Language of document : ECLI:EU:T:2013:430

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre) 

13 septembre 2013 (*)

« Aides d’État – Subvention prévue pour le rachat et la conversion d’une centrale thermoélectrique en une centrale électrique au biocombustible – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Application des lignes directrices relatives aux aides d’État à finalité régionale dans le temps – Confiance légitime – Effet d’incitation »

Dans l’affaire T‑551/10,

Fri-El Acerra Srl, établie à Acerra (Italie), représentée par Mes M. Todino et P. Fattori, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Grespan et P. Manzini, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/110/UE de la Commission, du 15 septembre 2010, concernant l’aide d’État C 8/09 (ex N 357/08) que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur de Fri-El Acerra Srl (JO 2011, L 46, p. 28),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, S. Soldevila Fragoso (rapporteur) et G. Berardis, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes des dispositions de l’article 107, paragraphe 3, TFUE :

« Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur :

a)      les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi […],

[…]

c)      les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun,

[…] »

2        Les lignes directrices de la Commission concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO 2006, C 54, p. 13, ci-après les « lignes directrices de 2007 ») énoncent plusieurs conditions requises pour l’autorisation des aides régionales à l’investissement, relatives à leur effet d’incitation, à leur contribution à une stratégie de développement régional cohérente, aux coûts admissibles, aux montants de la contribution propre, aux limites de l’aide et au maintien de l’investissement dans la région.

3        S’agissant de l’effet d’incitation, les lignes directrices de 2007 prévoient ainsi, au point 38 :

« Il importe de veiller à ce que l’aide régionale ait réellement pour effet d’inciter à réaliser des investissements qui ne le seraient pas sinon dans les régions assistées. Par conséquent, une aide ne peut être accordée au titre de régimes d’aides que si le bénéficiaire a présenté une demande à cet effet et si l’autorité responsable de l’administration du régime a ensuite confirmé par écrit que, sous réserve de vérifications plus détaillées, le projet en principe remplissait les conditions d’admissibilité fixées dans le régime avant le début des travaux. Tous les régimes d’aides doivent aussi mentionner expressément ces deux conditions. Dans le cas d’une aide ad hoc, l’autorité compétente doit avoir délivré une lettre d’intention selon laquelle elle accordera l’aide avant le début des travaux, mais sous réserve de l’autorisation de la mesure en cause par la Commission. S’ils commencent avant que les conditions établies au présent paragraphe ne soient respectées, c’est l’ensemble du projet qui perd son droit à l’aide. »

4        Aux termes du point 105 des lignes directrices de 2007 :

« La Commission entend appliquer les présentes lignes directrices à l’ensemble des aides à finalité régionale accordées après le 31 décembre 2006. Les aides régionales attribuées ou accordées avant 2007 seront évaluées au regard des lignes directrices de 1998 concernant les aides d’État à finalité régionale. »

 Faits à l’origine du litige

5        Le 15 juillet 2005, les autorités nationales, régionales et locales italiennes ont conclu avec les sociétés NGP SpA, Montefibre, Sviluppo Italia et Edison SpA un accord de programme ayant pour objet la réhabilitation du site industriel d’Acerra, en Campanie (Italie), qui consistait en la construction d’une nouvelle usine pour la production de polymères, la transformation d’une ancienne centrale thermoélectrique fermée appartenant à NGP (ci-après l’« ancienne centrale électrique ») et la création d’un parc industriel.

6        Les 29 septembre et 6 octobre 2005 ont eu lieu deux réunions du comité responsable de l’exécution du programme. Lors de la seconde réunion, le groupe auquel appartient la requérante, Fri-El Acerra Srl, a été mentionné par le représentant de NGP comme un repreneur potentiel de l’ancienne centrale électrique.

7        La requérante, qui fait partie du groupe Fri-El Green Power SpA, produit et vend de l’électricité obtenue à partir de sources renouvelables. Elle a été constituée le 20 décembre 2005 et était contrôlée à 95 % par Fri-El Acerra Holding Srl et à 5 % par NGP.

8        La requérante a effectué une analyse de faisabilité économique du projet, datée du 26 janvier 2006, et, le 9 février 2006, elle a procédé au rachat de la branche d’activité de NGP relative à l’ancienne centrale électrique.

9        Le 6 avril 2006, un protocole additionnel à l’accord de programme a été signé, qui prévoyait la reconversion de l’ancienne centrale électrique en une centrale électrique fonctionnant au biocombustible (ci-après la « nouvelle centrale électrique ») et l’octroi d’une aide au projet dans le cadre d’un régime d’exemption par catégorie. Une seconde modification de l’accord de programme a eu lieu le 8 avril 2008.

10      Le 4 août 2006, la requérante a passé une commande pour la fourniture de quatre moteurs à combustion destinés à la nouvelle centrale électrique. Le 9 octobre 2006, la région Campanie a octroyé les autorisations relatives à la transformation technique de l’ancienne centrale électrique. En juillet 2007, la requérante a débuté les travaux de transformation de l’ancienne centrale électrique.

11      Le 26 octobre 2007, le Conseil régional de la région Campanie a adopté une décision par laquelle celle-ci s’engageait à accorder à la requérante une aide d’État pour la construction d’une centrale électrique au biocombustible (huile végétale), sous réserve de l’autorisation de la Commission des Communautés européennes.

12      Le 16 juillet 2008, les autorités italiennes ont notifié à la Commission leur intention d’accorder une aide ad hoc à finalité régionale d’un montant de 19,5 millions d’euros à la requérante pour la reconversion de l’ancienne centrale électrique en une centrale électrique au biocombustible dans la zone industrielle d’Acerra.

13      Le 10 mars 2009, à la suite d’un échange de courriers avec les autorités italiennes, la Commission a décidé d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (JO 2009, C 95, p. 20).

14      La requérante a présenté ses observations à la Commission le 15 mai 2009. Le 24 septembre 2009, une réunion s’est tenue entre la Commission, les autorités italiennes et des représentants de la région Campanie et de la requérante, à la suite de laquelle les autorités italiennes ont transmis certains documents et renseignements à la Commission par lettres du 2 novembre 2009 et du 1er février 2010 et par courriel du 5 mai 2010.

15      Le 15 septembre 2010, la Commission a adopté la décision 2011/110/UE, concernant l’aide d’État C 8/09 (ex N 357/08) que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur de la requérante (JO 2011, L 46, p. 28, ci-après la « décision attaquée »).

16      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la mesure notifiée constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et a examiné si elle pouvait être considérée comme compatible avec le marché intérieur au sens des dispositions de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE. Elle a estimé que la mesure notifiée ne respectait ni la condition posée au point 38 des lignes directrices de 2007 relative à l’effet d’incitation (considérant 97 de la décision attaquée), ni celle énoncée à leur point 10 relative à la contribution de l’investissement à une stratégie cohérente de développement régional (considérant 104 de la décision attaquée).

17      La Commission a par ailleurs considéré que la mesure en cause n’était pas compatible avec le marché intérieur au sens des dispositions de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, dès lors qu’elle ne satisfaisait pas aux conditions énoncées par les lignes directrices de la Commission concernant les aides d’État à la protection de l’environnement (JO 2008, C 82, p. 1, ci-après les « lignes directrices concernant la protection de l’environnement ») (considérant 116 de la décision attaquée).

18      La Commission a ainsi conclu que la mesure en cause était incompatible avec le marché intérieur et ne pouvait, dès lors, être mise à exécution. 

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 novembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 7 mars 2013.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

23      Au soutien de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’adage tempus regit actum et du principe de protection de la confiance légitime, le deuxième, d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation dans la détermination de la date de début des travaux et de l’effet d’incitation de l’aide, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une dénaturation des faits quant à la contribution de l’aide à une stratégie cohérente de développement régional et, enfin, le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la compatibilité de l’aide au sens des lignes directrices concernant la protection de l’environnement.

24      À titre liminaire, il convient de rappeler, en premier lieu, qu’il est de jurisprudence constante que le principe général posé par l’article 107, paragraphe 1, TFUE est celui de l’interdiction des aides d’État et que les dérogations à ce principe sont d’interprétation stricte (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec. p. I‑3925, point 20, et du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, Rec. p. I‑1875, point 79 ; arrêt du Tribunal du 2 décembre 2008, Nuova Agricast et Cofra/Commission, T‑362/05 et T‑363/05, non publié au Recueil, point 80).

25      Pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social (arrêt de la Cour du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, Rec. p. I‑6619, point 59).

26      Dans ce cadre, le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (arrêts de la Cour du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑351/98, Rec. p. I‑8031, point 74 ; du 13 février 2003, Espagne/Commission, C‑409/00, Rec. p. I‑1487, point 93, et Allemagne e.a./Kronofrance, précité, point 59).

27      Il convient de rappeler, en second lieu, que les lignes directrices, qui constituent des mesures d’ordre interne adoptées par l’administration, énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont cette dernière ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec les principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 211, et Allemagne e.a./Kronofrance, précité, point 60). De telles règles peuvent déployer, sous certaines conditions et en fonction de leur contenu, des effets juridiques (voir arrêt de la Cour du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié au Recueil, point 120, et la jurisprudence citée).

28      Ainsi, dans le domaine spécifique des aides d’État, la Commission est tenue par les règles qu’elle adopte, dans la mesure où elles ne s’écartent pas des normes du traité et où elles sont acceptées par les États membres (arrêt Allemagne e.a./Kronofrance, précité, point 61).

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’adage tempus regit actum et du principe de protection de la confiance légitime

29      Le point 105 des lignes directrices de 2007 prévoit que la Commission entend appliquer celles-ci à l’ensemble des aides à finalité régionale accordées après le 31 décembre 2006. Les aides régionales attribuées ou accordées avant le 1er janvier 2007 devaient, en revanche, être évaluées au regard des lignes directrices de la Commission concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9, ci-après les « lignes directrices de 1998 »).

30      En l’espèce, la Commission a considéré que les lignes directrices de 2007 devaient constituer la base juridique de l’appréciation de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, étant donné que c’est par la décision du 26 octobre 2007 que la région Campanie s’est engagée à accorder à la requérante une aide financière à la construction d’une centrale électrique au biocombustible, sous réserve de l’autorisation de la Commission (considérant 68 de la décision attaquée).

31      La requérante considère que, en faisant application des lignes directrices de 2007 en l’espèce, et notamment du point 38 de celles-ci, la Commission a violé l’adage tempus regit actum et le principe de protection de la confiance légitime. Elle estime, en substance, que la Commission aurait dû appliquer les lignes directrices de 1998.

32      La requérante précise que le projet d’investissement a débuté dès février 2006 et que la relance industrielle du site d’Acerra avait même commencé dès la conclusion de l’accord de programme du 15 juillet 2005, c’est-à-dire avant même la publication des lignes directrices de 2007.

33      La requérante souligne que l’obligation de fournir une lettre d’intention des autorités nationales, prévue par le point 38 des lignes directrices de 2007, ne figurait pas dans les lignes directrices de 1998 en vigueur avant le 1er janvier 2007, qui, par ailleurs, ne s’appliquaient pas aux aides ad hoc, pour lesquelles aucune exigence de forme n’était même nécessaire afin de démontrer leur effet d’incitation.

34      La requérante fait en outre valoir que les lignes directrices de 2007 auraient dû prévoir que les exigences figurant en leur point 38 ne s’appliquaient pas aux projets d’investissement ayant débuté sous l’empire de l’ancienne règlementation et que, en l’absence de telles dispositions, la Commission aurait dû effectuer une analyse conforme à l’adage tempus regit actum et conclure, compte tenu de la procédure administrative longue et complexe mise en œuvre en l’espèce, que l’obligation de fournir la lettre d’intention avant le début des travaux n’était pas applicable.

35      Enfin, la requérante soutient que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime dès lors qu’elle avait fondé, au début du projet, une confiance légitime dans la pratique décisionnelle antérieure de celle-ci consacrée par les lignes directrices de 1998.

36      La Commission réfute les arguments de la requérante.

37      Il importe de rappeler que les lignes directrices de 2007, qui ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne le 4 mars 2006, ont prévu, en leur point 105, qu’elles seraient appliquées à l’ensemble des aides à finalité régionale accordées après le 31 décembre 2006. À l’inverse, les aides accordées avant le 1er janvier 2007 étaient soumises aux dispositions des lignes directrices de 1998.

38      Aux fins d’apprécier si l’aide litigieuse relevait du champ d’application ratione temporis des lignes directrices de 2007, il convient d’examiner si celle-ci pouvait être considérée comme ayant été accordée après le 31 décembre 2006.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le critère pertinent est celui de l’acte juridiquement contraignant par lequel l’autorité compétente s’engage à accorder l’aide (arrêts du Tribunal du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec. p. II‑127, point 74, et Nuova Agricast et Cofra/Commission, précité, point 80).

40      En l’espèce, il ressort du dossier que l’acte juridiquement contraignant par lequel la région Campanie s’est engagée à accorder l’aide est la décision du 26 octobre 2007. En effet, ni la signature du premier accord de programme, le 15 juillet 2005, entre les autorités italiennes et des tiers, relatif à la réhabilitation du site d’Acerra et qui ne mentionne aucune aide, ni le rachat par la requérante, le 9 février 2006, de la branche d’activité de NGP relative à l’ancienne centrale électrique, ni la conclusion du protocole additionnel à l’accord de programme, le 6 avril 2006, qui prévoyait l’octroi d’une aide au projet dans le cadre d’un régime d’exemption par catégorie valable jusqu’au 31 décembre 2006 et qui excluait les projets dont les coûts admissibles dépassaient 25 millions d’euros ou comportaient l’achat d’installations et de machines d’occasion ainsi que les projets bénéficiant d’une aide d’un montant total supérieur à 15 millions d’euros, ni, enfin, l’octroi par la région Campanie, le 9 octobre 2006, des autorisations administratives de transformation technique de l’ancienne centrale électrique ne sauraient être considérés comme constituant une décision de telle nature.

41      Dès lors, la Commission n’a pas méconnu le point 105 des lignes directrices de 2007 en considérant que l’aide litigieuse relevait du champ d’application ratione temporis desdites lignes directrices.

42      Cependant, il convient de vérifier si la requérante, lorsqu’elle a débuté son projet d’investissement en février 2006, à savoir avant l’entrée en vigueur des lignes directrices de 2007, se trouvait dans une situation permettant de considérer qu’elle disposait d’une confiance légitime quant à l’applicabilité à son cas des lignes directrices de 1998, qui, contrairement à celles de 2007, ne prévoyaient pas la nécessité d’avoir reçu une lettre d’intention des autorités nationales avant le début des travaux, ainsi que dans le fait que ce projet bénéficierait d’une aide compatible avec le marché intérieur.

43      À cet égard, il convient de rappeler que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies cette institution. En outre, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice dudit principe lorsque cette mesure est adoptée (voir arrêt de la Cour du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, Rec. p. I‑9811, point 71, et la jurisprudence citée).

44      Or, en l’espèce, il y a lieu, tout d’abord, de constater que la Commission n’a fourni aucune assurance à la requérante quant à la régularité de l’aide que les autorités italiennes envisageaient de lui accorder.

45      Du reste, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante, qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union. Ce principe s’applique clairement dans le cadre de la politique de la concurrence, qui est caractérisée par un large pouvoir discrétionnaire de la Commission (voir arrêt du Tribunal du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑30/01 à T‑32/01 et T‑86/02 à T‑88/02, Rec. p. II‑2919, point 310, et la jurisprudence citée).

46      À cet égard, il convient d’observer que, en février 2006, date à laquelle la requérante a débuté son projet d’investissement, la modification des règles applicables aux aides à finalité régionale était prévisible par tout opérateur normalement diligent, puisque les lignes directrices de 1998 prévoyaient expressément une révision par la Commission dans les cinq années suivant la date de leur application ainsi que la possibilité pour la Commission de les modifier à tout moment, notamment si cela s’avérait utile pour des raisons liées à la politique de concurrence (voir point 6.4 des lignes directrices de 1998). En outre, bien que les lignes directrices de 2007 aient été publiées au Journal officiel du 4 mars 2006, la proposition du texte des nouvelles lignes directrices avait été publiée sur le site Internet de la Commission dès le 21 décembre 2005.

47      Par ailleurs, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante relatifs à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission dès lors que, selon une jurisprudence constante, c’est dans le seul cadre des règles en vigueur que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide nouvelle ne répond pas aux conditions d’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE et non au regard d’une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, à supposer celle-ci établie (arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, Rec. p. I‑9975, points 52 et 53 ; arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 177, et du 4 mars 2009, Italie/Commission, T‑424/05, non publié au Recueil, point 174).

48      Ensuite, il doit également être rappelé que, en ce qui concerne l’aspect spécifique des lignes directrices de 2007 relatif à l’effet d’incitation et contesté par la requérante, ces lignes directrices, à l’instar de celles de 1998, ont trait à l’application de la disposition actuellement énoncée à l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, qui prévoit que les aides destinées à favoriser le développement économique des régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

49      Il ressort de la jurisprudence que la Commission ne peut déclarer une aide compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, TFUE que si elle peut constater que cette aide contribue à la réalisation de l’un des objectifs cités à cette disposition, objectifs que l’entreprise bénéficiaire ne pourrait atteindre par ses propres moyens dans des conditions normales de marché. En d’autres termes, afin qu’une aide puisse bénéficier d’une des dérogations prévues à l’article 107, paragraphe 3, TFUE, l’aide doit non seulement être conforme à l’un des objectifs visés par l’article 107, paragraphe 3, sous a), b), c) ou d), TFUE, mais elle doit également être nécessaire pour atteindre ces objectifs (arrêt du Tribunal du 7 juin 2001, Agrana Zucker und Stärke/Commission, T‑187/99, Rec. p. II‑1587, point 74). En revanche, une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre les buts prévus à l’article 107, paragraphe 3, TFUE ne saurait être considérée comme compatible avec le marché intérieur (arrêt de la Cour du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, Rec. p. I‑2577, point 68, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2010, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T-396/08, non publié au Recueil, point 47).

50      Il découle des éléments qui précèdent que, dans le contexte de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, l’aide projetée doit, pour être compatible avec le marché intérieur, être nécessaire pour le développement des régions défavorisées. À cette fin, il doit être démontré que, en l’absence de l’aide projetée, l’investissement destiné à soutenir le développement de la région concernée ne serait pas effectué. En revanche, s’il devait apparaître que cet investissement serait opéré même en l’absence de l’aide projetée, il faudrait conclure que cette dernière aurait pour seul effet d’améliorer la situation financière des entreprises bénéficiaires, sans pour autant répondre à la condition posée par l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, à savoir d’être nécessaire au développement des régions défavorisées.

51      Lors de l’évaluation de la question de savoir si une aide produit l’effet d’incitation requis pour rentrer dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation. Elle peut décider d’encadrer l’exercice de ce pouvoir par l’adoption de lignes directrices, ce qu’elle a fait expressément par l’adoption des lignes directrices de 2007. Le fait que les lignes directrices de 1998, qui, contrairement à ce que soutient la requérante, étaient également applicables aux aides ad hoc (arrêt du Tribunal du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T‑162/06, Rec. p. II‑1, point 80), ne contenaient pas ce même type d’encadrement ne signifie pas qu’elles faisaient abstraction de l’effet d’incitation, dont la nécessité découle du traité, ainsi que cela ressort des points 48 à 50 ci-dessus.

52      En application des principes rappelés auxdits points, la Commission a en substance prévu, au point 38 des lignes directrices de 2007, que, afin de veiller à ce que l’aide régionale ait réellement pour effet d’inciter à réaliser, dans des régions défavorisées, des investissements qui ne le seraient pas autrement, il y avait lieu de vérifier que les travaux concernant ces investissements n’aient pas débuté avant que l’autorité publique souhaitant verser l’aide ait formalisé son engagement à cette fin.

53      Ainsi, par cette disposition, la Commission a encadré son pouvoir d’appréciation par la mise en place d’un mécanisme lui permettant de contrôler plus efficacement l’effet d’incitation des aides régionales, dans le respect du principe selon lequel la Commission ne peut déclarer une aide compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, TFUE que si elle peut constater que cette aide est nécessaire à la réalisation de l’un des objectifs cités à ce paragraphe, objectifs que l’entreprise bénéficiaire ne pourrait atteindre par ses propres moyens dans des conditions normales de marché.

54      Contrairement à ce que prétend la requérante, le choix de la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation selon ces modalités en ce qui concerne l’aide litigieuse en l’espèce ne viole pas le principe de protection de la confiance légitime.

55      En effet, d’une part, la requérante ne saurait invoquer une confiance légitime se fondant sur des lignes directrices ne prévoyant pas expressément la nécessité de la lettre d’intention des autorités nationales aux fins de la démonstration de l’effet d’incitation, alors que des lignes directrices ne sauraient déroger aux exigences du traité rappelées ci-dessus. D’autre part, le principe de protection de la confiance légitime ne saurait être utilement invoqué dans les circonstances de la présente affaire, car celui-ci ne concerne que des situations acquises avant l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 juillet 1993, Grusa Fleisch, C‑34/92, Rec. p. I‑4147, point 22). Or, la requérante ne se trouvait pas dans une telle situation, dès lors qu’elle avait débuté le projet en cause bien avant que la République italienne notifie cette aide à la Commission. La situation de la requérante était ainsi loin d’être acquise, d’autant plus qu’il ressort de la jurisprudence que même la situation d’une entreprise pouvant bénéficier d’une aide notifiée a un caractère provisoire, l’octroi de la mesure d’aide étant subordonné au résultat de la procédure devant la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 18 novembre 2004, Ferriere Nord/Commission, T‑176/01, Rec. p. II‑3931, point 139).

56      Du reste, en matière d’appréciation des aides d’État, les règles applicables par la Commission sont, en principe, celles en vigueur au moment où elle adopte sa décision (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07 P, Rec. p. I‑9465, points 52 et 53, et Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, point 125 ; arrêt Ferriere Nord/Commission, précité, points 134 à 140).

57      Cette solution est fondée, d’une part, sur la considération selon laquelle, conformément au principe qui veut que les règles nouvelles s’appliquent aux situations en cours, dans le cadre d’une procédure administrative caractérisée par différentes étapes se succédant dans le temps, telle que l’élaboration d’un projet d’aide d’État et son contrôle, le seul acte qui crée une situation juridique définitive susceptible de fixer le régime juridique applicable est la décision de la Commission (voir, en ce sens, arrêts Commission/Freistaat Sachsen, précité, points 52 et 53, et Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, point 125). D’autre part, les règles, les principes et les critères d’appréciation de la compatibilité des aides d’État en vigueur à la date à laquelle la Commission prend sa décision peuvent en principe être considérés comme mieux adaptés au contexte concurrentiel (arrêt Commission/Freistaat Sachsen, précité, point 51). En outre, l’application efficace des règles de l’Union exige que la Commission puisse à tout moment adapter son appréciation aux besoins de la politique de concurrence (arrêt Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, point 126).

58      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la Commission n’a pas méconnu, en l’espèce, l’adage tempus regit actum ni le principe de protection de la confiance légitime.

59      Le premier moyen doit, par conséquent, être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation quant à la détermination de la date de début des travaux et à l’effet d’incitation de l’aide

60      Le deuxième moyen peut être divisé en deux branches, tirées, la première, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination de la date de début des travaux et, la seconde, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation relative à l’effet d’incitation de l’aide.

 Sur la date de début des travaux

61      Afin d’apprécier la condition prévue par le point 38 des lignes directrices de 2007, selon laquelle l’autorité compétente devait avoir délivré une lettre d’intention indiquant qu’elle accorderait l’aide avant le début des travaux, la Commission a, tout d’abord, déterminé, au considérant 79 de la décision attaquée, ladite date de début des travaux. Elle a ainsi considéré que l’acquisition de l’ancienne centrale thermoélectrique par la requérante le 9 février 2006 devait être considérée comme un investissement initial et marquer le début de la réalisation du projet en cause.

62      La requérante soutient que, en considérant que le 9 février 2006 constituait la date de début des travaux, la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation.

63      Elle estime en effet que considérer l’acquisition de l’ancienne centrale électrique, pour un montant équivalent à 10 % du montant total du projet, comme constituant le « début des travaux » est contraire à la note en bas de page n° 40 des lignes directrices de 2007 et à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.

64      La Commission estime que la date d’acquisition de l’ancienne centrale électrique marque le début de la mise en œuvre du projet d’investissement de la requérante, car cette acquisition en constitue la première étape nécessaire.

65      En premier lieu, il convient d’examiner l’argument tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination de la date de début des travaux.

66      Aux termes de la note en bas de page n° 40 des lignes directrices de 2007, l’expression « début des travaux » signifie soit le début des travaux de construction, soit le premier engagement ferme de commander des équipements, à l’exclusion des études de faisabilité préliminaires.

67      Il y a lieu de considérer que l’achat, par la requérante, de l’ancienne centrale électrique destinée à être transformée en une centrale fonctionnant au biocombustible pouvait à bon droit être considéré comme constitutif d’un début des travaux par la Commission. En effet, la requérante ne conteste pas que l’achat de l’ancienne centrale électrique fermée avait pour seul objet de transformer celle-ci en une centrale fonctionnant au biocombustible. La seule circonstance selon laquelle le montant de cet achat n’ait représenté que 10 % du montant total des travaux effectués ne saurait suffire à considérer que cet acte n’ait pas constitué la première étape des travaux.

68      Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait décidé, dans une affaire relative à un projet d’investissement immobilier, que l’achat de terrains ne constituait pas un début de travaux au sens de ces dispositions doit être rejeté dès lors que, selon une jurisprudence constante, c’est dans le seul cadre des règles en vigueur que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide nouvelle ne répond pas aux conditions d’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE et non au regard d’une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, à supposer celle-ci établie (voir point 47 ci-dessus).

69      En second lieu, il y a lieu d’examiner l’argument tiré d’une erreur de droit.

70      Il est vrai que la notion de « début des travaux », qui figure au point 38 des lignes directrices de 2007 et qui est définie dans la note en bas de page n° 40, doit être distinguée de celle d’« investissement initial » à laquelle font référence les points 33 à 35 desdites lignes directrices, en ce que ces deux notions visent un objectif différent.

71      En effet, un « investissement initial » vise, selon ces dispositions, à déterminer le type de projet susceptible d’être financé par une aide régionale à l’investissement, alors que la notion de « début des travaux » constitue un élément à prendre en considération afin d’établir si une aide a un effet d’incitation.

72      En l’espèce, l’investissement initial en cause était l’achat de l’ancienne centrale électrique, une telle opération relevant de l’hypothèse visée au point 35 des lignes directrices de 2007, selon lequel l’acquisition d’actifs directement liés à un établissement peut être considérée comme un investissement initial pour autant que l’établissement ait fermé. Cet investissement coïncide avec le début des travaux de construction, dès lors que l’achat d’une ancienne centrale électrique afin de la transformer en une centrale fonctionnant au biocombustible peut être considéré comme étant le moment auquel les travaux de construction de cette nouvelle centrale électrique ont débuté.

73      Dès lors, la seule circonstance selon laquelle, au considérant 79 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à la date de l’« investissement initial » pour déterminer quelle était la date de début des travaux ne constitue pas une erreur de droit.

74      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission n’a pas méconnu la note en bas de page n° 40 des lignes directrices de 2007 ni commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la date d’acquisition par la requérante de l’ancienne centrale électrique devait être prise en compte comme constituant la date de début des travaux.

 Sur l’appréciation de l’effet d’incitation

75      Dans la décision attaquée, la Commission a procédé à l’examen de l’ensemble des documents fournis par la requérante et les autorités italiennes que ces dernières considéraient comme constituant une lettre d’intention au sens des dispositions du point 38 des lignes directrices (considérants 80 à 96 de la décision attaquée). À cette fin, elle a apprécié l’existence d’une lettre d’intention, en se fondant sur sa pratique décisionnelle antérieure relative aux lignes directrices de 2007, en recherchant si ces documents pouvaient constituer une confirmation écrite de l’autorité compétente comportant un minimum d’éléments, tels que le projet d’investissement à soutenir, le montant des coûts admissibles, le montant de l’aide et la clause de conditionnalité (considérant 77 de la décision attaquée). À l’issue de cet examen, elle a considéré qu’aucun document pouvant être considéré comme une lettre d’intention n’avait été produit par l’autorité compétente avant le début des travaux afférents au projet et en a conclu que la condition relative à l’effet d’incitation de l’aide n’avait pas été remplie (considérant 97 de la décision attaquée).

76      La requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en examinant l’effet d’incitation de l’aide.

77      Elle fait valoir que l’accord de programme du 15 juillet 2005, les contacts répétés intervenus entre les autorités italiennes et les entreprises privées après la conclusion de cet accord, notamment les réunions des 29 septembre et 6 octobre 2005, l’analyse de faisabilité économique du 26 janvier 2006 et le protocole de modification de l’accord de programme du 6 avril 2006 équivalaient à une lettre d’intention aux fins de l’appréciation de l’effet d’incitation de l’aide au sens du point 38 des lignes directrices de 2007. Ainsi, même si les modalités spécifiques de l’aide devaient encore être précisées, l’intention des autorités nationales d’accorder l’aide aurait dû être considérée comme certaine.

78      La Commission aurait cependant recherché une preuve formelle de l’effet d’incitation en érigeant le critère chronologique en condition d’octroi de l’aide, alors même que le point 38 des lignes directrices de 2007 prévoirait des exigences moins strictes pour la preuve de l’effet d’incitation dans le cadre des aides ad hoc que pour les autres catégories d’aides. Or, selon la jurisprudence, il s’agirait d’une exigence matérielle et la Commission aurait dû tenir compte de manière cohérente de la forme et de la nature précises des communications et des actes émanant des autorités italiennes compétentes dans leur ensemble ainsi que des autres circonstances pertinentes afin d’évaluer l’effet d’incitation.

79      La Commission rejette les arguments de la requérante.

80      Il y a lieu d’examiner, en premier lieu, l’argument tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission aurait interprété les exigences du point 38 des lignes directrices de 2007 de manière trop formaliste.

81      Il convient tout d’abord de rappeler que, selon la jurisprudence, la Commission est en droit de refuser une aide dès lors que celle‑ci n’a pas incité les entreprises bénéficiaires à adopter un comportement de nature à contribuer à la réalisation de l’un des objectifs visés par l’article 107, paragraphe 3, TFUE (arrêt du Tribunal du 14 mai 2002, Graphischer Maschinenbau/Commission, T‑126/99, Rec. p. II‑2427, point 34).

82      Le point 38 des lignes directrices de 2007 prévoit, pour l’examen de l’existence de l’effet d’incitation des aides ad hoc, une condition d’ordre chronologique et renvoie ainsi à un examen ratione temporis, qui est, selon la jurisprudence, pleinement adéquat. Cette appréciation doit en effet s’effectuer par rapport à la décision d’investir de l’entreprise concernée, laquelle marque le début de ce processus dynamique que constitue nécessairement un investissement d’exploitation (arrêt Kronoply/Commission, précité, point 80). De même, la Cour a considéré que la constatation du défaut de nécessité d’une aide pouvait notamment découler du fait que le projet d’aide a déjà été entamé, voire achevé, par l’entreprise intéressée avant que la demande d’aide soit transmise aux autorités compétentes, ce qui exclut que l’aide concernée puisse jouer un rôle incitatif (arrêt Nuova Agricast, précité, point 69).

83      Par ailleurs, afin d’apprécier l’existence d’une lettre d’intention au sens des dispositions du point 38 des lignes directrices, il incombe à la Commission d’apprécier les circonstances de chaque cas d’espèce pour déterminer si la perspective de l’octroi de l’aide était suffisamment probable pour que le critère relatif à l’incitation puisse être effectivement satisfait. La Commission doit notamment tenir compte de la forme et de la nature précises des actes émanant des autorités nationales compétentes ainsi que des autres circonstances pertinentes afin d’apprécier l’existence de l’élément d’incitation (voir, en ce sens, arrêt Graphischer Maschinenbau/Commission, précité, points 43 et 44). Le point 38 des lignes directrices prévoit à cet égard expressément, s’agissant des aides ad hoc, que la lettre d’intention émane de l’autorité compétente et qu’elle indique qu’elle accordera l’aide avant le début des travaux et sous réserve de l’autorisation de la mesure en cause par la Commission.

84      La Commission pouvait dès lors, à bon droit, vérifier si ces actes émanaient de l’autorité compétente ainsi que tenir compte des autres circonstances pertinentes, telles que le fait que ces actes fassent mention du projet à soutenir, précsient le montant de l’aide envisagée et contiennent la clause de conditionnalité selon laquelle l’aide serait versée sous réserve de l’autorisation accordée par la Commission.

85      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en considérant qu’une lettre d’intention, au sens des dispositions du point 38 des lignes directrices de 2007, devait consister en une confirmation écrite de l’autorité compétente comportant un minimum d’éléments, tels que le projet d’investissement à soutenir, le montant des coûts admissibles, le montant de l’aide et la clause de conditionnalité.

86      Il convient d’examiner, en second lieu, l’argument tiré d’une erreur manifeste d’appréciation de l’effet incitatif de l’aide, en vérifiant, pour chacun des documents mentionnés au point 77 ci-dessus, si la Commission a tenu compte de leur auteur ainsi que de leur forme et de leur nature précises.

87      En ce qui concerne l’analyse de faisabilité économique du projet en date du 26 janvier 2006, la Commission a estimé, à juste titre, que ce document ne saurait satisfaire aux conditions susmentionnées, dès lors qu’il émanait uniquement de la requérante et non des autorités compétentes pour octroyer l’aide (considérants 95 et 96 de la décision attaquée).

88      S’agissant de l’accord de programme du 15 juillet 2005, la Commission a considéré que ce document ne répondait pas aux conditions énoncées au point 38 des lignes directrices de 2007 (considérants 80 à 83 de la décision attaquée). Force est de constater que, si celui-ci provenait des autorités italiennes, il avait cependant été conclu avec des représentants de quatre sociétés, Sviluppo Italia, NGP, Montefibre et Edison, et non avec la requérante, qui n’avait même pas été constituée à cette date. De plus, cet accord contenait une référence à un projet de réalisation d’une « nouvelle centrale thermoélectrique, technologiquement avancée et à faible impact environnemental », devant être effectué par la société Edison, mais ne mentionnait aucun projet de centrale électrique fonctionnant au biocombustible. Enfin, cet accord ne comportait aucune référence, même approximative, au montant de l’aide que les autorités italiennes avaient l’intention d’octroyer au projet, ni aucune clause de conditionnalité.

89      S’agissant des procès-verbaux des réunions du comité responsable de l’exécution de l’accord de programme des 29 septembre et 6 octobre 2005, la Commission a estimé qu’ils ne répondaient pas aux conditions énoncées au point 38 des lignes directrices de 2007 (considérants 92 à 94 de la décision attaquée). Il ressort certes de ces documents que des représentants des autorités compétentes y ont participé et qu’il y est fait référence au projet d’investissement à soutenir. Le second procès-verbal mentionnait également le groupe auquel appartient la requérante comme potentiel investisseur ainsi qu’une déclaration du représentant de NGP selon laquelle cet investissement aurait été motivé par des incitations régionales. Néanmoins, cette déclaration n’émanait pas des autorités compétentes pour octroyer l’aide. De plus, force est de constater qu’il ne figurait dans ces documents aucune référence au montant de l’aide que les autorités italiennes avaient l’intention d’octroyer au projet ni à la clause de conditionnalité. Enfin, il y a lieu de rappeler qu’à ces dates la requérante n’était pas encore constituée.

90      Enfin, en ce qui concerne le protocole du 6 avril 2006 portant modification de l’accord de programme du 15 juillet 2005, la Commission a considéré que celui-ci ne satisfaisait pas aux conditions énoncées au point 38 des lignes directrices de 2007 (considérants 84 à 88 de la décision attaquée). Il convient de relever que ce document émanait des autorités compétentes pour octroyer l’aide et qu’il faisait référence au projet concernant la centrale électrique au biocombustible ainsi qu’à une nouvelle société, créée par NGP, à laquelle avait été cédée l’ancienne centrale électrique. Ce document prévoyait cependant l’octroi d’une aide au projet non chiffrée, dans le cadre d’un régime d’exemption par catégorie, à savoir la mesure 1.12 du programme opérationnel pour la région de Campanie de 2000-2006, qui arrivait à expiration le 31 décembre 2006 et qui excluait les projets dont les coûts admissibles dépassaient 25 millions d’euros ou comportaient l’achat d’installations et de machines d’occasion ainsi que les projets bénéficiant d’une aide d’un montant total supérieur à 15 millions d’euros. Par ailleurs, ce document ne comportait aucune référence à la nécessité d’obtenir l’autorisation de la Commission.

91      Il ressort de l’examen de ces documents qu’aucun d’entre eux ne remplissait les conditions nécessaires pour être considéré comme une lettre d’intention au sens du point 38 des lignes directrices de 2007.

92      En revanche, la Commission a considéré à juste titre que la décision du Conseil régional de la région Campanie du 26 octobre 2007, qui identifiait clairement le projet d’investissement de la requérante, indiquait le montant de l’aide et subordonnait le versement de cette dernière à l’autorisation de la Commission, constituait une lettre d’intention au sens des dispositions du point 38 des lignes directrices de 2007 (considérants 90 et 91 de la décision attaquée).

93      Dès lors, l’argument tiré d’une erreur manifeste d’appréciation de l’effet incitatif de l’aide doit être rejeté et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une dénaturation des faits quant à la contribution de l’aide à une stratégie cohérente de développement régional

94      Le troisième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la condition relative à l’accroissement de l’emploi, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une dénaturation des faits concernant la contribution du projet aux besoins énergétiques au niveau local, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la contribution du projet à la politique énergétique régionale et du fait que la décision attaquée n’a pas tenu compte de l’incitation du projet à la création d’entreprises.

95      Le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu d’examiner ce moyen.

96      En effet, il résulte tant de la structure de la décision attaquée que de la teneur des considérants qui y figurent que la conclusion de la Commission, s’agissant de l’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur au sens des dispositions de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, repose sur deux piliers distincts, à savoir l’absence d’effet d’incitation et l’absence de contribution de l’aide litigieuse au développement régional. La Commission a en effet estimé que la mesure notifiée ne respectait ni la condition posée au point 38 des lignes directrices de 2007 relative à l’effet d’incitation (considérant 97 de la décision attaquée), ni celle énoncée au point 10 des lignes directrices de 2007 relative à la contribution de l’investissement à une stratégie cohérente de développement régional (considérant 104 de la décision attaquée).

97      Dès lors que ces deux conditions de la compatibilité des aides revêtent une signification propre et un caractère cumulatif, il y a lieu de considérer les deux piliers de la décision attaquée relatifs à l’absence d’incitation et à l’absence de contribution au développement régional comme autonomes.

98      Or, selon la jurisprudence, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Commission et France/TF1, C‑302/99 P et C‑308/99 P, Rec. p. I‑5603, points 26 à 29, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, Rec. p. II‑5575, point 42). En outre, dès lors que le dispositif d’une décision de la Commission repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu d’annuler cet acte, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse dès lors que cette erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision (arrêts Graphischer Maschinenbau/Commission, précité, points 49 à 51, et General Electric/Commission, précité, point 43).

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la compatibilité de l’aide au sens des lignes directrices concernant la protection de l’environnement

99      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la mesure en cause n’était pas compatible avec le marché intérieur au sens des dispositions de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, dès lors qu’elle ne satisfaisait pas aux conditions énoncées par les lignes directrices concernant la protection de l’environnement (considérant 116 de la décision attaquée).

100    La requérante soutient que l’aide cause aurait dû être autorisée sur le fondement des lignes directrices concernant la protection de l’environnement. La requérante et les autorités italiennes ayant exposé de manière détaillée les bénéfices du projet en termes de contribution énergétique et d’impact sur l’environnement, la Commission aurait, en effet, dû appliquer la réglementation la plus pertinente.

101    La Commission rejette l’argumentation de la requérante.

102    Il ressort du dossier que les autorités italiennes ont indiqué, dans un courrier en date du 18 septembre 2009, que la mesure d’aide en cause devait être placée dans le contexte des aides à finalité régionale plutôt que dans celui des aides à la protection de l’environnement. En outre, il convient de relever que la requérante n’allègue pas, dans ses écritures, avoir fourni à la Commission les éléments nécessaires afin d’apprécier la compatibilité de l’aide sur le fondement des lignes directrices concernant la protection de l’environnement.

103    Il convient dès lors de souligner que la Commission a considéré à juste titre, au considérant 115 de la décision attaquée, que les autorités italiennes n’avaient pas communiqué les informations nécessaires pour qu’elle puisse se prononcer sur les critères prévus par les lignes directrices concernant la protection de l’environnement. Il y a lieu de préciser, à cet égard, que les informations nécessaires à l’appréciation de la compatibilité d’une aide sur le fondement des lignes directrices concernant la protection de l’environnement diffèrent de celles qui permettent d’apprécier la compatibilité de l’aide sur le fondement des lignes directrices de 2007, les coûts admissibles étant constitués, dans un cas, par la différence entre les coûts d’un investissement en énergies renouvelables et les coûts d’un investissement en énergies traditionnelles et, dans l’autre, par le coût total de l’investissement.

104    Or, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à l’État membre et au bénéficiaire de l’aide de faire valoir, lors de la procédure formelle d’examen, leurs arguments de nature à démontrer la compatibilité des aides avec le marché intérieur (arrêts du Tribunal du 11 février 2009, Iride et Iride Energia/Commission, T‑25/07, Rec. p. II‑245, points 100 à 110, et du 27 septembre 2012, Fedecom/Commission, T‑243/09, non publié au Recueil, point 80).

105    Il ressort de ce qui précède que ni la requérante ni les autorités italiennes n’ont présenté à la Commission, lors de la procédure formelle d’examen, les éléments nécessaires aux fins de l’appréciation de la compatibilité de l’aide en cause en application des lignes directrices concernant la protection de l’environnement.

106    Dès lors, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

107    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

108    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Fri-El Acerra Srl est condamnée aux dépens.

Kanninen

Soldevila Fragoso

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.