Language of document : ECLI:EU:T:2011:296

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

21 juin 2011(*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Remboursement des dépens – Note de la Commission informant le requérant de son intention d’opérer une retenue sur son allocation d’invalidité – Absence d’acte faisant grief – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire T‑12/10 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 29 octobre 2009, Marcuccio/Commission (F‑94/08, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Luigi Marcuccio, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, N. J. Forwood et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Luigi Marcuccio, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 29 octobre 2009, Marcuccio/Commission (F‑94/08, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté comme manifestement irrecevable son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la note du 28 mars 2008 par laquelle la Commission des Communautés européennes l’avait informé de son intention d’opérer une retenue sur son allocation d’invalidité afin d’obtenir le paiement des dépens exposés lors d’une instance antérieure et, d’autre part, à la condamnation de la Commission à l’indemniser du préjudice qui lui aurait été causé par la décision contenue dans ladite note.

 Faits à l’origine du litige et ordonnance attaquée

2        Les faits qui sont à l’origine du litige sont énoncés, aux points 2 à 12 de l’ordonnance attaquée, dans les termes suivants :

« 2      Le requérant, fonctionnaire de grade A 7 à la direction générale (DG) ‘Développement’ de la Commission, a été affecté à Luanda au sein de la délégation de la Commission en Angola en tant que fonctionnaire stagiaire à compter du 16 juin 2000, puis comme fonctionnaire titulaire à compter du 16 mars 2001.

3      La Commission a mis à la disposition du requérant un immeuble à usage d’habitation, sis à Luanda, où l’intéressé a installé ses effets personnels.

4      Suite à la réaffectation, à compter du 1er avril 2002, du requérant au siège de la DG ‘Développement’ à Bruxelles, la Commission a, par une note du 15 octobre 2002, informé celui-ci qu’elle avait procédé à la résiliation du bail du logement mis à sa disposition à Luanda et décidé de fixer au 27 novembre 2002 la date du déménagement de ses effets personnels et de son véhicule (ci-après la ‘note du 15 octobre 2002’).

5      Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 16 juin 2003 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 25 juin suivant), le requérant a introduit un recours enregistré sous la référence T‑241/03 et tendant, notamment, à l’annulation de la note du 15 octobre 2002. Par ordonnance du 17 mai 2006, Marcuccio/Commission (T‑241/03, RecFP p. I‑A‑2‑111 et II‑A‑2‑517), le Tribunal de première instance a rejeté le recours et condamné le requérant, qui avait entre-temps été mis à la retraite pour invalidité par une décision du 30 mai 2005, à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission.

6      Par une note de débit datée du 8 mars 2007, la Commission a demandé au requérant de lui payer la somme de 4 875 euros, correspondant aux honoraires de l’avocat l’ayant assistée dans la procédure T‑241/03 (ci-après la ‘note de débit’).

7      Le requérant n’ayant ni réglé la somme demandée dans la note de débit ni donné suite aux rappels envoyés par la Commission, celle-ci a fait parvenir à l’intéressé une note datée du 28 mars 2008 (ci-après la ‘note du 28 mars 2008’), qui contenait le passage suivant :

‘D’après les données comptables dont je dispose au 27 mars 2008, le paiement de la note de débit […] n’a pas encore été effectué. Le montant dû est de 5 432,16 [euros] (4 875 + 557,16 [euros] au titre d’intérêts de retard, en tenant compte notamment de l’échelonnement du remboursement).

La créance porte sur les dépens de la Commission qui ont été mis à votre charge par le Tribunal de première instance […] dans son ordonnance du 17 mai 2006 rendue dans l’affaire T‑241/03 et, en particulier, sur les honoraires de l’avocat de la Commission […] dont la note d’honoraires est jointe en annexe.

La récupération de cette créance sera opérée sur l[‘allocation] d’invalidité versée par la Commission, cette retenue étant effectuée en vertu de l’article 46 de l’annexe VII du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes].

La récupération sera opérée sur l[‘allocation d’invalidité] à compter du mois de mai prochain, conformément au tableau en annexe, de façon à vous permettre, si vous le jugez adéquat, d’introduire une demande de contestation des dépens conformément à la procédure visée à l’article 92 du règlement de procédure du Tribunal [de première instance].’

8      À la note du 28 mars 2008 était annexée la copie des notes d’honoraires envoyées à la Commission par l’avocat l’ayant assistée dans le cadre de la procédure T‑241/03.

9      Par note du 19 avril 2008, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la note du 28 mars 2008 (ci-après la ‘réclamation’). Le requérant y contestait être débiteur de la somme de 4 875 euros et expliquait que, la créance de la Commission ne présentant aucun caractère liquide et certain quant à son montant, celle-ci n’était pas fondée à effectuer, par compensation, une retenue sur son allocation d’invalidité.

10      Par décision du 11 août 2008, la Commission a rejeté la réclamation. Cette décision contenait les passages suivants :

‘Après avoir examiné attentivement votre réclamation, je tiens à préciser que la [note du 28 mars 2008] ne peut pas être qualifiée de décision vous faisant grief et qu’elle ne peut donc pas faire l’objet d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes]. En effet, la [note] précitée […] était uniquement une invitation à payer la note de débit […] La [note du 28 mars 2008] vous annonçait qu’une récupération éventuelle de la somme en cause serait effectuée sur votre allocation d’invalidité, mais elle vous indiquait aussi que vous pouviez engager une procédure de contestation des dépens au sens de l’article 92 du règlement de procédure du Tribunal de première instance […]

[…]

[C]ompte tenu de votre réclamation et par analogie avec ce qui vous a été indiqué dans la [note du 28 mars 2008], la Commission est disposée à attendre encore trois mois à compter de la date de la notification de la présente afin de vous permettre, si vous le jugez opportun, de saisir le Tribunal de première instance pour contester, en application de l’article 92 [de son] règlement de procédure, le montant des dépens mis à votre charge […]

À l’issue de ce délai de trois mois, si le montant des dépens mis à votre charge n’a fait l’objet d’aucune contestation, la Commission considérera cette somme comme étant définitivement exigible et prendra la décision nécessaire pour procéder à sa récupération.’

11      La Commission n’a effectué aucune retenue sur l’allocation d’invalidité du requérant nonobstant la circonstance que ce dernier n’a ni réglé la somme réclamée ni introduit de demande de taxation des dépens afférents à l’affaire T‑241/03.

12      Par arrêt du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑41/06, non encore publié au Recueil, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance, affaire T‑20/09 P), le Tribunal a annulé la décision du 30 mai 2005 ayant mis le requérant à la retraite pour invalidité. »

3        Ainsi qu’il ressort des points 1 et 13 de l’ordonnance attaquée, par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 19 novembre 2008, le requérant a conclu à ce qu’il plaise à ce Tribunal :

« –      annuler la note du 28 mars 2008 ;

–      annuler, dans la mesure nécessaire, la décision de rejet de la réclamation ;

–      annuler, dans la mesure nécessaire, la décision du 11 août 2008 ;

–      condamner la Commission à l’indemniser du préjudice moral et existentiel qui lui aurait été causé par les actes dont il demande l’annulation, à concurrence d’une somme de 10 000 euros ou d’une somme supérieure ou inférieure que le Tribunal jugera juste et équitable ;

–      condamner la Commission à lui rembourser tous les dépens et honoraires de la procédure inhérents au présent recours. »

4        La Commission a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

« –      rejeter le recours comme irrecevable ou dénué de fondement ;

–      condamner le requérant au paiement des dépens en application de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure. »

5        Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme manifestement irrecevable pour les motifs suivants :

« Sur les conclusions en annulation

17      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une demande tendant à l’annulation d’une décision de rejet d’une réclamation a pour effet de saisir le juge communautaire de l’acte faisant grief contre lequel ladite réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, point 19, et du 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, RecFP p. I‑A‑161 et II‑729, point 15). Dans ces conditions, les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation se confondent avec celles tendant à l’annulation de la note du 28 mars 2008.

18      Il y a lieu d’examiner si la note du 28 mars 2008 constitue un acte faisant grief au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le ‘statut’).

19      À cet égard, selon une jurisprudence constante, un acte faisant grief est celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F‑101/05, RecFP p. I‑A‑1‑55 et II‑A‑1‑199, point 33, et la jurisprudence citée), un tel acte devant émaner de l’autorité compétente et renfermer une prise de position définitive de l’administration (voir arrêts du Tribunal de première instance du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T‑46/90, Rec. p. II‑699, points 13 et 14, ainsi que du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, point 83 ; arrêt du Tribunal du 10 mars 2009, Giaprakis/Comité des régions, F‑106/07, non encore publié au Recueil, point 43).

20      Or, force est de constater que la note du 28 mars 2008 ne correspond pas à cette définition.

21      En effet, dans la note du 28 mars 2008, la Commission, après avoir rappelé au requérant que ‘le paiement de la note de débit […] n’[avait] pas encore été effectué’, l’a informé que ‘[l]a récupération de cette créance sera[it] opérée sur [son allocation] d’invalidité’, ce ‘à compter du mois de mai prochain, conformément au tableau en annexe, de façon à [lui] permettre, s[‘il le jugeait] adéquat, d’introduire une demande de contestation des dépens conformément à la procédure visée à l’article 92 du règlement de procédure du Tribunal [de première instance]’. La note du 28 mars 2008 ne comportait donc pas de prise de position définitive de la Commission, mais exposait simplement l’intention de celle-ci de procéder, dans l’hypothèse où le requérant ne saisirait pas le Tribunal de première instance d’une demande de taxation des dépens, à la compensation entre, d’une part, la créance relative aux dépens de l’affaire T‑241/03 et, d’autre part, la créance d’allocation d’invalidité détenue par le requérant à son encontre.

22      Au demeurant, le fait que la note du 28 mars 2008 ne constitue pas un acte faisant grief au requérant est confirmé par la teneur de la décision de rejet de la réclamation, dans laquelle la Commission a précisé qu’elle était disposée à accorder à l’intéressé un nouveau délai avant de recouvrer la créance relative aux dépens de l’affaire T‑241/03, afin que celui-ci, s’il le jugeait opportun, puisse saisir le Tribunal de première instance d’une demande de taxation des dépens.

23      Enfin, il importe de souligner que la Commission n’a effectué aucune retenue sur l’allocation d’invalidité du requérant nonobstant la circonstance que ce dernier n’a ni réglé la somme réclamée ni introduit de demande de taxation des dépens.

24      Dans ces conditions, la note du 28 mars 2008 ne peut être considérée comme ayant affecté directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci.

25      Il s’ensuit que les conclusions tendant à l’annulation de cette note doivent être rejetées comme manifestement irrecevables.

Sur les conclusions indemnitaires

26      Il importe de rappeler que, lorsque le recours tend à la réparation d’un préjudice prétendument causé par des comportements dépourvus de caractère décisionnel, la procédure administrative doit débuter, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut, par une demande de l’intéressé invitant l’autorité investie du pouvoir de nomination à réparer ce préjudice. C’est seulement contre la décision de rejet de cette demande que l’intéressé peut saisir l’administration d’une réclamation, conformément au paragraphe 2 de cet article (ordonnance du Tribunal de première instance du 7 juin 2004, X/Commission, T‑230/02, non publiée au Recueil, point 15).

27      En l’espèce, le requérant sollicite en substance la condamnation de la Commission à réparer le préjudice moral et existentiel qui lui aurait été causé par la note du 28 mars 2008 ainsi que par la décision rejetant la réclamation introduite contre la note du 28 mars 2008. Toutefois, dès lors que le préjudice allégué résulte d’actes ne faisant pas grief au requérant, la procédure administrative aurait dû débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et se poursuivre par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande. Or, il ressort des pièces du dossier que le requérant ne s’est pas conformé à cette procédure. Les conclusions susmentionnées doivent donc être rejetées comme manifestement irrecevables.

28      Il s’ensuit que le présent recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable. »

 Sur le pourvoi

1.     Procédure et conclusions des parties

6        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 15 janvier 2010, le requérant a formé le présent pourvoi.

7        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        constater que le recours en première instance était recevable dans sa totalité ;

–        faire droit à la totalité des chefs de conclusions présentés en première instance ;

–        condamner la Commission aux dépens des deux instances ;

–        à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique.

8        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner le requérant aux dépens de la présente procédure et de la procédure en première instance.

2.     En droit

9        En vertu de l’article 145 du règlement de procédure, le Tribunal peut, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le rejeter à tout moment par voie d’ordonnance motivée, et ce même si une partie a demandé au Tribunal la tenue d’une audience (ordonnances du Tribunal du 24 septembre 2008, Van Neyghem/Commission, T‑105/08 P, non encore publiée au Recueil, point 21, et du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, T‑114/08 P, non encore publiée au Recueil, point 10). En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

10      À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque cinq moyens, pris, respectivement, d’une erreur de droit dans l’interprétation de la notion d’acte faisant grief, de l’illégalité du rejet de sa demande en indemnité, d’une dénaturation des faits, de la violation du principe « tempus regit actum » et d’un défaut absolu de motivation.

 Sur le premier moyen, pris d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la notion d’acte faisant grief

11      Le moyen se divise en deux branches.

 Sur la première branche du premier moyen, prise de l’illégalité du refus de qualifier la note du 28 mars 2008 d’acte faisant grief

–       Arguments des parties

12      Selon le requérant, la note de la Commission du 28 mars 2008 constitue un acte lui faisant grief.

13      En effet, il s’agirait d’un acte par lequel la Commission a décidé de manière non équivoque de le priver d’une certaine somme d’argent.

14      De plus, la décision, contenue dans cette note, de retenir sur l’allocation d’invalidité du requérant la somme figurant dans la note de débit émise par la Commission le 8 mars 2007 serait inconditionnelle et son exécution ne serait pas subordonnée à la survenance d’un quelconque événement. En effet, premièrement, l’exécution ou non de la retenue envisagée serait sans influence sur le caractère décisoire de la note du 28 mars 2008, et donc sans pertinence pour déterminer si cette note constitue un acte faisant grief. Une absence d’exécution pourrait tout au plus signifier que la Commission, s’étant rendu compte de l’erreur qu’elle avait commise, s’est spontanément abstenue d’exécuter la décision contenue dans cette note. Le Tribunal de la fonction publique aurait ainsi confondu l’existence d’un acte faisant grief et l’exécution d’un tel acte. Deuxièmement, la note du 28 mars 2008 n’indiquait pas quel aurait été le sort de la décision qu’elle contient si le requérant avait introduit une demande de taxation des dépens sur le fondement de l’article 92 du règlement de procédure, ni, si une telle demande avait été introduite, que ladite décision serait devenue caduque. Le requérant ajoute que cette note ne mentionnait pas l’intention de la Commission de retenir une partie de l’argent versé au requérant dans l’hypothèse où, comme tel est le cas en l’espèce, celui-ci n’aurait pas saisi le Tribunal d’une demande de taxation des dépens.

15      Enfin, le requérant rappelle que, premièrement, une décision faisant grief à son destinataire peut, à partir de son adoption et jusqu’à son retrait éventuel, être exécutée à tout moment et ne peut être contestée, le cas échéant, que dans le délai légal, péremptoire et d’ordre public, qui court à compter de son adoption. Deuxièmement, il ajoute que la recevabilité du recours en annulation du destinataire d’un acte lui faisant grief, malgré le retrait de cet acte, ne saurait être exclue. En effet, l’annulation d’un tel acte, d’une part, pourrait décourager l’auteur de l’acte d’adopter des actes substantiellement identiques à l’acte annulé et, d’autre part, serait l’unique mesure ayant pour effet d’éliminer tous les dommages survenus entre l’adoption de cet acte et son annulation.

16      Selon le requérant, il résulte de tout ce qui précède que, en vue d’une « justice matérielle », qui est un « principe inhérent à l’ordre juridique » de l’Union européenne, celui-ci a intérêt à ce que la décision contenue dans la note du 28 mars 2008 disparaisse de l’ordonnancement juridique et devrait voir son pourvoi accueilli.

17      La Commission conteste les arguments du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

18      Il y a lieu de rappeler que l’existence d’un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), est une condition de la recevabilité de tout recours formé par les fonctionnaires contre l’institution dont ils relèvent (arrêts du Tribunal du 13 juillet 1993, Moat/Commission, T‑20/92, Rec. p. II‑799, point 39, et du 3 juin 1997, H/Commission, T‑196/95, RecFP p. I‑A‑133 et II‑403, point 44).

19      Selon une jurisprudence constante, constituent de tels actes les seules mesures émanant de l’autorité compétente et renfermant une prise de position définitive de l’administration (arrêts du Tribunal du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T‑46/90, Rec. p. II‑699, points 13 et 14, et du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, point 83) qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9 ; arrêts du Tribunal du 22 juin 1990, Marcopoulos/Cour de justice, T‑32/89 et T‑39/89, Rec. p. II‑281, point 21 ; du 9 octobre 1995, Obst/Commission, T‑562/93, RecFP p. I‑A‑247 et II‑737, point 23, et du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A‑337 et II‑1657, point 28).

20      En l’espèce, il est constant que, dans la note du 28 mars 2008, la Commission, après avoir rappelé au requérant que le paiement de la note de débit du 8 mars 2007 n’avait pas encore été effectué, a informé celui-ci que la récupération du montant qui y était indiqué serait opérée sur son allocation d’invalidité à compter du mois de mai 2008, conformément au tableau annexé à cette note, de façon à lui permettre, s’il le jugeait adéquat, d’introduire une demande de taxation des dépens conformément à la procédure visée à l’article 92 du règlement de procédure.

21      Il ressort de ce qui précède que la note de la Commission du 28 mars 2008 ne comportait pas de prise de position définitive de la Commission produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. En effet, d’une part, le requérant a été condamné aux dépens en cause par l’ordonnance du Tribunal du 17 mai 2006, Marcuccio/Commission (T‑241/03, RecFP p. I‑A‑2‑111 et II‑A‑2‑517), et non par la note du 28 mars 2008. D’autre part, la note du 28 mars 2008 n’emportait pas retenue sur l’allocation d’invalidité du requérant, mais se bornait à informer celui-ci que l’exécution de la compensation envisagée par la Commission était subordonnée à l’absence de saisine du Tribunal par le requérant d’une demande de taxation des dépens sur le fondement de l’article 92 du règlement de procédure.

22      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a retenu, au point 21 de l’ordonnance attaquée, que la note du 28 mars 2008 ne constituait pas un acte faisant grief, en ce qu’elle ne comportait pas de prise de position définitive de la Commission, mais mentionnait simplement l’intention de celle-ci de procéder, dans l’hypothèse où le requérant n’aurait pas saisi le Tribunal d’une demande de taxation des dépens, à la compensation entre, d’une part, la créance relative aux dépens de l’affaire T‑241/03 et, d’autre part, la créance d’allocation d’invalidité détenue par le requérant à son égard.

23      Les arguments du requérant visant à contester l’ordonnance attaquée en tant qu’elle a jugé que la note du 28 mars 2008 ne constituait pas un acte faisant grief doivent donc être rejetés.

24      Les autres arguments du requérant, qui sont relatifs à son intérêt à agir, lequel n’est pas contesté par la Commission, doivent également être rejetés, en ce qu’il sont fondés sur la prémisse erronée selon laquelle la note du 28 mars 2008 constituait un acte lui faisant grief.

25      Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a jugé que les conclusions tendant à l’annulation de la note de la Commission du 28 mars 2008 étaient manifestement irrecevables.

26      Partant, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme manifestement non fondée.

 Sur la seconde branche du premier moyen, prise de la déduction illogique de l’absence de qualité d’acte faisant grief de la note du 28 mars 2008 faite à partir de la note du 11 août 2008

–       Arguments des parties

27      Le requérant soutient qu’est illogique l’affirmation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle le fait que la note du 28 mars 2008 ne constitue pas un acte faisant grief ressortirait de l’analyse de la décision de la Commission du 11 août 2008 rejetant la réclamation formée par le requérant contre ladite note. En effet, cette décision de rejet pourrait tout au plus être interprétée comme retirant la note du 28 mars 2008, de sorte que la décision que cette note contenait ne devait plus être considérée comme ayant été adoptée à la date du 28 mars 2008, mais à celle de la décision de rejet de la réclamation, c’est-à-dire le 11 août 2008. Le requérant ajoute que la qualification d’un acte émanant d’une institution de l’Union de décision ne peut être effectuée que sur la base du contenu objectif de cet acte et non sur la base des assertions de son auteur.

28      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

29      Il résulte de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour et de l’article 138, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure du Tribunal qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 34 ; du 8 janvier 2002, France/Monsanto et Commission, C‑248/99 P, Rec. p. I‑1, point 68, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 426 ; arrêt du Tribunal du 19 mars 2010, Bianchi/ETF, T-338/07 P, non publié au Recueil, point 59).

30      Or, le présent grief ne répond pas à ces exigences. En effet, celui-ci ne comporte aucune argumentation juridique visant à démontrer en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit. La seconde branche du premier moyen doit, dès lors, être déclarée manifestement irrecevable.

31      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, pris du rejet illégal de la demande indemnitaire du requérant

 Arguments des parties

32      Le requérant fait valoir que l’illégalité de la constatation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle la note de la Commission du 28 mars 2008 ne constituait pas un acte faisant grief emporte inéluctablement l’illégalité du rejet de sa demande en indemnité.

33      Étant liée à un acte faisant grief, cette demande en indemnité était, selon le requérant, parfaitement recevable, même si celui-ci n’avait pas, en application de l’article 90 du statut, saisi la Commission d’une demande en ce sens, puis, le cas échéant, formé une réclamation contre la décision de rejet de cette demande.

 Appréciation du Tribunal

34      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour respecter la procédure précontentieuse prévue par le statut, le fonctionnaire qui entend obtenir réparation du préjudice prétendument subi du fait du comportement fautif à son égard de l’institution dont il relève est tenu d’introduire une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut. Le rejet éventuel de cette demande constitue une décision faisant grief au fonctionnaire concerné contre laquelle il peut introduire une réclamation, et c’est seulement après l’adoption d’une décision rejetant explicitement ou implicitement cette réclamation qu’un recours en indemnité peut être formé devant le juge de l’Union (arrêts du Tribunal du 1er décembre 1994, Schneider/Commission, T‑54/92, RecFP p. I‑A‑281 et II‑887, point 53 ; du 16 mars 2009, R/Commission, T‑156/08 P, non encore publié au Recueil, point 76, et ordonnance du Tribunal du 8 juillet 2010, Marcuccio/Commission, T‑166/09 P, non encore publiée au Recueil, point 45).

35      Selon cette jurisprudence, un recours indemnitaire, introduit sans respecter la procédure précontentieuse en deux étapes exigée par le statut et décrite ci-dessus, est irrecevable (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Schneider/Commission, précité, point 63 ; du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑416/03, RecFP p. I‑A‑2‑317 et II‑A‑2‑1607, points 130 et 131, et ordonnance du 8 juillet 2010, Marcuccio/Commission, précitée, point 46).

36      Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique, après avoir constaté que le préjudice allégué par le requérant résultait d’un acte qui ne lui faisait pas grief, a considéré que la demande en indemnité du requérant était manifestement irrecevable au motif que celui-ci aurait préalablement dû introduire une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et former, en cas de rejet de cette demande, une réclamation dirigée contre cette décision de rejet.

37      Dès lors, le deuxième moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen, pris d’une dénaturation des faits

 Arguments des parties

38      Le requérant soutient que la note du 28 mars 2008 est un acte faisant grief et que « le nier constitue manifestement une déformation et une dénaturation des faits ».

39      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

 Appréciation du Tribunal

40      Il y a lieu de rappeler qu’il appartient au Tribunal d’examiner si le Tribunal de la fonction publique a dénaturé des éléments de preuve, étant entendu qu’une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, Rec. p. I‑3173, points 52 à 54, et la jurisprudence citée).

41      En l’espèce, il convient de relever que le moyen pris de la dénaturation des faits par le Tribunal de la fonction publique se confond avec le moyen pris de l’erreur de droit commise par le Tribunal de la fonction publique dans l’interprétation de la notion d’acte faisant grief, en ce qu’il a refusé de reconnaître à cette note la qualité d’acte faisant grief.

42      Or, dans la mesure où, ainsi qu’il résulte du point 22 ci-dessus, le Tribunal de la fonction publique a considéré à bon droit que la note du 28 mars 2008 ne constituait pas un acte faisant grief, il n’a commis aucune dénaturation.

43      Il s’ensuit que le troisième moyen doit également être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, pris d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application du principe « tempus regit actum »

 Arguments des parties

44      Le requérant considère que le Tribunal de la fonction publique s’est livré à des interprétation et explication « erronées, inexactes et irrationnelles » du principe « tempus regit actum ».

45      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

 Appréciation du Tribunal

46      Comme il a été rappelé au point 29 ci-dessus, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné.

47      En l’espèce, le requérant se borne à invoquer la violation du principe « tempus regit actum » par le Tribunal de la fonction publique, sans préciser quels motifs de l’ordonnance attaquée méconnaissent, selon lui, ce principe ni développer aucun argument au soutien de ce moyen.

48      Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer que ce moyen repose sur une allégation trop générale et imprécise pour pouvoir faire l’objet d’une appréciation juridique et permettre au Tribunal d’effectuer son contrôle. Il doit, dès lors, être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur le cinquième moyen, pris du défaut absolu de motivation de l’ordonnance attaquée

 Arguments des parties

49      Le requérant considère que l’ordonnance attaquée est entachée d’un « défaut absolu de motivation, notamment pour déformation et dénaturation des faits, caractère illogique, contradictoire, arbitraire, irrationnel, apodictique, non pertinent et confus, défaut d’instruction, ainsi que pour une interprétation et une application erronées, inexactes et irrationnelles de la notion tempus regit actum et de la notion de décision faisant grief ».

50      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

 Appréciation du Tribunal

51      Comme il a été rappelé au point 29 ci-dessus, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné.

52      Il y a lieu de relever que le présent moyen pris du défaut absolu de motivation, qui illustre ce grief en recourant à plusieurs notions dont certaines sont dépourvues de valeur juridique, tandis que d’autres sont sans rapport avec l’obligation qui s’impose au juge de motiver ses décisions, est rédigé de telle façon qu’il ne permet pas de savoir ce qui est reproché à l’ordonnance attaquée. Dès lors que, de surcroît, il est formulé de manière abstraite et n’est étayé par aucun élément précis de nature à en éclairer le sens, il doit être déclaré manifestement irrecevable.

53      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

 Sur les dépens

54      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

55      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

56      Le requérant ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, il supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Luigi Marcuccio supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

Fait à Luxembourg, le 21 juin 2011 .

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger

Table des matières


Faits à l’origine du litige et ordonnance attaquée

Sur le pourvoi

1.  Procédure et conclusions des parties

2.  En droit

Sur le premier moyen, pris d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la notion d’acte faisant grief

Sur la première branche du premier moyen, prise de l’illégalité du refus de qualifier la note du 28 mars 2008 d’acte faisant grief

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la seconde branche du premier moyen, prise de la déduction illogique de l’absence de qualité d’acte faisant grief de la note du 28 mars 2008 faite à partir de la note du 11 août 2008

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, pris du rejet illégal de la demande indemnitaire du requérant

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, pris d’une dénaturation des faits

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, pris d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application du principe « tempus regit actum »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, pris du défaut absolu de motivation de l’ordonnance attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.