Language of document : ECLI:EU:T:2011:493

Affaires T-394/08, T-408/08, T-453/08 et T-454/08

Regione autonoma della Sardegna (Italie) e.a.

contre

Commission européenne

« Aides d’État — Aides en faveur de l’industrie hôtelière dans la région de Sardaigne — Décision déclarant les aides pour partie compatibles et pour partie incompatibles avec le marché commun et ordonnant leur récupération — Aides nouvelles — Obligation de motivation — Protection de la confiance légitime — Effet incitatif — Règle de minimis »

Sommaire de l'arrêt

1.      Procédure — Intervention — Moyens différents de ceux de la partie principale soutenue — Recevabilité — Condition — Rattachement à l'objet du litige

(Statut de la Cour de justice, art. 40, al. 4; règlement de procédure du Tribunal, art. 116, § 4)

2.      Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE — Décision fondée sur des faits incomplets ou sur une qualification juridique erronée de ces faits

(Art. 88, § 2, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 6, § 1, et 7)

3.      Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Actes produisant des effets juridiques obligatoires — Décision de la Commission clôturant la procédure formelle d'examen des aides d'État, prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE

(Art. 88, § 2, CE et 230 CE)

4.      Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Examen d'un régime d'aides pris dans sa globalité — Admissibilité — Conséquence

(Art. 87 CE et 88, § 3, CE)

5.      Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Ouverture d'une procédure formelle d'examen — Délai maximal de deux mois — Inapplicabilité en cas d'aide non notifiée — Possession, par la Commission, d'informations concernant une aide prétendue illégale — Examen sans délai — Portée

(Art. 87 CE et 88 CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 10, § 1)

6.      Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Obligation de mener à terme dans un délai raisonnable l'examen préliminaire entamé à la suite d'une plainte

(Art. 87 CE et 88 CE)

7.      Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Décision de la Commission en matière d'aides d'État

(Art. 87 CE, 88 CE et 253 CE)

8.      Aides accordées par les États — Procédure administrative — Compatibilité de l'aide avec le marché commun — Charge de la preuve incombant au dispensateur et au bénéficiaire potentiel de l'aide

(Art. 88, § 2, CE)

9.      Aides accordées par les États — Projets d'aides — Mise en oeuvre sans notification préalable à la Commission — Décision de la Commission ordonnant la restitution de l'aide — Obligation de motivation — Portée

(Art. 88, § 3, CE et 253 CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 14, § 1)

10.    Aides accordées par les États — Aides existantes et aides nouvelles — Mesure portant modification d'un régime d'aides existantes — Qualification d'aides nouvelles — Critères — Appréciation

(Art. 87 CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 1er, b) et c))

11.    Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Compatibilité d'une aide avec le marché commun — Pouvoir d'appréciation

(Art. 87 CE et 88 CE)

12.    Exception d'illégalité — Portée — Actes dont l'illégalité peut être excipée — Lignes directrices de la Commission concernant les aides d'État à finalité régionale — Inclusion — Conditions

(Art. 87, § 3, a) et c), CE, 230 CE et 241 CE; communication de la Commission 98/C 74/06)

13.    Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides d'État à finalité régionale — Critères

(Art. 87 CE et 88 CE; communication de la Commission 98/C 74/06, point 4.2)

14.    Aides accordées par les États — Procédure administrative — Compatibilité de l'aide avec le marché commun — Charge de la preuve incombant au dispensateur et au bénéficiaire potentiel de l'aide

(Art. 88, § 2, CE)

15.    Aides accordées par les États — Compatibilité d'une aide avec le marché commun — Confiance légitime éventuelle dans le chef des intéressés — Protection — Conditions et limites

(Art. 88 CE)

16.    Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Aides d'importance mineure — Fractionnement d'une aide dépassant le plafond applicable afin d'en faire bénéficier une partie de la règle de minimis — Inadmissibilité

(Art. 88, § 3, CE; règlements de la Commission nº 69/2001, art. 2, § 1 et 2, et nº 1998/2006, art. 2, § 2, al. 2)

1.      L'article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice et l'article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal confèrent à l'intervenant le droit d'exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d'une des parties principales et ne soient pas d'une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu'il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l'objet.

Il revient donc au Tribunal, pour décider de la recevabilité des moyens invoqués par un intervenant, de vérifier qu'ils se rattachent à l'objet du litige tel qu'il a été défini par les parties principales.

(cf. points 42-43)

2.      Dans le cadre de la procédure d'examen de la compatibilité avec le marché commun d'aides octroyées par les États membres, la décision finale de la Commission peut présenter certaines divergences avec la décision d’ouverture, sans que celles-ci vicient pour autant la décision finale. Dans cette perspective, il n’y aurait donc pas lieu, pour la Commission, de procéder à une rectification d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Néanmoins, il est logique et, qui plus est, dans l’intérêt des bénéficiaires potentiels d’un régime d’aides que, dans l’hypothèse où la Commission s’aperçoit, après l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen d'une aide accordée par un État membre, que cette dernière est fondée soit sur des faits incomplets soit sur une qualification juridique erronée de ces faits, elle doive avoir la possibilité d’adapter sa position, en adoptant une décision de rectification. En effet, une telle décision de rectification, assortie d’une nouvelle invitation aux parties intéressées à soumettre leurs observations, leur permet de réagir à la modification intervenue dans l’appréciation provisoire, par la Commission, de la mesure en cause et de faire valoir leur point de vue à cet égard.

À cet égard, la Commission pourrait également choisir d’adopter d’abord une décision clôturant sans suite la procédure et ensuite une nouvelle décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, fondée sur son appréciation juridique modifiée, qui aurait, en substance, le même contenu que la décision de rectification. Dans ces conditions, des considérations d’économie de la procédure et le principe de bonne administration laissent apparaître comme préférable l’adoption d’une décision de rectification par rapport à la clôture de la procédure et à l’ouverture d’une nouvelle procédure.

Quant à la qualification juridique d’une telle décision de rectification, étant donné qu’elle vient s’ajouter à la décision d’ouverture pour former avec cette dernière une décision d’ouverture modifiée, elle partage sa qualité juridique. En effet, la communication sur l’ouverture de la procédure formelle d’examen vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future.

(cf. points 70-73)

3.      La décision finale adoptée par la Commission pour clore la procédure formelle d’examen d'une aide d'État prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE constitue un acte attaquable sur la base de l’article 230 CE. Une telle décision produit, en effet, des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des parties intéressées, puisqu’elle met fin à la procédure en cause et se prononce définitivement sur la compatibilité de la mesure examinée avec les règles applicables aux aides d’État. Partant, les parties intéressées disposent toujours de la possibilité d’attaquer la décision finale qui clôture la procédure formelle d’examen et doivent dans ce cadre pouvoir remettre en cause les différents éléments qui fondent la position définitivement adoptée par la Commission.

Cette possibilité est indépendante de la question de savoir si la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen entraîne ou non des effets juridiques susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation. Certes, il est possible de former un recours contre la décision d’ouverture lorsqu’elle emporte des effets juridiques définitifs qui ne peuvent pas être régularisés a posteriori par la décision finale. Tel est le cas lorsque la Commission ouvre la procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure qu’elle qualifie provisoirement d’aide nouvelle, cette décision d’ouverture emportant des effets juridiques autonomes par rapport à la décision finale. En effet, la suspension de la mise en œuvre de la mesure concernée résultant, en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE, de la qualification provisoire de cette mesure d’aide nouvelle revêt un caractère autonome par rapport à la décision finale, limité dans le temps jusqu’à la clôture de la procédure formelle.

Néanmoins, cette possibilité d’attaquer une décision d’ouverture ne peut avoir pour conséquence de réduire les droits procéduraux des parties intéressées en les empêchant d’attaquer la décision finale et d’invoquer au soutien de leur requête des vices relatifs à toutes les étapes de la procédure conduisant à cette décision.

Par conséquent, le fait que les parties requérantes et intervenantes n’introduisent pas dans le délai requis un recours contre une décision de rectification de la Commission ne les empêche pas de soulever des moyens tirés de l’illégalité de cette dernière à l’encontre de la décision finale de la Commission.

(cf. points 77-79)

4.      Dans le cas d’un régime d’aides d'État, la Commission n’est, en principe, pas tenue d’effectuer une analyse des aides octroyées dans des cas individuels mais peut se borner à examiner les caractéristiques du régime en cause. Par ailleurs, les circonstances particulières propres aux bénéficiaires individuels d’un régime d’aides ne peuvent être appréciées qu’au stade de la récupération de l’aide par l’État membre concerné. En effet, s'il en était autrement, la charge de l'examen pesant sur la Commission serait plus importante dans l'hypothèse d'un régime mis en oeuvre de manière illégale, en violation de l'article 88, paragraphe 3, CE, que dans l'hypothèse où l'État membre en cause aurait respecté l'obligation de notification imposée par ladite disposition, puisque, dans ce dernier cas, les circonstances particulières des bénéficiaires potentiels sont par définition inconnues au stade de l'examen.

Dès lors, la Commission peut se limiter à examiner le régime d’aides en tant que tel et n'est tenue de prendre en compte ni les rapports entre les entreprises bénéficiaires et l'État concerné, ni les différences existant entre les diverses entreprises concernées, ni encore l’éventuelle confiance légitime qui pourrait être invoquée par certaines de ces entreprises. Ces circonstances ne pourront être prises en compte qu’au stade de la récupération des aides individuelles.

(cf. points 91-92)

5.      En vertu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999, portant modalités d'application de l'article 88 CE, lorsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai. Cette disposition ne doit pas être comprise comme faisant référence à la clôture de la phase préliminaire d’examen mais plutôt comme se rapportant au début de l’examen préliminaire, thèse qui est confortée par le fait que la Commission n’est pas tenue par le délai habituel dans l’hypothèse d’un examen préliminaire déclenché par une plainte.

En effet, le délai de deux mois dans lequel la Commission doit clôturer la phase préliminaire d’examen s’applique exclusivement dans le cas d’aides notifiées par les États membres et non dans les cas où, par exemple, la phase préliminaire d’examen a été déclenchée par une plainte.

(cf. points 97-98)

6.      Dans la mesure où elle possède une compétence exclusive pour apprécier la compatibilité d’une aide d’État avec le marché commun, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État, de procéder à un examen diligent et impartial d’une plainte dénonçant l’existence d’une aide incompatible avec le marché commun et elle ne saurait donc prolonger indéfiniment l’examen préliminaire de mesures étatiques ayant fait l’objet d’une plainte relative à une aide d’État.

Le caractère raisonnable de la durée d’une telle procédure administrative doit s’apprécier en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission doit suivre, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées.

(cf. point 99)

7.      L’obligation de motivation de la Commission ne s’applique pas à la durée de la procédure d'examen d'une mesure d'aide d'État mais uniquement au contenu même de la décision. En effet, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes directement et individuellement concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications.

Or, la durée d’une procédure ne procède pas d’un raisonnement de l’institution en cause, susceptible de justifier cette durée, mais est une circonstance purement factuelle dépendant exclusivement du temps qui est nécessaire à l’institution pour mener à son terme ladite procédure. Dès lors, elle ne fait pas partie du contenu de la décision, susceptible d’être motivé. Elle ne requiert que l’énumération purement factuelle des différentes étapes de la procédure jusqu’à l’adoption de la décision en question.

(cf. points 120-122)

8.      Dès lors que la décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE contient une analyse préliminaire suffisante de la Commission exposant les raisons pour lesquelles elle éprouve des doutes quant à la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, il revient à l’État membre et au bénéficiaire potentiel d’apporter les éléments de nature à démontrer que ces aides sont compatibles avec le marché commun.

Néanmoins, cela ne constitue qu’une règle afférente à la charge de la preuve et non au devoir de motivation, de sorte que c’est à la Commission qu’il appartient, le cas échéant, de faire état, dans sa décision, des motifs qui l’ont conduite à considérer que, malgré les éléments fournis par l’État membre ou les bénéficiaires, les aides en cause ne sont pas compatibles avec le marché commun.

(cf. point 132)

9.      En matière d’aides d’État, lorsque, contrairement aux dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE, l’aide a déjà été accordée, la Commission, qui a le pouvoir d’enjoindre aux autorités nationales d’en ordonner la restitution, n’est pas tenue d’exposer des motifs spécifiques pour justifier de son exercice. Cette solution, antérieure à l’entrée en vigueur du règlement nº 659/1999, portant modalités d'application de l'article 88 CE, trouve toujours à s’appliquer dans le cadre de l’article 14, paragraphe 1, de ce règlement.

La décision de faire récupérer l’aide est donc la conséquence quasi automatique en cas de constatation de son illégalité et de son incompatibilité - sous la seule réserve, découlant de la deuxième phrase de ladite disposition, qu’une injonction de récupération n’aille pas à l’encontre d’un principe général de droit communautaire. La Commission n’a donc pas de marge d’appréciation à cet égard. Dans de telles circonstances, une fois qu’elle a exposé les raisons pour lesquelles elle considère que l’aide en cause est illégale et incompatible avec le marché commun, elle ne saurait être tenue de motiver la décision ordonnant la récupération.

(cf. point 152)

10.    En matière d'aides d'État, les mesures tendant à instituer ou à modifier des aides constituent des aides nouvelles. En particulier, lorsque la modification affecte le régime initial dans sa substance même, ce régime se trouve transformé en un régime d’aides nouveau. En revanche, lorsque la modification n’est pas substantielle, c’est seulement la modification en tant que telle qui est susceptible d’être qualifiée d’aide nouvelle.

En particulier, lorsqu'une décision d'approbation de la Commission mentionne expressément la condition selon laquelle toute demande d'aide doit obligatoirement précéder le début de l'exécution des projets d'investissements et que l'État membre concerné accorde, sur le fondement d'une réglementation adoptée ultérieurement à la décision d'approbation, des aides pour des projets régionaux dont l'exécution a débuté avant la présentation des demandes d'aides, il est question d'aides nouvelles au sens de l'article 1er, sous c), du règlement nº 659/1999, portant modalités d'application de l'article 88 CE. En effet, une telle modification ne saurait être qualifiée de mineure ou d'anodine. Dans la mesure où la Commission subordonne régulièrement son approbation des régimes d’aides à finalité régionale à la condition selon laquelle la demande d’aide doit obligatoirement précéder le début de l’exécution des projets, il est évident que la suppression de cette condition est susceptible d’influer sur l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun.

(cf. points 176-179)

11.    La compatibilité d’un régime d’aides avec le marché commun doit être appréciée exclusivement en fonction des caractéristiques qui lui sont propres, à l’aune de la politique que la Commission poursuit au moment de cette appréciation. En revanche, l’appréciation de la compatibilité d’un régime d’aides avec le marché commun ne saurait être influencée par la circonstance qu’il a pu être précédé par d’autres régimes à propos desquels la Commission a accepté certaines modalités. En effet, s’il en était autrement, il serait impossible à la Commission de modifier les critères en fonction desquels elle apprécie la compatibilité des aides d’État, faculté qu’elle doit avoir afin de pouvoir réagir tant à l’évolution de la pratique des États membres en matière d’octroi d’aides d’État qu’à l’évolution du marché commun.

(cf. point 190)

12.    L’article 241 CE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, qui, même s’ils n’ont pas la forme d’un règlement, constituent la base juridique de la décision litigieuse, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 230 CE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation.

S'agissant des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, il découle de leur partie introductive qu'elles fixent, de manière générale et abstraite, les critères que la Commission applique aux fins de l'appréciation de la compatibilité avec le marché commun des aides à finalité régionale, en application de l'article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE, et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des États membres accordant de telles aides. En particulier, la condition établie au point 4.2 desdites lignes directrices s'applique à l'ensemble des aides visées par celles-ci, indépendamment de leur objet, de leur forme ou de leur montant.

Dès lors que la Commission, dans sa décision finale, se prévaut expressément du point 4.2 des lignes directrices, dans le cadre de son appréciation de la compatibilité de certaines aides avec le marché commun, même si ce point 4.2 ne constitue pas le fondement juridique de cette décision, la condition qui y est formulée peut être considérée comme déterminant de manière générale et abstraite la façon dont la Commission a apprécié la compatibilité des aides concernées avec le marché commun. Dans ce cas, il existe un lien juridique direct entre la décision finale de la Commission et les lignes directrices et, dès lors qu'une partie n'était pas en mesure de demander l'annulation de ces lignes directrices, en tant qu'acte général, celles-ci peuvent faire l'objet d'une exception d'illégalité.

(cf. points 206, 208-210)

13.    L’application du critère du point 4.2 des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale, qui dispose que les régimes d'aides doivent prévoir que la demande d'aide doit être introduite avant le début de l'exécution des projets, vise à établir si une mesure d’aide présente un effet incitatif, dans une situation où il n’est pas possible de procéder à un examen complet de tous les aspects économiques de la décision d’investissement des futurs bénéficiaires de l’aide.

À cet égard, il ressort du point 2, deuxième à quatrième alinéas, des lignes directrices que la Commission n’approuve, en principe, les aides à finalité régionale que sous forme de régimes d’aides, puisqu’elle considère que les aides individuelles ad hoc ne remplissent pas la condition selon laquelle l’équilibre doit être assuré entre les distorsions de la concurrence qui découlent des aides et les avantages des aides en termes de développement d’une région défavorisée.

Or, lors de l’examen de la compatibilité avec le marché commun d’un régime d’aides notifié, les circonstances particulières propres aux différents bénéficiaires potentiels du régime et aux projets concrets pour lesquels ceux-ci pourront demander des subventions sont par définition inconnues de la Commission. Par conséquent, cette dernière doit se fonder, pour apprécier la compatibilité avec le marché commun d’un régime d’aides, sur des critères qui sont soit indépendants des circonstances particulières propres aux futurs bénéficiaires, soit uniformes pour tous les futurs bénéficiaires.

Le fait d’exiger que la demande d’aide précède le début de l’exécution du projet subventionné permet de garantir que l’entreprise concernée ait clairement manifesté sa volonté de bénéficier du régime d’aides en cause avant d’entamer l’exécution dudit projet. Cela permet donc d’éviter que ne soient présentées ex post des demandes pour des projets dont la réalisation a été entamée indépendamment de l’existence d’un régime d’aides. Eu égard à ces considérations, le simple constat de l’antériorité d'une demande d’aide par rapport au début de l’exécution du projet d’investissement constitue un critère simple, pertinent et adéquat permettant à la Commission de présumer l’existence d’un effet incitatif.

(cf. point 215)

14.    En matière d'aides d'État, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, il revient à l’État membre concerné et aux bénéficiaires de la mesure considérée de faire valoir leurs arguments tendant à démontrer que la mesure en cause ne constitue pas une aide ou qu’elle est compatible avec le marché commun, l’objet de la procédure formelle étant précisément d’éclairer la Commission sur l’ensemble des données de l’affaire. En effet, si la Commission est tenue de formuler clairement ses doutes sur la compatibilité de l’aide lorsqu’elle ouvre une procédure formelle afin de permettre à l’État membre et aux intéressés d’y répondre au mieux, il n’en demeure pas moins que c’est à ces derniers de dissiper ces doutes et d’établir que la mesure en cause satisfait aux conditions d’une dérogation. En particulier, en vue d’obtenir l’approbation d’aides en dérogation aux règles du traité, il appartient à l’État membre concerné, en vertu de son devoir de collaboration envers la Commission, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont réunies.

(cf. point 246)

15.    Une confiance légitime dans la régularité d’une aide d’État ne saurait en principe, et sauf circonstances exceptionnelles, être invoquée que si cette aide a été accordée dans le respect de la procédure prévue par l’article 88 CE. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée.

Ainsi, les bénéficiaires d'aides ne respectant pas les conditions énoncées dans la décision d'approbation de la Commission ne sauraient en principe être admis à invoquer une confiance légitime dans la régularité desdites aides. Certes, n'est aucunement exclue la possibilité, pour les bénéficiaires d’une aide illégale, d’invoquer, dans le cadre de la procédure de récupération, des circonstances exceptionnelles qui ont pu légitimement fonder leur confiance légitime dans le caractère régulier de cette aide, pour s’opposer à son remboursement. Toutefois, ces bénéficiaires ne peuvent invoquer de telles circonstances exceptionnelles, sur la base des dispositions pertinentes du droit national, que dans le cadre de la procédure de récupération devant les juridictions nationales, seules compétentes pour apprécier, le cas échéant après avoir posé à la Cour des questions préjudicielles en interprétation, les circonstances de la cause.

Par ailleurs, le principe général posé par l’article 87, paragraphe 1, CE étant celui de l’interdiction des aides d’État et les dérogations à ce principe étant d’interprétation stricte, une décision de ne pas soulever d’objections à un régime d’aides ne concerne que l’octroi effectif des aides relevant de ce régime et ne saurait, dès lors, fonder une confiance légitime des bénéficiaires potentiels de futurs projets d’aides similaires dans la compatibilité avec le marché commun des aides concernées.

(cf. points 274-277, 283)

16.    En matière d'aides d'État, l’objectif de la règle de minimis est de simplifier les procédures administratives, tant dans l’intérêt des bénéficiaires d’aides d’une importance relativement faible et donc non susceptibles de fausser la concurrence que dans celui de la Commission, qui doit pouvoir concentrer ses ressources sur les cas présentant un réel intérêt communautaire.

À cet égard, le fait d’admettre le fractionnement d’une aide afin d’en faire bénéficier une partie de la règle de minimis ne contribuerait pas à la poursuite de l’objectif susvisé. En effet, le simple fait de déduire du montant d’une aide envisagée en faveur d’une entreprise le montant correspondant au plafond de minimis n’épargne ni à la Commission la tâche de devoir examiner la compatibilité avec le marché commun de l’aide en cause pour le montant qui dépasse ce plafond ni à l’entreprise en cause de devoir attendre l’issue de cet examen avant de pouvoir en bénéficier ou, dans l’hypothèse d’une aide illégale, de devoir, le cas échéant, la rembourser.

En outre, la notion d’aide de minimis indique qu’il doit s’agir d’une aide d’un faible montant. Or, le fait d’admettre ex post le fractionnement d’aides dépassant le plafond applicable à cet égard impliquerait de faire bénéficier en partie de la règle de minimis des aides qui n’étaient pas d’un faible montant au moment de leur octroi.

Il est vrai que, à la suite de la récupération du montant total de l’aide accordée illégalement, l’État membre en cause peut en principe immédiatement octroyer à l’entreprise une nouvelle aide de minimis à concurrence du plafond de 100 000 euros. Toutefois, cela requiert une nouvelle décision d’octroi de fonds publics par l’État membre, qui reste libre de sa décision, de sorte que l’interdiction du fractionnement ne saurait être considérée comme une règle de pure forme.

Dès lors, l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 69/2001, concernant l'application des articles 87 CE et 88 CE aux aides de minimis, doit être interprété en ce sens que l’exonération de l’obligation de notification prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE ne peut pas être appliquée à des montants qui font partie d’une aide dont le montant total excède le plafond de 100 000 euros sur une période de trois ans. En tout état de cause, l’inscription expresse de cette interprétation restrictive à l’article 2, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 1998/2006, concernant l'application des articles 87 CE et 88 CE aux aides de minimis, doit donc être comprise comme introduisant une clarification et non comme ajoutant une nouvelle condition à l’application de la règle de minimis.

(cf. points 304-305, 308-311)