Language of document : ECLI:EU:T:2011:335

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

6 juillet 2011 (*)

« Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban –Acte de la Commission opérant le retrait du nom de l’intéressé de la liste annexée au règlement (CE) n° 881/2002, sans effet rétroactif – Recours en annulation – Aide judiciaire »

Dans l’affaire T‑175/11 AJ,

AS, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté par M. H. Miller, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. R. Szostak, G. Étienne et Mme E. Finnegan, en qualité d’agents,

et

Commission européenne,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande d’aide judiciaire,

LE PRÉSIDENT DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Le 21 octobre 2008, le nom de M. AS a été ajouté à la liste établie par le comité des sanctions institué par la résolution 1267 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après la « liste du comité des sanctions »).

2        Par le règlement (CE) n° 1330/2008 de la Commission, du 22 décembre 2008, modifiant pour la cent troisième fois le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban (JO L 345, p. 60), le nom de M. AS a dès lors été ajouté à la liste des personnes et entités dont les fonds et autres ressources économiques doivent être gelés en vertu du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9) (ci-après la « liste litigieuse »). Le règlement n° 1330/2008 est entré en vigueur le 23 décembre 2008.

3        Par requête dont l’original signé est parvenu au greffe du Tribunal le 15 avril 2009, M. AS a introduit, contre le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne, un recours ayant en substance pour objet, d’une part, une demande d’annulation partielle du règlement n° 881/2002, tel que modifié par le règlement n° 1330/2008, ou de ce dernier règlement, et, d’autre part, une demande en réparation du préjudice prétendument causé par ces actes. Ce recours a été enregistré sous le n° [confidentiel].

4        Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du [confidentiel] dans l’affaire [confidentiel], M. AS a été admis au bénéfice de l’aide judiciaire dans l’affaire [confidentiel] et M. J. Jones et Mme M. Arani ont été désignés pour le représenter.

5        Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du [confidentiel], ladite ordonnance du [confidentiel] a été modifiée en ce qu’elle désignait M. Jones et Mme Arani comme avocats pour assister M. AS dans l’affaire [confidentiel]. Aux termes du point 2 du dispositif de cette nouvelle ordonnance, MM. H. Miller et E. Grieves ont été désignés comme avocats chargés de représenter M. AS dans cette affaire, avec effet au 11 mars 2010.

6        Le 22 décembre 2010, la mention du nom de M. AS a été radiée de la liste du comité des sanctions.

7        Le 6 janvier 2011, les avocats de M. AS ont écrit à la Commission pour demander la radiation de son nom de la liste litigieuse, avec effet rétroactif à la date de radiation de son nom de la liste du comité des sanctions.

8        Par le règlement (UE) n° 36/2011 de la Commission, du 18 janvier 2011, modifiant pour la cent quarante-troisième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 36, p. 12), la mention du nom de M. AS a dès lors été radiée de la liste litigieuse. Ce règlement est entré en vigueur, sans effet rétroactif, le 20 janvier 2011.

9        Par acte parvenu au greffe le 9 mars 2011, M. AS a introduit une demande d’aide judiciaire complémentaire au titre de l’article 94 du règlement de procédure dans l’affaire [confidentiel], en vue de poursuivre son recours dans l’affaire [confidentiel]. Il a été fait partiellement droit à cette demande par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du [confidentiel].

10      Par acte parvenu au greffe le 17 mars 2011, M. AS a introduit une demande d’aide judiciaire au titre de l’article 94 du règlement de procédure, en vue d’introduire, contre la Commission et le Conseil, un recours tendant en substance, d’une part, à l’annulation du règlement n° 881/2002, tel que modifié par le règlement n° 36/2011, ou à l’annulation de ce dernier règlement, dans la mesure où son nom n’a pas été radié de la liste litigieuse avec effet rétroactif à la date de radiation de son nom de la liste du comité des sanctions, et, d’autre part, à la réparation du préjudice prétendument subi du fait du maintien de son nom sur la liste litigieuse au-delà de cette date. Cette demande a été enregistrée sous le numéro T‑175/11 AJ.

11      À l’appui de cette demande, il fait notamment valoir qu’il perçoit un revenu net de 410 GBP, qu’il est financièrement éligible au bénéfice de l’aide judiciaire (Legal Aid) en Angleterre et au Pays de Galles et qu’il n’est pas en mesure de faire face aux frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal.

12      En outre, il ressort de la demande d’aide judiciaire que M. AS demande que la défense de ses intérêts soit assurée, dans le cadre du nouveau recours qu’il se propose d’introduire, par MM. H. Miller, T. Tridimas et C. Brown.

13      Quant à l’apparence de recevabilité et de fondement de ce recours, au sens de l’article 94, paragraphe 3, du règlement de procédure, M. AS fait notamment valoir que son nom est resté inscrit sur la liste litigieuse pendant une période de 29 jours après sa radiation de la liste du comité des sanctions, période au cours de laquelle il aurait continué à être soumis aux mesures restrictives prévues par le règlement n° 881/2002. Il en serait résulté, durant cette période, une violation de ses droits fondamentaux. En outre, la Commission aurait outrepassé les limites de ses compétences au titre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002 en maintenant les effets du règlement n° 1330/2008 pendant cette période ou, du moins, en ne conférant pas un effet rétroactif au règlement n° 36/2011, lesdites compétences étant conditionnées par l’existence et le maintien en vigueur d’une inscription sur la liste du comité des sanctions. M. AS invoque plus particulièrement, en ce sens, l’article 7 bis, paragraphe 5, du règlement n° 881/2002, aux termes duquel « [s]i les Nations unies décident de radier de la liste [du comité des sanctions] une personne, une entité, un organisme ou un groupe, ou de modifier les données identifiant une personne, une entité, un organisme ou un groupe, la Commission modifie [la liste litigieuse] en conséquence ».

14      Par lettre du greffe du 11 avril 2011, le Tribunal a invité les parties défenderesses à déposer des observations sur la demande d’aide judiciaire de M. AS.

15      Dans ses observations, déposées au greffe le 20 avril 2011, le Conseil considère qu’il devrait être possible de fixer le plafond de l’aide judiciaire accordée à un montant inférieur à 10 000 euros.

16      La Commission n’a pas déposé d’observations dans le délai imparti.

17      À cet égard, il ressort de l’article 94, paragraphe 1, du règlement de procédure que, pour assurer un accès effectif à la justice, l’aide judiciaire accordée pour les procédures devant le Tribunal couvre, totalement ou en partie, les frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal. Ces frais sont pris en charge par la caisse du Tribunal.

18      En vertu de l’article 94, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure, l’octroi de l’aide judiciaire est subordonné à la double condition que, d’une part, le requérant soit, en raison de sa situation économique, dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal et, d’autre part, que son action ne paraisse pas manifestement irrecevable ou manifestement mal fondée.

19      En vertu de l’article 96, paragraphe 2, du règlement de procédure, la décision sur la demande d’aide judiciaire est prise par le président par voie d’ordonnance, celle-ci devant être motivée en cas de refus.

20      Quant à l’apparente recevabilité de l’action que M. AS se propose d’introduire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation introduit par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’introduit (voir ordonnance du Tribunal du 30 avril 2007, EnBW Energie Baden-Württemberg/Commission, T‑387/04, Rec. p. II‑1195, point 96, et la jurisprudence citée).

21      Or, en l’espèce, M. AS n’a fourni aucun élément permettant de constater que l’annulation du règlement n° 36/2011, en ce que sa date de prise d’effet ne rétroagit pas à la date de la radiation de son nom de la liste du comité des sanctions, lui procurerait un quelconque bénéfice. Dans ces conditions, il est permis de se demander si la présente demande d’aide judiciaire ne devrait pas être qualifiée d’abusive, car destinée à introduire un recours dont M. AS ne peut raisonnablement escompter aucun bénéfice autre que purement formel.

22      En l’état actuel de la procédure, le président de la deuxième chambre du Tribunal considère néanmoins qu’il ne saurait être entièrement exclu que M. AS justifie d’un intérêt suffisant à l’action qu’il se propose d’introduire, dès lors que le règlement n° 36/2011 emporte rejet implicite de sa demande du 6 janvier 2011, visant à ce que ledit règlement se voie conférer un effet rétroactif [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2002, Europe Chemi-Con (Deutschland)/Conseil, T‑89/00, Rec. p. II‑3651, points 34 et 35].

23      Cela étant, le président de la deuxième chambre du Tribunal considère, en tout état de cause, que l’action que M. AS se propose d’introduire paraît manifestement mal fondée, au sens de l’article 94, paragraphe 3, du règlement de procédure.

24      Premièrement, en effet, la Commission a pleinement respecté le prescrit du règlement n° 881/2002, et notamment celui de son article 7 bis, paragraphe 5, en veillant à ce que la mention du nom de M. AS soit radiée de la liste litigieuse, à la suite de sa radiation de la liste du comité des sanctions. Par ailleurs, compte tenu des délais auxquels elle est astreinte, notamment dans ses communications officielles avec les organes des Nations unies, et de la période des fêtes de fin d’année au cours de laquelle le nom de M. AS a été radié de la liste du comité des sanctions, la Commission ne saurait être considérée comme ayant fait preuve d’un manque de diligence susceptible d’entacher la légalité de son action ou d’engager la responsabilité de l’Union, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, en adoptant le règlement n° 36/2011 le 18 janvier 2011, soit moins d’un mois après la radiation du nom de l’intéressé de la liste du comité des sanctions, intervenue le 22 décembre 2010. Il convient d’observer, à cet égard, d’une part, que les avocats de M. AS ont eux-mêmes attendu jusqu’au 6 janvier 2011 pour s’adresser à la Commission en vue d’obtenir la radiation de son nom de la liste litigieuse, et, d’autre part, que, lors de l’ajout initial du nom de M. AS à la liste du comité des sanctions, en octobre 2008, il avait fallu à la Commission deux fois plus de temps pour ajouter son nom à la liste litigieuse qu’il ne lui en a fallu pour le radier.

25      Deuxièmement, il convient de rappeler que, en règle générale, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que la portée dans le temps d’un acte de l’Union voie son point de départ fixé à une date antérieure à celle de la publication de cet acte, même s’il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsqu’un but d’intérêt général l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée, ainsi que dans la mesure où il ressort clairement des termes, de la finalité ou de l’économie des règles de l’Union concernées qu’un tel effet doit leur être attribué (voir arrêt de la Cour du 19 mars 2009, Mitsui & Co. Deutschland, C‑256/07, Rec. p. I‑1951, point 32, et la jurisprudence citée).

26      Or, en l’espèce, ni les travaux préparatoires ni le libellé des dispositions ou des considérants du règlement n° 881/2002 ne contiennent une quelconque indication qu’un tel effet rétroactif doit être attribué à l’acte par lequel la Commission radie la mention du nom d’une personne de la liste litigieuse. Il en va de même s’agissant du règlement n° 36/2011.

27      Par ailleurs, l’inscription du nom d’une personne sur la liste litigieuse participe de la nature réglementaire du règlement n° 881/2002 et déploie des effets erga omnes (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié au Recueil, points 145 et 146). Elle entraîne ainsi de plein droit l’imposition d’obligations de nature réglementaire à la charge d’une vaste catégorie de personnes physiques et morales, conformément au règlement n° 881/2002 et sous peine des sanctions prévues par ce règlement. Dans ces conditions, des considérations impérieuses liées à la sécurité juridique et à la protection de la confiance légitime et des droits des tiers pouvaient de toute évidence amener la Commission à refuser de donner un effet rétroactif au règlement n° 36/2011. Un tel refus ne saurait dès lors être qualifié d’illégal ou de fautif.

28      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que les conditions relatives à l’octroi de l’aide judiciaire ne sont pas remplies et, en conséquence, de rejeter la demande d’aide judiciaire présentée par M. AS.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

La demande d’aide judiciaire dans l’affaire T-175/11 AJ est rejetée.

Fait à Luxembourg, le 6 juillet 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.