citoyens de l’Union qui se déplacent, y compris les enfants citoyens de l’Union, de séjourner dans un autre État membre serait considérablement fragilisé s’il pouvait à tout moment être mis fin à ce droit en se fondant sur des infractions, mal définies, commises par les personnes qui en assurent la garde ou qui en ont la charge, que ce soit dans l’État membre d’accueil ou ailleurs. En effet, compte tenu du très large éventail d’actes qui peuvent être qualifiés d’illégaux, non seulement au sein d’un seul État membre mais aussi d’un État membre à l’autre et d’une époque à l’autre, une telle approche entraînerait un risque réel d’insécurité juridique et une multiplication des situations dans lesquelles le droit de séjour d’un citoyen de l’Union pourrait être remis en cause en raison de l’existence de doutes en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles les ressources mises à sa disposition ont été obtenues (43).

69.      Enfin, dans ces conditions, il me semble que le refus des autorités d’un État membre de reconnaître les revenus tirés d’un emploi exercé dans l’État membre d’accueil sans un permis de travail et de séjour du fait de l’expiration de la carte de séjour doit être regardé comme une mesure disproportionnée portant une atteinte injustifiée à la libre circulation et au libre séjour des enfants mineurs en bas âge citoyens de l’Unions, en ce qu’elle n’est pas nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi, à savoir la protection des finances publiques des États membres.

70.      Dès lors, au vu des considérations qui précèdent, je suis d’avis que, dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, il suffit que les revenus soient tirés d’un emploi exercé sans permis de travail et de séjour dans l’État membre d’accueil pour considérer que le citoyen de l’Union dispose de « ressources suffisantes » au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38.

71.      Dans ces circonstances, j’estime que les enfants de Mme Bajratari non seulement relèvent du champ d’application de l’article 21 TFUE et de la directive 2004/38 mais également remplissent les conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38. Partant, Mme Bajratari peut se prévaloir d’un droit de séjour dérivé de celui de ses enfants.

3.      Analyse de l’argument relatif à l’exception de l’ordre public avancé par le RoyaumeUni

72.      Le gouvernement du Royaume-Uni soutient dans ses observations écrites que, dans la mesure où l’époux de la requérante au principal est en situation de séjour irrégulier sur le territoire, son travail est illégal en soi. À cet égard, ce gouvernement précise que, dans son ordre juridique interne, travailler sans autorisation est considéré comme contraire à l’ordre public et entraîne l’application des sanctions civiles et pénales non seulement pour l’employeur mais également, depuis le 12 juillet 2016, pour le travailleur (44).

73.      Certes, ainsi qui le font valoir les gouvernements danois, néerlandais et autrichien, il ressort des lignes directrices de la Commission que les autorités nationales peuvent vérifier l’existence, la licéité, le montant et la disponibilité des ressources. La Commission a cependant indiqué, en réponse à une question posée par la Cour lors de l’audience, que le contrôle de l’existence de ressources suffisantes ou de leur licéité par les État membres porte uniquement sur le point de savoir s’il y a criminalité ou abus de droit (45) et, partant, si le chapitre VI de la directive 2004/38 est applicable ou non à la situation particulière d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille. Ainsi, un État membre peut prendre toutes les mesures nécessaires, conformément à son droit pénal, pour poursuivre des infractions commises lorsque le caractère illégal des revenus perçus résulte de l’exercice d’une activité criminelle telle que, par exemple, le trafic de stupéfiants. Dans ce cas, il ressort du chapitre VI de la directive 2004/38 que les États membres ont la possibilité d’invoquer une exception liée, notamment, au maintien de l’ordre public et à la sauvegarde de la sécurité publique.

74.      De plus, il importe de rappeler que, en tant que justification d’une dérogation au droit de séjour des citoyens de l’Union ou des membres de leur famille, les notions d’« ordre public » et de « sécurité publique » doivent être entendues strictement, de telle sorte que leur portée ne saurait être déterminée unilatéralement par les États membres sans contrôle des institutions de l’Union (46).

75.      S’agissant de la notion d’« ordre public », la Cour a jugé que celle‑ci suppose, en tout état de cause, l’existence, en dehors du trouble pour l’ordre social que constitue toute infraction à la loi, d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société (47).

76.      En ce qui concerne la notion de « sécurité publique », la Cour a déclaré que cette notion couvre la sécurité intérieure d’un État membre et sa sécurité extérieure et que, partant, l’atteinte au fonctionnement des institutions et des services publics essentiels ainsi que la survie de la population, de même que le risque d’une perturbation grave des relations extérieures ou de la coexistence pacifique des peuples, ou encore l’atteinte aux intérêts militaires, peuvent affecter la sécurité publique. La Cour a également jugé que la lutte contre la criminalité liée au trafic de stupéfiants en bande organisée ou contre le terrorisme est comprise dans la notion de « sécurité publique » (48).

77.      Je rappelle qu’il ressort de l’article 27, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2004/38 que, pour être justifiées, les mesures de restriction du droit de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, notamment celles d’ordre public, doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné (49).

78.      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 64 à 69 des présentes conclusions, il est évident que le refus d’un droit de séjour à Mme Bajratari fondé sur l’argument relatif à l’exception d’ordre public avancé par le Royaume‑Uni ne remplit aucune de ces deux conditions.

79.      Cela étant dit, je suis d’avis que d’autres arguments, que je vais exposer brièvement ci-après, peuvent étayer ma conclusion selon laquelle les enfants de Mme Bajratari non seulement relèvent du champ d’application de l’article 21 TFUE et de la directive 2004/38 mais également remplissent les conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 et que, partant, Mme Bajratari peut se prévaloir d’un droit de séjour dérivé de celui de ses enfants.

4.      Sur l’effet utile de la directive 2004/38 et de l’article 21 TFUE

80.      Il convient de relever d’emblée qu’une réponse contraire à celle que je viens de proposer priverait de tout effet utile le droit de séjour conféré par la directive 2004/38 et l’article 21 TFUE. Conformément à la jurisprudence de la Cour, compte tenu du contexte dans lequel la directive 2004/38 s’inscrit et des finalités que cette dernière poursuit, ses dispositions ne sauraient être interprétées de façon restrictive et ne doivent pas, en tout état de cause, être privées de leur effet utile (50).

81.      C’est pour cette raison que, dans l’arrêt Zhu et Chen (51), la Cour a pris en compte le fait qu’il n’est pas possible pour les enfants en bas âge citoyens de l’Union de subvenir eux-mêmes à leurs besoins, en jugeant que le refus de permettre au parent, ressortissant d’un État membre ou d’un État tiers, qui a effectivement la garde d’un citoyen de l’Union mineur, de séjourner avec ce citoyen dans l’État membre d’accueil priverait de tout effet utile le droit de séjour de celui‑ci, étant donné que la jouissance du droit de séjour par un enfant en bas âge implique nécessairement que cet enfant ait le droit d’être accompagné par la personne assurant effectivement sa garde et, dès lors, que cette personne soit en mesure de résider avec lui dans l’État membre d’accueil pendant ce séjour (52).

82.      Il y a lieu de relever que ce principe, énoncé par la Cour pour la première fois dans l’arrêt Zhu et Chen (53) dans le cadre de l’interprétation de la directive 2004/38 et de l’article 21 TFUE, a ensuite été confirmé dans l’arrêt Ruiz Zambrano (54) dans le cadre de l’interprétation de l’article 20 TFUE. Ainsi, au point 44 de ce dernier arrêt, la Cour a jugé qu’« il doit, en effet, être considéré qu’un tel refus de séjour aura pour conséquence que lesdits enfants, citoyens de l’Union, se verront obligés de quitter le territoire de l’Union pour accompagner leurs parents. De la même manière, si un permis de travail n’est pas octroyé à une telle personne, celle-ci risque de ne pas disposer de ressources nécessaires pour subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille, ce qui aurait également pour conséquence que ses enfants, citoyens de l’Union, se verraient obligés de quitter le territoire de celle-ci. Dans de telles conditions, lesdits citoyens de l’Union seront, de fait, dans l’impossibilité d’exercer l’essentiel des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union » (55).

83.      Il ressort très clairement de leur lecture que, dans ces deux arrêts, la Cour a fondé son raisonnement sur le même principe : un enfant ne peut pas démontrer qu’il dispose de ressources et, dès lors, ces ressources doivent provenir de la personne qui en a la garde effective. Si l’on admet qu’un enfant peut démontrer qu’il dispose de ressources suffisantes provenant de la personne assurant effectivement sa garde, il serait absurde de refuser à cette personne un droit de séjour et, donc, la possibilité de travailler. Dans le cas d’un tel refus, nous serions dans la situation du serpent qui se mord la queue, à savoir en présence d’un argument circulaire qui viderait de substance l’effet utile de l’article 21 TFUE et de la directive 2004/38. Un tel refus aurait pour conséquence qu’aucun enfant citoyen de l’Union mineur, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, ne pourrait remplir les conditions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive. Il convient de noter que ces enfants, s’ils étaient adultes, auraient non seulement le statut de citoyen de l’Union, qui a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres (56), mais également celui de travailleurs.

84.      De plus, il importe de rappeler que la Cour a déjà jugé que le droit à la libre circulation étant, en tant que principe fondamental du droit de l’Union, la règle générale, les conditions prévues à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 doivent être interprétées de manière stricte, ainsi que dans le respect des limites imposées par le droit de l’Union et le principe de proportionnalité (57).

85.      En l’espèce, les enfants de Mme Bajratari possèdent la nationalité irlandaise, alors qu’ils ont toujours résidé au Royaume-Uni, tandis que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ruiz Zambrano (58), les enfants avaient la nationalité de l’État membre dans lequel ils avaient toujours résidé. Si les enfants de Mme Bajratari avaient la nationalité britannique, il ne fait aucun doute que la jurisprudence de l’arrêt Ruiz Zambrano s’appliquerait.

86.      Se pose dès lors la question suivante : ne serait-il pas dépourvu de toute logique qu’un enfant citoyen de l’Union puisse avoir plus de droits en se fondant sur l’article 20 TFUE qu’il en aurait, comme dans la présente affaire, lorsque l’article 21 TFUE et la directive 2004/38 lui sont applicables ?

87.      Je pense que oui.

88.      Par conséquent, bien que les enfants de Mme Bajratari aient une nationalité autre que celle de l’État membre de leur résidence, dans lequel ils sont pourtant nés et résident depuis lors, je considère que le principe posé par la Cour dans les arrêts Zhu et Chen (59) et Ruiz Zambrano (60) doit être appliqué en l’espèce.

89.      Dans ce contexte, il me semble pertinent, d’une part, de tenir compte du droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu’il est énoncé à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, d’autre part, de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de cette charte.

V.      Conclusion

90.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose que la Cour réponde comme suit aux questions préjudicielles posées par la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord, Royaume-Uni) :

L’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, telle que modifiée par le règlement (UE) nº 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, doit être interprété en ce sens qu’un enfant en bas âge citoyen de l’Union dispose de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour lorsque, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, ces ressources proviennent de revenus tirés de l’activité exercée de manière illégale, sans permis de séjour ni de travail, dans cet État membre par son père, ressortissant d’un État tiers.


1      Langue originale : le français.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77), telle que modifiée par le règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011 (JO 2011, L 141, p. 1, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34) (ci-après la « directive 2004/38 »).


3      Arrêt du 19 octobre 2004 (C‑200/02, EU:C:2004:639).


4      Il ressort des observations du Royaume-Uni que, à l’époque pertinente pour la présente affaire, l’article 7 de la directive 2004/38 a été transposé en droit national par l’article 4 de l’Immigration (European Economic Area) Regulations 2006 [règlement de 2006 sur l’immigration (Espace économique européen)]. Cet État membre précise que, le 1er février 2017, ce règlement a été remplacé par l’Immigration (European Economic Area) Regulations 2016 [règlement de 2016 sur l’immigration (Espace économique européen)] mais qu’aucune modification apportée dans ce dernier règlement n’est pertinente pour la présente affaire.


5      Il ressort des observations de la requérante au principal et du Royaume-Uni que Mme Toal est une ressortissante irlandaise. Étant donné que la juridiction de renvoi fait référence à la nationalité britannique de Mme Toal, il est fort probable que celle-ci a la double nationalité britannique et irlandaise.


6      Voir, en ce sens, arrêts du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, points 28 et 30), ainsi que du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 27).


7      Je reviendrai sur cet aspect ultérieurement, aux points 28 à 30 des présentes conclusions.


8      L’intervenant au principal, AIRE Centre (Advice on Individual Rights in Europe), est un organisme de bienfaisance qui fournit des informations et des avis sur le droit de l’Union et sur le droit international des droits de l’homme, en particulier sur la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et dont la juridiction de renvoi a admis l’intervention dans la présente affaire le 22 septembre 2017.


9      Voir arrêts du 11 septembre 2008, UGT-Rioja e.a. (C‑428/06 à C‑434/06, EU:C:2008:488, point 39), ainsi que du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 24).


10      Voir arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 24).


11      Au vu de la réponse de la juridiction de renvoi dans cette ordonnance, et contrairement à ce que suggère le gouvernement du Royaume-Uni, il y a lieu de considérer, dans le cadre de mon analyse, que les deux premiers enfants de Mme Bajratari sont, à ce jour, des citoyens de l’Union.


12      Il y a lieu de rappeler, ainsi que la Commission l’a, à juste titre, souligné dans ses observations écrites, que la demande de reconnaissance d’un droit de séjour introduite par Mme Bajratari est fondée uniquement sur son statut de personne assurant effectivement la garde de ses deux enfants, de nationalité irlandaise.


13      Voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 57) ; du 6 décembre 2012, O e.a. (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, point 42), ainsi que du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 40).


14      Arrêts du 2 octobre 2003, Garcia Avello (C‑148/02, EU:C:2003:539, points 13 et 27) ; du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 19), ainsi que du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 42). Dans le contexte de l’article 20 TFUE, voir arrêts du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124, points 43 et 44), et du 13 septembre 2016, CS (C‑304/14, EU:C:2016:674, point 29).


15      Voir arrêts du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 26), et du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 45).


16      Il ressort de la décision de renvoi que le premier enfant est né en Irlande du Nord le 1er mai 2013 et s’est vu délivrer un certificat de nationalité irlandaise le 15 juillet 2013. La juridiction de renvoi indique uniquement que l’un des deux autres enfants s’est vu délivrer un certificat de nationalité irlandaise. À cet égard, il ressort des observations de Mme Bajratari que ce deuxième enfant est né en Irlande du Nord au mois de novembre 2014. Au vu des dates de naissance de ces enfants, en principe, je ne peux pas exclure qu’ils aient acquis un droit de séjour permanent dans cet État membre conformément à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38. Dans ce cas, leur droit de séjour ne serait pas soumis aux conditions prévues au chapitre III de la directive 2004/38 et, notamment, à celles énoncées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de celle‑ci, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.


17      Voir point 16 des présentes conclusions.


18      Arrêt du 19 octobre 2004 (C‑200/02, EU:C:2004:639).


19      Arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, points 28 et 30). Plus récemment, s’agissant de ressources fournies par le ressortissant d’un État tiers, conjoint du citoyen de l’Union, voir arrêt du 16 juillet 2015, Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476, points 74 et 77). En ce qui concerne les ressources fournies par le ressortissant d’un État tiers, partenaire résidant dans l’État membre d’accueil, voir arrêt du 23 mars 2006, Commission/Belgique (C‑408/03, EU:C:2006:192, points 40, 46 et 51).


20      Arrêts du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, points 31 et 33) ; du 23 mars 2006, Commission/Belgique (C‑408/03, EU:C:2006:192, points 40 et 41), ainsi que du 16 juillet 2015, Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476, point 75).


21      Arrêt du 10 octobre 2013 (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 27).


22      Arrêt du 13 septembre 2016 (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 48).


23      Arrêt du 13 septembre 2016 (C‑165/14, EU:C:2016:675).


24      Arrêt du 19 octobre 2004 (C‑200/02, EU:C:2004:639).


25      Arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, points 51 et 52). Voir, également, arrêt du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 28).


26      Arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point  52). Voir, également, arrêt du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 29).


27      Il ressort des observations écrites de la requérante au principal et du Royaume-Uni que l’époux de Mme Bajratari est entré en Irlande du Nord au mois de septembre 2002 et que, depuis l’année 2005, il a eu une relation stable avec une ressortissante irlandaise, qui a pris fin au cours de l’année 2011. Au vu du fait qu’il a vécu en Irlande du Nord avec une citoyenne de l’Union entre 2005 et 2011, la Commission a fait observer lors de l’audience que, en 2011, il aurait pu demander la résidence permanente dans l’État membre d’accueil au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38. Le fait qu’il ait obtenu sa carte de séjour en 2008 serait sans incidence dès lors que la délivrance d’un titre de séjour à un ressortissant d’un État membre doit être considérée non pas comme un acte constitutif de droits, mais comme un acte destiné à constater, de la part d’un État membre, la situation individuelle d’un ressortissant d’un autre État membre (ou des membres de sa famille) au regard des dispositions du droit de l’Union. Voir arrêts du 21 juillet 2011, Dias (C‑325/09, EU:C:2011:498, point 48), et du 14 septembre 2017, Petrea (C‑184/16, EU:C:2017:684, point 32).


28      En réponse à une question posée par la Cour lors de l’audience, le représentant de la requérante au principal a notamment déclaré que le salaire annuel de l’époux de Mme Bajratari s’élevait à 17 000 livres sterling (GBP) (19 315 euros) en 2014 et à 20 000 GBP (22 718 euros) les années précédentes.


29      Arrêts du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 26), et du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 45).


30      Arrêts du 17 septembre 2002, Baumbast et R (C‑413/99, EU:C:2002:493, point 91) ; du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 32), ainsi que du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 45).


31      Arrêts du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C‑127/08, EU:C:2008:449, point 82) ; du 5 juin 2018, Coman e.a. (C‑673/16, EU:C:2018:385, point 18), ainsi que du 11 avril 2019, Tarola (C‑483/17, EU:C:2019:309, point 23).


32      Arrêts du 21 décembre 2011, Ziolkowski et Szeja (C‑424/10 et C‑425/10, EU:C:2011:866, point 40) ; du 4 octobre 2012, Commission/Autriche (C‑75/11, EU:C:2012:605, point 60), ainsi que du 19 septembre 2013, Brey (C‑140/12, EU:C:2013:565, point 54).


33      Arrêts du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, points 28 et 30) ; du 23 mars 2006, Commission/Belgique (C‑408/03, EU:C:2006:192, points 40, 46 et 51), ainsi que du 16 juillet 2015, Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476, points 74 et 77).


34      Arrêts du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, points 31 et 33) ; du 23 mars 2006, Commission/Belgique (C‑408/03, EU:C:2006:192, points 40 et 41), ainsi que du 16 juillet 2015, Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476, point 75).


35      COM(2009) 313 final (ci-après les « lignes directrices de la Commission »).


36      Lignes directrices de la Commission, p. 8.


37      Lignes directrices de la Commission, p. 9.


38      Arrêt du 19 septembre 2013, Brey (C‑140/12, EU:C:2013:565, point 75).


39      Voir lignes directrices de la Commission, p. 9.


40      Arrêt du 19 septembre 2013, Brey (C‑140/12, EU:C:2013:565, point 69).


41      Voir lignes directrices de la Commission, p. 8 et 9. En outre, je rappelle qu’il ressort du considérant 16 de la directive 2004/38 que, « [e]n aucun cas, une mesure d’éloignement ne devrait être arrêtée à l’encontre de travailleurs salariés, de non-salariés ou de demandeurs d’emploi tels que définis par la Cour de justice, si ce n’est pour des raisons d’ordre public et de sécurité publique ».


42      Par ailleurs, je rappelle qu’il ressort de la décision de renvoi que la condition relative à l’assurance maladie des enfants énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 n’a pas été contestée par le ministère de l’Intérieur. Voir, à cet égard, point 41 des présentes conclusions.


43      On peut imaginer, notamment, la situation où la personne concernée n’a pas respecté le délai pour le paiement de ses impôts sur le revenu ou a tout simplement négligé le paiement de sa dernière facture d’électricité.


44      Le gouvernement autrichien fait également référence à la sécurité publique.


45      Les gouvernements du Royaume-Uni et tchèque qualifient d’abusive la situation dans laquelle un parent obtiendrait, grâce à son emploi illégal, un droit de travail en raison de l’établissement d’un droit de séjour. Selon ces gouvernements, cela reviendrait à faire valoir un comportement illégal pour établir un droit, ce qui équivaudrait à un abus de droit interdit par l’article 35 de la directive 2004/38. Toutefois, il y a lieu de relever que rien dans la décision de renvoi n’indique que l’on soit en présence d’un abus de droit. En tout état de cause, je rappelle que la Cour a déjà jugé que « la preuve d’une pratique abusive nécessite, d’une part, un ensemble de circonstances objectives d’où il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint et, d’autre part, un élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention » : arrêts du 16 octobre 2012, Hongrie/Slovaquie (C‑364/10, EU:C:2012:630, point 58 et jurisprudence citée) ; du 12 mars 2014, O. et B. (C‑456/12, EU:C:2014:135, point 58), ainsi que du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:2450, point 54).


46      Voir, notamment, arrêts du 4 décembre 1974, van Duyn (41/74, EU:C:1974:133, point 18) ; du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262, points 64 et 65) ; du 7 juin 2007, Commission/Pays-Bas (C‑50/06, EU:C:2007:325, point 42), ainsi que du 13 septembre 2016, CS (C‑304/14, EU:C:2016:674, point 37). Le Royaume-Uni, en citant partiellement le point 23 de l’arrêt du 22 mai 2012, I (C‑348/09, EU:C:2012:300), fait valoir que les États membres sont libres d’établir, conformément à leurs besoins nationaux pouvant varier d’un État membre à l’autre, les exigences de l’ordre public et de la sécurité publique. Cependant, le point 23 de cet arrêt se lit comme suit : « Si, pour l’essentiel, les États membres restent libres de déterminer, conformément à leurs besoins nationaux pouvant varier d’un État membre à l’autre et d’une époque à l’autre, les exigences de l’ordre public et de la sécurité publique, notamment en tant que justification d’une dérogation au principe fondamental de la libre circulation des personnes, ces exigences doivent, toutefois, être entendues strictement, de sorte que leur portée ne saurait être déterminée unilatéralement par chacun des États membres sans contrôle des institutions de l’Union européenne ». Je rappelle que cet arrêt concerne l’interprétation de la notion de « raisons impérieuses de sécurité publique » figurant à l’article 28, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/38 dans le cadre de la condamnation pénale d’un citoyen de l’Union à une peine privative de liberté de sept ans et six mois pour atteinte sexuelle, agression sexuelle et viol sur une mineure. Mise en italique par mes soins. Voir, récemment, arrêt du 5 juin 2018, Coman e.a. (C‑673/16, EU:C:2018:385, point 44 et jurisprudence citée).


47      Arrêts du 28 octobre 1975, Rutili (36/75, EU:C:1975:137, point 28) ; du 10 juillet 2008, Jipa (C‑33/07, EU:C:2008:396, point 23), ainsi que du 13 septembre 2016, CS (C‑304/14, EU:C:2016:674, point 38).


48      Arrêt du 13 septembre 2016, CS (C‑304/14, EU:C:2016:674, point 39 et jurisprudence citée).


49      Arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 59).


50      Arrêts du 11 décembre 2007, Eind (C‑291/05, EU:C:2007:771, point 43) ; du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C‑127/08, EU:C:2008:449, point 84) ; du 5 juin 2018, Coman e.a. (C‑673/16, EU:C:2018:385, point 39), ainsi que du 11 avril 2019, Tarola (C‑483/17, EU:C:2019:309, point 38).


51      Arrêt du 19 octobre 2004 (C‑200/02, EU:C:2004:639).


52      Arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, points 51 et 52). Voir, également, arrêt du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 28).


53      Arrêt du 19 octobre 2004 (C‑200/02, EU:C:2004:639).


54      Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124, points 43 et 44).


55      Arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124, point 44). Mise en italique par mes soins.


56      Arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C‑184/99, EU:C:2001:458, point 31). Voir, récemment, arrêts du 10 décembre 2018, Wightman e.a. (C‑621/18, EU:C:2018:999, point 64 et jurisprudence citée), et du 12 mars 2019, Tjebbes e.a. (C‑221/17, EU:C:2019:189, point 31).


57      Arrêt du 19 septembre 2013, Brey (C‑140/12, EU:C:2013:565, point 70).


58      Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124).


59      Arrêt du 19 octobre 2004 (C‑200/02, EU:C:2004:639).


60      Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124).