Language of document : ECLI:EU:T:2004:332

Ordonnance du Tribunal

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
10 novembre 2004 (1)

« Marchés publics de services – Procédure d'appel d'offres communautaire – Référé – Demande de sursis à exécution – Urgence – Absence »

Dans l'affaire T-303/04 R,

European Dynamics SA, établie à Athènes (Grèce), représentée par Me S. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. L. Parpala et E. Manhaeve, en qualité d'agents, assistés de Me J. Stuyck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l'exécution, d'une part, de la décision de la Commission du 4 juin 2004 [DIGIT/R2/CTR/mas D (2004) 324] de ne classer qu'en deuxième position l'offre présentée, à la suite d'un appel d'offres pour la prestation de services informatiques, par le groupement dont la requérante est membre et, d'autre part, de la décision de la Commission du 14 juillet 2004 [DG DIGIT/R2/CTR/mas D (2004) 811] rejetant les réclamations des 21 juin, 1er, 5 et 8 juillet 2004 introduites par la requérante contre l'attribution du marché à un autre groupement,



LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,



rend la présente



Ordonnance




Faits à l’origine du litige

1
European Dynamics SA intervient dans le domaine des technologies de l’information et des communications, notamment pour le compte des institutions européennes.

2
À la suite de l’appel d’offres ADMIN/DI/0005 ESP (External Service Providers) du 16 mars 2001, la Commission a conclu plusieurs contrats‑cadres, appliquant le système d’attribution prévu en cas de marchés à titulaires multiples au paragraphe 1.4 des Conditions générales pour les contrats informatiques, publiées par la Commission le 11 juin 1998 (ci‑après la « cascade »), pour la prestation de services externes relatifs aux systèmes d’information. Le marché global a été divisé en neuf lots, parmi lesquels le lot 4, qui portait sur la prestation de services externes liés aux applications de gestion des données et aux systèmes d’information (ci-après le « lot ESP 4 »), et le lot 5, qui portait sur la prestation de services externes liés aux applications Internet et Intranet (ci-après le « lot ESP 5 »).

3
Le 16 octobre 2001, un contrat-cadre, sous la référence DI‑02432‑00, a été conclu avec le contractant choisi pour être le premier de la cascade pour le lot ESP 4, à savoir un groupement constitué de Trasys SA et de Cronos Luxembourg SA – devenue Sword Technologies SA (ci-après le «  groupement ESP 4 »).

4
Le 5 novembre 2001, le contrat-cadre DI-02432-00 a été conclu avec le contractant choisi pour être le premier de la cascade pour le lot ESP 5, à savoir un groupement constitué d’European Dynamics, d’IRIS SA, de Datacep SA, de Primesphere SA et de Reggiani SpA (ci-après le « groupement ESP 5 »).

5
Le 23 novembre 2001, la Commission a publié les plafonds budgétaires fondés sur les estimations de volume annoncées pour les lots ESP 4 et ESP 5, respectivement fixés à un montant total de 42 885 318 euros et de 34 656 804 euros, pour la durée des contrats, à savoir jusqu’en octobre 2006.

6
L’utilisation effective des contrats relevant du lot ESP 4 étant révélée nettement plus importante que prévu – il ressort du dossier que, à la fin du mois de mars 2003, soit à moins du tiers de la durée maximale totale du marché afférent au lot ESP 4, plus des trois quarts des crédits prévus avaient déjà été dépensés –, la Commission a décidé d’augmenter le plafond budgétaire du lot ESP 4 et de préparer un nouvel appel d’offres pour des services de même nature que ceux faisant l’objet du lot ESP 4, pour la période s’achevant en octobre 2006.

7
Par décision du 28 avril 2003, la Commission a augmenté le plafond budgétaire du lot ESP 4 de 20 millions d’euros, et, le 10 mai 2003, un avis d’attribution a été publié au Journal officiel de l’Union européenne, sous la référence ADMIN/PN/2003/105.

8
Le 23 mai 2003, le groupement ESP 5 a écrit au directeur de la direction générale (DG) de l’informatique, afin de lui faire part de sa préoccupation face à l’augmentation du plafond budgétaire pour le lot ESP 4, faisant valoir que la Commission aurait dû faire un usage plus intensif du lot ESP 5, qui aurait été utilisé au-dessous des prévisions initiales.

9
Il ressort du dossier que la lettre du 23 mai 2003 a été suivie d’une correspondance entre la Commission et le groupement ESP 5, notamment d’une lettre de la Commission du 4 juillet 2003 fournissant des explications sur l’exécution des lots ESP 4 et ESP 5, de réunions entre les parties ainsi que d’un atelier, organisé par la Commission le 6 novembre 2003, à l’occasion duquel le groupement ESP 5 a pu expliquer le potentiel des services couverts par le lot ESP 5 aux directions générales de la Commission.

10
Le 27 décembre 2003, la Commission a lancé un appel d’offres sous la référence ADMIN/DI2/PO/2003/192 ESP-DIMA pour la « prestation sur site et hors site de services relatifs aux systèmes de gestion des données et aux systèmes d’information de la Commission européenne [incluant] développement, maintenance et autres activités connexes » (ci-après l’« appel d’offres ESP‑DIMA »).

11
Par lettre du 19 janvier 2004, le conseiller juridique du groupement ESP 5 a exigé que la Commission annule l’appel d’offres ESP-DIMA, faisant valoir que, au lieu de passer un nouveau marché de services pour remplacer le lot ESP 4, la Commission devait utiliser le lot ESP 5.

12
Cette demande a été rejetée par lettre du 30 janvier 2004, dans laquelle la DG de l’informatique a précisé que l’utilisation du lot ESP 5 au lieu du lot ESP 4 ou du marché ESP-DIMA n’était pas possible, étant donné que le lot ESP 5, d’une part, et le lot ESP 4 ainsi que le marché ESP‑DIMA, d’autre part, ont des objets distincts et concernent, respectivement, les applications Internet et Intranet, d’une part, et les applications de gestion des données et les systèmes d’information, d’autre part.

13
Le 20 février 2004, les sociétés European Dynamics, IRIS, Datacep et Reggiani (soit les compagnies constituant le groupement ESP 5, à l’exclusion de la société Primesphere, ci-après le «  groupement ED ») ont déposé une offre conjointe, en réponse à l’appel d’offres ESP‑DIMA.

14
Le 2 juin 2004, la Commission a attribué le marché ESP-DIMA. Le soumissionnaire retenu en premier rang de la cascade était un groupement constitué par les sociétés Trasys et Sword Technologies et par Intrasoft International SA et TXT SpA (soit le groupement ESP 4 plus deux partenaires additionnels, ci-après le « groupement ESP‑DIMA »). Le groupement ED a été sélectionné comme deuxième contractant dans la cascade, suivi par d’autres soumissionnaires en troisième et en quatrième rang de la cascade.

15
Ces résultats ont été notifiés à l’ensemble des soumissionnaires, y compris le groupement ED, par lettre du 4 juin (ci-après la « décision d’attribution »).

16
Par télécopie du 8 juin 2004, European Dynamics a demandé des détails supplémentaires sur la décision d’attribution. La Commission a répondu par lettre du 9 juin 2004 dans laquelle elle lui a communiqué de plus amples informations sur les résultats de l’évaluation technique pour chacun des critères pertinents.

17
Par lettre du 21 juin 2004, European Dynamics a demandé à la DG de l’informatique de lui fournir une copie du rapport d’évaluation de l’ensemble des offres présentées à la suite de l’appel d’offres ESP‑DIMA, en particulier des sections se rapportant à son groupement et au groupement dont l’offre a été retenue, ainsi que le nom des responsables de l’évaluation.

18
Le 29 juin 2004, une réunion a eu lieu entre European Dynamics et la DG de l’informatique, au cours de laquelle les parties ont discuté de l’évaluation des offres ainsi que des préoccupations d’European Dynamics concernant l’exécution comparée des lots ESP 4 et ESP 5. Un compte rendu de cette réunion a été envoyé à European Dynamics par la Commission le 6 juillet 2004. Le même jour, la Commission a confirmé qu’aucun contrat n’avait encore été conclu à la suite de l’attribution du marché ESP-DIMA.

19
À la suite de cette réunion, European Dynamics a adressé plusieurs lettres à la Commission, notamment les 1er, 5 et 8 juillet 2004, dans lesquelles elle contestait la légalité de l’appel d’offres ESP-DIMA et de la décision d’attribution. European Dynamics faisait notamment valoir que la passation du marché ESP-DIMA n’avait pas de raison d’être, dès lors que le lot ESP 5 aurait dû être utilisé au lieu du lot ESP 4. Un conflit d’intérêts existerait chez un membre du comité d’évaluation, l’échelle de notation utilisée pour l’évaluation technique serait inappropriée et l’offre retenue serait de qualité inférieure et proposerait un système informatique très limité. Dans lesdites lettres, European Dynamics demandait une copie du rapport d’évaluation et la communication du nom des membres du comité d’évaluation. Elle a également demandé l’ajournement de la signature des contrats jusqu’à ce que tous les points évoqués aient reçu une solution satisfaisante.

20
Par lettre du 14 juillet 2004 (ci-après la « lettre de motivation »), la Commission a répondu aux points soulevés par European Dynamics dans les lettres susvisées et a refusé de lui transmettre une copie du rapport d’évaluation, précisant que cela impliquerait la communication de détails commerciaux confidentiels concernant d’autres soumissionnaires. Pour ce qui est du doute soulevé quant à la nécessité de lancer l’appel d’offres ESP-DIMA et de la proposition d’utiliser le lot ESP 5 pour la fourniture de services relevant du lot ESP 4, la Commission a indiqué que la DG de l’informatique a fait valoir dans la lettre du 30 janvier 2004 précitée que, puisque les deux lots représentaient des marchés différents, distincts et séparés, il n’était pas possible de passer de l’un à l’autre pour la simple raison que l’un des deux lots n’avait pas encore atteint son plafond budgétaire. Lancer un appel d’offres pour le lot pour lequel le plafond budgétaire ne pouvait plus être augmenté était dès lors le seul moyen approprié et il était conforme au règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »).

21
Le 15 juillet 2004, la Commission a envoyé les contrats résultant de la décision d’attribution simultanément aux quatre groupements sélectionnés, y compris au groupement ED en tant que deuxième contractant (contrat-cadre DIGIT‑04551‑00), indiquant que les contrats devaient lui être retournés signés avant le 30 juillet 2004.

22
Le 27 juillet 2004, une réunion a eu lieu entre les représentants du groupement ED et de la DG de l’informatique, au cours de laquelle ces derniers ont réitéré la position de la Commission de ne pas accéder à la proposition d’European Dynamics de l’autoriser jouer un rôle actif dans la surveillance de la répartition des projets entre le lot ESP 4 et le lot ESP 5.

23
Le 28 juillet 2004, le groupement ED a demandé à la Commission de différer d’un mois la conclusion des contrats résultant de l’appel d’offres ESP-DIMA, au motif que les membres du groupement avaient besoin de temps supplémentaire pour effectuer certaines démarches administratives. La Commission a répondu immédiatement que ces démarches administratives pouvaient être effectuées après la signature du contrat et qu’aucun report n’était nécessaire. Le contrat du groupement ED a été déposé signé le 30 juillet 2004. Quelques procurations qui manquaient ont été envoyées à la Commission le 4 août 2004.

24
Le 4 août 2004, dès lors, la Commission était en possession de tous les originaux des contrats relatifs au marché ESP-DIMA signés par tous les contractants.


Procédure et conclusions des parties

25
Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2004, la requérante a introduit un recours en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, visant, d’une part, à l’annulation de la procédure d’appel d’offres ESP‑DIMA, à savoir l’avis de marché 2003/S249-221337 ESP‑DIMA et l’appel d’offres ESP-DIMA, et, d’autre part, à l’annulation des décisions de la Commission relatives à l’ordre de classement des offres, à savoir la décision d’attribution et la lettre de motivation.

26
Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande, en vertu de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal, tendant à ce que le Tribunal statue par procédure accélérée.

27
Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé visant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision d’attribution ainsi que de la lettre de motivation, de manière à empêcher la conclusion du contrat par le groupement ESP-DIMA, jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur l’affaire au principal. La requérante conclut également à la condamnation de la Commission aux dépens.

28
Le 4 août 2004, une copie de la demande en référé a été signifiée à la Commission, conformément à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure, et un délai pour les observations de la Commission a été fixé pour le 19 août 2004.

29
La requérante ayant déposé une demande de mesures provisoires visant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision d’attribution, le pouvoir adjudicateur a décidé, le 4 août 2004, de reporter la signature des quatre contrats relatifs au marché ESP-DIMA.

30
Le 12 août 2004, la Commission a demandé une prorogation pour le dépôt de ses observations jusqu’au 26 août 2004. Cette demande a été accordée par décision du 16 août 2004.

31
Le 26 août 2004, la Commission a présenté ses observations sur la demande en référé, dans lesquelles elle conclut à ce que ladite demande soit rejetée comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondée.

32
Le 31 août 2004, le greffe du Tribunal a transmis à la requérante les observations de la Commission.

33
Le 8 septembre 2004, la requérante a présenté une demande visant à ce qu’elle soit autorisée à déposer des observations sur les observations de la Commission.

34
Par décision du 14 septembre 2004, le président du Tribunal a fait droit à cette demande et a fixé un délai au 24 septembre 2004 pour le dépôt des observations de la requérante sur les observations de la Commission.

35
Le 23 septembre 2004, la requérante a présenté ses observations sur les observations de la Commission, fournissant un nombre important de documents additionnels en annexe. Dans ses observations, la requérante a également demandé qu’il soit fait injonction à la Commission de produire un certain nombre de documents, à savoir les demandes de prix (Requests for Quotation) et les statistiques relatives à l’exécution du lot ESP 4 (ci-après les « documents en cause »).

36
Le 29 septembre 2004, le président du Tribunal a fixé au 8 octobre 2004 le délai pour le dépôt des observations de la Commission sur les observations de la requérante.

37
Le 6 octobre 2004, la Commission a demandé une prorogation pour le dépôt de ses observations jusqu’au 15 octobre 2004, et ladite demande a été accordée par décision du président du Tribunal du même jour.

38
Le 15 octobre 2004, la Commission a déposé des observations en réponse aux observations de la requérante.

39
Le 2 novembre 2004, la requérante a envoyé une lettre au greffe du Tribunal dans laquelle elle soulève un nombre des observations additionnelles sur les observations de la Commission du 15 octobre 2004 et demande au président du Tribunal de les prendre en compte aux fins de son appréciation. Cette lettre a été notifiée à la Commission conformément à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure.


En droit

Sur la demande de mesures provisoires

40
En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

41
L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi des mesures provisoires auxquelles elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I-4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 29 juin 1999, Italie/Commission, C-107/99 R, Rec. p. I‑4011, point 59).

42
Les mesures demandées doivent, en outre, être provisoires en ce sens qu’elles ne préjugent pas les points de droit ou de fait en litige ni ne neutralisent par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement au principal [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I-2165, point 22].

43
En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, point 23).

44
Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

Arguments des parties

    Sur la recevabilité

45
La requérante fait valoir qu’elle a un intérêt à introduire un recours contre les actes dont elle demande la suspension et qu’elle a introduit ledit recours dans les délais, de sorte que sa demande est recevable.

46
La Commission fait valoir que la demande est dépourvue d’utilité, au motif que la requérante n’a pas demandé la suspension de la décision de lancer la procédure de passation du marché ESP‑DIMA, mais la suspension de décisions attribuant le marché. Les mesures provisoires demandées ne sauraient donc avoir pour effet de suspendre la passation du marché ESP‑DIMA, contrairement à ce que la requérante entend réellement obtenir. La Commission ajoute, en outre, que la demande est irrecevable du fait que le recours au principal l’est également. En effet, selon la Commission, la requérante ne démontre pas qu’elle est directement concernée par les actes attaqués et, en tout état de cause, elle ne prouve pas l’existence d’un intérêt personnel à agir, les actes concernant le groupement ED et non pas la requérante à titre individuel.

    Sur le fumus boni juris

47
La requérante, faisant référence à son recours au principal, fait valoir que le marché ESP‑DIMA doit être annulé, aux motifs d’une appréciation erronée des faits, de la violation des formes substantielles et d’un défaut de motivation. Il ressort de l’exposé des faits dans la demande que la requérante estime que le lancement de l’appel d’offres ESP‑DIMA n’était pas nécessaire, étant donné que la Commission pourrait avoir recours au lot ESP 5, plutôt que remplacer le lot ESP 4 par le marché ESP‑DIMA. La requérante estime également que l’attribution du marché ESP‑DIMA est entachée d’illégalité du fait que au moins un membre du comité d’évaluation était dans une situation de grave conflit d’intérêts, que la Commission n’avait pas utilisé la même échelle pour évaluer les différents soumissionnaires, que l’offre retenue ne proposait qu’un système informatique de valeur très limitée et de portée restreinte et, enfin, que la Commission ne lui a pas fourni une copie du rapport d’évaluation contrairement aux exigences du règlement financier.

48
La Commission considère que la requérante n’a pas présenté des moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi des mesures provisoires et que ce n’est qu’incidemment qu’elle mentionne les motifs sur lesquels se fonde le recours au principal. Elle souligne que les allégations ne sont pas fondées, comme il ressort clairement de la lettre de motivation du 14 juillet 2004, qu’elles ne sont aucunement étayées et qu’elles ne devraient même pas être examinées dans le cadre de la présente demande en référé.

    Sur l’urgence

49
La requérante fait valoir que la condition relative à l’urgence est remplie. Elle souligne qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure dans l’affaire au principal sans subir un préjudice grave et irréparable, consistant en un préjudice financier extrêmement lourd et tel que la requérante ne sera plus en position de survivre sur le marché, en la perte d’une part importante de ses activités conduisant au licenciement de la moitié de son personnel ainsi qu’en une atteinte particulièrement importante à sa réputation.

50
En ce qui concerne le préjudice financier, la requérante allègue que le dommage découlerait de la mise en œuvre faussée du lot ESP 4 au lieu du lot ESP 5 ainsi que de continuation du lot ESP 4 par le marché ESP‑DIMA, attribué à un autre soumissionnaire. La requérante considère que cette situation entraînera la fin de l’exécution du lot ESP 5, puisque le lot ESP 4 sera prolongé par le marché ESP‑DIMA et que l’on s’attend à ce qu’un grand nombre de contrats existants soient étendus immédiatement après la signature de contrats relatifs au marché ESP‑DIMA, et ce pour plusieurs années. Dès lors, la décision d’attribution du marché ESP‑DIMA à un autre soumissionnaire et la continuation de l’exécution irrégulière de ce marché à la place du lot ESP 5 priveront la requérante des revenus normalement liés à l’exécution du lot ESP 5, qui constitue la plus grande partie de ses activités.

51
À cet égard, la requérante souligne qu’elle est une société de taille moyenne occupant quelque 200 travailleurs, qu’elle développe un certain nombre de projets parmi lesquels ceux qui s’inscrivent dans le cadre du lot ESP 5 sont de loin les plus importants et que le lot ESP 5 couvre la plus grande part de son budget et occupe approximativement la moitié de ses employés, recrutés précisément pour les besoins du lot ESP 5. L’infrastructure d’accompagnement se serait également accrue, constituant ainsi un système qui, tout entier, devrait son existence et sa survie au lot ESP 5 et serait conçu et mis en œuvre pour assurer l’exécution d’un marché d’un montant de 35 millions d’euros. L’attribution du lot ESP 5 obligerait la requérante à entretenir une infrastructure coûteuse, à consacrer des employés à ce projet et à mettre en place une structure de formation continue de ces employés nécessitée par les changements technologiques adoptés par la Commission avec une périodicité de quelques mois. Les activités de la requérante liées au lot ESP 5 représentent une somme d’environ 4 millions d’euros par an et constituent une partie importante de la totalité de ses activités dans le domaine des services informatiques. Les revenus de la requérante seraient passés de 16 millions d’euros en 2001 à 14 millions d’euros en 2002, à 10 millions d’euros en 2003 et il existerait un risque de baisse continue en 2004 et en 2005 à 5 millions d’euros, précisément à cause de l’insuffisance des commandes passées dans le cadre du lot ESP 5. Une grande part de ses employés ont déjà quitté la société pour cette raison. Avec une telle perte d’employés, la requérante allègue qu’il ne sera pas possible de regagner les parts de marché perdues.

52
La requérante allègue que l’inexécution ou la réduction éventuelles des commandes du lot ESP 5 lui seraient, ainsi, fatales. Selon elle, une infrastructure tout entière, prévue spécialement pour la mise en œuvre du lot ESP 5, disparaîtra, avec des conséquences irréparables pour elle, qui ne sera plus en position de survivre sur le marché très concurrentiel où elle déploie ses activités.

53
En ce qui concerne l’atteinte à sa réputation, la requérante souligne que cette situation sera de nature à endommager ses relations avec d’autres acteurs du marché et d’autres clients qui interpréteront cette situation comme révélant son incapacité à répondre aux attentes de la Commission.

54
Enfin, la requérante considère que les mesures provisoires sollicitées sont nécessaires, dès lors que, si les actes contre lesquels elle a introduit la présente demande en référé sont mis en œuvre avant leur annulation, la Commission signera les contrats correspondants et ouvrira ainsi la voie à l’absorption, par le marché ESP‑DIMA, d’une large part des crédits subsistants. Selon la requérante, 120 millions d’euros seront alloués au marché ESP‑DIMA, ce qui en ferait l’investissement de la Commission le plus important dans ce domaine et lierait définitivement la Commission au groupement ESP‑DIMA.

55
La Commission estime que le préjudice allégué par la requérante n’est ni grave ni irréparable au sens de la jurisprudence du Tribunal.

56
En ce qui concerne le préjudice financier allégué, la Commission souligne tout d’abord que les arguments de la requérante montrent qu’il n’existe aucun lien de causalité entre, d’une part, l’acte dont le sursis à l’exécution est demandé (l’attribution du marché ESP‑DIMA à un autre soumissionnaire) et, d’autre part, le préjudice que la requérante est prétendument susceptible de subir, à savoir une diminution de son chiffre d’affaires produit par le contrat relatif au lot ESP 5.

57
À cet égard, la Commission fait valoir que le préjudice prétendument susceptible d’être occasionné procède de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû recourir plus intensément au lot ESP 5 plutôt que suivre la procédure de passation de marché pour remplacer les anciens contrats du lot ESP 4 par le marché ESP‑DIMA. La Commission souligne que l’approche de la requérante se fonde en fait sur l’hypothèse, entièrement inexacte, selon laquelle, si la Commission est empêchée de signer les contrats découlant de l’appel d’offres ESP‑DIMA, elle devra recourir au lot ESP 5 pour fournir le type de services précédemment couverts par le lot ESP 4, ce qui accroîtra le chiffre d’affaires de la requérante. Selon la Commission, cette thèse est tout simplement erronée, car le pouvoir adjudicateur continuera en tout cas à appliquer la distinction entre les lots ESP 4 et ESP 5 qu’elle pratique depuis la conclusion de ces marchés et qui résulte de la définition desdits marchés qui figure dans l’avis de marché y afférent.

58
En tout état de cause, la Commission ajoute que le dommage prétendument occasionné si les mesures provisoires n’étaient pas accordées ne serait ni grave ni irréparable. Le dommage pécuniaire serait clairement réparable, selon une jurisprudence bien établie, dès lors qu’il pourrait faire l’objet d’une compensation financière ultérieure. La requérante ne démontrerait pas l’existence de circonstances exceptionnelles qui permettraient de qualifier ledit préjudice financier de grave et d’irréparable. À cet égard, la Commission souligne que la requérante se borne à des allégations générales et qu’elle n’a démontré ni, d’une part, que la perte du marché en cause mettrait en péril son existence ni, d’autre part, que sa position sur le marché serait modifiée de manière irrémédiable.

59
Au contraire, selon la Commission, il est évident que la requérante peut subsister jusqu’à la décision du Tribunal dans l’affaire au principal. À cet égard, la Commission fait référence, parmi d’autres éléments, à deux rapports des cabinets EuroDB et Dun & Bradstreet, datés respectivement des 22 mars 2004 et 26 juillet 2004, annexés aux observations de la Commission du 15 octobre 2004, qui indiquent que la situation financière de la requérante est bonne. La requérante, dans sa lettre du 2 novembre 2004, allègue que ces rapports sont obsolètes et erronés.

60
En ce qui concerne les préjudices non financiers allégués par la requérante, à savoir une atteinte particulièrement importante à sa réputation par la perte du marché en cause, la Commission relève que la participation à un appel d’offres comporte évidemment pour les soumissionnaires le risque que le marché ne leur soit pas attribué. Cette situation n’impliquerait donc aucun préjudice à la réputation comme le Tribunal l’a déjà constaté dans sa jurisprudence.

61
Enfin, la Commission estime que le fait que le contrat puisse être conclu avec le soumissionnaire retenu et qu’une grande part de budget lui soit allouée avant que le Tribunal ait statué dans l’affaire au principal n’est pas un élément démontrant que la condition relative à l’urgence est remplie, selon une jurisprudence bien établie. Dans l’hypothèse d’une annulation, la Commission serait en mesure des restituer la requérante dans ses droits.

    Sur la mise en balance des intérêts

62
Bien que la requérante n’ait pas explicitement abordé la mise en balance des intérêts dans sa demande, la Commission souligne que celle-ci penche en sa faveur, étant donné que le préjudice que la requérante est susceptible de subir si les mesures provisoires ne sont pas accordées n’excède pas celui que la Commission et les autres soumissionnaires concernés pourraient subir si celles-ci sont octroyées. Les autres soumissionnaires auraient une confiance légitime dans le fait que la Commission poursuive la passation des contrats. Les mesures provisoires empêcheraient la conclusion de ces contrats, si bien que les activités informatiques de la Commission seraient entravées. En outre, la Commission estime que, la validité des offres expirant le 19 novembre 2004, une suspension mettrait fin à ces offres de sorte que les mesures ne pourraient être considérées comme provisoires. La requérante réfute ces deux dernières allégations au motif que la Commission a d’autres voies pour remplacer les contrats en cause, notamment en sollicitant la prolongation de la validité des offres ou en utilisant d’autres contrats. À cet égard, la Commission considère qu’une telle prorogation, bien que possible, n’est pas certaine et que les autres moyens de se procurer les services en cause seraient moins satisfaisants que la conclusion du marché ESP‑DIMA.

Appréciation du juge des référés

    Observations liminaires

63
Il faut rappeler que selon une jurisprudence bien établie les conditions prévues à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure exigent que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels la demande se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé (ordonnances du président du Tribunal du 25 juin 2003, Schmitt/AER, T‑175/03 R, RecFP p. I‑A‑175 et II‑883, point 18 ; du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II-15, point 34, et du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T-306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52).

64
Même si, comme le souligne à juste titre la Commission, la demande contient peu d’éléments permettant au juge des référés d’examiner si, à première vue, l’octroi des mesures demandées est justifiée, il convient de constater que les observations de la Commission ainsi que le deuxième tour des observations des parties ont éclairci l’objet de la demande de manière à permettre au juge des référés de l’examiner. Il convient, en l’espèce, d’examiner tout d’abord la condition relative à l’urgence.

    Sur la condition relative à l’urgence

65
Il faut rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. C’est à cette dernière qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature (voir ordonnances du président du Tribunal du 20 juillet 2000, Esedra/Commission, T‑169/00 R, Rec. p. II-2951, point 43, et du 27 juillet 2004, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04 R, non encore publiée au Recueil, point 41, et la jurisprudence citée).

66
Il faut constater tout d’abord que, comme le souligne à juste titre la Commission, la requérante n’a pas démontré le lien entre le prétendu dommage et les actes dont le sursis à l’exécution est demandé.

67
En substance, la requérante se plaint de la manière dont a été exécuté le contrat relatif au lot ESP 5 qui, selon elle, a été sous-utilisé par rapport au lot ESP 4. La requérante conteste cette exécution prétendument irrégulière ainsi que la décision de la Commission d’engager la procédure de passation du marché ESP-DIMA aux fins de reconduire le lot ESP 4. Cependant, la requérante n’a pas attaqué la Commission pour exécution irrégulière de son contrat relatif au lot ESP 5 et elle n’a pas demandé le sursis à l’exécution de la procédure de passation du marché ESP-DIMA. Il faut rappeler, à cet égard, que l’appel d’offres ESP‑DIMA a été publié le 27 décembre 2003 et que les réclamations de la requérante contre le principe même de cet appel d’offres ont été rejetées par lettre de la Commission du 30 janvier 2004.

68
Cette approche de la requérante a une incidence directe sur la valeur de ses arguments portant sur la condition relative à l’urgence. En effet, la requérante n’allègue qu’indirectement qu’un dommage grave et irréparable découlerait de l’attribution du marché ESP-DIMA à un autre soumissionnaire ou de l’existence même de ce marché. Au contraire, elle souligne clairement qu’elle considère que le dommage découlerait de « l’inexécution ou de la réduction éventuelles des prestations qui font l’objet du lot ESP 5 », ce qui lui serait « fatal ». La requérante essaie de démontrer l’existence d’un lien de causalité entre l’exécution irrégulière du lot ESP 5 et la passation du marché ESP-DIMA en indiquant, dans sa demande, qu’« il est plus qu’évident que l’exécution irrégulière [du lot ESP 4] signifiera la fin [du lot ESP 5] puisque [le lot ESP 4] sera prolongé par [le marché ESP‑DIMA] », que, si le sursis demandé n’est pas octroyé, « la Commission signera les contrats [en cause], ouvrant ainsi la voie à l’appropriation par [le marché ESP‑DIMA] d’une large part du budget subsistant » et que, « à partir de ce moment, [le lot ESP 5] ne pourra plus être mis en œuvre ».

69
La requérante n’a, cependant, attaqué ni l’exécution défectueuse des lots ESP 4 et ESP 5 qui est, essentiellement, à la base de ses préoccupations ni les conditions prévisibles de l’exécution du marché ESP-DIMA. Il est, dès lors, évident que la requérante ne peut démontrer que l’octroi des mesures provisoires entraînerait un recours accru aux contrats du lot ESP 5, étant donné que la Commission a clairement indiqué qu’en aucune circonstance elle n’utiliserait les contrats du lot ESP 5 pour recourir à des prestations de services relevant du domaine initial du lot ESP 4 ou du marché ESP-DIMA. La requérante n’a pas donc démontré qu’il existe un lien de causalité entre, d’une part, les actes dont le sursis à l’exécution est demandé (la décision d’attribution du marché ESP-DIMA à un autre soumissionnaire et la lettre de motivation) et, d’autre part, le préjudice qu’elle est prétendument susceptible de subir, à savoir une diminution de son chiffre d’affaires réalisé grâce au lot ESP 5. Il semble, dès lors, que les mesures provisoires demandées n’auront pas d’impact sur l’exécution du lot ESP 5.

70
Il s’ensuit que les mesures provisoires demandées ne sont ni pertinentes ni nécessaires afin d’éviter la survenance du préjudice allégué.

71
En tout état de cause, même à supposer que le prétendu dommage découlerait des actes contestés, force est de constater que ledit dommage ne pourrait être considéré comme grave et irréparable selon la jurisprudence du Tribunal.

72
En ce qui concerne le préjudice d’ordre financier invoqué par la requérante, il convient de relever que, comme l’a fait valoir la Commission, selon une jurisprudence bien établie, un tel préjudice ne peut, en principe, être regardé comme irréparable, ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure (voir ordonnance Esedra/Commission, précitée, point 44, et la jurisprudence citée). La requérante n’a pas démontré ou même allégué qu’elle serait empêchée d’obtenir une telle compensation par voie d’un éventuel recours en indemnité en vertu de l’article 288 CE (voir, en ce sens, ordonnance Esedra/Commission, précitée, point 47, et ordonnance du président du Tribunal du 1er octobre 1997, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T-230/97 R, Rec. p. II-1589, point 38).

73
À la lumière de ce qui précède, les mesures provisoires demandées ne se justifieraient, dans les circonstances de l’espèce, que s’il apparaissait que, en l’absence de telles mesures, la requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence même ou de modifier de manière irrémédiable sa position sur le marché (voir, en ce sens, ordonnance Esedra/Commission, précitée, point 45).

74
Or, la requérante n’a pas apporté la preuve que, en l’absence des mesures provisoires sollicitées, elle risque d’être placée dans une telle situation.

75
Force est de constater, à cet égard, que la requérante n’a pas apporté d’éléments concernant sa situation financière qui pourraient conduire le juge des référés à conclure que son existence sera mise en péril jusqu’à ce que le Tribunal statue sur l’affaire au principal.

76
En particulier, il convient de constater que les arguments de la requérante sur la baisse de ses revenus ne sont pas étayés par des preuves et que, en tout état de cause, la requérante ne démontre pas qu’une telle baisse de revenus sera de nature à mettre en péril son existence avant la décision du Tribunal dans l’affaire au principal.

77
Il y a lieu, au contraire, de considérer que les éléments du dossier indiquent que la requérante continuera d’exercer une activité suffisante pour subsister jusqu’à la décision du Tribunal dans l’affaire au principal.

78
Comme le souligne la requérante elle-même dans sa demande, elle participe régulièrement, avec succès, aux appels d’offres de la Commission et elle a développé un certain nombre de projets pour les institutions européennes et non seulement pour la Commission.

79
Cela est confirmé, en outre, par les rapports des cabinets EuroDB et Dun & Bradstreet, datés respectivement des 22 mars 2004 et 26 juillet 2004, annexés aux observations de la Commission du 15 octobre 2004, qui indiquent que la requérante a un grand nombre de clients, dont des institutions européennes, des institutions publiques nationales et des compagnies internationales. De plus, il ressort de ces rapports que la situation financière de la requérante est notée comme « bonne », avec des notes positives pour les ventes, la rentabilité et l’actif total. À propos de ces rapports, il faut souligner, que, l’allégation de la requérante, dans sa lettre du 2 novembre 2004, selon laquelle ces rapports sont « obsolètes » et « erronés », est de nature très générale et que la requérante n’a pas apporté la moindre preuve pour démontrer la véracité de cette allégation.

80
Il y a lieu, enfin, d’observer que la requérante continuera sa participation au groupement ESP 5, en qualité de premier contractant du lot ESP 5, et participera également au groupement ED, comme deuxième contractant du marché ESP‑DIMA, précisément parce qu’elle a, dans le cadre de sa participation à l’appel d’offres ESP‑DIMA, montré à la Commission qu’elle possédait la capacité financière et technique requise pour un tel projet.

81
Quant à la possibilité que, en l’absence des mesures provisoires sollicitées, la position de la requérante sur le marché soit modifiée de manière irrémédiable, si la requérante allègue, à cet égard, qu’elle sera contrainte de mettre fin à la moitié de ses activités, de licencier la moitié de son personnel et que toute l’infrastructure prévue pour la mise en œuvre du lot ESP 5 devra disparaître avec des conséquences « fatales », la requérante n’a pas étayé ces arguments et, en plus, elle n’a pas établi, ou même essayé d’établir, que des obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêcheraient de reconquérir une fraction appréciable du marché perdu (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03 R, non encore publiée au Recueil, point 84). La requérante n’a, en particulier, pas démontré qu’elle serait empêchée de remporter d’autres marchés, dont le marché litigieux à la suite d’un nouvel appel d’offres, ou qu’elle serait empêchée de recruter des employés ou de recréer une infrastructure technique capable de soutenir de grands projets comme ceux mis en œuvre dans le cadre du lot ESP 5, si cela s’avérait nécessaire pour reconquérir les parts de marché perdues. À cet égard, il faut souligner, premièrement, que le lot ESP 5 continuera à exister et, deuxièmement, que le fait que la requérante participe et pourra continuer à participer à d’autres projets pour des institutions européennes et d’autres clients garantit que sa capacité technique ne disparaîtra pas.

82
Quant au préjudice d’ordre non financier allégué par la requérante, pour ce qui est de l’argument de celle-ci selon lequel des mesures provisoires seraient urgentes en raison du dommage irréparable qui serait causé à sa réputation et à sa crédibilité, il convient d’observer que la décision d’attribution n’a pas pour effet de causer un tel dommage. Selon une jurisprudence bien établie, la participation à une soumission publique, par nature hautement compétitive, implique forcément des risques pour tous les participants, et l’élimination d’un soumissionnaire, en vertu des règles de la soumission, n’a, en soi, rien de préjudiciable (ordonnance du président de la Cour du 5 août 1983, CMC/Commission, 118/83 R, Rec. p. 2583, point 51, et ordonnance Esedra/Commission, précitée, point 48).

83
De même, les arguments de la requérante tendant à montrer que l’urgence découlerait du fait que le contrat avec le groupement ESP‑DIMA sera conclu et que le budget correspondant au marché ESP‑DIMA sera fixé, avant le prononcé de la décision mettant fin au recours au principal, à un montant susceptible de lier la Commission audit groupement en permanence ne sauraient être retenus. Une telle situation ne constitue pas une circonstance établissant l’urgence, dès lors que, si, par hypothèse, le Tribunal devait accueillir le recours au principal, il incomberait à la Commission d’arrêter les mesures nécessaires pour assurer une protection appropriée des intérêts de la requérante. Dans une telle hypothèse, cette institution serait en mesure d’organiser à nouveau un appel d’offres auquel la requérante pourrait participer, et ce sans rencontrer de difficultés particulières. Une telle mesure pourrait être combinée avec le versement d’une indemnité. Or, la requérante n’a fait état d’aucune circonstance susceptible d’empêcher que ses intérêts soient sauvegardés d’une telle manière (voir, en ce sens, ordonnance Esedra/Commission, précitée, point 51, et ordonnance du président du Tribunal du 2 mai 1994, Candiotte/Conseil, T-108/94 R, Rec. p. II-249, point 27).

84
Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que les éléments de preuve apportés par la requérante ne permettent pas d’établir à suffisance de droit que, à défaut d’octroi des mesures provisoires demandées, elle subirait un préjudice grave et irréparable.

85
Il s’ensuit que la requérante n’est pas parvenue à établir que la condition relative à l’urgence était satisfaite. En conséquence, la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère recevable de celle-ci ni d’examiner si les autres conditions d’octroi des mesures provisoires sont remplies (ordonnance du président du Tribunal du 9 août 1999, Sociedade Agrícola dos Arinhos e.a./Commission, T‑38/99 R à T‑42/99 R, T‑45/99 R et T‑48/99 R, Rec. p. II-2567, point 48).

Sur la demande de mesures d’instruction visant à la production de documents par la Commission

Arguments des parties

86
Dans ses observations du 23 septembre 2004, la requérante demande que le président du Tribunal fasse injonction à la Commission de produire les documents en cause au motif que ceux-ci pourraient montrer que l’exécution de l’ESP 4 était irrégulière et qu’il serait, dès lors, utile et opportun pour le Tribunal, et même décisif pour l’arrêt du Tribunal, de les obtenir.

87
La Commission considère que la demande de mesures d’instruction doit être rejetée au motif que la requérante n’a nullement démontré l’utilité de la production des documents en cause, contrairement aux exigences de la jurisprudence de la Cour. La Commission souligne, en outre, que ces documents contiennent des informations confidentielles et ne peuvent pas être divulguées, la production desdits documents allant à l’encontre de la protection des intérêts commerciaux légitimes des soumissionnaires.

Appréciation du juge des référés

88
Force est de constater, tout d’abord, que la demande de la requérante relative à la production des documents en cause ne peut être comprise que comme une demande de mesures d’instruction ou d’organisation de la procédure.

89
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 105, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, le président du Tribunal apprécie s’il y a lieu d’ordonner l’ouverture d’une instruction. L’article 65 du règlement de procédure précise que les mesures d’instruction comprennent, notamment, la production de documents. L’article 64 du règlement de procédure permet au Tribunal d’adopter des mesures d’organisation de la procédure comprenant, notamment, la production des documents ou de toute pièce relative à l’affaire.

90
La demande en référé devant être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions d’octroi des mesures provisoires sont remplies, notamment la condition relative à l’existence d’un fumus boni juris, le juge des référés considère que les documents en cause ne présentent pas d’intérêt pour l’examen de la présente demande en référé et que, dès lors, il n’y a pas lieu d’adopter les mesures visant les documents en cause sollicitées par la requérante.


Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL



ordonne :

1)
La demande en référé est rejetée.

2)
Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 10 novembre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1
Langue de procédure : l'anglais.