Language of document : ECLI:EU:T:2016:41

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

28 janvier 2016 (*)

« Aides d’État – Secteur bancaire – Aide mise en œuvre par l’Allemagne et l’Autriche en faveur de la Bayerische Landesbank dans le cadre de sa restructuration – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur, sous réserve du respect de certaines conditions – Abrogation de la décision initiale rédigée dans une autre langue que celle de l’État membre – Recours en annulation – Acte attaquable – Recevabilité – Notion d’aide d’État – Avantage – Droits de la défense – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑427/12,

République d’Autriche, représentée par Mme C. Pesendorfer, MM. M. Windisch, W. Peschorn et S. Ullreich, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, T. Maxian Rusche et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de la décision C (2012) 5062 final de la Commission, du 25 juillet 2012, concernant l’aide d’État SA.28487 (C 16/2009 ex N 254/2009) accordée par la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche en faveur de la Bayerische Landesbank, ainsi que, à la suite de l’abrogation de ladite décision par l’article 1er de la décision (UE) 2015/657 de la Commission, du 5 février 2013, concernant l’aide d’État SA.28487 (C 16/2009 ex N 254/2009) accordée par l’Allemagne et l’Autriche en faveur de Bayerische Landesbank (JO 2015, L 109, p. 1), une demande d’annulation de l’article 2, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de cette dernière décision,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 mai 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La Bayerische Landesbank (ci-après la « BayernLB ») est une banque commerciale allemande (Landesbank) dont le siège social se situe à Munich (Allemagne) et qui opère surtout dans une zone géographique comprenant l’Allemagne et un ensemble de pays européens. Les actionnaires de la BayernLB sont – de manière indirecte, par le biais de la BayernLB Holding AG – l’État libre de Bavière à concurrence d’environ 94 % et le Sparkassenverband Bayern (association des caisses d’épargne de la Bavière) à concurrence d’environ 6 %. Les filiales les plus importantes de la BayernLB sont Deutsche Kreditbank AG, la Landesbausparkasse Bayern, MKB Bank, une filiale hongroise, ainsi que, jusqu’à sa nationalisation fin 2009, Hypo Group Alpe Adria (ci-après le « HGAA »).

2        Le HGAA est un groupe financier dont la maison mère, Hypo Alpe-Adria-Bank International AG, est établie à Klagenfurt (Autriche). Les activités bancaires du HGAA se composent notamment de prêts, de services de paiement, de documentations sur les crédits à l’exportation et de dépôts, mais également de la vente de produits d’investissement et de services de gestion de portefeuille. Le HGAA exerce ses activités dans la région des Alpes adriatiques. Jusqu’à la nationalisation du HGAA, la BayernLB en a détenu 67,08 %.

3        En décembre 2008, la BayernLB a dû renforcer d’urgence ses fonds propres de base.

4        Le 4 décembre 2008, les autorités allemandes ont notifié à la Commission des Communautés européennes les mesures d’aide concernant la BayernLB sous la forme d’une garantie générale à concurrence de 4,8 milliards d’euros et d’une injection de capital d’un montant de 10 milliards d’euros.

5        Par décision C (2008) 8839 final, du 18 décembre 2008, concernant l’aide d’État N 615/2008 à la BayernLB, ces mesures d’urgence ont été autorisées par la Commission sur la base de l’article 87, paragraphe 3, sous b), CE, pour une période de six mois ou, en cas de présentation d’un plan de restructuration de la banque crédible et motivé pendant cette période, jusqu’à l’adoption d’une décision de la Commission quant à ce plan (JO 2009, C 80, p. 4).

6        Cette aide a permis à la BayernLB d’injecter, en décembre 2008, 700 millions d’euros dans sa filiale HGAA. Au cours du même mois, la République d’Autriche a accordé une injection de capital de 900 millions d’euros en faveur du HGAA ainsi que des garanties de liquidité d’un montant de 1,35 milliard d’euros, pour l’émission d’obligations, dans le cadre du plan d’aide au secteur bancaire autrichien, lequel a été autorisé par la Commission par la décision C (2008) 8408 final, du 9 décembre 2008, concernant l’aide d’État N 557/2008 (JO 2009, C 3, p. 1), et dont la dernière prolongation a été autorisée, du 1er janvier 2011 au 30 juin 2011, par la décision C (2010) 9313 final de la Commission, du 16 décembre 2010, rendue dans l’affaire SA.32018 (JO 2011, C 20, p. 1).

7        Le 29 avril 2009, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission un plan de restructuration concernant la BayernLB, y compris sa filiale HGAA. À la même date, la République d’Autriche a présenté, pour le HGAA, le plan de viabilité qui est exigé pour les banques fondamentalement saines dans le cadre du plan autrichien d’aide au secteur bancaire.

8        Par lettre du 12 mai 2009, la Commission a notifié à la République fédérale d’Allemagne et à la République d’Autriche sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE [aide d’État C 16/09 (ex N 254/09) (JO 2009, C 134, p. 31)], en ce qui concerne les mesures d’aide accordées par ces deux États à la BayernLB et au HGAA. La Commission a émis des doutes sur la compatibilité de l’aide accordée à la BayernLB avec le marché intérieur, sur la situation financière du HGAA ainsi que sur la compatibilité de l’aide accordée par l’Autriche au HGAA avec l’article 87, paragraphe 3, sous b), CE.

9        Le 18 décembre 2009, la République d’Autriche a notifié à la Commission l’octroi d’une aide supplémentaire à l’aide déjà accordée en faveur du HGAA devant lui permettre de respecter, avant la fin de l’année, les exigences réglementaires minimales en matière de fonds propres. Dans ce contexte, le 14 décembre 2009, un accord entre les actionnaires du HGAA et la République d’Autriche a été conclu afin de permettre à la République d’Autriche d’acquérir l’ensemble des actions du HGAA au prix symbolique d’un euro payé à chaque actionnaire. De même, la République d’Autriche et les actionnaires ont décidé de renforcer les fonds propres de catégorie 1 du HGAA par l’apport de capitaux, la constitution de garanties d’actifs et la levée de droits existants découlant d’instruments de fonds de catégorie 2 et de lui fournir des liquidités sous diverses formes.

10      S’agissant plus spécifiquement du contrat de rachat des actions (ci-après le « contrat de rachat ») conclu entre la République d’Autriche et la BayernLB, il en ressort que, dans le cadre du sauvetage du HGAA, la BayernLB a renoncé aux fonds propres complémentaires d’un montant de 300 millions d’euros. En outre, dans le cas d’un éventuel besoin en fonds propres du HGAA pour atteindre le capital minimal exigé par la réglementation autrichienne en matière de système bancaire, la BayernLB et la République d’Autriche se sont engagées à y subvenir dans une proportion de 3 pour 1. Toutefois, si, sur cette base, des moyens supplémentaires sont accordés au HGAA par la BayernLB, ceux-ci doivent être réduits du montant de [confidentiel] millions d’euros auquel la BayernLB s’est également engagée à renoncer dans le cadre des mesures en matière de capital.

11      De plus, afin de garantir la liquidité du HGAA, la BayernLB est convenue de renouveler une ligne de crédit qui a pris fin le 4 décembre 2009, à concurrence d’un montant de [confidentiel] millions d’euros. En outre, il a été décidé que l’« intragroup funding » (financement interne du groupe) existant de la BayernLB en faveur du HGAA, à concurrence d’un montant de 2,638 milliards d’euros, serait maintenu en faveur de ce dernier jusqu’à la fin de l’année 2013. La BayernLB accorderait encore un financement de [confidentiel] millions d’euros pour l’année 2014 et de [confidentiel] millions d’euros pour l’année 2015. La République d’Autriche est convenue d’assurer, en cas de scission du HGAA ou de mesures économiquement comparables à la suite desquelles la viabilité du HGAA ne serait plus garantie, le remboursement des prêts et des lignes de crédit encore en cours.

12      Par décision C (2009) 10672 final, du 23 décembre 2009, concernant l’aide d’État C 16/09 (ex N 254/09) et N 698/09 – BayernLB, Allemagne, et Hypo Group Alpe Adria, Autriche (JO 2010, C 85, p. 21, ci-après la « décision de sauvetage et d’extension »), la Commission a autorisé ces mesures d’aide à titre provisoire jusqu’à l’adoption d’une décision définitive par elle concernant la restructuration du HGAA et de la BayernLB. Dans cette même décision, la Commission a prolongé la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE en ce qui concerne les mesures susmentionnées en faveur du HGAA et de la BayernLB, procédure qui avait été ouverte par la décision du 12 mai 2009. Le 29 décembre 2009, l’opération de nationalisation d’urgence du HGAA a été effectuée.

13      Par décision C (2010) 4192 final, du 22 juin 2010, concernant l’aide d’État C 16/09 – Hypo Group Alpe Adria (HGAA) (JO C 266, p. 5), la Commission a prorogé l’autorisation accordée par la décision de sauvetage et d’extension du 23 décembre 2009 pour l’aide déclarée temporairement compatible avec le marché intérieur en faveur du HGAA et de la BayernLB et a étendu de nouveau la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

14      Le 7 février 2011, la Commission a informé la République d’Autriche et la République fédérale d’Allemagne que l’affaire N 698/2009 concernant le HGAA était, pour des raisons d’ordre procédural, dissociée de l’affaire C 16/2009 concernant la BayernLB.

15      Par décision C (2012) 5062 final, du 25 juillet 2012, concernant l’aide d’État SA.28487 (C 16/2009 ex N 254/2009) accordée par la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche en faveur de la BayernLB (ci-après la « décision attaquée du 25 juillet 2012 »), la Commission a considéré que la recapitalisation d’un montant de 10 milliards d’euros et la garantie générale de 4,8 milliards d’euros octroyées par l’État libre de Bavière, le montant de 15 milliards d’euros en garanties de liquidité accordé par la République fédérale d’Allemagne, la garantie de financement d’un montant de 2,638 milliards d’euros accordée par la République d’Autriche et le transfert de capitaux détenus par l’État libre de Bavière dans la Bayerische Landesbodenkreditanstalt vers la BayernLB, constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais que celles-ci étaient compatibles avec le marché intérieur, eu égard aux engagements de la République fédérale d’Allemagne énoncés aux annexes I et III de ladite décision, et sous réserve des obligations figurant à son annexe II.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 septembre 2012, la République d’Autriche a formé le présent recours.

17      Le 17 décembre 2012, la Commission a produit le mémoire en défense.

18      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2013.

19      Par lettre du 8 février 2013, la Commission a déposé au greffe du Tribunal sa décision (UE) 2015/657, du 5 février 2013, concernant l’aide d’État SA.28487 (C 16/2009 ex N 254/2009) accordée par l’Allemagne et l’Autriche en faveur de [BayernLB] (JO 2015, L 109, p. 1, ci-après la « décision attaquée du 5 février 2013 »), qui a été rédigée en allemand et qui abroge la décision attaquée du 25 juillet 2012, laquelle avait été rédigée en anglais (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

20      Les observations de la République d’Autriche portant sur la décision attaquée du 5 février 2013 sont parvenues au greffe du Tribunal dans le délai imparti, soit le 20 mars 2013. Dans lesdites observations, la République d’Autriche a indiqué que tous les moyens en annulation invoqués contre la décision attaquée du 25 juillet 2012 étaient également repris contre la décision attaquée du 5 février 2013, qui l’a remplacée.

21      La duplique est parvenue au greffe du Tribunal le 31 mars 2013.

22      Les observations de la Commission, à la suite des observations de la République d’Autriche portant sur la décision attaquée du 5 février 2013, sont parvenues au greffe du Tribunal le 7 mai 2013.

23      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 mai 2015.

25      La République d’Autriche conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les dispositions combinées du paragraphe 1, sous d), et du paragraphe 2 de l’article 1er de la décision attaquée du 25 juillet 2012 ainsi que celles combinées du paragraphe 1, sous d), et du paragraphe 2 de l’article 2 de la décision attaquée du 5 février 2013 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République d’Autriche aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de la demande d’annulation partielle de la décision attaquée du 25 juillet 2012

27      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, la Commission demande au Tribunal de déclarer le présent recours irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’article 1er, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de la décision attaquée du 25 juillet 2012, qui qualifie la mesure en cause d’aide d’État compatible avec le marché intérieur. À cet égard, elle fait valoir, en substance, que cette partie du dispositif n’est pas un acte attaquable en vertu de l’article 263 TFUE, car elle ne produit pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la République d’Autriche.

28      Dans la réplique, la République d’Autriche a conclu à la recevabilité du recours.

29      Il ressort d’une jurisprudence constante développée dans le cadre de recours en annulation introduits par des États membres ou des institutions que sont considérées comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE toutes dispositions adoptées par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires (arrêts du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec, EU:C:1971:32, point 42 ; du 2 mars 1994, Parlement/Conseil, C‑316/91, Rec, EU:C:1994:76, point 8, et du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, Rec, EU:C:2011:656, point 36). Il ressort en outre de la jurisprudence qu’un État membre est recevable à introduire un recours en annulation d’un acte produisant des effets de droit obligatoires sans qu’il doive démontrer un intérêt à agir (arrêts Deutsche Post et Allemagne/Commission, précité, EU:C:2011:656, point 36, et du 20 septembre 2012, France/Commission, T‑154/10, Rec, EU:T:2012:452, point 37).

30      Dès lors, afin d’apprécier si la décision attaquée du 25 juillet 2012 est susceptible de recours, il y a lieu, en l’espèce, d’examiner si celle-ci constitue un acte qui vise à produire des effets de droit obligatoires (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et Allemagne/Commission, point 29 supra, EU:C:2011:656, point 40), ce qu’il convient de déterminer en s’attachant à sa substance (arrêt France/Commission, point 29 supra, EU:T:2012:452, point 37).

31      En l’espèce, l’article 1er, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de la décision attaquée du 25 juillet 2012, qui qualifie la mesure en cause d’aide d’État et la déclare compatible avec le marché intérieur, est nécessairement destiné à produire des effets juridiques obligatoires et constitue, dès lors, un acte attaquable en vertu de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C‑279/08 P, Rec, EU:C:2011:551, points 35 à 42).

32      La jurisprudence citée par la Commission n’est pas susceptible d’infirmer cette conclusion.

33      Tout d’abord, s’agissant de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 28 janvier 2004, Pays-Bas/Commission (C‑164/02, Rec, EU:C:2004:54), il suffit de constater que la raison qui avait conduit à déclarer irrecevable le recours du Royaume des Pays-Bas, dirigé contre une décision de la Commission constatant la compatibilité d’une mesure d’aide avec le marché intérieur, résidait dans le fait que cet État membre avait demandé l’annulation de la décision en cause « dans la mesure où la Commission y conclu[ai]t que les contributions allouées aux autorités portuaires […] constitu[ai]ent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE », alors que cette conclusion ne figurait pas dans le dispositif de cette décision.

34      De même, s’agissant de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 juin 2002, Allemagne/Commission (C‑242/00, Rec, EU:C:2002:380), également évoquée par la Commission, il convient de relever que ledit arrêt se rapporte à la situation particulière où tant le contenu de la décision attaquée que le contexte dans lequel celle-ci avait été adoptée indiquaient que cette décision n’avait eu ni pour objet ni pour effet de rejeter implicitement une demande de l’État membre concerné.

35      Ensuite, contrairement à ce que prétend la Commission, la Cour n’a pas considéré, dans l’arrêt Commission/Pays-Bas, point 31 supra (EU:C:2011:551), que l’opposition explicite d’un État membre à la qualification d’aide d’État d’une mesure, en particulier au moment de la notification, était un élément « déterminant » aux fins de la recevabilité du recours dirigé par cet État contre une décision déclarant ladite mesure compatible avec le marché intérieur.

36      En effet, il y a lieu de relever que, dans l’arrêt Commission/Pays-Bas, point 31 supra (EU:C:2011:551), la Cour a jugé qu’une décision, fondée sur les paragraphes 1 et 3 de l’article 87 CE, qui, tout en qualifiant la mesure en cause d’aide d’État, la déclarait compatible avec le marché commun, devait être regardée comme un acte attaquable en vertu de l’article 230 CE, au motif que la qualification erronée d’une mesure d’aide d’État avait des conséquences juridiques pour l’État membre notifiant en ce que cette mesure était soumise à une surveillance constante de la Commission et à un contrôle périodique de sa part, de sorte que l’État membre jouissait d’une marge de manœuvre restreinte dans la mise en œuvre de la mesure notifiée (arrêt Commission/Pays-Bas, point 31 supra, EU:C:2011:551, points 41 et 42).

37      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, la demande d’annulation partielle de la décision attaquée du 25 juillet 2012 doit être déclarée recevable.

 Sur l’adaptation des conclusions

38      En l’espèce, la Commission a abrogé la décision attaquée du 25 juillet 2012, rédigée en anglais, et l’a remplacée par la décision attaquée du 5 février 2013. Cette dernière, rédigée en allemand, a, en dehors de quelques modifications mineures n’ayant pas d’incidence sur l’analyse de la Commission, le même contenu que la décision attaquée du 25 juillet 2012. La Commission a motivé cette façon de procéder par le fait que la décision attaquée du 25 juillet 2012 n’avait pas été adressée à la République d’Autriche dans sa langue officielle, conformément à l’article 3 du règlement nº 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385).

39      Il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une décision est, en cours de procédure, remplacée par une décision ayant le même objet, celle-ci doit être considérée comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours (arrêt du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission, 14/81, Rec, EU:C:1982:76, point 8).

40      Il y a lieu, dès lors, de considérer que, à la suite de l’adaptation des conclusions de la requérante, le présent recours vise l’annulation tant de la décision attaquée du 25 juillet 2012 que de la décision attaquée du 5 février 2013.

41      Par ailleurs, la teneur de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de la décision attaquée du 25 juillet 2012, et celle de l’article 2, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de la décision attaquée du 5 février 2013 étant identiques, il y a lieu, eu égard au développement figurant aux points 27 à 37 ci-dessus, de déclarer la demande d’annulation partielle de la décision attaquée du 5 février 2013 comme étant également recevable.

 Sur le fond

42      À l’appui de son recours, la République d’Autriche présente cinq moyens. Ces moyens sont tirés de la violation, pour le premier, du droit d’être entendu, pour le deuxième, de l’obligation de motivation prévue par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, pour le troisième, des articles 107 TFUE et 108 TFUE, et, pour le quatrième, de l’article 125 TFUE. Le cinquième moyen est tiré d’une incompétence de la Commission.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu

43      Dans le cadre de ce moyen, la République d’Autriche fait valoir que la Commission a violé son droit d’être entendue. Plus spécifiquement, elle n’aurait pas été entendue sur la qualification des mesures en cause et, partant, aurait été privée de la possibilité d’en présenter la teneur ou d’expliquer les modifications a posteriori des hypothèses sur lesquelles ce régime était initialement fondé. Elle reproche également à la Commission de ne pas avoir tenu sa promesse concernant l’implication de la République d’Autriche dans la procédure portant sur l’aide en faveur de la BayernLB, faite à la suite de la décision de la Commission de continuer l’examen des aides accordées à la BayernLB et au HGAA dans deux procédures séparées. En outre, si la Commission avait entendu la République d’Autriche, elle aurait eu connaissance des efforts de la BayernLB pour obtenir l’annulation des contrats de rachat des actions HGAA conclus en 2007. Enfin, la Commission n’aurait pas pris en considération la question de savoir si le prêt accordé au HGAA par la BayernLB était assimilable à un apport de capital.

44      La Commission conteste ces allégations.

45      Il y a lieu de rappeler que le respect du droit d’être entendu, faisant partie du principe général du respect des droits de la défense, s’impose à toute institution de l’Union européenne dans toute procédure susceptible d’aboutir à un acte faisant grief.

46      Dans le domaine du droit des aides d’État, ce principe a été concrétisé par l’article 108, paragraphe 2, TFUE et par l’article 6 du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1). Il ressort de ces dispositions que la Commission doit, dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, inviter l’État membre concerné et les parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé.

47      En l’espèce, la Commission a, par lettre du 23 décembre 2009, notifié à la République d’Autriche et à la République fédérale d’Allemagne la décision de sauvetage et d’extension. Cette décision fait état, sous le titre « Mesures additionnelles », concernant les mesures notifiées par la République d’Autriche, du point 5, paragraphe 6, du contrat de rachat (considérant 37 de la décision de sauvetage et d’extension). Cette décision contient également, sous le titre « Appréciation », une appréciation juridique provisoire concluant qu’il s’agit d’une aide en faveur de la BayernLB (considérants 48, 50, 52 et 53) et exprime des doutes en ce qui concerne la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur (considérants 67 et 71). Enfin, cette décision invite les parties intéressées à présenter leurs observations sur l’aide dans un délai d’un mois à compter de la date de publication de ladite décision au Journal officiel de l’Union européenne.

48      Partant, la République d’Autriche, en tant que destinataire de la décision de sauvetage et d’extension, a eu la possibilité de présenter ses observations quant à la qualification des mesures en cause, y compris en ce qui concerne le point 5, paragraphe 6, du contrat de rachat.

49      Le fait que la Commission a décidé, le 7 février 2011, de scinder le traitement des aides concernant le HGAA, d’une part, et la BayernLB, d’autre part, ne saurait remettre en cause cette conclusion. S’agissant de l’allégation selon laquelle la Commission aurait méconnu l’assurance qu’elle aurait donnée concernant l’implication de la République d’Autriche dans la procédure d’aide d’État en faveur de la BayernLB, et, de ce fait, son droit d’être entendue, il convient de relever que la Commission avait indiqué, lorsqu’elle a scindé les deux affaires, qu’elle entendrait l’autre État membre si l’une des procédures avait d’éventuelles répercussions sur la banque visée par l’autre procédure. Or, la République d’Autriche n’a pas fait valoir que la décision attaquée visant la BayernLB aurait eu de telles répercussions sur la procédure visant le HGAA et inversement.

50      Enfin, s’agissant du reproche selon lequel la Commission n’aurait pas tenu compte de l’action judiciaire, introduite par la BayernLB, le 19 juillet 2011, devant le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche), afin d’obtenir l’annulation des contrats d’achat des actions, conclu en 2007, et la réparation de tous les préjudices financiers résultant de l’acquisition de ces actions, il y a lieu de relever que la République d’Autriche n’a pas informé la Commission de ce recours. La République d’Autriche était informée de la qualification juridique des mesures litigieuses par la Commission et rien ne s’opposait à ce qu’elle fasse connaître son point de vue à la Commission à tout moment, dès qu’elle-même a été informée du recours introduit par la BayernLB devant le Handelsgericht Wien. Or, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité de l’acte concerné doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle cet acte a été adopté. Plus particulièrement, il ressort de la jurisprudence que, s’agissant d’une décision en matière d’aides d’État, sa légalité doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée. Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels sont les éléments qui auraient pu lui être soumis (voir arrêt du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec, EU:T:2004:4, points 49 à 51 et jurisprudence citée).

51      Il n’en demeure pas moins que, ainsi que l’a fait remarquer la République d’Autriche dans ses observations, si la Commission n’était pas informée de cette action judiciaire lorsqu’elle a pris la décision attaquée du 25 juillet 2012, elle en a eu connaissance, par la requête, le 5 février 2013. Dans ce contexte, la République d’Autriche estime que la Commission a de nouveau violé le principe du contradictoire.

52      Il y a lieu de relever à cet égard que, même à supposer que la Commission ait violé le droit d’être entendu de la République d’Autriche ou omis de prendre en compte les faits nouveaux portés à sa connaissance, tel que le litige pendant devant le Handelsgericht Wien, cette dernière n’a pas expliqué, ni dans ses écritures ni lors de l’audience, comment la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent en raison de cette prétendue irrégularité. Il en va de même en ce qui concerne le grief selon lequel la Commission aurait omis de prendre en considération la question de savoir si le prêt accordé au HGAA par la BayernLB était assimilable à un apport de capital. Il convient de rappeler, à cet égard, qu’il résulte de la jurisprudence qu’une violation du droit d’être entendu ne peut conduire à l’annulation de l’acte en cause que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense de la partie requérante (voir arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, Rec, EU:C:2009:598, point 81 et jurisprudence citée).

53      Certes, la République d’Autriche a également mentionné dans la requête, dans le cadre du troisième moyen, que la Commission aurait pu et dû tenir compte du litige pendant devant le Handelsgericht Wien et n’aurait pas encore dû clore la procédure d’aide d’État, ou aurait dû assortir sa décision de l’obligation, pour la BayernLB, de rembourser les avantages que cette dernière a obtenus du fait de la nationalisation d’urgence et des mesures prises par la République d’Autriche, lesquelles auraient dû être appréciées sous l’angle de développements ultérieurs éventuels dans le cadre de procédures en cours et à venir concernant l’annulation des achats des actions conclus en 2007.

54      Toutefois, force est de constater que l’action judiciaire devant le Handelsgericht Wien porte sur l’acquisition du HGAA par la BayernLB en 2007. La question de l’annulation éventuelle de cette acquisition n’a pas, en tant que telle, une influence sur l’interprétation du point 5, paragraphe 6, du contrat de rachat et donc sur la question de savoir si la mesure en cause constitue une aide ou non.

55      Au demeurant, la Commission est habilitée à se prononcer au regard de l’état du droit et de la situation de fait existant au moment de l’adoption de sa décision et n’est pas tenue d’anticiper l’éventuelle annulation ultérieure d’actes juridiques ni de reporter sa décision jusqu’à la résolution d’un litige porté devant une juridiction nationale. Il en va de même en ce qui concerne la suggestion faite par la République d’Autriche d’assortir de conditions la décision déclarant l’aide compatible.

56      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

57      La République d’Autriche reproche à la Commission de ne pas avoir motivé la raison pour laquelle la mesure prévue par le point 5, paragraphe 3, du contrat de rachat, lu en combinaison avec le paragraphe 6 dudit point, constitue une mesure d’aide en faveur de la BayernLB et la raison pour laquelle cette aide est compatible avec le marché intérieur.

58      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

59      Il y a lieu de rappeler que, au titre de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE, il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (voir arrêt du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec, EU:C:2003:531, point 145 et jurisprudence citée).

60      Cependant, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 63, et du 30 novembre 2011, Sniace/Commission, T‑238/09, EU:T:2011:705, point 37).

61      En l’espèce, il y a lieu de constater que le contenu du point 5, paragraphe 6, du contrat de rachat a été résumé au considérant 48 des décisions attaquées. De même, au considérant 131 des décisions attaquées, il a été expliqué la raison pour laquelle cette mesure constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Enfin, la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE a fait l’objet d’un examen global évoqué aux considérants 155 et suivants des décisions attaquées.

62      Il convient également de relever que la décision de sauvetage et d’extension fait partie de la procédure qui a conduit à la décision finale, de sorte que les décisions attaquées doivent également être lues dans le contexte de la décision de sauvetage et d’extension. Au considérant 37 de ladite décision, la Commission a résumé le contenu de la garantie, description qui correspond à la description donnée au considérant 48 des décisions attaquées, laquelle, d’ailleurs, n’a pas été contestée par la République d’Autriche à la suite de la décision de sauvetage et d’extension. De même, la Commission avait déjà indiqué, dans la décision de sauvetage et d’extension, que les mesures additionnelles notifiées par la République d’Autriche et octroyées par celle-ci et le Land Carinthie constituaient un avantage sélectif pour le HGAA et la BayernLB, en expliquant, en ce qui concerne cette dernière, que, sans cette intervention de sauvetage, le HGAA aurait fait faillite et la BayernLB y aurait perdu son capital ainsi que les liquidités fournies (considérants 48, 52 et 53 de la décision de sauvetage et d’extension).

63      Il découle de ce qui précède que la Commission a satisfait à son obligation de motivation.

64      Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 107 TFUE et 108 TFUE

65      Dans le cadre du troisième moyen, la République d’Autriche conteste la qualification du point 5, paragraphe 6, du contrat de rachat d’aide d’État et, subsidiairement, la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur.

66      La Commission conteste l’argumentation de la République d’Autriche.

–       Sur la qualification d’aide d’État

67      À titre liminaire, il convient de rappeler que la qualification d’aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions visées par cette disposition soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec, EU:C:2003:415, points 74 et 75 et jurisprudence citée).

68      Le présent moyen concerne uniquement la troisième condition, dans la mesure où la République d’Autriche affirme que le point 5, paragraphe 6, du contrat de rachat, visant la garantie de la part de la République d’Autriche en faveur de la BayernLB, n’a pas le caractère d’une subvention.

69      Concernant l’existence d’un avantage, il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’aide d’État est plus générale que celle de subvention. Elle comprend non seulement des prestations positives, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, par-là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C‑143/99, Rec, EU:C:2001:598, point 38 et jurisprudence citée).

70      En outre, il ressort de la jurisprudence que sont également considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, Rec, EU:C:2010:481, point 40 et jurisprudence citée).

71      En l’espèce, la République d’Autriche a nationalisé le HGAA afin que des mesures soient prises au vu de la situation financière précaire de cette banque. Dans ce contexte, 100 % des actions du HGAA ont été transférées par les actionnaires à la République d’Autriche au prix symbolique d’un euro par actionnaire. Il résulte du contrat de rachat conclu entre la République d’Autriche et la BayernLB que cette dernière s’est engagée à garantir la trésorerie du HGAA en maintenant les lignes de crédit dont il bénéficiait déjà, à retarder l’échéance des remboursements et à renoncer à des créances existantes à l’encontre du HGAA.

72      En effet, le contrat de rachat contient deux types de mesures : des mesures en matière de capital (voir point 10 ci-dessus) et des mesures en matière de liquidités (voir point 11 ci-dessus).

73      S’agissant plus spécifiquement des mesures en matière de liquidités, il ressort du point 5, paragraphe 3, du contrat de rachat que la BayernLB s’est engagée à continuer de mettre à la disposition du HGAA, comme auparavant, pour un montant de plus de 2,6 milliards d’euros, les créances de prêt ou les obligations qui deviennent exigibles avant le 31 décembre 2013, incluant les prêts résiliés le 11 décembre 2009 par la BayernLB et à nouveau accordés, conformément au point 5, paragraphe 2, du contrat de rachat, ainsi que l’a confirmé la République d’Autriche lors de l’audience. En effet, la BayernLB avait résilié deux contrats de prêts datant de 2008 pour un montant total de [confidentiel] millions d’euros et compensé sa créance de remboursement avec la créance de reprise de dépôts à terme du HGAA d’un montant total de [confidentiel] millions d’euros, en accordant un délai à ce dernier pour le montant restant. Ainsi, dans le cadre du contrat de rachat, la BayernLB a convenu de rétablir la situation existant avant cette résiliation.

74      La mesure litigieuse constituant l’aide d’État se trouve au paragraphe 6 du point 5 du contrat de rachat, lu en combinaison avec le paragraphe 3 dudit point.

75      Ce point 5, paragraphe 6, du contrat de rachat prévoit, en cas de scission du HGAA ou d’une mesure économiquement comparable, à la suite de laquelle la viabilité de celui-ci ne serait plus garantie, que la République d’Autriche informerait la BayernLB suffisamment à l’avance et garantirait le remboursement, à la demande de la BayernLB, des prêts et des lignes de crédit accordés par la BayernLB au HGAA qui n’ont pas été remboursés à cette date.

76      Il en découle que la République d’Autriche garantit, dans les deux situations visées à ce paragraphe, et à condition que, de ce fait, la viabilité du HGAA ne soit plus garantie, le remboursement des prêts et des lignes de crédit en cours évoqués au point 73 ci-dessus, donc l’« intragroup-funding ».

77      Il est évident que la garantie portant sur les lignes de crédit est une intervention étatique constitutive d’une aide d’État en faveur de la BayernLB, au moins dans la mesure où celle-ci couvre des crédits qui étaient « en péril » avant la nationalisation d’urgence.

78      Ainsi qu’il résulte du considérant 45 de la décision de sauvetage et d’extension, la Banque centrale d’Autriche a déclaré, par lettre du 7 décembre 2009, que le HGAA était une banque d’importance pour le système bancaire de l’Autriche et que, sans les mesures de soutien, la banque aurait été confrontée à des mesures prudentielles. Si la République d’Autriche n’avait pas nationalisé le HGAA, les autorités de surveillance autrichiennes auraient, selon toute vraisemblance, dû agir, de sorte que la BayernLB aurait perdu, en plus de la valeur de ses actions dans le HGAA, toutes ses lignes de crédit non garanties.

79      Il est constant que la BayernLB est convenue, dans le cadre du contrat de rachat, que les lignes de crédit existantes relatives au financement interne du groupe, d’un montant de plus de 2,6 milliards d’euros, de la BayernLB au HGAA, demeureraient dans les comptes de ce dernier jusqu’à la fin de l’année 2013. Il n’y a pas de doute quant au fait qu’elle aurait perdu ce montant sans l’intervention de la République d’Autriche. Il convient également de relever que, du fait que la BayernLB s’est engagée à continuer les lignes de crédit existantes (et les lignes de crédit qu’elle venait de fermer), elle a reçu la garantie de remboursement de ce financement, de sorte qu’elle a réduit le risque qu’elle encourrait en cas d’insolvabilité (future) du HGAA. Elle a donc évité la perte de lignes de crédit de plus de 2,6 milliards d’euros et sa créance est devenue plus sûre du fait qu’elle a été garantie par la République d’Autriche. Dans cette perspective, elle a été allégée de charges qui grèvent normalement son budget et se trouve d’ailleurs dans une situation plus favorable que les autres créanciers du HGAA.

80      Partant, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a conclu que le point 5, paragraphe 6, du contrat de rachat conférait un avantage à la BayernLB et constituait ainsi une aide d’État.

–       Sur la compatibilité avec le marché intérieur

81      À titre subsidiaire, la République d’Autriche fait valoir, si le Tribunal estime qu’il s’agit d’une aide, que, en premier lieu, la garantie visée au point 5, paragraphe 6, du contrat de rachat n’est pas compatible avec le marché intérieur, et, en second lieu, la Commission aurait dû tenir compte du recours pendant devant le Handelsgericht Wien.

82      S’agissant de l’argument selon lequel cette aide serait incompatible avec le marché intérieur, il y a lieu de relever que la nationalisation d’urgence s’est faite à travers le contrat de rachat et que la garantie formulée au point 5, paragraphe 6, dudit contrat fait partie d’un ensemble de mesures de restructuration et de liquidation négociées par la République d’Autriche et la BayernLB.

83      Or, le sauvetage et l’acquisition des actions du HGAA, combinés au désengagement de la BayernLB en tant qu’actionnaire principal, faisaient partie des mesures nécessaires au succès de la restructuration de la BayernLB.

84      Dès lors, la compatibilité de l’aide à la BayernLB, y compris la garantie octroyée par la République d’Autriche, a été examinée sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et à la lumière de la communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l’appréciation des mesures de restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément aux règles relatives aux aides d’État (JO 2009, C 195, p. 9, ci-après la « communication sur la restructuration »).

85      Selon la communication sur la restructuration, afin d’être compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, la restructuration d’un établissement financier dans le contexte de la crise actuelle doit mener au rétablissement de la viabilité à long terme de la banque en question, inclure une contribution propre du bénéficiaire (répartition des charges), garantir que l’aide soit limitée au minimum nécessaire et contenir des mesures efficaces limitant les distorsions de concurrence.

86      Sur ce point, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation concernant l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Le contrôle exercé par le juge de l’Union doit donc se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de l’obligation de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (voir arrêt du 17 juillet 2014, Westfälisch-Lippischer Sparkassen-und Giroverband/Commission, T‑457/09, Rec, EU:T:2014:683, point 190 et jurisprudence citée).

87      Sur la base des indications de la communication sur la restructuration, la Commission a examiné la compatibilité de l’aide à la restructuration et a conclu que toutes les conditions permettant d’autoriser le plan de restructuration composé des aides de la République fédérale d’Allemagne et de la République d’Autriche étaient réunies.

88      À cet égard, la République d’Autriche se limite à faire valoir que les conditions formulées aux paragraphes 14 et 33 de la communication sur la restructuration pour les banques n’auraient pas été respectées et, de ce fait, que les conditions exigées pour que des mesures d’aide soient considérées comme compatibles avec le marché intérieur ne sont pas réunies.

89      À l’instar de la Commission, il convient de relever que le paragraphe 14 de cette communication n’est pas pertinent en ce qui concerne l’aide octroyée par la République d’Autriche à la BayernLB. Il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une garantie classique de refinancement ayant pour objectif de pallier une défaillance générale sur le marché, situation visée par ledit paragraphe.

90      Pour ce qui est du paragraphe 33 de la communication sur la restructuration, il suffit de relever que ce paragraphe ne vise que la protection du marché intérieur. Il y est indiqué que la Commission sera attentive au risque que les mesures de restructuration mettent en péril le marché interne et considérera favorablement les mesures concourant au maintien de marchés nationaux ouverts et contestables. Dans cette perspective, ce paragraphe énumère des facteurs ayant des effets positifs sur l’appréciation globale de l’aide. Contrairement à ce que prétend la République d’Autriche, n’y figure aucune condition prescrivant qu’un État membre ne peut octroyer une aide que lorsque celle-ci favorise l’octroi de crédits sur son marché national.

91      Partant, l’argument selon lequel la Commission aurait violé les paragraphes14 et 33 de la communication sur la restructuration ne saurait prospérer.

92      S’agissant de l’argument tiré de la nécessité de la prise en considération du recours devant le Handelsgericht Wien, il y lieu de constater que celui-ci est dépourvu de pertinence. En effet, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 54 ci-dessus, ce recours n’a aucune influence sur la question de savoir si la mesure en cause constitue une aide d’État.

93      Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 55 ci-dessus, la Commission doit se prononcer au regard de l’état du droit et de la situation de fait existant au moment de l’adoption de sa décision et n’est pas tenue de fonder ses décisions sur l’éventuelle annulation à venir d’actes juridiques.

94      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 125 TFUE

95      Dans le cadre du quatrième moyen, la République d’Autriche fait valoir que les décisions attaquées enfreignent l’article 125 TFUE.

96      La République d’Autriche avance qu’elle n’a jamais eu l’intention d’accorder une aide et, de ce fait, un avantage à la BayernLB. Toutes les mesures auraient pour but de soutenir le HGAA et la mesure en cause serait exclusivement le résultat de négociations entre les parties au contrat de rachat qui ont eu lieu dans le cadre de la nationalisation d’urgence.

97      De plus, la BayernLB appartient à 94 % à l’État libre de Bavière, de sorte que la mesure qualifiée d’aide profiterait à ce dernier et, au final, à la République fédérale d’Allemagne. Selon la République d’Autriche, les articles 107 TFUE et 108 TFUE ne régissent pas des aides accordées par un État membre à un autre, raison pour laquelle ces dispositions ne sont pas applicables à la présente affaire. En outre, ni le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ni le traité sur l’Union européenne ne contiennent un autre fondement juridique justifiant une telle dotation « généreuse » d’un État membre à un autre. En effet, une subvention du type de celle supposée par la Commission violerait l’article 125 TFUE.

98      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

99      Il y a lieu de constater que la République d’Autriche n’a pas indiqué, d’une manière claire, quelle serait la pertinence de l’article 125 TFUE pour le présent litige.

100    En effet, la « clause de non-renflouement » alléguée, énoncée à l’article 125 TFUE figurant sous le titre VIII, intitulé « La politique économique et monétaire », vise à assurer que les États membres respectent une politique budgétaire saine. Partant, eu égard à cet objectif, cette disposition interdit à l’Union et aux États membres l’octroi d’une assistance financière qui aurait pour effet de porter atteinte à l’incitation de l’État membre bénéficiaire de cette assistance à mener une politique budgétaire saine. Toutefois, cet article n’interdit pas l’octroi d’une assistance financière par un ou plusieurs États membres à un État membre qui demeure responsable de ses propres engagements à l’égard de ses créanciers et pourvu que les conditions attachées à une telle assistance soient de nature à inciter ce dernier à mettre en œuvre une politique budgétaire saine (arrêt du 27 novembre 2012, Pringle, C‑370/12, Rec, EU:C:2012:756, points 130 à 137).

101    Même à supposer que la République d’Autriche ait allégé la charge financière pesant sur la Bavière et sur la République fédérale d’Allemagne par le biais des dispositions du point 5, paragraphe 6, du contrat de rachat, il n’y aurait pas de violation de l’article 125 TFUE. En effet, la République d’Autriche n’établit pas que lesdites dispositions auraient pour effet de porter atteinte à l’incitation de l’État membre bénéficiaire de cette assistance à mener une politique budgétaire saine.

102    Partant, ce moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une incompétence de la Commission

103    Dans le cadre du cinquième moyen, la République d’Autriche fait valoir que la Commission n’était pas compétente pour adopter les décisions attaquées, étant donné que les faits qui y sont décrits n’ont jamais été mis en œuvre comme indiqué.

104    Il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que celle-ci a entamé la procédure régie par l’article 108, paragraphe 3, TFUE et les dispositions du règlement nº 659/1999 à la suite de la notification d’une mesure d’aide par la République d’Autriche.

105    À cet égard, la République d’Autriche n’avance aucun argument de nature à remettre en cause la compétence de la Commission dans un cas tel que celui de l’espèce.

106    En outre, même à supposer que, par son argumentation présentée au point 103 ci-dessus, la République d’Autriche reproche à la Commission une interprétation erronée du contrat de rachat, force est de constater que ses arguments ne sauraient suffire à remettre en cause les constatations exposées à cet égard à l’occasion de l’examen du troisième moyen.

107    Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République d’Autriche ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République d’Autriche est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 janvier 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.