Language of document : ECLI:EU:T:2013:686

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

10 décembre 2013 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Décision relative aux aides destinées à faciliter la fermeture des mines de charbon non compétitives – Annulation partielle – Indissociabilité – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑176/11,

Federación Nacional de Empresarios de Minas de Carbón (Carbunión), établie à Madrid (Espagne), représentée par M. K. Desai, solicitor, Mes S. Cisnal de Ugarte et M. Peristeraki, avocats,


partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. F. Florindo Gijón et Mme A. Lo Monaco, puis par M. Florindo Gijón et Mme K. Michoel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. É. Gippini Fournier, L. Flynn et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2010/787/UE du Conseil, du 10 décembre 2010, relative aux aides d’État destinées à faciliter la fermeture des mines de charbon qui ne sont pas compétitives (JO L 336, p. 24),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni (rapporteur) et L. Madise, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, la Federación Nacional de Empresarios de Minas de Carbón (Carbunión), est la fédération nationale des producteurs de charbon espagnols. Dotée de la personnalité juridique, elle défend les intérêts des exploitants de mines de charbon en Espagne et de leurs associations. Conformément à ses statuts, sa mission consiste, notamment, à représenter ses membres devant toute institution ou juridiction. Actuellement, tous les exploitants de mines de charbon d’Espagne, à l’exception d’une mine de production mineure, sont membres de la requérante.

2        À l’expiration du traité CECA, le Conseil de l’Union européenne a adopté, en date du 23 juillet 2002, le règlement (CE) n° 1407/2002 concernant les aides d’État à l’industrie houillère (JO L 205, p. 1) qui reconnaissait l’importance stratégique du charbon en tant que source indigène d’énergie ainsi que sa contribution à la sécurité de l’approvisionnement à long terme de l’Union européenne et qui établissait, à cette fin, un régime d’aides d’État spécifique à ce secteur. Les aides accordées par les États membres selon ce règlement se divisaient en trois catégories : des aides à la réduction d’activité, des aides à l’accès à des réserves houillères, à savoir des aides à l’investissement initial et des aides à la production courante, ainsi que des aides à la couverture de charges exceptionnelles.

3        Sous le régime du règlement n° 1407/2002, le secteur minier espagnol, composé de 29 mines produisant de la houille, a fait l’objet d’investissements considérables visant à maintenir l’activité des mines et à améliorer leur efficacité. Dans le cadre du plan national espagnol des réserves stratégiques de charbon pour la période de 2006 à 2012, ces mines ont été considérées comme une réserve stratégique. Ledit plan a souligné l’importance stratégique du charbon et la nécessité de continuer à soutenir le secteur minier houiller pour des raisons d’ordre social ou régional et afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement en énergie, le charbon constituant la source indigène la plus importante d’énergie primaire. Le secteur minier espagnol a ainsi bénéficié, au titre du règlement n° 1407/2002, d’aides à l’investissement initial et à la production courante qui ont été considérées comme essentielles pour la viabilité de ce secteur.

4        Le règlement n° 1407/2002 ayant, conformément à son article 14, paragraphe 3, expiré le 31 décembre 2010, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous e), TFUE, la décision 2010/787/UE, du 10 décembre 2010, relative aux aides d’État destinées à faciliter la fermeture des mines de charbon qui ne sont pas compétitives (JO L 336, p. 24).

5        La décision 2010/787 est fondée sur la considération selon laquelle l’octroi indéfini d’aides à des mines de charbon qui ne sont pas compétitives n’est plus justifié eu égard à la part minime de la houille subventionnée dans la palette énergétique globale et à la politique de l’Union encourageant les sources d’énergie renouvelable (considérants 2 et 3 de la décision 2010/787). Cette décision marque le passage pour le secteur houiller de l’application des règles spécifiques au secteur en matière d’aides d’État à l’application des règles générales applicables à tous les secteurs (considérant 6 de la décision 2010/787).

6        La décision 2010/787 prévoit, dès lors, que les aides d’État au secteur houiller ne peuvent être autorisées que jusqu’en 2018, et ce seulement si les unités de production de charbon auxquelles une aide est accordée sont définitivement fermées à cette échéance. Ces aides doivent ainsi s’inscrire dans un plan de fermeture des mines de charbon non compétitives bénéficiaires de l’aide dont l’échéance est fixée au plus tard au 31 décembre 2018, être dégressives et être strictement limitées aux unités de production de charbon qui sont irrévocablement appelées à fermer (considérants 5 et 7 de la décision 2010/787et articles 2 et 3 de cette même décision).

7        L’article 3 de la décision 2010/787, inséré dans le chapitre 2 de ladite décision consacré à la « compatibilité de l’aide », porte spécifiquement sur les « [a]ide[s] à la fermeture ». Aux termes de cette disposition :

« 1. Les aides à une entreprise qui sont destinées expressément à la couverture des pertes à la production courante des unités de production de charbon ne peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur que si elles satisfont aux conditions suivantes :

a) l’exploitation des unités de production de charbon concernées doit s’inscrire dans un plan de fermeture dont l’échéance est fixée au plus tard au 31 décembre 2018 ;

b) les unités de production de charbon concernées doivent fermer définitivement conformément au plan de fermeture ;

c) l’aide notifiée ne doit pas excéder l’écart entre le coût de production prévisible et la recette prévisible pour un exercice charbonnier. L’aide effectivement versée doit faire l’objet d’une régularisation annuelle sur la base des coûts et des recettes réels, au plus tard avant la fin de l’exercice charbonnier qui suit celui pour lequel l’aide a été octroyée ;

d) le montant de l’aide par tonne équivalent-charbon ne doit pas conduire à des prix au lieu d’utilisation pour le charbon de l’Union inférieurs à ceux pratiqués pour les charbons de qualité similaire en provenance de pays tiers ;

e) les unités de production de charbon concernées doivent avoir été en activité le 31 décembre 2009 ;

f) le montant global des aides à la fermeture accordées par un État membre doit suivre une courbe descendante : pour la fin de 2013, la réduction de l’aide octroyée en 2011 ne doit pas être inférieure à 25 %, pour la fin de 2015, elle ne doit pas être inférieure à [40 %, pour la fin de 2016, elle ne doit pas être inférieure à] 60  % et pour la fin de 2017, elle ne doit pas être inférieure à 75 % ;

g) le montant global des aides à la fermeture octroyées à l’industrie houillère par un État membre ne doit pas dépasser, pour aucune année postérieure à 2010, le volume des aides que cet État membre a octroyées et qui ont été autorisées par la Commission, conformément aux articles 4 et 5 du règlement (CE) n° 1407/2002, pour l’année 2010 ;

h) Les États membres établissent un plan de mesures à prendre visant à atténuer les impacts sur l’environnement de la production du charbon par les unités de production auxquelles l’aide est octroyée en vertu du présent article, par exemple dans le domaine de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables ou de la capture et du stockage du carbone.

2. L’inclusion des dispositions constituant des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] dans un plan visé au paragraphe 1, point h), est sans préjudice aux obligations de notification et de suspension imposées aux États membres en ce qui concerne de telles dispositions par l’article 108, paragraphe 3, [TFUE] et à la compatibilité de telles dispositions avec le marché intérieur.

3. Si les unités de production de charbon auxquelles une aide est accordée en vertu du paragraphe 1 ne sont pas fermées à la date fixée par le plan de fermeture tel qu’il a été autorisé par la Commission, l’État membre concerné est tenu de récupérer toute l’aide octroyée sur l’entièreté de la période couverte par le plan de fermeture. »

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mars 2011, la requérante a introduit le présent recours.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 1er août 2011, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la Commission.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 14 juillet 2011, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le 16 septembre 2011, la requérante a déposé ses observations sur cette exception d’irrecevabilité.

11      Le 7 septembre 2011, la Commission a déposé un mémoire en intervention limité aux questions de recevabilité. La requérante a déposé ses observations sur celui-ci dans les délais impartis.

12      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 2011, la requérante a introduit une demande en référé. Par ordonnance du 2 décembre 2011, le président du Tribunal a rejeté celle-ci et réservé les dépens.

13      Suite au renouvellement partiel du Tribunal, l’affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur. Celui-ci a ensuite été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

14      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 3, paragraphe 1, sous a), b) et f), et l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2010/787 (ci-après, pris ensemble, les « dispositions attaquées ») ;

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil, soutenu par la Commission, et déclarer le recours recevable ;

–        condamner le Conseil aux dépens de l’instance à l’exception de ceux liés à la demande d’intervention de la Commission et condamner celle-ci aux dépens liés à ladite demande.

15      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

17      Le Conseil, soutenu par la Commission, excipe de l’irrecevabilité du présent recours aux motifs, d’une part, que les dispositions attaquées ne sont pas dissociables du reste de la décision 2010/787 et, d’autre part, que la requérante n’a pas qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

18      À l’appui de la première fin de non-recevoir, le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir que les dispositions attaquées sont indissociables du reste de la décision 2010/787. En effet, cette dernière serait fondée sur la considération, énoncée à ses considérants 2 à 5, selon laquelle les aides à la production de charbon non compétitive ne sont plus justifiées et seules les aides à la fermeture des mines de charbon non compétitives peuvent encore être déclarées compatibles avec le marché intérieur. Or, selon le Conseil, soutenu par la Commission, les dispositions attaquées, en ce qu’elles fixent les conditions d’autorisation de ces aides, constituent le cœur même de la décision 2010/787, de sorte que leur annulation entraînerait une dénaturation de sa substance et de ses objectifs. La requérante, qui serait placée dans une situation moins favorable en cas d’annulation totale de la décision 2010/787, tenterait ainsi d’assouplir l’encadrement de l’octroi d’aides à l’industrie houillère par la suppression de toute référence, dans la décision 2010/787, à la fermeture des mines. Observant que la requérante ne demande pas l’annulation des dispositions de l’article 7, paragraphes 2 et 3, de la décision 2010/787, lesquelles font également référence à la fermeture des mines de charbon non compétitives, le Conseil s’interroge par ailleurs sur le but et l’interprétation dudit article 7, paragraphes 2 et 3, en cas d’annulation des dispositions attaquées. La Commission ajoute que, par leur demande d’annulation partielle de la décision 2010/787, la requérante cherche en réalité à faire réécrire cette décision en substituant aux choix politiques du Conseil d’autres options qui lui paraissent préférables.

19      La requérante conteste cette argumentation du Conseil et de la Commission au motif que les dispositions attaquées sont détachables du reste de la décision 2010/787. Selon la requérante, cette dernière vise à établir un instrument spécifique au secteur houiller d’après lequel les aides ne peuvent être octroyées à des mines de charbon non compétitives qu’à la condition que celles-ci ferment à la fin d’une période définie. Afin d’apprécier le caractère dissociable des dispositions attaquées, il conviendrait de procéder à une analyse « disposition par disposition ». Or, selon la requérante, chacune des dispositions attaquées est dissociable de la décision 2010/787. En outre, la requérante estime que l’irrecevabilité de sa demande d’annulation partielle la contraindrait à demander une annulation totale alors même qu’une annulation partielle de la décision 2010/787, qui concernerait les seules dispositions attaquées, suffirait à remédier à l’illégalité évoquée. Par ailleurs, la requérante précise que si elle n’a expressément demandé qu’une annulation partielle de la décision 2010/787, une annulation totale serait également acceptable pour elle si le Tribunal considérait que l’annulation des dispositions attaquées devait mener à l’annulation de la décision 2010/787 dans son intégralité.

20      Compte tenu des arguments présentés par la requérante dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil et, en particulier, de la précision selon laquelle elle ne s’opposerait pas à une annulation totale de la décision 2010/787, il y a lieu de déterminer, à titre liminaire, l’étendue de la demande d’annulation introduite par la requérante avant d’examiner, à titre principal, sa recevabilité. En effet, ce n’est que si le présent recours tend effectivement à l’annulation partielle de la décision 2010/787, en les seules dispositions attaquées, qu’il y aura lieu d’examiner la première fin de non-recevoir opposée par le Conseil, soutenu par la Commission.

21      À cet égard, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 21 du statut de la Cour ainsi que de l’article 44 du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit notamment indiquer l’objet du litige et contenir les conclusions de la partie requérante. Ainsi, seules les conclusions exposées dans la requête introductive d’instance peuvent être prises en considération (arrêt de la Cour du 8 juillet 1965, Krawczynski/Commission, 83/63, Rec. p. 773, 785).

22      En outre, une demande formulée pour la première fois dans la réplique modifie l’objet initial de la requête et doit, dès lors, être considérée comme une nouvelle demande et être rejetée comme irrecevable (voir arrêt du Tribunal du 11 janvier 2002, Biret et Cie/Conseil, T‑210/00, Rec. p. II‑47, point 49, et la jurisprudence citée). Ce raisonnement vaut également lorsque l’objet initial de la requête est modifié dans le cadre d’observations sur une exception d’irrecevabilité (ordonnance du Tribunal du 14 février 2005, Ravailhe/Comité des régions, T‑406/03, RecFP p. I‑A‑19 et II‑79, point 53).

23      En l’espèce, il ressort des termes dépourvus d’équivoque de la requête que la requérante a expressément entendu limiter sa demande d’annulation aux dispositions attaquées, en « demand[ant] au Tribunal d’annuler partiellement la décision [2010/787] » et en précisant qu’« [elle] n’a aucune objection contre les autres parties de la décision [2010/787] ». En outre, la requérante a encore confirmé, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil, qu’« [elle] n’a expressément pas demandé une annulation totale de la décision [2010/787] ».

24      Dans ces conditions, il convient de considérer que l’objet du présent litige est constitué par une demande d’annulation partielle de la décision 2010/787.

25      Cette conclusion n’est remise en cause ni par la précision, apportée par la requérante dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité et dans celles sur le mémoire en intervention limité aux questions de recevabilité de la Commission, selon laquelle, d’une part, une annulation totale de la décision 2010/787 « serait acceptable pour [elle] » et, d’autre part, « [s]i le Tribunal devait conclure que l’annulation de l’une ou de toutes les dispositions attaquées mènerait inévitablement à l’annulation totale de la décision [2010/787], la requérante l’admettrait », ni par la considération, émise par la requérante dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, selon laquelle certains des moyens soulevés par elle dans la requête ne peuvent, en principe, qu’entraîner l’annulation totale.

26      En effet, tout d’abord, pour autant que, par cette précision, la requérante entende modifier ses conclusions initiales, d’une part, il y a lieu de constater qu’une telle modification est, eu égard à la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, irrecevable dès lors que les conclusions doivent être exposées dans la requête introductive d’instance. D’autre part, même à supposer que la requérante puisse ainsi présenter de nouvelles conclusions en cours d’instance, une telle extension de l’objet du litige doit en tout état de cause être opérée, en principe, dans le respect du délai de deux mois, tel que fixé à l’article 263, sixième alinéa, TFUE. Or, la requérante a modifié ses conclusions initiales dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité qu’elle a déposées au greffe du Tribunal le 16 septembre 2011, c’est-à-dire en toute hypothèse après l’échéance dudit délai étant donné que la décision 2010/787 a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 21 décembre 2010.

27      Ensuite, pour autant que, par cette précision, la requérante demande au Tribunal de décider souverainement de l’étendue d’une éventuelle annulation de la décision 2010/787, il suffit de rappeler qu’il appartient à la requérante, non au Tribunal, de déterminer l’objet du litige en exposant, dans la requête, ses conclusions. En outre, saisi de conclusions tendant à l’annulation partielle d’un acte d’une institution, le Tribunal, s’il était amené à accueillir les conclusions de la requérante, ne saurait annuler ledit acte dans son intégralité. En effet, le juge de l’Union saisi d’un recours en annulation ne pouvant statuer ultra petita, l’annulation qu’il prononce ne saurait excéder celle sollicitée par la requérante (voir arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, Rec. p. I‑5363, point 52, et la jurisprudence citée).

28      Enfin, eu égard à la clarté des conclusions en annulation de la requérante et compte tenu de la jurisprudence citée au point précédent, est également dépourvue de pertinence la circonstance, à la supposer établie, que, comme l’affirme la requérante, certains moyens soulevés dans la requête soient de nature à entraîner l’annulation totale de la décision 2010/787.

29      Dans ces conditions, il convient de conclure que le présent recours tend à l’annulation des seules dispositions attaquées de la décision 2010/787 et, partant, à l’annulation partielle de ladite décision.

30      Eu égard à ce qui précède, il convient, à titre principal, d’examiner la première fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, soutenu par la Commission, et tirée du caractère indissociable des dispositions attaquées du reste de la décision 2010/787.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort d’une jurisprudence bien établie, l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte (arrêts de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Conseil, C‑29/99, Rec. p. I‑11221, point 45, et du 24 mai 2005, France/Parlement et Conseil, C‑244/03, Rec. p. I‑4021, point 12). La Cour a, de même, itérativement jugé qu’il n’était pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (arrêts de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, point 257 ; Commission/Conseil, précité, point 46, et France/Parlement et Conseil, précité, point 13).

32      En l’espèce, ainsi qu’il a été conclu au point 29 ci-dessus, la requérante demande l’annulation des seules dispositions attaquées. Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner si lesdites dispositions sont, eu égard à leur portée, détachables du reste de la décision 2010/787, en vérifiant si leur annulation modifierait l’esprit et la substance de ladite décision (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 27 juin 2006, Parlement/Conseil, C‑540/03, Rec. p. I‑5769, point 29).

33      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever qu’en adoptant la décision 2010/787, le Conseil a instauré un régime d’autorisation des aides à l’industrie houillère dont la raison d’être diffère substantiellement de celle du règlement n° 1407/2002, en ce que ce nouveau régime limite les aides susceptibles d’être autorisées à celles visant à faciliter la fermeture des mines de charbon indigènes qui ne sont pas compétitives. Ainsi que l’admet par ailleurs la requérante dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil, la décision 2010/787 a pour objet d’établir un cadre juridique spécifique pour l’octroi d’aides à la fermeture des mines de charbon non compétitives.

34      En effet, tout d’abord, ainsi qu’il ressort de l’intitulé de la décision 2010/787, ne sont susceptibles d’être autorisées que les « aides d’État destinées à faciliter la fermeture des mines de charbon qui ne sont pas compétitives ». Ensuite, aux considérants 2 à 4 de la décision 2010/787, le Conseil indique que la politique de l’Union ne justifie plus l’octroi indéfini, en vue d’assurer l’approvisionnement de l’Union en énergie, des aides à des mines de charbon qui ne sont pas compétitives, de sorte que les catégories d’aide autorisées par le règlement n° 1407/2002 ne devraient pas être maintenues indéfiniment et que lesdites mines peuvent être contraintes à la fermeture. En outre, aux considérants 5 et 7 de la décision 2010/787, le Conseil, tout en énonçant que les États membres devraient pouvoir adopter des mesures pour atténuer les conséquences sociales et régionales liées à la fermeture des mines non compétitives (réduction progressive et ordonnée des activités dans le cadre d’un plan de fermeture irrévocable et/ou financement de frais exceptionnels), souligne que ce type d’aides devrait être dégressif et strictement limité aux unités de production de charbon qui sont irrévocablement appelées à fermer. Il ajoute, au considérant 6 de la décision 2010/787, que cette décision marque le passage, en ce qui concerne les aides d’État pour le secteur houiller, de l’application de règles spécifiques à l’application des règles générales. Enfin, l’article 2 de la décision 2010/787, intitulé « Principe » et figurant au chapitre consacré à la « compatibilité de l’aide », dispose que c’est seulement « [d]ans le contexte de la fermeture des mines non compétitives » que les aides à l’industrie houillère peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur, à la condition de satisfaire aux dispositions de la décision 2010/787.

35      En second lieu, s’agissant de la portée des dispositions attaquées, il convient d’observer que l’article 3 de la décision 2010/787 porte spécifiquement sur les aides à la fermeture. Ainsi, il expose, en son paragraphe 1, les conditions dans lesquelles les aides destinées à la couverture des pertes à la production courante des unités de production de charbon peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur (voir point 7 ci-dessus). En particulier, le paragraphe 1, sous a), b) et f), de cet article prévoit l’adoption d’un plan de fermeture dont l’échéance est fixée au plus tard au 31 décembre 2018, la fermeture définitive des unités de production de charbon concernées conformément audit plan de fermeture et le caractère dégressif du montant global des aides à la fermeture accordées. L’article 3, paragraphe 3, de la décision 2010/787 impose en outre aux États membres une obligation de récupérer l’aide lorsque les unités de production de charbon auxquelles l’aide est accordée en vertu du paragraphe 1 de cette même disposition ne sont pas fermées à la date fixée par le plan de fermeture tel qu’autorisé par la Commission.

36      Il en découle que les dispositions attaquées de la décision 2010/787 sont celles qui, conformément à l’objet de ladite décision, limitent spécifiquement l’octroi d’aides à la production houillère aux seules aides à la fermeture des mines de charbon non compétitives dès lors que ces dispositions subordonnent l’octroi d’aides à l’existence d’un plan de fermeture, à la fermeture effective des mines bénéficiaires de l’aide, sanctionnée par une obligation de récupération de l’aide, et à la dégressivité des aides.

37      Partant, contrairement à ce que fait valoir la requérante dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil,les dispositions attaquées sont intrinsèquement liées à la substance même de la décision 2010/787.

38      Dans ces conditions, l’annulation partielle de la décision 2010/787, telle que demandée par la requérante, conduirait à substituer à ladite décision, selon laquelle les aides d’État au secteur houiller ne pourront être autorisées que jusqu’en 2018, et ce seulement si les unités de production bénéficiaires de l’aide sont définitivement fermées à cette échéance, une décision différente aux termes de laquelle de telles aides pourraient être autorisées sans limite dans le temps et dans des conditions sensiblement plus larges que celles retenues dans la décision 2010/787.

39      De surcroît, l’annulation partielle de la décision 2010/787, telle que demandée par la requérante, laisserait subsister, à l’article 7, paragraphes 2 et 3, de cette même décision, l’obligation, pour les États membres qui envisagent d’octroyer des aides à la fermeture visées à l’article 3 de cette décision, de notifier à la Commission un plan de fermeture ainsi que toute modification de ce plan. Or, cet article 7 n’a pas de raison d’être, en l’absence de l’article 3 de la décision 2010/787. Par conséquent, outre qu’une telle annulation partielle modifierait la substance même de la décision 2010/787, elle la rendrait incohérente.

40      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les dispositions attaquées ne sont pas détachables du reste de la décision 2010/787.

41      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

42      Premièrement, la requérante fait valoir qu’il convient d’examiner le caractère dissociable de chacune des dispositions attaquées prise à titre individuel. Or, selon la requérante, chacune desdites dispositions est détachable du reste de la décision 2010/787. En effet, premièrement, dès lors que, selon l’arrêt du Tribunal du 7 octobre 2009, Vischim/Commission (T‑380/06, Rec. p. II‑3911, point 54), « rien n’empêche que la légalité d’un acte [d’une institution de l’Union] soit mise en cause seulement en ce qui concerne ses effets dans le temps », l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision 2010/787 pourrait être annulé séparément sans affecter la substance de ladite décision. Deuxièmement, la requérante soutient que l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/787, en ce qu’il prévoit la fermeture définitive de la mine bénéficiaire de l’aide à l’échéance prévue dans le plan de fermeture, est illégal et « peut être dissoci[é] du reste de la décision [2010/787] sans en modifier la substance ou les objectifs ». Troisièmement, elle allègue que, l’article 3, paragraphe 1, sous f), de la décision 2010/787 ne concernant que les modalités de la mise en œuvre des aides à la fermeture, il n’affecte, ainsi que cela résulte de l’arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission (C‑239/01, Rec. p. I‑10333, point 37), ni la substance ni les objectifs de cette décision. Quatrièmement, l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2010/787 pourrait « être manifestement dissoci[é] du reste de [cette] décision », étant donné que cette disposition « n’affecte certainement pas la portée des dispositions en vertu desquelles l’aide à la fermeture est accordée ».

43      Or, à supposer même qu’il faille, ainsi que le fait valoir la requérante, procéder à une analyse individuelle du caractère détachable de chaque disposition dont l’annulation est demandée, il convient de relever que les arguments présentés par la requérante pour démontrer que chacune des dispositions attaquées est détachable de la décision 2010/787 ne sont pas de nature à remettre en cause le constat, établi au point 40 ci-dessus, selon lequel lesdites dispositions sont indissociables du reste de la décision 2010/787.

44      En effet, tout d’abord, s’agissant des dispositions de l’article 3, paragraphe 1, sous b), et de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2010/787, la requérante se borne à alléguer qu’elles sont détachables de la décision 2010/787 sans toutefois présenter d’argument à l’appui de cette allégation.

45      Ensuite, s’agissant de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision 2010/787, en vertu duquel l’octroi d’une aide est subordonné à la condition que l’exploitation des unités de production de charbon concernées s’inscrive dans un plan de fermeture dont l’échéance est fixée au plus tard au 31 décembre 2018, l’arrêt Vischim/Commission, point 42 supra, cité par la requérante, ne permet pas de constater, par analogie, que ladite disposition est détachable du reste de la décision 2010/787. En effet, la jurisprudence de la Cour à laquelle se réfère le Tribunal dans cette affaire (arrêts de la Cour du 11 juillet 1991, Crispoltoni, C‑368/89, Rec. p. I‑3695, et du 1er avril 1993, Diversinte et Iberlacta, C‑260/91 et C‑261/91, Rec. p. I‑1885) concerne la possibilité de mettre en cause la rétroactivité des dispositions d’un acte, l’annulation de telles dispositions demeurant sans incidence sur les effets futurs de cet acte [arrêt du Tribunal du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié au Recueil, point 101]. Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Vischim/Commission, point 42 supra, le Tribunal était saisi d’une demande tendant à l’annulation de la disposition de l’acte attaqué qui définissait le champ d’application temporel dudit acte et, plus précisément, sa portée rétroactive (arrêt Vischim/Commission, point 42 supra, point 51). Cette situation se distingue toutefois de celle en cause en l’espèce dès lors que l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision 2010/787 ne définit pas le champ d’application temporel de ladite décision, mais subordonne l’octroi d’une aide à la fermeture à l’existence d’un plan de fermeture dont l’échéance est fixée au plus tard au 31 décembre 2018. L’annulation de cette disposition aurait certes pour effet d’autoriser l’octroi d’aides au-delà du 31 décembre 2018. Il n’en demeure pas moins qu’elle aurait également pour conséquence, dès l’entrée en vigueur de la décision 2010/787, de permettre l’octroi d’aides sans que soit mis en œuvre un plan de fermeture.

46      Enfin, s’agissant de l’article 3, paragraphe 1, sous f), de la décision 2010/787, cette disposition soumet l’octroi d’aides à la fermeture à une condition de dégressivité de leur montant. Il en découle que la dégressivité de l’aide ne constitue pas une simple modalité d’octroi de l’aide, comme l’affirme la requérante, mais constitue bien une condition de compatibilité de l’aide avec le marché intérieur. Or, d’une part, l’article 3, paragraphe 1, sous f), de la décision 2010/787 se distingue ainsi de la disposition en cause dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt Allemagne/Commission, point 42 supra (points 35 à 37), cité par la requérante, dès lors que, dans ladite affaire, la disposition en cause, que la Cour a tenue pour détachable du reste du règlement concerné, portait spécifiquement et exclusivement sur les modalités de financement du régime institué par ledit règlement. D’autre part, et en toute hypothèse, la condition énoncée à l’article 3, paragraphe 1, sous f), de la décision 2010/787 est intrinsèquement liée à l’objet même de la décision qui est de limiter l’octroi d’aides au secteur houiller aux seules aides à la fermeture. En effet, selon le considérant 7 de cette même décision, « [a]fin de réduire au minimum les distorsions de concurrence sur le marché intérieur résultant des aides [à la fermeture], ce type d’aides devrait être dégressif et strictement limité aux unités de production de charbon qui sont irrévocablement appelées à fermer ».

47      Deuxièmement, la requérante soutient que rejeter comme irrecevable une demande tendant à l’annulation partielle d’un acte de l’Union, alors que les dispositions visées par la demande d’annulation sont manifestement illégales, permettrait à l’administration de rédiger ses actes de manière à écarter tout risque d’annulation partielle et contraindrait la requérante à demander l’annulation totale de l’acte alors même qu’une annulation partielle serait suffisante pour remédier à l’illégalité en cause.

48      Sans même qu’il soit besoin de se prononcer sur la prétendue illégalité manifeste des dispositions attaquées, il y a lieu d’observer que cet argument de la requérante est contraire à la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, selon laquelle l’annulation partielle d’un acte n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte. Cette jurisprudence est justifiée par la considération selon laquelle il ne peut être demandé au juge de l’Union, sous couvert d’annulation partielle d’un acte d’une institution, de substituer un nouvel acte, substantiellement différent, à l’acte attaqué. En outre, il n’appartient pas audit juge de statuer au-delà des conclusions dont il est saisi.

49      Troisièmement, la requérante ajoute que, dans les circonstances de la présente affaire, une demande tendant à l’annulation totale de la décision 2010/787 serait disproportionnée par rapport à l’objectif recherché par elle qui se limite à « veiller à ce que les modalités spécifiques de l’aide à la fermeture, prévues par la décision [2010/787], soient légales ».

50      À cet égard, d’une part, l’intention poursuivie par la requérante lorsqu’elle introduit une demande tendant à l’annulation partielle plutôt qu’à l’annulation totale d’un acte de l’Union ne saurait permettre de remettre en cause la jurisprudence constante selon laquelle l’annulation partielle n’est possible que pour autant que les dispositions dont l’annulation est demandée soient détachables du reste de l’acte en cause. D’autre part, et en tout état de cause, les dispositions attaquées ne se limitent pas à préciser les « modalités spécifiques » de l’aide à la fermeture, mais constituent les dispositions par lesquelles l’octroi d’aides est subordonné à l’existence d’un plan de fermeture et à la fermeture effective des unités de production bénéficiaires de l’aide à l’échéance fixée dans ledit plan et au plus tard le 31 décembre 2018, cette dernière condition étant complétée par une obligation de récupération de l’aide lorsque lesdites unités n’ont pas été fermées à l’échéance fixée.

51      À la lumière de ce qui précède, il convient d’accueillir la première fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, soutenu par la Commission, et de rejeter le recours comme irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner la seconde fin de non-recevoir opposée par le Conseil, soutenu par la Commission, et tirée de l’absence de qualité pour agir de la requérante.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil, y compris ceux relatifs à la procédure de référé, conformément aux conclusions de ce dernier.

53      Conformément à l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Federación Nacional de Empresarios de Minas de Carbón (Carbunión) supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne, y compris ceux relatifs à la procédure de référé.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 10 décembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : l’anglais.