Language of document : ECLI:EU:T:2016:36

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 janvier 2016 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services médicaux en faveur du personnel du Cedefop – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et attribution du marché à un autre soumissionnaire – Refus d’accorder l’accès à certains documents relatifs aux autres soumissionnaires ayant participé à la procédure d’appel d’offres – Obligation de motivation – Protection des intérêts commerciaux et de la réputation – Protection des données à caractère personnel – Protection du processus décisionnel – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑537/12,

Panteleïmon Zafeiropoulos, demeurant à Thessalonique (Grèce), représenté par Me M. Kontogiorgos, avocat,

partie requérante,

contre

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), représenté par Mme M. Fuchs, en qualité d’agent, assisté initialement de Me E. Petritsi, puis de Me P. Anestis, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet, premièrement, une demande d’annulation, d’une part, de la décision du Cedefop du 8 octobre 2012 rejetant l’offre soumise par le requérant dans le cadre d’un avis de marché du 19 juin 2012, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2012/S 115-189528), concernant la fourniture de services médicaux au personnel du Cedefop à Thessalonique (Grèce), et de la décision du Cedefop du 9 octobre 2012 attribuant le marché défini dans ledit avis de marché à un autre soumissionnaire que le requérant et, d’autre part, de la décision du Cedefop rejetant la demande du requérant d’accéder à certains documents dans le cadre de cette procédure d’avis de marché ainsi que, deuxièmement, une demande d’indemnisation pour le préjudice que le requérant aurait subi en conséquence des violations que le Cedefop auraient commises,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par un avis de marché du 19 juin 2012, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2012/S 115-189528) (ci-après l’« avis de marché »), le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) a lancé un appel d’offres. Conformément au point II.1.2 de l’avis de marché, l’appel d’offres en cause concernait la fourniture de services médicaux au personnel du Cedefop, à Thessalonique (Grèce) (ci-après le « marché »).

2        Selon les points II.1.4 et II.2.1 de l’avis de marché, la valeur du marché s’élevait à 120 000 euros et ne devait pas dépasser 2 000 heures de travail sur une période de quatre ans, à raison de 500 heures par an.

3        Le point IV.1.1 de l’avis de marché prévoyait une procédure restreinte accélérée au motif qu’il convenait d’assurer la fourniture ininterrompue des services médicaux au sein du Cedefop.

4        La procédure d’évaluation des offres s’est déroulée en deux phases. La première phase était une phase de sélection visant à déterminer si les candidats étaient autorisés à participer à la procédure d’appel d’offres en remplissant notamment des critères de capacités financières, économiques, techniques et professionnelles pour exécuter le marché. La seconde phase était une phase d’attribution visant à identifier, parmi les offres des soumissionnaires, celle qui était économiquement la plus avantageuse, au sens du meilleur rapport qualité-prix.

5        S’agissant de la phase de sélection, le point III.2.3 de l’avis de marché prévoyait notamment un critère de capacités techniques et professionnelles, exigeant notamment que le candidat établisse être inscrit au registre pertinent de l’ordre des médecins, qu’il soit autorisé à pratiquer la médecine générale, la médecine du travail, la médecine interne ou la médecine d’urgence et qu’il ait exercé dans l’un de ces quatre domaines pendant huit années au moins.

6        S’agissant de la phase d’attribution, le point IV.2.1 de l’avis de marché ainsi que le cahier des charges prévoyaient une évaluation technique et une évaluation financière ainsi que les pondérations afférentes à ces évaluations. En particulier, l’évaluation financière était notée sur 30 points. L’évaluation technique était notée sur 70 points, dont 20 % pour le critère intitulé « Degré de compréhension des services requis » et 80 % pour le critère intitulé « Qualité de l’entretien ».

7        Sept candidats ont présenté leurs offres. Cinq d’entre eux ont été retenus à l’issue de la phase de sélection, dont le requérant, le docteur Pantéleïmon Zafeiropoulos, ainsi que le docteur S., qui ont été invités à passer un entretien. Le Cedefop a estimé que deux des sept candidats dont l’offre n’avait pas été retenue à l’issue de la phase de sélection ne remplissaient pas la condition de huit années d’expérience professionnelle dans l’un des quatre domaines de médecine énumérés au point 4 ci-dessus.

8        Par lettre du 8 octobre 2012, le Cedefop a informé le requérant que son offre avait été rejetée (ci-après la « décision de rejet de l’offre »). Le requérant a notamment été informé par le Cedefop du score que son offre avait obtenu et que cette dernière n’avait pas été considérée comme l’offre économiquement la plus avantageuse pour cinq raisons, que le Cedefop a énumérées, et notamment parce que l’offre technique du requérant n’expliquait pas comment les services ou la disponibilité en dehors des heures prévues seraient assurés.

9        Par lettre du 9 octobre 2012, le Cedefop a informé le docteur S. que son offre avait été classée en première position (ci-après la « décision d’attribution du marché »).

10      Le 12 octobre 2012, le contrat-cadre régissant le marché a été signé par le Cedefop et le docteur S. Il est entré en vigueur à cette date. L’attribution du marché a été publiée au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne le 27 octobre 2012 (JO 2012/S 208-341369).

11      Par courriel du 15 octobre 2012, le requérant a adressé au Cedefop une demande d’accès à l’ensemble des documents relatifs à la procédure d’appel d’offres en cause et en particulier à la décision d’attribution du marché, au tableau de classement et d’évaluation des offres, au procès-verbal établi au cours des entretiens, au dossier de son offre, au dossier de l’offre finalement retenue et aux autres dossiers ayant obtenu une note supérieure à la sienne ainsi qu’à tout autre document pertinent.

12      Par lettre du 8 novembre 2012, d’abord, le Cedefop a indiqué fournir au requérant, en réponse à son courriel du 15 octobre 2012, « plus d’explications concernant les informations figurant » dans la décision de rejet de l’offre. Il l’a ainsi informé que le marché avait été attribué au docteur S. et que son offre avait été classée en troisième position. Ensuite, il a communiqué au requérant les notes que ce dernier avait obtenues pour son offre technique et pour son entretien et il lui a joint le rapport d’évaluation dont certaines informations étaient biffées. En outre, des observations supplémentaires sur les éléments retenus lors de son entretien lui ont également été adressées. Enfin, le Cedefop a donné accès au requérant à certains documents demandés, tout en refusant de lui donner accès à d’autres documents, tels que les offres présentées par les autres candidats.

13      À cet égard, le Cedefop a indiqué que, conformément au règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), certains documents demandés par le requérant, tels que les fiches d’évaluation personnelles, certaines informations figurant dans les rapports d’évaluation des offres au stade de la sélection et au stade de l’attribution, les notes individuelles-commentaires des membres du comité d’évaluation ou encore la correspondance électronique qui se référaient à des individus, ne pouvaient pas être communiqués au requérant parce que soit ils contenaient des données à caractère personnel soit ils étaient susceptibles de porter atteinte aux intérêts commerciaux ou à la réputation commerciale des autres soumissionnaires.

14      Par lettre du 19 novembre 2012, le requérant a indiqué au Cedefop qu’il confirmait sa demande d’accès à l’ensemble des documents visés par sa demande initiale. En particulier, il a fait valoir qu’il considérait que le Cedefop avait appliqué de manière erronée les dispositions du règlement n° 1049/2001. Il a demandé l’accès au texte intégral des rapports et des fiches d’évaluation des candidats classés en première et en deuxième positions pour l’appel d’offres, ainsi que, notamment, les dossiers complets des offres présentées par ces candidats.

15      Par lettre du 28 novembre 2012, le Cedefop a rejeté la demande du requérant du 19 novembre 2012 (ci-après la « décision confirmative de refus d’accès aux documents »). Tout d’abord, le Cedefop a indiqué qu’il considérait que la demande du requérant, formulée par lettre du 19 novembre 2012, constituait une demande confirmative au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001. Ensuite, le Cedefop a réitéré son appréciation selon laquelle il n’était pas en mesure, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, au règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), et à la jurisprudence, de fournir certains documents demandés, qu’il a énumérés. Le Cedefop a précisé, notamment, que « la qualité de soumissionnaire [du requérant] ne lui accord[ait] pas de droits supplémentaires conformément au règlement n° 1049/2001 ».

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2012, le requérant a introduit le présent recours.

17      Par courrier du 27 mai 2014, le Tribunal a, conformément à l’article 64, paragraphe 1, de son règlement de procédure du 2 mai 1991, adressé des mesures d’organisation de la procédure au Cedefop, auxquelles ce dernier a répondu dans le délai imparti.

18      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

19      Par courrier du 22 juillet 2014, le Tribunal a, conformément à l’article 64, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, adressé de nouvelles mesures d’organisation de la procédure au Cedefop, qui y a répondu dans le délai imparti.

20      Par ordonnance du 10 novembre 2014, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé, à la demande du requérant et après avoir entendu le Cedefop, de suspendre la procédure jusqu’au 15 mai 2015.

21      Par courriers séparés datés du 28 mai 2015, le requérant et le Cedefop ont demandé le report de l’audience, ce que le Tribunal (cinquième chambre) a accepté le 3 juin 2015.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 3 septembre 2015. Lors de l’audience, le requérant a produit des documents dont il indique qu’ils visent à établir que les déclarations sur l’honneur que le docteur S. auraient produites seraient inexactes. Le Cedefop a soulevé l’irrecevabilité de ces documents au motif qu’ils auraient été produits tardivement. Le Tribunal a versé ces documents au dossier, sans préjudice de l’examen de leur recevabilité et a décidé de laisser la procédure orale ouverte, afin que le Cedefop puisse fournir ses observations par écrit sur lesdits documents, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

23      Par lettre du 22 septembre 2015, le Cedefop a présenté des observations sur les documents mentionnés au point 22 ci-dessus.

24      Le Tribunal a ordonné la clôture de la phase orale de la procédure le 28 septembre 2015.

25      Le requérant demande, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de l’offre et la décision d’attribution du marché ;

–        annuler la décision confirmative de refus d’accès aux documents et, s’il est fait droit à cette demande, enjoindre au Cedefop de lui fournir ainsi qu’au Tribunal, conformément au principe de transparence, le texte complet de tous les documents se rapportant à la procédure litigieuse et, notamment, les offres présentées par les soumissionnaires ayant obtenu un meilleur classement que lui et les rapports individuels d’évaluation, afin que l’appréciation puisse faire l’objet d’un contrôle juridictionnel de la légalité ;

–        condamner le Cedefop à réparer le dommage qu’il a subi en conséquence du fait que son offre n’a pas été retenue ;

–        condamner le Cedefop aux dépens.

26      En réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, le requérant a partiellement retiré son deuxième chef de conclusions, pour autant que, par celui-ci, il demandait au Tribunal d’enjoindre au Cedefop de lui fournir certains documents. Il a été pris acte de ce retrait au procès-verbal d’audience.

27      Le Cedefop demande, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande d’annulation de la décision de rejet de l’offre et de la décision d’attribution du marché, comme étant irrecevables ou comme étant non fondées ;

–        rejeter la demande d’annulation de la décision confirmative de refus d’accès aux documents ainsi que la demande d’injonction visant à ce qu’il fournisse les documents dont l’accès lui a été refusé dans cette décision, comme étant irrecevables ou comme étant non fondées ;

–        rejeter la demande d’indemnité du requérant comme étant irrecevable ou comme étant non fondée ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

28      À titre liminaire, il convient de relever que, comme il ressort des trois premiers chefs de conclusions soulevés par le requérant, qui sont exposés au point 25 ci-dessus, celui-ci formule trois demandes distinctes au Tribunal. Les deux premiers chefs de conclusion visent, en substance, l’annulation, d’une part, des décisions de rejet de l’offre et d’attribution du marché et, d’autre part, de la décision confirmative de refus d’accès aux documents. Le troisième chef de conclusions constitue, en substance, une demande en réparation du préjudice que le requérant estime avoir subi en raison du comportement prétendument fautif du Cedefop.

29      S’agissant des deux premiers chefs de conclusions, force est de constater que le requérant soulève, dans le cadre de la requête, six moyens, sans indiquer toutefois spécifiquement lequel de ces deux premiers chefs de conclusions chacun des six moyens vient appuyer. Toutefois, il ressort de la substance même de ces moyens qu’ils viennent tous à l’appui du premier chef de conclusions, dans le cadre duquel il convient donc de les examiner.

 Sur le premier chef de conclusions, relatif à la demande en annulation de la décision initiale de rejet de l’offre du requérant et de la décision d’attribution du marché au docteur S.

30      À l’appui de sa demande en annulation de la décision initiale de rejet de l’offre et de la décision d’attribution du marché, le requérant soulève six moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation, du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation des faits et d’une violation des principes d’objectivité et d’impartialité. Le troisième moyen est tiré de la violation d’une condition substantielle pour l’attribution du marché, prévue par l’avis de marché. Le quatrième moyen est, quant à lui, tiré de la violation du principe de proportionnalité. Le cinquième moyen est tiré de la violation du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Le sixième moyen est tiré d’une violation du principe de transparence.

31      Le Tribunal estime opportun d’examiner les moyens soulevés par le requérant en commençant par le troisième moyen, tiré de la violation d’une condition substantielle de l’avis de marché.

32      Par son troisième moyen, le requérant fait valoir, en substance, que le Cedefop a violé une condition substantielle de l’avis de marché, prévue dans son point III.2.3, dès lors que les candidats devaient produire une preuve, d’une part, du fait qu’ils étaient autorisés à exercer la médecine dans l’un ou plusieurs des quatre domaines suivants, à savoir la médecine générale, la médecine du travail, la médecine interne ou la médecine d’urgence, et, d’autre part, qu’ils avaient exercé dans l’un de ces domaines durant huit années. Or, l’attribution du marché au docteur S., qui serait pédiatre et qui ne remplirait pas le nombre d’années d’expérience requis, violerait les conditions du marché. Par ailleurs, l’expérience du docteur S. en pédiatrie serait inadaptée pour satisfaire aux besoins couverts par le marché, à savoir la fourniture de services médicaux au personnel du Cedefop. L’attributaire aurait donc dû être exclu de l’appel d’offres au stade même de la sélection des candidats.

33      Le Cedefop s’oppose à cette argumentation.

34      Il convient de rappeler, d’abord, que, en vertu de l’article 100, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), le pouvoir adjudicateur désigne l’attributaire du marché, dans le respect des critères de sélection et d’attribution préalablement définis dans les documents d’appel à concurrence et des règles de passation des marchés.

35      Conformément à l’article 252, paragraphe 3, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »), les offres qui ne contiennent pas tous les éléments essentiels exigés dans les documents d’appels d’offres ou qui ne correspondent pas aux exigences spécifiques qui y sont fixées sont éliminées.

36      Selon la jurisprudence, le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise de décision de passer un marché sur appel d’offres. Le contrôle du Tribunal doit donc se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt du 25 octobre 2012, IDT Biologika/Commission, T‑503/10, EU:T:2012:575, point 19). Ce large pouvoir d’appréciation est reconnu aux pouvoirs adjudicateurs tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères de sélection (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2013, Kieffer Omnitec/Commission, T‑288/11, EU:T:2013:228, point 47 et jurisprudence citée).

37      À la lumière de la jurisprudence qui précède, il convient, dans un premier temps, d’examiner le critère de sélection lié aux « capacités techniques », prévu au point III.2.3 de l’avis de marché, dans un deuxième temps, d’exposer les arguments et les documents fournis par le Cedefop pour établir que ledit critère était satisfait par le docteur S. et, dans un troisième temps, d’examiner si le Cedefop a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que ce critère était satisfait.

38      En premier lieu, s’agissant de la nature du marché visé par l’avis de marché, il convient de rappeler d’abord, que, comme cela est indiqué au point 1 ci-dessus, le point II.1.1 de l’avis de marché définit le marché en cause comme « la fourniture de services médicaux au personnel du Cedefop ». S’agissant de la nature de ces services, il ressort du point 2.3 des spécifications de l’avis de marché que les tâches incombant au médecin sélectionné consisterait notamment à procéder à des :

« –      [e]xamens médicaux de pré-recrutement des futurs membres du personnel du Cedefop ;

–        [e]xamens médicaux annuels du personnel du Cedefop ;

[…]

–        [c]ampagnes préventives d’information médicale au personnel ;

–        [i]nspections des lieux de travail du personnel pour fournir des conseils de santé de médecine du travail ;

[…] »

39      Force est donc de constater que le marché en cause visait à assurer, en substance, qu’un médecin accomplisse les prestations médicales dont le Cedefop devait s’acquitter auprès de son personnel.

40      Ensuite, s’agissant des compétences recherchées chez le médecin ayant la charge d’accomplir ces prestations, il convient de relever que le critère de sélection, prévu au point III.2.3 de l’avis de marché lié aux « capacités techniques », est libellé comme suit :

« III.2.3)      capacité technique

[…]

Les documents et informations suivants doivent être présentés par le candidat pour prouver sa capacité technique et professionnelle pour exécuter le contrat proposé :

–        document d’enregistrement dans le registre professionnel pertinent, comme exigé par les lois de l’État membre où le pouvoir adjudicateur est établi,

–        preuve que le candidat est autorisé à pratiquer la médecine générale et/ou la médecine du travail et/ou la médecine interne et/ou la médecine d’urgence en Grèce (à la date d’expiration du dépôt des candidatures),

[…]

–        les qualifications universitaires et professionnelles du candidat, y inclus :

–        un curriculum vitae […]

–        copie certifiée d’un/des diplôme(s) pertinent(s) de médecine,

–        preuve que le candidat a pratiqué la médecine générale et/ou la médecine du travail et/ou la médecine interne et/ou la médecine d’urgence pendant au moins 8 années,

[…]

Exigences pour la capacité technique et professionnelle :

enregistrement dans le registre professionnel pertinent

certificat de spécialité (« certification » en langue anglaise) en tant que docteur en médecine dans l’un des [domaines] suivants :

–        la médecine générale,

–        la médecine du travail,

–        la médecine interne,

–        la médecine d’urgence, pendant au moins 8 années

une expérience professionnelle minimale de 8 années pertinentes pour les tâches décrites dans cet avis de marché

[…] »

41      Force est donc de constater que, pour être sélectionné afin d’accomplir les tâches médicales qui s’imposaient auprès du Cedefop, ce dernier demandait dans l’avis de marché à chaque candidat de fournir en particulier :

–        son inscription sur le registre pertinent de l’ordre professionnel des médecins ;

–        ses diplômes en médecine ;

–        un certificat établissant qu’il est docteur soit en médecine générale, soit du travail, soit interne, soit d’urgence ;

–        la preuve qu’il a pratiqué soit la médecine générale, soit la médecine du travail, soit la médecine interne, soit la médecine d’urgence pendant une durée de huit années au moins ;

–        un curriculum vitae établissant son expérience professionnelle.

42      En deuxième lieu, il convient d’exposer les observations et documents fournis par le Cedefop, d’abord, dans ses écritures, ensuite dans ses observations en réponse aux mesures d’organisation de la procédure que le Tribunal lui a adressées et, enfin, à l’audience, pour étayer le bien-fondé de son appréciation selon laquelle le docteur S. remplissait le critère de capacité technique prévu au point III.2.3 de l’avis de marché.

43      Premièrement, le Cedefop indique que le docteur S. a établi qu’elle était inscrite au registre professionnel des médecins en fournissant une attestation de l’ordre des médecins, datée du 3 juillet 2012.

44      Deuxièmement, le Cedefop estime que le docteur S. a établi qu’elle était autorisée à pratiquer la médecine générale en raison du fait, d’une part, qu’elle a fourni une autorisation d’exercer la profession de médecin, datée du 6 avril 1994, et, d’autre part, qu’elle a déclaré, dans un document joint à son offre et énumérant la liste des documents annexés (ci-après la « liste des annexes »), que l’autorisation d’exercer la profession de médecin suffisait pour être autorisée à pratiquer la médecine générale en Grèce.

45      Troisièmement, le Cedefop considère que le docteur S. a prouvé qu’elle disposait des titres d’études et des qualifications professionnelles requis.

46      À cet égard, le Cedefop fournit, d’abord, une photocopie certifiée de son diplôme de médecin daté du 1er avril 1994, ensuite, un curriculum vitae détaillé indiquant notamment les activités professionnelles poursuivies depuis l’obtention de l’autorisation d’exercer comme médecin, le 6 avril 1994. D’une part, le Cedefop considère que les expériences professionnelles indiquées dans le curriculum vitae du docteur S. sont toutes pertinentes pour la fourniture de services médicaux au personnel du Cedefop. D’autre part, il estime que la condition d’exercice de la médecine générale durant huit années est remplie parce qu’elle serait établie par une attestation selon laquelle le docteur S. aurait accompli son « obligation rurale » pendant 15 mois, du 17 juin 1994 au 27 septembre 1995, et par une attestation d’un directeur d’hôpital selon laquelle elle aurait exercé en service hospitalier pendant 10 mois et demi, du 28 septembre 1995 au 18 août 1996, puis par des données fiscales et une déclaration sur l’honneur du docteur S. selon laquelle elle aurait exercé dans son propre cabinet médical la médecine générale durant 7 mois, du 17 mai 2000 au 7 décembre 2000, et, enfin, par la déclaration sur l’honneur du docteur S. selon laquelle elle aurait exercé la médecine générale pendant une durée de sept ans, à compter de juin 2005 jusqu’au dépôt de l’offre.

47      Quatrièmement, le Cedefop rappelle, d’abord, que le docteur S. a fourni une déclaration sur l’honneur dans son offre, selon laquelle elle disposait des compétences professionnelles et techniques nécessaires. Ensuite, le Cedefop rappelle qu’il a été assisté dans la sélection par un expert externe, médecin, qui a confirmé que le docteur S. remplissait les conditions requises par l’avis de marché.

48      Cinquièmement, le Cedefop indique que, conformément à la jurisprudence, il dispose d’une large marge d’appréciation dans le cadre de la passation d’un marché public.

49      En troisième lieu, à la lumière des conditions requises par l’avis de marché, exposées aux points 38 à 41 ci-dessus, et des explications et documents fournis au Tribunal par le Cedefop, énumérés aux points 43 à 48 ci-dessus, il convient d’examiner si ce dernier a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que le docteur S. avait établi à suffisance de droit qu’elle satisfaisait au critère de capacité technique pour être sélectionnée.

50      À cet égard, il y a lieu de souligner que le Cedefop a précisé, tant dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal que lors de l’audience, qu’il avait estimé que le docteur S. avait établi qu’elle remplissait les conditions de capacité technique dans la mesure où elle exerçait la « médecine générale », ce que le docteur S. a fait valoir en indiquant explicitement dans la liste des annexes qu’elle était « autorisée à exercer la médecine générale » et qu’elle l’avait « exercée pendant au moins huit ans ». C’est donc au regard du seul critère d’exercice de la « médecine générale », et non de l’une ou de l’autre des trois autres spécialisations prévues dans l’avis de marché, qu’il convient de rechercher si le docteur S. satisfaisait aux conditions de diplôme et d’expérience professionnelle prévues dans l’avis de marché. Il convient également d’examiner si le Cedefop a établi, d’une part, que le docteur S. était autorisé à pratiquer la médecine générale et, d’autre part, que le docteur S. avait effectivement pratiqué la médecine générale pendant une durée de huit années.

 Sur la preuve que le docteur S. disposait du droit de pratiquer la médecine générale

51      Les parties s’opposent sur la question de savoir si le Cedefop pouvait conclure à bon droit que le docteur S. avait rapporté la preuve qu’elle disposait du droit de pratiquer la médecine générale.

52      En premier lieu, il y a lieu de constater que, d’une part, si le docteur S. a fourni au Cedefop son diplôme universitaire de médecine, daté du 1er avril 1994, ainsi qu’une autorisation d’exercer la profession de médecin, datée du 6 avril 1994, aucun de ces deux documents ne prouve, à lui seul, qu’elle est un médecin généraliste ou même qu’elle est habilitée à exercer des actes de « médecine générale ». À cet égard, il importe de relever, au contraire, que le docteur S. a fourni au Cedefop une attestation de l’ordre professionnel des médecins indiquant qu’elle était enregistrée comme médecin « pédiatre » depuis 2005 et non comme « médecin généraliste ».

53      En second lieu, pour autant que le Cedefop reconnaît que le docteur S. n’a pas suivi la spécialisation universitaire en médecine générale, mais soutient qu’elle est autorisée à exercer des actes de médecine générale comme l’y autorise la législation grecque, force est cependant de constater que le Cedefop reste en défaut d’apporter des preuves étayant ses affirmations.

54      Premièrement, il y a lieu de constater que, comme le requérant le fait valoir à juste titre, le point III.2.3 de l’avis de marché prévoit que le candidat doit disposer d’une « copie certifiée d’un/des diplôme(s) pertinent(s) de médecine », c’est-à-dire dans l’une des quatre matières prévues par l’avis de marché et d’un certificat de spécialisation dans l’un des quatre domaines qu’il vise, consistant, pour la médecine générale, en une formation complémentaire de médecine de quatre années. Or, il ressort de l’arrêt du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce) n° 4189/2012, du 20 septembre 2012, point 10 (ci-après l’« arrêt du Symvoulio tis Epikrateias du 20 septembre 2012 »), que le Cedefop a notamment fourni au Tribunal en réponse à sa mesure d’organisation de la procédure visant à établir quels diplômes étaient requis en Grèce pour exercer la médecine générale, que, au regard du droit grec, le droit, qui aurait été acquis par un médecin avant le 31 décembre 1994, d’exercer des actes de médecine générale sans suivre une telle formation complémentaire de quatre années, conduisait à l’obtention d’un « certificat ne constituant pas pour autant un titre de spécialisation en médecine générale ». Or, il ressort de la rédaction même de l’avis de marché que le candidat devait disposer d’une spécialisation en médecine soit générale, soit du travail, soit interne, soit urgentiste et pas seulement du droit d’exercer des actes de médecine générale.

55      Deuxièmement, même à supposer qu’il y ait lieu de considérer que l’avis de marché ne se limitait pas aux seuls médecins pouvant se prévaloir de la spécialisation en « médecine générale », mais incluait également ceux ayant acquis le droit d’exercer des actes de médecine générale, il y a lieu de constater que les arguments et documents avancés par le Cedefop ne permettent pas de conclure que le docteur S. remplissait les conditions prévues par la législation grecque, que le Cedefop invoque pourtant à l’appui de son argumentation.

56      En effet, il importe de relever à cet égard que, dans l’arrêt du Symvoulio tis Epikrateias du 20 septembre 2012, point 54 supra, ce dernier rappelle les développements législatifs relatifs aux diplômes requis pour exercer la médecine générale en Grèce. Tout d’abord, au point 8 dudit arrêt, il indique que, initialement, pour obtenir l’autorisation d’exercer la profession de médecin, il était nécessaire, conformément à la lecture combinée de l’article 3 du Α.Ν. 1565/1939 Peri kodikos askiseos tou iatrikou epangelmatos (décret-loi 1565/1939, relatif au code d’exercice de la profession de médecin, FΕΚ Α΄16) et de l’article 1er du Ν.D. 3366/1955 Peri askiseos tou iatrikou epangelmatos kai iatrikon eidikotiton kai allon tinon (décret législatif 3366/1955 sur l’exercice de la profession de médecin, les spécialisations médicales et autres dispositions, FΕΚ Α΄258, 20/23.09.1955), de produire, non seulement un diplôme de la faculté de médecine, mais également « un certificat de stage pratique de médecine d’un an effectué après la délivrance du diplôme dans tout hôpital général de droit public ou privé ». En vertu de l’article 4 du décret législatif 3366/1955, les titulaires de cette autorisation d’exercer la profession de médecin avaient alors le droit de pratiquer la médecine générale. Ensuite, au point 9 dudit arrêt, le Symvoulio tis Epikrateias rappelle que, selon l’article 5, paragraphe 1, du Ν.D. 4111/1960 Peri tropopoiiseos kai sympliroseos ton peri Ygeionomikon Syllogon, Iatrikon kai Paraïatrikon Epangelmaton, Asfaliseos Ygeionomikon Farmakon kai ton peri iatrikis en genei Antilipseos kai Dimosias Ygeias diataxeon (décret législatif 4111/1960 modifiant et complétant les dispositions relatives aux associations sanitaires, aux professions médicales et paramédicales, à l’assurance, aux médicaments sanitaires, et à la conception générale de la médecine et à celles relatives à la santé publique, FΕΚ 168 / 8.10.1960), la médecine générale est devenue une spécialité qui, en vertu de l’article 1er du P.D. 415/1994 Chronos eidikefsis iatron gia apoktisi eidikotitas (décret présidentiel 415/1994, relatif à la période de spécialisation des médecins pour l’acquisition de la spécialité, FΕΚ Α΄236) nécessitait l’accomplissement d’une formation complémentaire de quatre ans. Enfin, il indique, au point 9 dudit arrêt, que, conformément à la directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres (JO L 165, p. 1), seuls les médecins qui avaient acquis le droit d’exercer la médecine générale avant le 31 décembre 1994, c’est-à-dire « tous les titulaires de l’autorisation d’exercice de la profession de médecin ayant effectué, après la délivrance du diplôme de médecine, le stage pratique d’une année », même s’ils n’avaient pas reçu de formation complémentaire de quatre ans conformément au décret 415/1994, conservaient le droit d’exercer des actes de médecine générale après le 31 décembre 1994. Le Symvoulio tis Epikrateias indique également, en renvoyant à sa propre jurisprudence, que, selon l’article 36 de la directive 93/16 transposé dans la législation nationale grecque, les autorités compétentes de chaque État membre étaient tenues de fournir un certificat attestant le droit d’exercer la médecine générale aux médecins ayant acquis un tel droit avant le 31 décembre 1994.

57      Il découle donc de l’arrêt du Symvoulio tis Epikrateias du 20 septembre 2012, point 54 supra, que le Cedefop a fourni au soutien de son argumentation et que le requérant ne remet pas en cause, que seuls les médecins ayant reçu l’autorisation d’exercer la médecine avant la date butoir du 31 décembre 1994, c’est-à-dire ayant obtenu, avant cette date, d’une part, leur diplôme de médecin de la faculté de médecine et, d’autre part, un certificat attestant qu’ils avaient accompli une année de stage pratique après avoir reçu ledit diplôme, étaient en droit d’exercer la médecine générale, sans accomplir les quatre années de formation complémentaire qui sont depuis lors requises pour pouvoir se prévaloir du titre de médecin généraliste.

58      En l’espèce, il est constant que, comme il ressort de plusieurs pièces fournies par le Cedefop, le docteur S. a reçu son diplôme de médecin de la faculté de médecine le 1er avril 1994.

59      Tout d’abord, il y a lieu de constater à cet égard qu’il était donc matériellement impossible que le docteur S. ait pu accomplir, avant la date butoir du 31 décembre 1994, une année de stage pratique à la suite de l’octroi de son diplôme universitaire obtenu le 1er avril 1994, condition pourtant nécessaire pour être autorisée, conformément à la législation grecque, telle que décrite dans l’arrêt du Symvoulio tis Epikrateias du 20 septembre 2012, point 54 supra, à se prévaloir du droit d’exercer des actes de médecine générale sans avoir suivi une formation complémentaire de quatre années. À cet égard, il importe de relever que, en réponse aux questions posées par le Tribunal à ce propos lors de l’audience, le Cedefop n’a ni avancé d’arguments ni fourni de preuves que le docteur S. avait accompli une telle année de stage pratique avant le 31 décembre 1994, ni contesté qu’une telle condition d’une année de stage pratique après l’obtention du diplôme universitaire était requise selon la législation grecque applicable.

60      Ensuite, force est de constater que le Cedefop n’a pas produit le certificat, dont le docteur S. aurait dû toutefois être en possession conformément à la législation applicable, établissant qu’elle était autorisée à exercer des actes de médecine générale. En effet, comme le Cedefop le fait lui-même observer dans ses observations en réponse aux mesures d’organisation de la procédure que le Tribunal lui a adressées, et comme il ressort du point 8 de l’arrêt du Symvoulio tis Epikrateias du 20 septembre 2012, point 54 supra, les médecins ayant acquis le droit d’exercer la médecine générale avant la date butoir du 31 décembre 1994 en Grèce devaient, conformément à l’article 22 du P.D. 38/2004 Epangelma iatrou (décret présidentiel 38/2004, relatif à l’« adaptation de la législation grecque aux dispositions des directives […] qui concernent la profession de médecin », FΕΚ Α΄35/9.2.2004) « veill[er] à se voir délivrer » le certificat attestant de ce droit conformément à l’article 36 de la directive 93/16. En l’absence d’un tel document, il y a lieu de constater que le Cedefop n’était pas en possession de la « copie certifiée d’un/des diplôme(s) pertinent(s) de médecine », au sens du point III.2.3 de l’avis de marché, établissant que le docteur S. était autorisée à exercer la médecine générale.

61      À cet égard, il importe de rejeter comme non fondé l’argument soulevé par le Cedefop, en réponse aux questions orales du Tribunal, selon lequel il appartiendrait au requérant de prouver que le docteur S. ne remplissait pas les conditions spécifiques prévues par la législation grecque pour accomplir des actes de médecine générale, et non à celui-ci d’établir qu’elle les remplissait. En effet, dès lors que le requérant a établi que le docteur S. était un médecin pédiatre et ne disposait d’aucune des quatre spécialisations requises par l’avis de marché, il appartenait alors au Cedefop de rapporter la preuve que les conditions de l’avis de marché étaient toutefois remplies par le docteur S., ce qu’il a manqué de faire en l’espèce.

62      Les autres arguments du Cedefop visant à établir qu’il n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le docteur S. remplissait les conditions posées par l’avis de marché ne sauraient prospérer.

63      Tout d’abord, l’argument avancé par le Cedefop, selon lequel il ressort de la jurisprudence que le pouvoir adjudicateur bénéficie d’une large marge d’appréciation quant à l’établissement et à l’évaluation des critères de sélection doit être écarté comme étant non fondé. En effet, d’une part, le large pouvoir d’appréciation dont le Cedefop bénéficie en la matière n’implique pas que le Tribunal ne doive pas contrôler, conformément à la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, s’il n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le docteur S. satisfaisait aux conditions de l’avis de marché que le Cedefop avait lui-même arrêtées. D’autre part, pour autant que l’avis de marché visait à confier à un médecin le soin de réaliser les prestations médicales qui incombaient au Cedefop à l’égard de son personnel composé d’adultes, force est de constater que, en sélectionnant un médecin pédiatre en lieu et place d’un médecin soit généraliste, soit du travail, soit interne, soit urgentiste, le Cedefop a outrepassé la marge d’appréciation, même large, dont il disposait dans le choix d’un médecin qualifié pour répondre aux besoins en cause.

64      Ensuite, pour autant que le Cedefop fait valoir qu’il était en droit de considérer que le docteur S. disposait du droit d’exercer la médecine générale, dès lors que, d’une part, elle avait fourni une déclaration sur l’honneur à cet égard et, d’autre part, que l’expert externe, sur lequel le comité d’évaluation s’est reposé, avait considéré que cette condition était remplie, de tels arguments ne sauraient convaincre. En effet, ni les déclarations sur l’honneur du docteur S. ni l’appréciation de l’expert externe sur la base de laquelle le comité d’évaluation s’est prononcé ne permettent d’invalider les constats opérés aux points 52 à 61 ci-dessus, selon lesquels le Cedefop n’était pas en possession des autorisations et des diplômes pourtant requis dans l’avis de marché afin d’établir le droit du docteur S. à pratiquer la médecine générale.

65      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le requérant a établi à suffisance de droit que le Cedefop avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le docteur S. avait rapporté la preuve qu’elle satisfaisait aux conditions de capacité technique prévues par l’avis de marché. C’est donc à titre surabondant que le Tribunal examinera si, même à supposer qu’il doive être considéré que le docteur S. était autorisé à exercer la médecine générale, le requérant a établi à suffisance de droit que le docteur S. ne satisfaisait pas non plus à la condition d’exercice de la médecine générale pendant huit années.

 Sur la preuve que le docteur S. a pratiqué la médecine générale pendant huit années

66      Les parties s’opposent sur la question de savoir si le Cedefop pouvait conclure à bon droit que le docteur S. avait pratiqué la médecine générale pendant huit années.

67      Il convient de relever que le Cedefop soutient, sur la base de la liste des annexes fournies par le docteur S. dans son offre, de son curriculum vitae ainsi que de ses deux déclarations sur l’honneur, qu’elle remplit cette condition dans la mesure où elle a accompli :

–        quinze mois de pratique de la médecine générale en milieu hospitalier rural entre juin 1994 et septembre 1995 ;

–        neuf mois de pratique de la pathologie interne entre septembre 1995 et mai 1996 ;

–        deux ans et sept mois de spécialisation en médecine interne entre octobre 1996 et mai 1999 ;

–        sept mois de pratique de la médecine interne dans son propre cabinet entre mai et décembre 2000 ;

–        plus de sept ans de pratique de la médecine générale dans son propre cabinet entre juin 2005 et le dépôt de sa candidature à la procédure de passation en 2012.

68      Force est de constater d’emblée que les trois documents mentionnés au point 67 ci-dessus, à savoir la liste des annexes fournies par le docteur S., son curriculum vitae et ses deux déclarations sur l’honneur, qui ont tous été établis par le docteur S. afin de prouver qu’elle avait exercé la médecine générale pendant les huit années requises par l’avis de marché, sont toutefois contredits par d’autres documents qu’elle a également fournis au Cedefop.

69      En effet, premièrement s’agissant de la période de plus de sept années de pratique de la médecine générale dans son propre cabinet entre juin 2005 et le dépôt de sa candidature à la procédure de passation en 2012, sans laquelle le docteur S. ne pourrait pas remplir la condition de huit années d’expérience professionnelle en médecine générale, il convient de constater que la déclaration sur l’honneur fournie par le docteur. S., la liste des annexes et son curriculum vitae, dans lesquels elle indique avoir exercé la médecine générale ou des actes de médecine générale, depuis 2005, dans le cadre de son propre cabinet médical, ne sont étayés par aucun des autres documents qu’elle a fournis au Cedefop et qui montrent, comme c’est le cas par exemple du certificat du registre de l’ordre des médecins qu’elle a également fourni au Cedefop, qu’elle était enregistrée auprès de la préfecture en tant que médecin spécialisé en pédiatrie depuis 2005.

70      À cet égard, il y a lieu de constater que, même à supposer que, comme l’a soutenu le Cedefop à l’audience, la pratique d’une spécialisation telle que la pédiatrie ne serait pas exclusive de la pratique de la médecine générale, d’une part, il n’en demeure pas moins que le droit éventuel à pratiquer simultanément ces deux disciplines n’infirme pas la constatation selon laquelle le docteur S. n’a fourni au Cedefop qu’un certificat établissant qu’elle était enregistrée auprès de l’ordre professionnel des médecins durant sept années comme exerçant la seule médecine pédiatrique et non la médecine générale. Dès lors, le certificat que le docteur S. a fourni et qui établit que, depuis 2005, elle exerce la médecine en tant que médecin pédiatre ne permet pas d’étayer le fait qu’elle aurait été médecin généraliste.

71      D’autre part et en toute hypothèse, force est de constater que, dans la mesure où le Cedefop indique que la médecine générale et la médecine pédiatrique peuvent être exercées simultanément, une telle affirmation ne permet pas toutefois de prouver que le docteur S. a, pendant les sept années où elle était enregistrée comme pédiatre, exercé effectivement soit la médecine générale, soit la médecine urgentiste, soit la médecine interne, soit la médecine du travail, à titre exclusif, comme cela découle du point III.2.3 de l’avis de marché, cité au point 40 ci-dessus.

72      En effet, il importe de relever à cet égard que, dans ses déclarations sur l’honneur, le docteur S. n’indique nullement avoir pratiqué simultanément la médecine générale et la médecine pédiatrique.

73      Deuxièmement, s’agissant de la période de neuf mois de pratique de la pathologie interne, entre septembre 1995 et mai 1996, et de la période de deux ans et sept mois de spécialisation en médecine interne, entre octobre 1996 et mai 1999, il convient de relever que le curriculum vitae du docteur S. qualifie ces périodes de « spécialisation », sans toutefois préciser s’il s’agit de spécialisation en « médecine générale » ou dans un autre domaine. En effet, dans ces documents, le docteur S. se contente de formuler des indications telles que « suivi des patients » ou « gardes », qui sont toutefois insuffisantes pour établir que le docteur S. a exercé la médecine générale.

74      À la lumière des deux constatations exposées aux points 67 à 73 ci-dessus, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient le Cedefop, il ne ressort pas des documents fournis par le docteur S. qu’elle remplissait la condition d’exercice de la médecine générale pendant huit années au moins. Le troisième moyen du requérant doit, en conséquence, être accueilli.

75      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision de rejet de l’offre et la décision d’attribution du marché dans la mesure où le Cedefop a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que le docteur S. satisfaisait au critère de capacité technique prévu au point III.2.3 de l’avis de marché.

76      Dans ces conditions, d’une part, il n’est pas besoin de se prononcer sur l’irrecevabilité que le Cedefop a soulevée au sujet des documents que le requérant a déposés lors de l’audience et qui viseraient, selon ce dernier, à établir que les déclarations sur l’honneur du docteur S. seraient inexactes (voir point 22 ci-dessus). En effet, ces documents ne sont pas nécessaires, en l’espèce, à l’appréciation formulée par le Tribunal et, en tout état de cause, leur irrecevabilité éventuelle ne permet pas d’infirmer la conclusion selon laquelle le Cedefop n’a pas établi que le docteur S. remplissait le critère de capacité technique prévu par l’avis de marché. D’autre part, il découle de la conclusion selon laquelle la décision de rejet de l’offre du requérant et de l’attribution du marché au docteur S. doit être annulée sur la base du troisième moyen soulevé par le requérant que l’examen des cinq autres moyens qu’il soulève au soutien de son premier chef de conclusions n’est pas nécessaire. Il n’y a donc pas lieu d’examiner ces cinq autres moyens.

 Sur le deuxième chef de conclusions, relatif à la demande en annulation de la décision confirmative de refus d’accès aux documents

77      Le requérant soutient, dans un titre consacré à son deuxième chef de conclusions dans la réplique, qu’il ressort du contenu de ses écritures qu’il y a lieu d’annuler la décision confirmative de refus d’accès aux documents. Selon lui, le refus de communiquer le texte complet de tous les documents se rapportant à la procédure litigieuse, dont, en particulier, le contenu des offres présentées par les soumissionnaires ayant obtenu un meilleur classement que lui et les rapports d’évaluation, « constitue notamment une violation du principe de transparence et, par conséquent, un défaut [dans la] motivation requise par l’article 296 TFUE, ne permettant pas le contrôle juridictionnel de la légalité de l’appréciation en cause ».

78      Dans la réplique, le requérant précise que, d’une part, le refus de divulguer des éléments se rapportant à l’activité professionnelle d’un individu et soumis au pouvoir adjudicateur dans le cadre d’un appel d’offres, tels que les éléments se rapportant à l’activité professionnelle de l’attributaire, ne saurait être justifié par le seul recours à la notion d’intérêts protégés et ne porterait pas atteinte à sa vie privée. D’autre part, le Cedefop n’aurait pas rapporté la preuve que les documents concernés par la demande d’accès relevaient effectivement des exceptions mentionnées à l’article 4, paragraphe 1, sous b), paragraphe 2, et paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001. La législation de l’Union européenne ne s’appliquerait qu’aux données à caractère personnel qui ne sont pas de nature professionnelle, comme cela ressortirait de l’avis du contrôleur européen de la protection des données du 7 janvier 2009.

79      Le Cedefop conteste cette argumentation. D’une part, il soulève l’irrecevabilité du deuxième chef de conclusions, dans la mesure où, dans la requête, le requérant n’a soulevé aucun moyen concernant l’interprétation et l’application prétendument erronée des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel. D’autre part, le Cedefop soutient qu’il était en droit de refuser l’accès aux documents demandés.

80      Premièrement, il convient de rappeler que, comme il a été indiqué au point 29 ci-dessus, dans la requête, le requérant n’identifie aucun des six moyens qu’il soulève comme visant à étayer spécifiquement ses premier et deuxième chef de conclusions, de sorte qu’il ne ressort pas formellement de la requête que l’un ou plusieurs des six moyens soulevés viendraient à l’appui du deuxième chef de conclusions.

81      Deuxièmement, force est de relever que la seule argumentation que le requérant développe dans le cadre de la requête et qui a trait, en substance, au rejet de sa demande visant à ce que certains documents lui soient transmis touche à l’obligation de motivation de la décision de rejet de son offre, mais non à celle de la décision confirmative de refus d’accès aux documents. En effet, le requérant se limite à faire valoir à cet égard que la décision de rejet de l’offre n’a pas été suffisamment motivée, parce que, en l’absence de communication des informations demandées, il n’était pas en mesure de comparer « les caractéristiques et les avantages de l’offre de la soumissionnaire retenue ». Le requérant invoque explicitement une violation des dispositions du règlement financier à cet égard.

82      En revanche, force est de constater que le requérant ne soulève aucune violation spécifique des dispositions du règlement n° 1049/2001 dans la requête et aucun argument visant à infirmer l’appréciation du Cedefop, dans la décision confirmative de refus d’accès aux documents, selon laquelle certaines exceptions prévues par le règlement n° 1049/2001 seraient applicables en l’espèce. En effet, les seuls arguments que le requérant développe pour étayer son deuxième chef de conclusions, selon lequel la décision confirmative de refus d’accès aux documents doit être annulée, sont soulevés pour la première fois dans la procédure, au stade de la réplique. Ils doivent donc être rejetés comme étant irrecevables, car soulevés tardivement, conformément à l’article 48 du règlement de procédure du 2 mai 1991. Dans ces conditions, ces arguments ne peuvent pas être pris en considération pour constater que le deuxième chef de conclusions était suffisamment étayé dans la requête.

83      Troisièmement, même à supposer que, comme le requérant l’a fait valoir dans la réplique et à l’audience, le sixième moyen soulevé dans la requête devrait être considéré comme venant à l’appui du deuxième chef de conclusions, il y a lieu de constater que, dans le cadre dudit moyen tel que soulevé dans la requête, le requérant soutient explicitement, outre le fait qu’il invoque un défaut de motivation de la décision de rejet de l’offre, que, « par conséquent, [s]a demande d’annulation [présentée au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001] de la décision du 19 novembre 2012 […] doit être considérée comme fondée ».

84      Or, il importe de souligner à cet égard que, selon la jurisprudence, seule la décision répondant à la demande confirmative, et non celle répondant à la demande initiale, est susceptible de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts des requérants et, partant, de faire l’objet d’un recours en annulation (voir arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, Rec, EU:T:2013:38, point 36 et jurisprudence citée). Il en découle que, en l’espèce, seule la décision répondant à la demande confirmative de refus d’accès aux documents, à savoir la lettre du Cedefop du 28 novembre 2012, et non la décision initiale du Cedefop du 8 novembre 2012, pouvait faire l’objet d’un recours en annulation.

85      Dans ces conditions, force est de constater que, comme le fait valoir le Cedefop, le requérant n’a étayé son deuxième chef de conclusions par aucun moyen ou argument spécifique tendant à remettre en cause la décision confirmative de refus d’accès aux documents, qui, seule, pouvait faire l’objet d’un recours en annulation, conformément à la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus.

86      Partant, le deuxième chef de conclusions doit être rejeté, conformément à l’article 44 du règlement de procédure du 2 mai 1991, comme étant irrecevable.

 Sur le troisième chef de conclusions du requérant, relatif à une demande en indemnité

87      Le requérant demande réparation, dans la partie intitulée « Objet du litige » de la requête, pour le dommage qu’il a subi « en raison du préjudice porté à sa renommée et à sa crédibilité » ainsi qu’en raison de la « perte de la chance de se voir attribuer le marché litigieux », d’une part, pour une somme égale au moins à 100 000 euros, correspondant au nombre d’heures et au tarif proposés par le Cedefop dans son offre, et, d’autre part, à 100 000 euros « à titre d’indemnité pour le manque à gagner […], correspondant aux bénéfices bruts qu’il aurait réalisés dans le cadre du marché public litigieux si son offre avait été retenue ». Dans la partie intitulée « Demande » de la requête et dans la partie intitulée « Conclusions » de la réplique, le requérant demande au Tribunal de condamner le Cedefop à lui verser « 100 000 euros au titre de l’indemnisation de la perte d’une chance et de l’atteinte portée à sa réputation et à sa crédibilité [et,] à défaut, au titre de l’indemnisation du manque à gagner, soit un montant correspondant aux bénéfices bruts qu’il aurait perçus dans le cadre de la procédure litigieuse […] si son offre avait été retenue ».

88      Le requérant précise, dans le corps de la requête, qu’il ressort de sa demande en indemnité que les trois conditions nécessaires pour que la responsabilité du Cedefop soit engagée, conformément aux articles 268 TFUE et 340 TFUE, sont remplies. Selon lui, le rejet fautif de son offre et l’attribution illégale du marché au docteur S., qui ont été établis dans le cadre de l’examen de sa demande en annulation, lui ont causé une perte de revenus de 100 000 euros. Il souligne qu’il n’a pu démontrer qu’il aurait été classé en première position, car le Cedefop a refusé de lui fournir quelque élément que ce soit établissant les raisons pour lesquelles un autre soumissionnaire avait été classé en deuxième position. Toutefois, ses diplômes et son expérience tendraient à montrer qu’il est certain que le marché aurait dû lui être attribué.

89      Le Cedefop s’oppose à cette argumentation. En premier lieu, il soulève l’irrecevabilité de la demande en indemnité du requérant. En second lieu, il estime que les trois conditions requises pour que la responsabilité de l’Union soit engagée ne sont pas remplies en l’espèce.

90      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne le caractère illégal du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice allégué. En outre, il convient de rappeler que, dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de ladite responsabilité (arrêt du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec, EU:C:1999:498, point 65). Il n’existe aucune obligation d’examiner les conditions de la responsabilité d’une institution dans un ordre déterminé (voir arrêt du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, Rec, EU:C:2010:147, point 42 et jurisprudence citée).

91      S’agissant, en particulier, de la condition relative à la réalité du dommage, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si le requérant a effectivement subi un préjudice « réel et certain ». Il incombe au requérant d’apporter des éléments de preuve au juge de l’Union afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (voir arrêt du 8 novembre 2011, Idromacchine e.a./Commission T‑88/09, Rec, EU:T:2011:641, point 25 et jurisprudence citée).

92      À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort de la requête que, d’une part, le requérant considère que le comportement fautif du Cedefop résulte, en substance, du fait que ce dernier a rejeté son offre et attribué le marché au docteur S., en violation des dispositions et principes invoqués dans le cadre de ses demandes en annulation. D’autre part, le requérant invoque quatre préjudices distincts, à savoir le préjudice porté à sa renommée et à sa crédibilité, la perte de chance de se voir attribuer le marché litigieux et un manque à gagner résultant du fait que le marché ne lui pas été attribué.

93      En l’espèce, il est opportun d’examiner à titre préalable la seconde condition d’engagement de la responsabilité exposée au point 91 ci-dessus, à savoir celle visant à déterminer si le requérant a établi la réalité des préjudices qu’il invoque.

94      En premier lieu, s’agissant des prétendus préjudices subis par le requérant, résultant d’atteintes, d’une part, à sa réputation et, d’autre part, à sa crédibilité, il y a lieu de relever, d’abord, que la requête ne contient aucune explication ou preuve permettant d’établir l’existence de telles atteintes, que le requérant se contente donc d’invoquer sans toutefois les étayer. Ensuite, il importe de souligner que le rejet d’une offre soumise dans le cadre d’un appel d’offres et l’attribution d’un marché à un autre candidat que le requérant sont, à eux seuls, insuffisants pour établir que, compte tenu des circonstances de l’espèce, la réputation ou la crédibilité du requérant auraient été atteintes.

95      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la demande en indemnité du requérant pour des prétendues atteintes, d’une part, à sa réputation et, d’autre part, à sa crédibilité doit être rejetée.

96      En second lieu, s’agissant des prétendus préjudices subis par le requérant résultant, d’une part, d’une perte de chance de se voir attribuer le marché et, d’autre part, d’un manque à gagner, il convient de rappeler que la perte de chance de se voir attribuer un marché ne constitue un préjudice réel et certain que dans l’hypothèse où, en l’absence du comportement fautif de l’institution, il ne ferait pas de doute que le requérant aurait obtenu l’attribution dudit marché (voir, en ce sens, ordonnance du 22 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑409/09, Rec, EU:T:2011:299, point 85 et jurisprudence citée).

97      En l’espèce, il est constant que l’offre du requérant n’a été classée qu’en troisième position. Dès lors, même à supposer qu’il soit considéré que le Cedefop aurait été dans l’obligation de signer le contrat-cadre à l’issue de l’appel d’offres, il n’en demeurerait pas moins que le requérant n’a pas établi en l’espèce que le marché lui aurait été attribué et, partant, qu’il aurait subi de ce fait un manque à gagner.

98      Les deux arguments du requérant selon lesquels, d’une part, le Cedefop ne lui a fourni aucune information sur l’offre classée en deuxième position et, d’autre part, la qualité de son expérience professionnelle et de ses diplômes plaident en faveur de la constatation selon laquelle le marché aurait dû lui être attribué doivent être rejetés comme étant non fondés.

99      En effet, premièrement, force est de rappeler que, comme il a été constaté dans le cadre de l’examen du deuxième chef de conclusions (voir point 85 ci-dessus), le requérant n’est pas parvenu à établir en l’espèce que le Cedefop était dans l’obligation de lui fournir d’autres informations que celles qui lui avaient été données, notamment concernant l’offre classée en deuxième position. Deuxièmement, et en toute hypothèse, il convient de relever que, selon la jurisprudence, le règlement financier et les modalités d’exécution ne comportent aucune disposition imposant expressément au pouvoir adjudicateur qui a procédé à un appel d’offres de mener à son terme une procédure d’attribution d’un marché. En effet, il ressort, en particulier, de l’article 101 du règlement financier et de l’article 149, paragraphe 1, des modalités d’exécution, d’une part, que le pouvoir adjudicateur peut, jusqu’à la signature du contrat, soit renoncer au marché, soit annuler la procédure de passation du marché, sans que les candidats ou les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation, et, d’autre part, que cette décision doit être motivée et portée à la connaissance des candidats ou des soumissionnaires dans les meilleurs délais (voir ordonnance du 2 juin 2009, AVLUX/Parlement, T‑524/08, EU:T:2009:167, point 23 et jurisprudence citée). Par ailleurs, il importe de souligner que, en l’espèce, la faculté du Cedefop soit de renoncer au marché soit d’annuler la procédure de passation du marché est rappelée au point 11 de l’invitation à soumissionner, de sorte que, même si l’offre du requérant avait été la meilleure, il n’était pas certain de se voir attribuer le marché.

100    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas établi qu’il avait subi un préjudice réel et certain, au sens de la jurisprudence citée au point 90 ci-dessus.

101    Partant, le troisième chef de conclusions doit être rejeté comme étant non fondé.

102    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours doit être partiellement accueilli, pour autant qu’il y a lieu d’annuler la décision de rejet de l’offre et la décision d’attribution du marché, et qu’il doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

103    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

104    En l’espèce, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que le Cedefop supportera ses propres dépens et un tiers des dépens du requérant, et, partant, que le requérant supportera deux tiers de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) du 8 octobre 2012 rejetant l’offre soumise par M. Panteleïmon Zafeiropoulos dans le cadre d’un avis de marché du 19 juin 2012, concernant la fourniture de services médicaux au personnel du Cedefop à Thessalonique (Grèce), et la décision du Cedefop du 9 octobre 2012 attribuant le marché défini dans ledit avis de marché à un autre soumissionnaire que M. Zafeiropoulos sont annulées.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Cedefop supportera ses propres dépens et un tiers des dépens de M. Zafeiropoulos.

4)      M. Zafeiropoulos supportera deux tiers de ses propres dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 janvier 2016.

Signatures


* Langue de procédure : le grec.