Language of document : ECLI:EU:T:2014:348

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

4 juin 2014(*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Recours en annulation – Actes non susceptibles de recours – Irrecevabilité – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑67/12,

Sina Bank, établie à Téhéran (Iran), représentée par Mes B. Mettetal et C. Wucher-North, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. B. Driessen et Mme D. Gicheva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, premièrement, de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71), pour autant que celle-ci a maintenu, après réexamen, l’inscription du nom de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), telle que modifiée par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010 (JO L 281, p. 81), ainsi que du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 11), pour autant que celui-ci a maintenu, après réexamen, l’inscription du nom de la requérante dans l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), et, deuxièmement, de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 ainsi que de l’article 19, paragraphe 1, sous b), et de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, pour autant que ces dispositions concernent la requérante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 décembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci-après la « prolifération nucléaire »).

 Mesures restrictives visant la requérante

2        La requérante, Sina Bank, est une banque iranienne, immatriculée en tant que société publique par actions.

3        Le 26 juillet 2010, le nom de la requérante a été inscrit dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39).

4        Par voie de conséquence, le nom de la requérante a également été inscrit dans la liste figurant à l’annexe V du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1). Cette dernière inscription a pris effet à la date de publication du règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 (JO L 195, p. 25), au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 27 juillet 2010. Elle a eu pour effet le gel des fonds et des ressources économiques (ci-après le « gel des fonds ») de la requérante.

5        L’inscription du nom de la requérante dans les listes précitées était fondée sur les motifs suivants :

« Cette banque est très liée aux intérêts du ‘Daftar’ (bureau du Guide [de la révolution islamique] : administration composée d’environ 500 collaborateurs). Elle contribue ainsi au financement des intérêts stratégiques du régime. »

6        Par lettre du 27 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a informé la requérante de l’inscription de son nom dans les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe V du règlement n° 423/2007. Une copie de ces derniers actes était jointe en annexe à cette lettre.

7        Par lettre du 8 septembre 2010, la requérante a fait valoir ses observations sur l’inscription en cause et invité le Conseil à revoir cette dernière.

8        Après révision de la situation de la requérante, le Conseil a maintenu l’inscription du nom de cette dernière dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81), avec effet le jour même.

9        Lors de l’adoption du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), le nom de la requérante a été inscrit, pour des motifs identiques à ceux déjà mentionnés au point 5 ci-dessus, dans la liste figurant à l’annexe VIII dudit règlement, avec effet au 27 octobre 2010.

10      Par lettre du 28 octobre 2010, notifiée à la requérante le 5 décembre 2010, le Conseil a informé cette dernière que, après révision de sa situation à la lumière des observations contenues dans sa lettre du 8 septembre 2010, elle devait rester soumise à des mesures restrictives.

11      Par lettres des 6 et 20 décembre 2010, la requérante a contesté le maintien de la mesure de gel des fonds prise à son égard. Aux fins de l’exercice de ses droits de la défense, elle a demandé à avoir accès au dossier.

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 janvier 2011, la requérante a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, pour autant que celles-ci la concernaient. L’affaire a été enregistrée au greffe du Tribunal sous la référence T‑15/11.

13      Par lettre du 18 juillet 2011, la requérante a de nouveau contesté le maintien de la mesure de gel des fonds prise à son égard, dont elle poursuivait par ailleurs l’annulation dans l’affaire T‑15/11.

14      Après réexamen de la situation de la requérante, le Conseil a maintenu l’inscription du nom de cette dernière dans les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, avec effet, respectivement, au 1er décembre 2011, jour de l’adoption de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), et au 2 décembre 2011, jour de la publication au Journal officiel de l’Union européenne du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11).

15      Par lettre du 5 décembre 2011, notifiée le jour même à la requérante, le Conseil a informé cette dernière qu’elle devait rester soumise à des mesures restrictives. Dans cette lettre, le Conseil relevait que, « si quelque 36 % des parts sociales de [la requérante] a[vaient] été vendus dans le cadre d’une offre publique, le principal actionnaire demeur[ait] la Fondation Mostaz’afan, qui [était] un organisme public dépendant du Guide », et qu’« [il] rest[ait], par conséquent, de l’avis que Sina Bank [était] très liée aux intérêts du ‘Daftar’ (bureau du Guide) et contribu[ait], de cette façon, au financement des intérêts stratégiques du régime ».

16      Lors de l’adoption du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), le nom de la requérante a été inscrit, pour les mêmes motifs que ceux déjà mentionnés au point 5 ci-dessus, dans la liste figurant à l’annexe IX dudit règlement, avec effet au 24 mars 2012.

17      Par arrêt du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil (T‑15/11, non encore publié au Recueil), le Tribunal a annulé l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, pour autant que celles-ci concernaient la requérante. Toutefois, il a maintenu les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, à l’égard de la requérante jusqu’à la prise d’effet de l’annulation de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Aucun pourvoi n’ayant été formé contre l’arrêt Sina Bank/Conseil, précité, celui-ci est devenu définitif et est passé en force de chose jugée.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 février 2012, la requérante a introduit le présent recours qui a été attribué à la quatrième chambre du Tribunal pour cause de connexité.

19      Le 20 avril 2012, le Conseil a déposé un mémoire en défense.

20      Le 11 juin 2012, la requérante a déposé une réplique.

21      Le 25 juillet 2012, le Conseil a déposé une duplique.

22      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir du 23 septembre 2013, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions. La requérante et le Conseil ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 27 novembre 2013, le Conseil a introduit une demande incidente, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, visant à ce que le présent recours soit déclaré irrecevable au motif qu’aucun des chefs de conclusions n’était recevable.

25      La requérante et le Conseil ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 décembre 2013. Au cours de l’audience, la requérante a notamment confirmé oralement se désister du chef de conclusions visant à l’annulation de la lettre du Conseil du 5 décembre 2011 (point 15 ci-dessus), pour autant que celle-ci portait décision à son égard. Elle a, en outre, fait valoir ses observations sur l’exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours soulevée par le Conseil (point 24 ci-dessus). À l’issue des plaidoiries, le Tribunal a décidé de joindre cette dernière au fond.

26      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2011/783, pour autant que celle-ci a maintenu, après réexamen, l’inscription de son nom dans l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, à compter du 1er décembre 2011, et le règlement d’exécution n° 1245/2011, pour autant que celui-ci a maintenu, après réexamen, l’inscription de son nom dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, à compter du 2 décembre 2011 (ci-après les « actes d’inscription attaqués ») ;

–        annuler l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 ainsi que l’article 19, paragraphe 1, sous b), et l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

27      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire :

–        rejeter, comme étant irrecevable, la demande d’annulation du maintien, après réexamen, de l’inscription du nom de la requérante dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 ainsi que de l’article 16, paragraphe 2, de ce même règlement ;

–        rejeter le reste du recours comme étant non fondé ;

–        en tout état de cause, condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal et sur la recevabilité des conclusions présentées par la requérante

 Sur les conclusions en annulation des actes d’inscription attaqués

28      Le Conseil fait valoir que les présentes conclusions sont irrecevables en raison de l’autorité de la chose jugée s’attachant à l’arrêt Sina Bank/Conseil, point 17 supra. En effet, la requérante aurait déjà demandé et obtenu l’annulation de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, pour autant que celles-ci la concernent, dans l’arrêt Sina Bank/Conseil, point 17 supra, lequel est devenu définitif et passé en force de chose jugée. Cette annulation couvrirait également les actes d’inscription attaqués.

29      La requérante conclut au rejet de la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil à l’encontre de ses conclusions. Elle fait notamment valoir que les actes d’inscription attaqués ont remplacé les actes antérieurs ayant le même objet et dont elle avait demandé l’annulation dans le cadre de l’affaire T‑15/11, de sorte que le présent recours est pleinement recevable.

30      Il y a lieu de relever que, dans les considérants de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011, le Conseil a explicitement constaté qu’il avait procédé à un réexamen complet des listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 (ci-après, prises ensemble, les « listes litigieuses ») et qu’il était parvenu à la conclusion que les personnes, entités et organismes dont les noms y étaient énumérés devaient continuer à faire l’objet de mesures restrictives. Ces actes, adoptés à la suite d’une procédure de réexamen expressément imposée par la décision 2010/413 et par le règlement n° 961/2010, disposent ainsi que les mesures restrictives énoncées dans cette dernière décision et ce dernier règlement doivent continuer à viser directement et individuellement les personnes, entités et organismes concernés et produisent donc des effets juridiques propres à leur égard. Par conséquent, ils sont recevables à en demander l’annulation, pour autant que ces actes les concernent.

31      La requérante n’a pas adapté ses conclusions dans le cadre du recours dans l’affaire T‑15/11, comme elle en aurait eu la possibilité (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et la jurisprudence citée), pour étendre notamment ses conclusions et ses moyens initiaux aux actes d’inscription attaqués. Elle a préféré introduire, par acte séparé, un nouveau recours ayant notamment pour objet l’annulation de ces mêmes actes. Ce choix, qui appartient à la requérante, ne peut avoir aucun impact sur la qualification de ces actes comme étant des actes attaquables par la requérante sur le fondement de l’article 263 TFUE ou de l’article 275, second alinéa, TFUE et, partant, sur la recevabilité du recours introduit contre lesdits actes par la requérante.

32      Par ailleurs, la recevabilité du recours, qui s’apprécie au moment de son introduction, ne peut être remise en cause sur le fondement d’un fait survenu postérieurement, à savoir, en l’espèce, le prononcé de l’arrêt Sina Bank/Conseil, point 17 supra, qui a annulé, pour violation de l’obligation de motivation, l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, pour autant que celles-ci concernaient la requérante, ledit arrêt étant, après l’expiration du délai de pourvoi, devenu définitif et passé en force de chose jugée.

33      Il s’ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil à l’encontre des présentes conclusions doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur les conclusions en annulation de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010

34      Le Conseil soutient que, en conséquence de l’irrecevabilité des conclusions en annulation des actes d’inscription attaqués, la demande d’annulation des dispositions générales sur le fondement desquelles ces mesures particulières ont été prises, à savoir l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010, sont elles-mêmes irrecevables.

35      La requérante n’a pas répondu spécifiquement à la fin de non-recevoir ainsi soulevée par le Conseil.

36      Dans la mesure où la fin de non-recevoir visant les conclusions en annulation des actes d’inscription attaqués a été rejetée (point 33 ci-dessus), la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil à l’encontre des présentes conclusions se trouve elle-même dépourvue de tout fondement et doit, partant, être rejetée.

37      Toutefois, il convient d’examiner d’office, d’une part, si les conclusions en annulation de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 sont portées devant une juridiction compétente pour en connaître et, d’autre part, la recevabilité des conclusions en annulation de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010, conformément à la jurisprudence selon laquelle le juge de l’Union peut, à tout moment, examiner d’office les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent l’étendue de sa compétence et les conditions de recevabilité d’un recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 décembre 1960, Humblet/État belge, 6/60, Rec. p. 1125, 1147).

38      S’agissant des conclusions en annulation de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, il y a lieu d’observer que cette disposition a été adoptée sur la base de l’article 29 TUE, qui est une disposition relative à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) au sens de l’article 275 TFUE. Or, aux termes de l’article 275, second alinéa, TFUE, lu en combinaison avec l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal a seulement compétence pour se prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, concernant le contrôle de la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, adoptées par le Conseil sur la base du titre V, chapitre 2, du traité UE. Comme la Cour l’a précisé dans son arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo/Conseil (C‑478/11 P à C‑482/11 P, non encore publié au Recueil, point 57), en ce qui concerne les actes adoptés sur la base des dispositions relatives à la PESC, c’est la nature individuelle de ces actes qui ouvre, conformément aux termes de l’article 275, second alinéa, TFUE et de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’accès au juge de l’Union.

39      Les mesures restrictives prévues à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 sont des mesures de portée générale puisqu’elles s’appliquent à des situations déterminées objectivement comme se rapportant à la prolifération nucléaire et à une catégorie de personnes envisagées de manières générale et abstraite comme étant « les personnes et entités […] telles qu’énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 » (voir, en ce sens, arrêt Sina Bank/Conseil, point 17 supra, point 45 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Gbagbo/Conseil, point 38 supra, point 56). Par conséquent, cette disposition ne peut être qualifiée de « décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales », au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE. Cette solution n’est pas modifiée par le fait que la requérante a indiqué n’attaquer cette disposition qu’en ce que celle-ci la concernait. En effet, la circonstance que ladite disposition a été appliquée à la requérante ne modifie pas sa nature juridique d’acte de portée générale. En l’espèce, la « décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales », au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE, est à trouver dans l’acte par lequel l’inscription du nom de la requérante a été maintenue, après réexamen, dans l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, à compter du 1er décembre 2011.

40      Les conclusions visant à l’annulation de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 ne répondent donc pas aux règles qui régissent la compétence du Tribunal prévues à l’article 275, second alinéa, TFUE. Partant, il y a lieu de les rejeter comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

41      S’agissant des conclusions en annulation de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010, il y a lieu d’observer que cette disposition a été adoptée sur la base de l’article 215 TFUE qui régit les mesures restrictives adoptées par le Conseil dans le cadre de l’action extérieure de l’Union. Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, lu en combinaison avec l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal a compétence pour se prononcer sur les recours formés par toute personne physique ou morale, dans les conditions prévues à l’article 263, premier et deuxième alinéas, TFUE, contre les actes dont elle est destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

42      Les mesures restrictives prévues à l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 sont des mesures de portée générale, puisqu’elles s’appliquent à des situations déterminées objectivement comme se rapportant à la prolifération nucléaire et à une catégorie de personnes envisagées de manières générale et abstraite comme étant les personnes, les entités et les organismes énumérés à l’annexe VIII dudit règlement n° 961/2010 (voir la jurisprudence déjà citée au point 39 ci-dessus). Pour son application, cette disposition nécessite l’adoption d’une mesure d’exécution ou, en d’autres termes, d’un acte de nature individuelle consistant, comme il ressort de l’article 36, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 961/2010, en l’inscription ou, après réexamen, le maintien de l’inscription de la personne, de l’entité ou de l’organisme visé(e) dans l’annexe VIII dudit règlement. Par conséquent, l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 n’est pas, en tant que tel, un acte que la requérante pourrait attaquer directement sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Cette solution n’est pas modifiée par le fait que la requérante a indiqué n’attaquer cette disposition qu’en ce que celle-ci la concernait. En effet, la circonstance que cette disposition a été appliquée à la requérante ne modifie pas sa nature juridique d’acte de portée générale. En l’espèce, l’acte individuel, directement attaquable par la requérante, est l’acte par lequel le nom de cette dernière a été maintenu, après réexamen, inscrit dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, à compter du 2 décembre 2011.

43      Les conclusions visant à l’annulation de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 ne répondent donc pas aux conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Partant, il convient de les rejeter comme étant irrecevables.

 Sur les conclusions en annulation de l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413

44      Le Conseil soutient que les présentes conclusions sont irrecevables dans la mesure où l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, qui dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des « personnes » énumérées à l’annexe II de cette même décision, ne s’applique pas à des « entités » qui, comme la requérante, sont énumérées à ladite annexe II.

45      La requérante n’a pas répondu spécifiquement à la fin de non-recevoir ainsi soulevée par le Conseil.

46      Avant d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, il y a lieu de constater que, à l’instar de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la même décision a été adopté sur la base de l’article 29 TUE, de sorte qu’il convient d’examiner d’office si les présentes conclusions, visant à l’annulation de ladite disposition, sont portées devant une juridiction compétente pour en connaître.

47      L’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 s’applique à une catégorie de destinataires déterminés de manières générale et abstraite, à savoir les « personnes [qui] sont énumérées à l’annexe II [de la décision 2010/413] » et, partant, revêt les caractéristiques d’un acte de portée générale. Par conséquent, cette disposition ne peut être qualifiée de « décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales » contre laquelle ces dernières disposeraient d’un droit en recours direct, en vertu de l’article 275, second alinéa, TFUE.

48      En outre et en tout état de cause, comme l’observe à bon droit le Conseil, la requérante, en tant qu’« entité » énumérée à l’annexe II de la décision 2010/413 et non en tant que « personne » énumérée à cette même annexe, ne fait pas partie de la catégorie des destinataires visée par l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de sorte que cette dernière disposition ne lui est pas applicable et, au demeurant, ne lui a pas été appliquée dans les actes d’inscription attaqués.

49      Par conséquent, il y a lieu, en l’espèce, de rejeter les conclusions en annulation de l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

50      Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme étant porté devant une juridiction incompétente pour en connaître, en ce qu’il tend à l’annulation de l’article 19, paragraphe 1, sous b), et de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, et comme étant irrecevable, en ce qu’il tend à l’annulation de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010.

 Sur le fond

51      La requérante avance quatre moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Le premier moyen est tiré d’une erreur d’appréciation résultant de ce que le Conseil a inscrit son nom ou, après réexamen, maintenu l’inscription de son nom dans les listes litigieuses sans qu’elle remplisse les critères substantiels permettant une telle inscription. Le deuxième moyen est pris d’une violation du principe d’égalité de traitement résultant de ce qu’elle a été traitée de manière différente des autres banques iraniennes dont les noms n’ont pas été inscrits dans les listes litigieuses, du « Daftar » (bureau du Guide de la révolution islamique) et de la Fondation Mostaz’afan de la République islamique d’Iran (ci-après la « Fondation »). Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe du respect des droits de la défense, du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, tenant au fait qu’elle ne s’est vu communiquer ni les motifs précis ni les éléments de preuve et les pièces qui auraient justifié l’inscription de son nom ou, après réexamen, le maintien de cette inscription dans les listes litigieuses. Le quatrième moyen est pris d’une violation du droit de propriété et du principe de proportionnalité résultant de ce que, en tout état de cause, la mesure de gel des fonds prise à son égard aurait porté une atteinte non nécessaire et disproportionnée à son droit de propriété.

52      Le Conseil conclut au rejet des conclusions en annulation, au motif qu’aucun des moyens invoqués à l’appui de celles-ci n’est fondé.

53      Il y a lieu, en l’espèce, de commencer par l’examen du troisième moyen d’annulation, tiré d’une violation du principe du respect des droits de la défense, du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation. Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient, en substance, que les actes d’inscription attaqués ont été adoptés sans que les formes qui visent à garantir le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective aient été respectées, à savoir, en particulier, l’obligation générale de motivation, les obligations spécifiques de communiquer les motifs de l’inscription en cause et de revoir les mesures restrictives à la lumière des observations des personnes concernées, telles que prévues à l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413 et à l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 961/2010, le droit d’accéder au dossier et le droit d’être entendu. Selon la requérante, la violation de l’obligation de motivation ou de communication des motifs n’a pas été purgée par la notification de la motivation contenue dans la lettre du 5 décembre 2011.

54      Le Conseil conteste le fait que la requérante soit titulaire et puisse invoquer à son profit des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux. Il soutient plus spécifiquement que la requérante ne peut se prévaloir du principe du respect des droits de la défense. En tout état de cause, il estime avoir pleinement respecté, en l’espèce, les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux invoquées par la requérante.

55      Avant d’examiner, dans un second temps, s’il peut être constaté, en l’espèce, une violation du principe du respect des droits de la défense, du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, la question de savoir si, contrairement à ce que soutient le Conseil, la requérante peut se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux qu’elle invoque.

 Sur l’aptitude de la requérante à se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux

56      La question de savoir si la requérante est titulaire des droits qu’elle invoque à l’appui du troisième moyen ne concerne pas la recevabilité de ce moyen, mais son bien-fondé.

57      En l’espèce, le Conseil fait valoir que, au regard du droit de l’Union, des personnes morales qui constituent des organisations gouvernementales ou des organismes étatiques ne peuvent pas invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux. Dans la mesure où la requérante serait une organisation gouvernementale iranienne ou un organisme étatique iranien, cette règle lui serait applicable.

58      À cet égard, il convient d’observer que ni la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ni les traités ne comportent de dispositions excluant les personnes morales qui sont des organisations gouvernementales ou des organismes étatiques du bénéfice de la protection des droits fondamentaux. Au contraire, les dispositions de ladite charte qui revêtent un caractère pertinent au regard du moyen soulevé par la requérante, à savoir notamment ses articles 17, 41 et 47, garantissent les droits de « [t]oute personne », ce qui inclut les personnes morales telles que la requérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, non encore publié au Recueil, point 65).

59      Le Conseil invoque néanmoins, dans ce contexte, l’article 34 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, qui n’admet pas la recevabilité des requêtes présentées devant la Cour européenne des droits de l’homme par des organisations gouvernementales.

60      Or, pour les motifs qui figurent au point 67 de l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 58 supra, l’article 34 de la CEDH, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, n’est pas applicable au cas d’espèce. En effet, d’une part, l’article 34 de la CEDH est une disposition procédurale qui n’est pas applicable aux procédures devant le juge de l’Union et, d’autre part, le raisonnement qui sous-tend la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon lequel le but de cette disposition est d’éviter qu’un État partie à la CEDH soit à la fois requérant et défendeur devant ladite Cour, n’est pas applicable dans un cas comme celui de l’espèce.

61      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le droit de l’Union ne contient pas de règle s’opposant à ce que des personnes morales qui sont des organisations gouvernementales ou des organismes étatiques invoquent à leur profit les protections et garanties liées aux droits fondamentaux. Ces mêmes droits peuvent donc être invoqués par lesdites personnes devant le juge de l’Union pour autant qu’ils soient compatibles avec leur qualité de personne morale (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 58 supra, point 70).

62      Il s’ensuit que les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux peuvent être invoquées par la requérante.

63      Cela étant observé, il convient en l’espèce de commencer par l’examen du grief pris d’une violation du principe du respect des droits de la défense.

 Sur la violation alléguée du principe du respect des droits de la défense

64      La requérante soutient que, en adoptant les actes d’inscription attaqués, le Conseil a violé le principe du respect des droits de la défense, dans la mesure où il ne lui a jamais communiqué ni les éléments d’information qui, au sens de la jurisprudence, pourraient être qualifiés de motivation des actes d’inscription attaqués, ni les éléments de preuve et les pièces qui auraient justifié l’inscription de son nom ou, après réexamen, le maintien de cette inscription dans les listes litigieuses, alors même qu’elle a présenté plusieurs demandes en ce sens. De plus, le Conseil aurait porté atteinte au principe du respect des droits de la défense en refusant de l’auditionner, afin qu’elle puisse s’expliquer sur les éléments du dossier, et ce alors même qu’elle en aurait fait expressément la demande par les lettres des 6 et 20 décembre 2010. De la sorte, le Conseil ne lui aurait pas permis, à l’égard de l’inscription en cause, d’exercer de manière efficace, utile et équitable ses droits d’être entendue et de se défendre, tels qu’ils ont été consacrés par la jurisprudence de la Cour et par celle de la Cour européenne des droits de l’homme et dont il résulte que doit être assurée la divulgation minimale des éléments et des pièces qui sont nécessaires pour garantir une procédure équitable, respectueuse des droits de la défense. En tout état de cause, le Conseil n’aurait pas justifié la nécessité d’imposer une telle limitation des droits de la défense dans les circonstances de l’espèce.

65      Le Conseil réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du présent grief.

66      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le droit fondamental au respect des droits de la défense au cours d’une procédure précédant l’adoption d’une mesure restrictive est expressément consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (voir arrêt du Tribunal du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, non encore publié au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée).

67      Le principe du respect des droits de la défense exige, sauf exceptions pouvant notamment tenir à la nécessité de préserver l’efficacité d’une mesure initiale d’inscription, que, d’une part, les éléments retenus à la charge de la personne, de l’entité ou de l’organisme intéressé pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués et, d’autre part, la personne, l’entité ou l’organisme intéressé soit mis en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, points 93, 127 et 128).

68      Dans le cadre de l’adoption d’une décision maintenant l’inscription d’une personne, d’une entité ou d’un organisme dans une liste de personnes, d’entités ou d’organismes faisant l’objet de mesures restrictives, le Conseil doit respecter le droit de cette personne, de cette entité ou de cet organisme d’être préalablement entendu lorsqu’il retient à son égard, dans la décision portant maintien de l’inscription dans la liste, de nouveaux éléments, à savoir des éléments qui ne figuraient pas dans la décision initiale d’inscription sur cette liste (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, non encore publié au Recueil, point 62, et arrêt Makhlouf/Conseil, point 66 supra, points 42 et 43).

69      En l’espèce, le 5 décembre 2011, le Conseil a communiqué individuellement à la requérante la motivation des actes d’inscription attaqués tirée de ce que « le principal actionnaire [de la requérante] demeur[ait] la Fondation Mostaz’afan, qui [était] un organisme public dépendant du Guide [de la révolution islamique] » (ci-après la « motivation notifiée le 5 décembre 2011 »).

70      Par cette communication individuelle, le Conseil a manifestement visé à suppléer à la motivation initiale des actes d’inscription attaqués, telle que mentionnée au point 5 ci-dessus, et qui, au point 82 de l’arrêt Sina Bank/Conseil, point 17 supra, a été jugée insuffisante pour répondre aux exigences résultant de l’article 296 TFUE, de l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et de l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010, et ce pour les raisons indiquées aux points 71 à 81 de ce même arrêt.

71      De même que la motivation initiale, la motivation notifiée le 5 décembre 2011 est tirée du contrôle exercé sur la requérante par une personne, une entité ou un organisme participant, étant directement associé ou apportant un appui à la prolifération nucléaire, au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, ou reconnu comme tel et visé, à ce titre, par une mesure de gel des fonds, au sens de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010. Toutefois, dans la motivation notifiée le 5 décembre 2011, le Conseil ne se réfère plus, comme dans la motivation initiale, à un contrôle exercé sur la requérante par le « Daftar », mais à un contrôle exercé sur la requérante par la Fondation, elle-même présentée comme « un organisme public dépendant du Guide [de la révolution islamique] ».

72      Il convient ainsi de relever que, dans la motivation notifiée le 5 décembre 2011, les éléments se rapportant à la structure de l’actionnariat de la requérante ou les pouvoirs exercés par le Guide de la révolution islamique sur la Fondation ont été opposés par le Conseil à la requérante pour justifier le maintien de la mesure de gel des fonds prise à son égard.

73      Certes, ces éléments avaient été communiqués au Conseil par la requérante elle-même, notamment par la lettre du 8 septembre 2010, et étaient, partant, déjà connus de celle-ci.

74      Toutefois, avant le 5 décembre 2011, ces éléments n’avaient jamais été opposés par le Conseil à la requérante en tant qu’éléments justifiant le maintien de la mesure de gel des fonds prise à son égard, de sorte que, lorsque la requérante a communiqué ces éléments au Conseil en vue de la défense de ses intérêts, elle n’était pas encore en mesure de présenter des observations sur l’utilisation desdits éléments telle qu’elle serait faite à son égard dans les actes d’inscription attaqués.

75      Aussi y a-t-il lieu de juger que les actes d’inscription attaqués sont fondés sur des éléments nouveaux et que, conformément à la jurisprudence citée au point 68 ci-dessus, le Conseil devait, à leur égard, respecter le droit de la requérante d’être préalablement entendue.

76      Or, en l’espèce, le Conseil n’a pas entendu la requérante, préalablement à l’adoption des actes d’inscription attaqués, au sujet des éléments nouveaux retenus à son égard dans la motivation notifiée le 5 décembre 2011, lesquels ne lui ont été communiqués individuellement que plusieurs jours après l’entrée en vigueur des actes d’inscription attaqués qui est intervenue, respectivement, le 1er et le 2 décembre 2011.

77      Le droit de la requérante d’être préalablement entendue a ainsi été violé.

78      Il s’ensuit que le grief tiré d’une violation du principe du respect des droits de la défense doit être accueilli.

79      Par conséquent, sans même qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ou griefs du recours, il y a lieu d’annuler intégralement les actes d’inscription attaqués.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

81      Dans les circonstances de l’espèce, le Conseil ayant succombé en l’essentiel de ses chefs de conclusions, il y a lieu de décider qu’il supportera les quatre cinquièmes de ses propres dépens et des dépens de la requérante, la requérante supportant le cinquième restant de ses propres dépens et des dépens du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme étant porté devant une juridiction incompétente pour en connaître, en ce qu’il tend à l’annulation de l’article 19, paragraphe 1, sous b), et de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC, et comme étant irrecevable, en ce qu’il tend à l’annulation de l’article 16, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007.

2)      La décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, et le règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, pour autant que ces actes ont maintenu, après réexamen, l’inscription du nom de Sina Bank, respectivement, dans l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413, et dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, sont annulés.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera quatre cinquièmes de ses propres dépens et des dépens de Sina Bank.

4)      Sina Bank supportera un cinquième de ses propres dépens et des dépens du Conseil.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 juin 2014.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran

Mesures restrictives visant la requérante

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la compétence du Tribunal et sur la recevabilité des conclusions présentées par la requérante

Sur les conclusions en annulation des actes d’inscription attaqués

Sur les conclusions en annulation de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010

Sur les conclusions en annulation de l’article 19, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413

Sur le fond

Sur l’aptitude de la requérante à se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux

Sur la violation alléguée du principe du respect des droits de la défense

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.