Language of document : ECLI:EU:T:2015:877

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

24 novembre 2015 (*)

« Pourvoi – Pourvoi incident – Fonction publique – Agent contractuel – Décision de non-renouvellement – Devoir de sollicitude – Violation de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut – Obligation de motivation – Dénaturation du dossier »

Dans l’affaire T‑670/13 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 23 octobre 2013, D’Agostino/Commission (F‑93/12, RecFP, EU:F:2013:155), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Commission européenne, représentée initialement par MM. J. Currall et G. Gattinara, puis par M. Gattinara, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Luigi D’Agostino, ancien agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par MM.-A. Lucas, avocat,

partie demanderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, S. Papasavvas et G. Berardis, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 23 octobre 2013, D’Agostino/Commission (F‑93/12, RecFP, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2013:155), par lequel le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision de non-renouvellement du contrat de M. Luigi D’Agostino en date du 1er décembre 2011.

 Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 4 à 19 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« 4      Le requérant a été engagé en qualité d’agent contractuel relevant du groupe de fonctions III auprès de la Commission, au sein de l’Office ‘Infrastructures et logistique’ à Luxembourg (OIL ou ci-après l’‘Office’), en vertu d’un contrat d’agent contractuel conclu sur le fondement de l’article 3 bis du RAA, signé le 26 novembre 2008, prenant effet le 16 janvier 2009 et se terminant le 15 janvier 2010. Son contrat a été renouvelé, par un avenant en date du 1er décembre 2009, jusqu’au 15 janvier 2012.

5      À la suite d’une réorganisation administrative, intervenue en décembre 2009, le requérant a été affecté à compter du 1er janvier 2010 au sein de la section ‘Contrats immobiliers’ du secteur ‘Appels d’offres et contrats’ de l’unité ‘Finances-Achats-Contrats’ (ci-après l’‘OIL.6’ ou l’‘unité six de l’OIL’ ou l’‘unité six de l’Office’), unité qui succédait à l’ancienne unité six de l’Office auprès de laquelle le requérant avait été affecté à son arrivée. Il occupait alors un poste d’assistant légal en procédures immobilières et d’appels d’offres.

6      S’estimant victime de faits de harcèlement et de discrimination de la part de son chef d’unité, le requérant a saisi en mai 2011 le médecin-conseil et a informé le comité du personnel de sa situation. La directrice de l’OIL a alors décidé d’ouvrir au personnel une ‘boîte à suggestions’ en vue de recueillir des témoignages anonymes sur le fonctionnement de l’unité en question et sa gestion par son chef. Après avoir analysé les contributions et conformément au procès-verbal du comité local du personnel du 5 juillet 2011, la direction de l’OIL a ‘reconn[u] le problème’ puisqu’elle a souhaité mettre en place une formation de coaching pour le chef d’unité.

7      À compter du 1er septembre 2011, le requérant a été muté au sein de l’unité ‘Maintenance et gestion des installations’ de l’OIL (ci-après l’‘OIL.3’ ou l’‘unité trois de l’OIL’ ou l’‘unité trois de l’Office’) et a occupé un poste d’‘assistant de coordination administrative’. Il était chargé notamment de rédiger un premier projet pour chaque avenant aux contrats de service nécessaires à l’ouverture d’un cinquième bâtiment à l’usage du centre polyvalent de l’enfance, infrastructure sociale dont dispose l’Union (ci-après le ‘CPE V’).

8      Par une note datée du 1er décembre 2011, le chef de l’unité ‘Personnel-Communication-Services de sécurité’ de l’OIL (ci-après l’‘unité deux de l’OIL’ ou l’‘unité deux de l’Office’) a informé le requérant que son contrat venait à échéance le 15 janvier 2012 et que les formalités de sortie lui seraient communiquées (ci-après la ‘décision de non-renouvellement du contrat’ ou la ‘décision attaquée’).

9      Entre-temps, la procédure d’évaluation du requérant pour l’année 2010 avait été mise en œuvre. La version du rapport d’évaluation, tel que rédigée par l’évaluateur, à savoir le chef de l’unité six de l’Office, a été validée par la directrice de l’OIL le 31 août 2011.

10      Le requérant a fait appel de son rapport d’évaluation le 6 septembre 2011 devant le comité paritaire d’évaluation et de reclassement (ci-après le ‘CPER’). Le CPER a recommandé de réviser l’évaluation qualitative et d’attribuer un point supplémentaire de reclassement.

11      Le rapport d’évaluation définitif pour l’année 2010 a été arrêté par l’évaluateur d’appel le 25 novembre 2011 (ci-après le ‘premier rapport d’évaluation pour 2010’) qui a confirmé le rapport initial mais a accepté, conformément à l’avis du CPER, d’attribuer un point de reclassement supplémentaire au requérant, le nombre de points de reclassement passant ainsi de trois à quatre.

12      En début d’année 2012, le requérant a contesté la décision de non-renouvellement du contrat ainsi que son premier rapport d’évaluation pour 2010.

13      Le 13 janvier 2012, le requérant a adressé à la directrice de l’OIL une première réclamation dirigée contre la décision du 1er décembre 2011 et a demandé le renouvellement de son contrat. La directrice de l’OIL lui a répondu par un courrier daté du 6 février 2012 par lequel elle lui a confirmé que son contrat avait expiré le 15 janvier précédent. Elle a indiqué, en substance, que le non-renouvellement du contrat était justifié par la disparition des besoins qui avaient présidé à son affectation au sein de l’unité trois de l’Office. Certaines des tâches précédemment exercées par le requérant auraient été redéployées et prises en charge par des fonctionnaires, les autres auraient été supprimées et le temps ainsi libéré alloué à d’autres activités techniques, liées à la maintenance des immeubles.

14      Le 27 février 2012, le requérant a introduit auprès de la directrice de l’OIL une deuxième réclamation, formellement présentée sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, mais cette fois-ci dirigée contre le premier rapport d’évaluation pour 2010. La directrice de l’OIL a transmis cette réclamation à la direction des affaires juridiques de la direction générale (DG) ‘Ressources humaines et Sécurité’ de la Commission, où elle a été enregistrée le 28 février suivant. La direction des affaires juridiques a répondu à cette réclamation par une note en date du 4 juin 2012 par laquelle elle a décidé de renvoyer le premier rapport d’évaluation pour 2010 au service compétent pour révision, ‘compte tenu de l’absence d’objectifs pour la période de référence sans que cette circonstance [ait été] dûment prise en compte’. Par cette note, cette même direction a en outre demandé au service compétent de reprendre la procédure au stade du dialogue avec l’évaluateur.

15      Le 1er mars 2012, le requérant a finalement introduit auprès de la directrice de l’OIL une troisième réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dirigée à la fois contre la décision du 1er décembre 2011 de non-renouvellement de son contrat et contre le premier rapport d’évaluation pour 2010. La directrice de l’OIL a informé le requérant qu’elle transmettait également cette réclamation à la direction des affaires juridiques de la DG ‘Ressources humaines et Sécurité’ de la Commission. N’ayant reçu aucune réponse à sa nouvelle réclamation, le requérant, par l’intermédiaire de son conseil, a envoyé à la direction des affaires juridiques un courriel le 2 juillet 2012, auquel il lui a été répondu le lendemain, également par courriel, que la direction des affaires juridiques ‘ne reviendr[ait] pas’ sur la décision de rejet de sa réclamation du 13 janvier 2012 prise par la directrice de l’OIL le 6 février 2012.

16      À la suite de la note du 4 juin 2012, mentionnée au point 14 du présent arrêt, décidant de la réouverture de la procédure d’évaluation à l’égard du requérant au titre de l’année 2010, un nouvel entretien d’évaluation devait se tenir le 3 août 2012. Le requérant, contestant les modalités de son organisation, ne s’y est toutefois pas rendu. Le chef de l’unité deux de l’OIL l’a alors informé que la procédure de révision de son évaluation allait néanmoins se poursuivre, sans lui, conformément aux dispositions prévues par les dispositions générales d’exécution adoptées par la Commission concernant l’exercice d’évaluation et de reclassement des agents contractuels. Un nouveau rapport d’évaluation pour 2010 a été établi par l’évaluateur le 20 septembre 2012 (soit après l’introduction du présent recours) et communiqué au requérant par courrier daté du 25 septembre 2012 (ci-après le ‘second rapport d’évaluation pour 2010’). Le requérant n’a pas accepté ce second rapport d’évaluation pour 2010 et le CPER a été de nouveau saisi.

17      Le 4 juin 2012, le requérant a été recruté par le Parlement européen en tant qu’agent contractuel auxiliaire, pour une durée d’un an, du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013. »

3        Les conclusions de M. D’Agostino figurent au point 18 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« 18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        avant dire droit, ordonner si nécessaire l’audition en tant que témoins de Mme X, chef du secteur deux de l’unité six de l’OIL, à propos de l’entretien qu’il a eu, en présence de celle-ci, le 29 avril 2011, avec son ancien chef d’unité, et de M. Y, chef de l’unité deux de l’OIL, à propos du contenu de leur entretien du 19 août 2011 ;

–        annuler la décision de non-renouvellement du contrat, et en tant que de besoin, la décision confirmative prise par la directrice de l’OIL, en date du 6 février 2012 ;

–         condamner la Commission à l’indemniser du préjudice de carrière qu’il a subi du 15 janvier 2012 au 30 juin 2012, période durant laquelle il est resté privé d’emploi ;

–        ordonner le renouvellement pour une durée indéterminée du contrat qui le liait à l’OIL à compter de la date d’expiration de son contrat actuel conclu avec le Parlement, et sinon, à titre subsidiaire, condamner la Commission à l’indemniser du préjudice de carrière qu’il subirait à compter de cette même date pour ne pouvoir bénéficier d’un renouvellement de son contrat pour une durée indéterminée ;

–        condamner la Commission à l’indemniser du préjudice moral subi en raison du non-renouvellement de son contrat à l’OIL en lui versant une somme de 5 000 euros ;

–        condamner la Commission à l’indemniser du préjudice moral subi en raison de l’illégalité de son ‘rapport d’évaluation pour 2010’ en lui versant une somme de 5 000 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens. »

4        La Commission a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique de rejeter tant le recours en annulation que les conclusions indemnitaires comme étant irrecevables ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondés et de condamner M. D’Agostino aux dépens.

5        Le Tribunal de la fonction publique a fait droit à la demande de M. D’Agostino d’annuler la décision de non-renouvellement de son contrat en date du 1er décembre 2011 en constatant la méconnaissance de la part de la Commission de son devoir de sollicitude. En effet, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, au titre dudit devoir, il incombait à l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») d’examiner, en particulier, s’il n’existait pas, au sein de l’ensemble des services de l’Office « Infrastructures et logistique » (OIL), un poste d’agent contractuel, au sens de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), autre que celui que M. D’Agostino occupait au sein de l’unité « Maintenance et gestion des installations » de l’OIL (ci-après l’« OIL.3 »), sur lequel le contrat de celui-ci aurait pu, dans l’intérêt du service, être valablement renouvelé pour répondre aux besoins de l’OIL, et correspondant aux tâches administratives et techniques relevant du groupe de fonctions III.

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

6        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2013, la Commission a formé le présent pourvoi, sur le fondement de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour. Dans le pourvoi, la Commission a demandé la suspension de la procédure jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire T‑368/12 P, Commission/Macchia.

7        Après avoir entendu M. D’Agostino, conformément à l’article 77, sous d), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, le président de la chambre des pourvois a, par ordonnance du 26 février 2014, suspendu la procédure dans le présent pourvoi jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑368/12 P, Commission/Macchia.

8        La procédure dans le présent pourvoi a été reprise à la suite du prononcé de l’arrêt du 21 mai 2014, Commission/Macchia (T‑368/12 P, RecFP, EU:T:2014:266).

9        Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a adopté une mesure d’organisation de la procédure, conformément à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991. Par ladite mesure, le Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt Commission/Macchia, point 8 supra (EU:T:2014:266).

10      Le 18 juin 2014, la Commission a présenté ses observations.

11      Le 4 août 2014, M. D’Agostino a déposé un mémoire en réponse, dans lequel il a également formé un pourvoi incident contre l’arrêt attaqué, et ses observations sur la demande du Tribunal.

12      Le 20 août 2014, la Commission a demandé un deuxième tour de mémoires. Le président de la chambre des pourvois a fait droit à cette demande.

13      Le 15 octobre 2014, la Commission a déposé la réplique et le mémoire en réponse au pourvoi incident.

14      Le 1er décembre 2014, M. D’Agostino a déposé la duplique.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué ;

–        en conséquence, rejeter le recours en première instance ;

–        condamner chaque partie à supporter ses propres dépens ;

–        condamner M. D’Agostino aux dépens de la procédure en première instance.

16      M. D’Agostino conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        faire droit à son pourvoi incident et, en conséquence, annuler partiellement l’arrêt attaqué et donner une suite favorable aux conclusions qu’il a présentées en première instance ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      Par lettre du 2 février 2015, M. D’Agostino a formulé une demande motivée, au titre de l’article 146 du règlement de procédure du 2 mai 1991, aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure. Le Tribunal a fait droit à la demande de M. D’Agostino et a ouvert la phase orale de la procédure.

 En droit

 Sur le pourvoi principal

18      À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une erreur matérielle, d’une dénaturation des faits et d’une violation de l’article 47, sous b), ii), et de l’article 119 du RAA, le deuxième, de plusieurs erreurs de droit commises dans la définition des rapports entre devoir de sollicitude et intérêt du service dans la décision de renouvellement d’un contrat d’agent contractuel et, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur matérielle, d’une dénaturation des faits et d’une violation de l’article 47, sous b), ii), et de l’article 119 du RAA

19      Le premier moyen comporte deux branches. Par la première branche dudit moyen, la Commission soutient que l’article 47, sous b), ii), et l’article 119 du RAA prévoient que toute demande d’un agent visant au renouvellement de son contrat doit être présentée au moins un mois avant l’expiration de celui-ci. La Commission affirme à cet égard que M. D’Agostino n’a jamais présenté une telle demande. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit en jugeant au point 57 de l’arrêt attaqué que M. D’Agostino avait sollicité le renouvellement de son contrat.

20      Par la seconde branche du premier moyen, la Commission fait valoir que, en appliquant le critère de légalité tel que défini au point 57 de l’arrêt attaqué, axé sur le fait que M. D’Agostino avait sollicité le renouvellement de son contrat, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les éléments de preuve en sa possession, qui démontreraient le contraire de ce qu’il a présumé. En effet, selon la Commission, il ressort des points 61 et 62 de la requête en première instance que M. D’Agostino était inscrit en tant que demandeur d’emploi auprès de l’agence pour le développement de l’emploi du ministère du Travail et de l’Emploi luxembourgeois. Ce comportement de M. D’Agostino serait incompatible avec l’affirmation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle ce dernier aurait sollicité le renouvellement de son contrat. En outre, les rapports tendus avec son ancien chef d’unité rendraient également difficile la possibilité d’imaginer l’intérêt pour M. D’Agostino de poursuivre son travail au sein de l’OIL.

21      M. D’Agostino conteste les arguments de la Commission.

22      S’agissant de la première branche du premier moyen, il suffit de constater que, contrairement à ce que la Commission fait valoir, l’article 47, sous b), ii), du RAA, applicable aux agents contractuels par le biais de l’article 119 du RAA, n’impose pas l’obligation à un agent de présenter une demande de renouvellement de son contrat au moins un mois avant l’expiration de celui-ci. En effet, ledit article établit les règles relatives à la fin d’un tel engagement, sans toutefois imposer un délai aux agents contractuels pour présenter leur demande de renouvellement. En outre, la Commission ne peut pas véritablement soutenir que, au point 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en jugeant que M. D’Agostino avait présenté une telle demande. En effet, il ressort du dossier que, dans sa réclamation introduite contre la note du 1er décembre 2011, M. D’Agostino a demandé le renouvellement de son contrat.

23      À la lumière de ces considérations, la seconde branche du premier moyen, qui est tirée du fait que le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit au point 57 de l’arrêt attaqué, n’est pas fondée. En effet, il ressort du point 22 ci-dessus que le Tribunal de la fonction publique a, à bon droit, jugé, au point 57 de l’arrêt attaqué, que M. D’Agostino avait demandé le renouvellement de son contrat. En outre et en tout état de cause, les arguments de la Commission ne pourraient pas prospérer. Le fait que M. D’Agostino, d’une part, se soit inscrit en tant que demandeur d’emploi auprès de l’agence pour le développement de l’emploi du ministère du Travail et de l’Emploi luxembourgeois et, d’autre part, ait eu des rapports tendus avec son ancien chef d’unité n’est pas susceptible, en soi, de prouver que son comportement était incompatible avec l’affirmation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle il aurait sollicité le renouvellement de son contrat.

24      Partant, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de plusieurs erreurs de droit commises dans la définition des rapports entre devoir de sollicitude et intérêt du service dans la décision de renouvellement d’un contrat d’agent contractuel

25      Le deuxième moyen comporte trois branches. Par la première branche, la Commission fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 3 bis du RAA. Par la deuxième branche, la Commission soutient que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit dans la définition des rapports entre l’intérêt du service et le principe de légalité. Par la troisième branche, la Commission reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir violé les limites de son contrôle juridictionnel et pris une décision ultra vires.

26      S’agissant de la première branche du deuxième moyen, tirée d’une erreur de droit commise dans l’interprétation de l’article 3 bis du RAA, premièrement, la Commission fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a méconnu son devoir de sollicitude en imposant à l’administration une obligation qui n’était pas prévue par ledit article, à savoir celle de rechercher au préalable s’il n’existait pas un poste sur lequel un agent contractuel pouvait être utilement renouvelé dans l’intérêt du service. En effet, selon elle, dans les arrêts du 4 décembre 2013, ETF/Schuerings (T‑107/11 P, RecFP, EU:T:2013:624), et ETF/Michel (T‑108/11 P, RecFP, EU:T:2013:625), le Tribunal a jugé que cette obligation n’existait pas. Deuxièmement, la Commission affirme que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en appliquant par analogie aux agents contractuels l’obligation imposée par lui à propos des agents temporaires dans l’arrêt du 13 juin 2012, Macchia/Commission (F‑63/11, RecFP, EU:F:2012:83). En effet, la Commission soutient que cette analogie n’est pas possible en raison de la nette distinction entre la situation des agents contractuels et celle des agents temporaires. Troisièmement, la Commission fait valoir que le fait de faire dépendre la légalité d’une décision de non-renouvellement d’un contrat de l’examen préalable de la possibilité de réaffectation de l’agent au sein de tous les services de l’administration crée une situation de priorité pour les agents contractuels qui n’a aucun fondement en droit, ainsi que le Tribunal l’a jugé dans les arrêts ETF/Schuerings, précité (EU:T:2013:624, point 87), et ETF/Michel, précité (EU:T:2013:625, point 88).

27      Par ses observations, déposées à la suite de la mesure d’organisation de la procédure concernant les effets sur le présent pourvoi de l’arrêt Commission/Macchia, point 8 supra (EU:T:2014:266), la Commission a précisé sa position en faisant valoir, notamment, que ledit arrêt venait pleinement au soutien de ce moyen. La Commission relève que, dans cet arrêt, le Tribunal a établi que, premièrement, le devoir de sollicitude n’impose pas à l’administration l’obligation préalable de vérifier la possibilité de redéployer l’agent, deuxièmement, l’intérêt de l’agent doit être mis en balance avec celui de l’administration et ne doit pas primer sur ce dernier et, troisièmement, le juge doit respecter les limites de ses compétences, en ne se substituant pas à l’administration, mais en se limitant à vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir.

28      M. D’Agostino fait valoir que, contrairement à ce que la Commission soutient, les arrêts ETF/Schuering, point 26 supra (EU:T:2013:624), ETF/Michel, point 26 supra (EU:T:2013:625), et Commission/Macchia, point 8 supra (EU:T:2014:266), n’ont pas exclu l’existence d’une obligation pour l’administration de vérifier la possibilité de redéployer un agent temporaire sur un autre poste. En effet, ce que le Tribunal aurait censuré est le fait que le Tribunal de la fonction publique avait considéré, de manière générale et abstraite, que le devoir de sollicitude imposait à l’administration ladite obligation, avant même de mettre en balance l’intérêt du service et celui de l’agent concerné. En revanche, selon M. D’Agostino, lesdits arrêts admettent que le devoir de sollicitude peut imposer à l’administration de rechercher au préalable une possibilité de réaffectation, à condition que cette possibilité soit prise en considération à la suite de la pondération de l’intérêt du service et de celui de l’agent. En tout état de cause, en réponse à la question posée par le Tribunal sur l’impact sur le présent pourvoi de l’arrêt Commission/Macchia, point 8 supra (EU:T:2014:266), M. D’Agostino fait valoir que l’arrêt attaqué ne contient pas de considérations comparables à celles censurées dans ce dernier. En effet, selon M. D’Agostino, il ressort des points 57 et 63 de l’arrêt attaqué que l’obligation pour l’administration de vérifier la possibilité de renouveler son engagement trouverait son fondement dans un motif différent. À cet égard, M. D’Agostino affirme que le Tribunal de la fonction publique a, à bon droit, fondé l’obligation de l’administration de vérifier la possibilité de renouveler son contrat au sein de tous les services de l’OIL sur le fait qu’il avait été réaffecté dans son dernier service sur la base d’une mesure visant à prévenir sa santé et sa sécurité, étant présumé victime de harcèlement moral. Ainsi, l’administration ne pouvant pas ignorer qu’elle l’avait réaffecté dans un service dont les besoins répondant à son profil étaient amenés à disparaître quatre mois plus tard, cette dernière aurait été dans l’obligation d’être d’autant plus attentive dans l’examen des possibilités de renouvellement de son contrat dans tous les services de l’OIL.

29      Deuxièmement, M. D’Agostino soutient que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, selon laquelle l’obligation d’examiner la possibilité de redéployer un agent n’est pas prévue par le RAA, ladite obligation trouve son fondement dans l’article 12 bis, paragraphe 2, et l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). En effet, selon M. D’Agostino, il existe un lien entre les indices de harcèlement évoqués et les motifs de la décision de non-renouvellement, puisque c’est en raison de ces indices qu’il a été réaffecté et à cause de cette réaffectation qu’il n’a pas été renouvelé.

30      Troisièmement, M. D’Agostino conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle il y aurait une différence entre les agents temporaires et les agents contractuels, faisant valoir, en revanche, que la situation des agents contractuels visés à l’article 3 bis du RAA est étroitement comparable à celle des agents temporaires visés à l’article 2, sous a), du RAA, ainsi qu’il résulte de l’article 8, premier alinéa, et de l’article 85, paragraphe 1, du RAA.

31      Quatrièmement, M. D’Agostino soutient que l’argument de la Commission selon lequel faire dépendre la légalité d’une décision de non-renouvellement d’un examen de la possibilité de réaffectation de l’agent sur des tâches au sein de tous les services, en créant en faveur de l’intéressé un droit de priorité, serait contraire à la jurisprudence issue des arrêts ETF/Schuering, point 26 supra (EU:T:2013:624), ETF/Michel, point 26 supra (EU:T:2013:625), et Commission/Macchia, point 8 supra (EU:T:2014:266), est inopérant. En effet, M. D’Agostino affirme que lesdits arrêts n’excluent pas que le devoir de sollicitude impose à l’administration de rechercher au préalable la possibilité de redéployer un agent, mais admettent que cette recherche peut avoir lieu après que la pondération entre les intérêts du service et de l’agent a été concrètement réalisée.

32      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la possibilité de renouveler un contrat d’agent temporaire est une simple possibilité laissée à l’appréciation de l’autorité compétente, les institutions disposant d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services, en fonction des missions qui leur sont dévolues, et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à condition que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service (arrêt du 15 octobre 2008, Potamianos/Commission, T‑160/04, RecFP, EU:T:2008:438, point 30). En outre, l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné. Cela résulte, en effet, du devoir de sollicitude de l’administration, qui reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut et, par analogie, le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents (voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec, EU:C:1994:273, point 38, et du 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T‑13/95, RecFP, EU:T:1996:50, point 52). En tout état de cause, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dévolu aux institutions dans ce contexte, le contrôle du juge est limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, Rec, EU:T:2009:313, point 162 et jurisprudence citée).

33      Ainsi, à la lumière de cette jurisprudence, le Tribunal a jugé que le RAA n’imposait à l’administration l’obligation préalable d’examiner la possibilité de redéployer un agent temporaire ni dans l’hypothèse de résiliation d’un contrat à durée indéterminée (arrêts ETF/Schuerings, point 26 supra, EU:T:2013:624, point 98 et ETF/Michel, point 26 supra, EU:T:2013:625, point 99) ni dans le cas de non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée (arrêt Commission/Macchia, point 8 supra, EU:T:2014:266, point 57).

34      Or, le raisonnement développé pour les agents recrutés conformément à l’article 2 du RAA, à savoir les agents temporaires, est transposable, a fortiori, à ceux engagés dans le cadre de l’article 3 bis du RAA. En effet, si l’administration n’a pas l’obligation préalable d’examiner la possibilité de redéployer les agents temporaires engagés en vue d’occuper un emploi compris dans le tableau des effectifs, il ne peut pas en être autrement à l’égard des agents contractuels, qui ne sont pas affectés à un emploi prévu dans ledit tableau. En revanche, même pour cette catégorie d’agents, bien qu’ils n’occupent pas un emploi compris dans ce tableau, l’administration est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné.

35      En l’espèce, il ressort des points 56 à 65 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision de non-renouvellement de M. D’Agostino sur la base de la violation par l’administration de son devoir de sollicitude.

36      Au point 56 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rappelé que le devoir de sollicitude impliquait que l’administration prît en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision. Ensuite, en se fondant sur l’arrêt Macchia/Commission, point 26 supra (EU:F:2012:83), le Tribunal de la fonction publique a jugé que, même s’il n’appartenait pas au juge de contrôler le choix de la politique du personnel qu’entendait suivre une institution pour mener à bien les missions qui lui étaient dévolues, il pouvait valablement, lorsqu’il était saisi d’une demande d’annulation d’une décision de non-renouvellement de contrat d’un agent contractuel, vérifier si les motifs retenus par l’administration n’étaient pas de nature à remettre en cause les critères et les conditions de base fixés par le législateur dans le statut et le RAA et visant notamment à garantir au personnel contractuel la possibilité de bénéficier, le cas échéant, à terme, d’une certaine continuité d’emploi. Au point 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a, par la suite, jugé que le devoir de sollicitude, qui imposait à l’AHCC de procéder à un examen effectif, complet et circonstancié de la situation d’un agent quand il sollicitait le renouvellement de son contrat, ne saurait se limiter à l’examen de l’intérêt de cet agent à voir son contrat renouvelé uniquement au sein de la dernière unité où il avait été employé, dans la mesure où il y avait été employé à la suite d’une mesure de réaffectation adoptée dans le cadre de la procédure prévue par la décision de la Commission du 26 avril 2006 relative à la politique en matière de protection de la dignité de la personne et de la lutte contre le harcèlement moral et le harcèlement sexuel à la Commission, qui visait à protéger, à titre préventif, la santé et la sécurité de l’agent présumé être victime de harcèlement moral ou sexuel. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique a établi, au point 58 de l’arrêt attaqué, sur la base du point 54 de l’arrêt Macchia/Commission, point 26 supra (EU:F:2012:83), qu’il incombait à l’AHCC d’examiner la possibilité de redéployer M. D’Agostino dans l’ensemble des services de l’OIL. En effet, au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, si l’AHCC avait examiné la possibilité de maintenir M. D’Agostino à son poste, elle n’avait pas envisagé la possibilité de renouveler l’engagement de ce dernier sur un autre poste. En outre, au point 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a reproché à la Commission de s’être prévalue du fait que l’AHCC aurait dû justifier d’un intérêt particulièrement important pour renouveler le contrat du requérant au motif que le renouvellement aurait impliqué la transformation dudit contrat en contrat à durée déterminée. En conséquence, selon le Tribunal de la fonction publique, l’institution a commis une erreur de droit en faisant dépendre l’intérêt du service à renouveler le contrat d’un agent, non de ses besoins, mais des obligations statutaires. Partant, au point 65 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a conclu que la Commission avait méconnu son devoir de sollicitude.

37      S’agissant de la première branche du deuxième moyen, il convient de constater que, dans l’arrêt attaqué, la prémisse du raisonnement du Tribunal de la fonction publique se fonde sur l’arrêt Macchia/Commission, point 26 supra (EU:F:2012:83). Ainsi, il en découle que les circonstances particulières de l’espèce ont été examinées à la lumière de l’obligation imposée à l’administration par cet arrêt de rechercher au préalable si un agent pouvait être redéployé dans un autre service avant de décider de ne pas renouveler son contrat. En effet, il ressort clairement du point 58 de l’arrêt attaqué que, sur la base de la notion de devoir de sollicitude établie au point 54 de l’arrêt Macchia/Commission, point 26 supra (EU:F:2012:83), le Tribunal de la fonction publique a jugé que l’administration était tenue au préalable d’examiner si M. D’Agostino pouvait être redéployé dans l’ensemble des services. En outre, il ressort également du même point 58 que le Tribunal de la fonction publique a retenu que le devoir de sollicitude ne saurait, spécialement dans les circonstances de l’espèce, se limiter à l’examen de l’intérêt de M. D’Agostino à voir son contrat renouvelé uniquement au sein du service où il avait été réaffecté.

38      Or, il suffit de constater que le Tribunal a, dans l’arrêt Commission/Macchia, point 8 supra (EU:T:2014:266), annulé l’arrêt Macchia/Commission, point 26 supra (EU:F:2012:83). En effet, comme cela a été rappelé au point 33 ci-dessus, le Tribunal a jugé que le devoir de sollicitude n’imposait pas à l’administration l’obligation préalable d’examiner la possibilité de redéployer un agent temporaire engagé dans le cadre de l’article 2, sous a), du RAA, en cas de non-renouvellement de son contrat à durée déterminée. En revanche, le Tribunal a confirmé que l’administration était tenue, lorsqu’elle statuait à propos de la situation d’un tel agent temporaire, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui étaient susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné. Cette jurisprudence étant transposable aux décisions de non-renouvellement des agents contractuels engagés dans le cadre de l’article 3 bis du RAA, comme cela a été relevé au point 34 ci-dessus, il y a lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique a fait une application erronée du devoir de sollicitude.

39      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de M. D’Agostino selon lequel les arrêts ETF/Schuerings, point 26 supra (EU:T:2013:624), ETF/Michel, point 26 supra (EU:T:2013:625) et Commission/Macchia, point 8 supra (EU:T:2014:266), n’auraient pas exclu l’existence d’une obligation pour l’administration de vérifier la possibilité de redéployer un agent temporaire sur un autre poste. En effet, M. D’Agostino soutient que le Tribunal a censuré le fait que le Tribunal de la fonction publique avait considéré, de manière générale et abstraite, que le devoir de sollicitude imposait à l’administration ladite obligation, avant même de mettre en balance l’intérêt du service et celui de l’agent concerné. En revanche, selon M. D’Agostino, lesdits arrêts admettent que le devoir de sollicitude peut imposer à l’administration de rechercher une possibilité de réaffectation, à condition que cette possibilité soit prise en considération à la suite de la pondération de l’intérêt du service et de celui de cet agent. Toutefois, l’argument de M. D’Agostino n’est pas fondé. En effet, par ces trois arrêts, le Tribunal n’a aucunement admis que, à la suite de la pondération des intérêts du service et de l’agent, existât une obligation, pour l’administration, de rechercher si ce dernier aurait pu être redéployé dans l’ensemble de ses services. En revanche, le Tribunal s’est borné à rappeler que la seule obligation qui s’imposait à l’administration était précisément celle de prendre en considération l’ensemble des éléments qui étaient susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné.

40      S’agissant de l’argument soulevé par M. D’Agostino selon lequel l’obligation de rechercher au préalable la possibilité de redéployer un agent trouverait son fondement dans les articles 12 bis et 24 du statut, il y a lieu de l’examiner dans le cadre du premier moyen du pourvoi incident.

41      En outre, dans ses écritures, M. D’Agostino, en réponse à la question posée par le Tribunal sur les effets de l’arrêt Commission/Macchia, point 8 supra (EU:T:2014:266), a fait valoir que, dans l’arrêt attaqué, l’obligation de rechercher au préalable une possibilité de redéploiement trouvait son fondement dans les circonstances particulières de l’espèce et non dans l’arrêt Macchia/Commission, point 26 supra (EU:F:2012:83). M. D’Agostino soutient, en substance, que le Tribunal de la fonction publique a fondé l’obligation pour l’administration d’examiner la possibilité de le redéployer dans un autre service sur le fait que, d’une part, il avait été réaffecté au sein de l’OIL.3 dans le cadre d’une mesure visant à protéger à titre préventif un agent présumé être victime de harcèlement moral et, d’autre part, l’administration ne pouvait pas ignorer que, au sein de ce service, les besoins répondant à son profil étaient amenés à disparaitre quatre mois plus tard. Ainsi, en faisant référence à la jurisprudence constante selon laquelle, dès lors que l’un des motifs retenus par le Tribunal de la fonction publique est suffisant pour justifier le dispositif de son arrêt, les vices dont pourrait être entaché un autre motif sont, en tout état de cause, sans influence sur ledit dispositif, de sorte que le moyen qui les invoque est inopérant et doit être rejeté (arrêt du 15 mai 2012, Nijs/Cour des comptes, T‑184/11 P, RecFP, EU:T:2012:236, point 24), M. D’Agostino conclut, en substance, que l’arrêt Commission/Macchia, point 8 supra (EU:T:2014:266), n’a aucun impact sur le présent pourvoi.

42      Contrairement à ce que M. D’Agostino soutient, les circonstances de l’espèce ne peuvent pas être considérées comme étant un motif autonome détachable du devoir de sollicitude. En effet, il y a lieu de constater que, comme il ressort des points 56 et 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a examiné lesdites circonstances à la lumière de la prémisse erronée selon laquelle l’administration devait chercher au préalable à redéployer M. D’Agostino. Notamment, s’agissant du point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique, après avoir fait référence au devoir de sollicitude et aux circonstances de l’espèce, a renvoyé au point 54 de l’arrêt Macchia/Commission, point 26 supra (EU:F:2012:83). Le motif tiré des circonstances de l’espèce ne peut donc pas être valablement séparé du principe établi dans l’arrêt Macchia/Commission, point 26 supra (EU:F:2012:83).

43      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la première branche du deuxième moyen et, partant, ledit moyen, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres branches de celui-ci.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

44      Par son troisième moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a violé l’obligation de motivation à plusieurs égards dans des points décisifs de l’arrêt attaqué. S’agissant du point 59 de l’arrêt attaqué, la Commission affirme que c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a conclu que, jusqu’à l’audience, elle ne s’était jamais fondée sur les insuffisances professionnelles de M. D’Agostino dans l’appréciation qu’elle avait faite de l’intérêt du service à ne pas renouveler son contrat. En effet, il ressortirait déjà du mémoire en duplique en première instance que la Commission aurait reproché à M. D’Agostino une gestion anormale de son temps de travail. En outre, selon elle, au point 57 de l’arrêt attaqué, c’est également en violation de l’obligation de motivation que le Tribunal de la fonction publique a considéré que l’examen de la légalité d’une décision de non-renouvellement devait se faire à l’aune du devoir de sollicitude, spécialement lorsque la dernière affectation résultait d’une décision prise pour éviter la détérioration des rapports personnels au sein de l’ancienne unité où M. D’Agostino avait été affecté précédemment. En effet, la Commission prétend que, si la nouvelle réaffectation a été décidée dans un souci de sollicitude envers M. D’Agostino, elle l’a été également dans l’intérêt du service, qui impose à l’AHCC de maintenir la sérénité du service.

45      M. D’Agostino conteste les arguments de la Commission.

46      S’agissant de l’argument selon lequel, au point 59 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique aurait, à tort, conclu que, jusqu’à l’audience, la Commission ne s’était jamais fondée sur les insuffisances professionnelles de M. D’Agostino dans l’appréciation qu’elle avait faite de l’intérêt du service à ne pas renouveler son contrat, il y a lieu de constater que, dans le mémoire en réplique en première instance, M. D’Agostino a soutenu que la rigueur particulière dans le contrôle de la gestion de son temps de travail par son chef d’unité était l’expression du harcèlement dont il aurait été victime. Au point 51 du mémoire en duplique en première instance, la Commission a répondu à cet argument, en expliquant que ladite rigueur était justifiée par le fait que, par rapport à ses collègues, M. D’Agostino avait une gestion anormale de son temps de travail. Ainsi, la référence à la gestion anormale du temps de travail n’a pas été évoquée par la Commission dans le cadre de l’appréciation de l’intérêt du service, mais afin de démontrer que la rigueur particulière à laquelle il était soumis n’était pas une expression de harcèlement moral. Il en découle que la Commission ne peut pas véritablement reprocher au Tribunal de la fonction publique d’avoir violé l’obligation de motivation en jugeant que, jusqu’à l’audience, elle n’avait pas fondé son appréciation de l’intérêt du service à renouveler le contrat de M. D’Agostino sur les insuffisances professionnelles de ce dernier.

47      Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel le Tribunal de la fonction publique aurait violé l’obligation de motivation en considérant que l’examen de la légalité d’une décision de non-renouvellement devait se faire à l’aune du devoir de sollicitude, spécialement lorsque la dernière affectation résultait d’une décision prise pour éviter la détérioration des rapports personnels existant au sein de l’ancienne unité, dès lors que le Tribunal fait droit au deuxième moyen de la Commission en jugeant que le Tribunal de la fonction publique a fait une application erronée du devoir de sollicitude afin d’apprécier la légalité de la décision de non-renouvellement de M. D’Agostino, en se fondant en prémisse de son raisonnement sur l’arrêt Macchia/Commission, point 26 supra (EU:F:2012:83), il n’est pas nécessaire, dans le cadre du présent pourvoi, en tout état de cause, d’examiner cette argumentation, que celle-ci ait trait à la régularité formelle des motifs retenus par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué ou vise à la remise en cause du bien-fondé de ceux-ci. À cet égard et au demeurant, dès lors que le Tribunal précise, aux points 42 et 43 ci-dessus, que les circonstances de l’espèce ne peuvent pas être séparées de la prémisse erronée qui fonde le raisonnement du Tribunal de la fonction publique, il n’appartient pas au juge du pourvoi de réaliser un examen de ces circonstances, qui implique une nouvelle appréciation des faits. 

48      Ainsi, le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

49      À la lumière de ces considérations, l’arrêt attaqué est annulé pour autant que le Tribunal de la fonction publique a fait une application erronée du devoir de sollicitude.

 Sur le pourvoi incident

50      À l’appui de son pourvoi incident, M. D’Agostino invoque trois moyens, tirés, premièrement, d’une erreur de droit commise par le Tribunal de la fonction publique dans l’interprétation de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut, deuxièmement, d’une violation par le Tribunal de la fonction publique de la charge de la preuve et d’un défaut de motivation dans l’examen du moyen tiré de la violation de l’article 12 bis du statut et de l’erreur manifeste d’appréciation et, troisièmement, d’une dénaturation des comptes rendus des réunions internes tenues les 11 janvier et 10 février 2012, dont M. D’Agostino s’est prévalu pendant l’audience.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal de la fonction publique dans l’interprétation de l’article 12 bis du statut

51      Par ce moyen, M. D’Agostino soutient que le Tribunal de la fonction publique a non seulement omis de statuer sur la première branche du deuxième moyen, mais également, en substance, dénaturé ladite branche. En effet, M. D’Agostino fait valoir que le Tribunal de la fonction publique, en établissant, au point 52 de l’arrêt attaqué, que l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut ne saurait avoir pour effet d’empêcher de mettre fin au contrat d’un agent, pour un motif lié à l’intérêt du service et étranger à tout fait de harcèlement, n’a pas répondu à ses arguments, étant donné que le motif du non-renouvellement n’était pas étranger au harcèlement qu’il avait dénoncé. En outre, M. D’Agostino, en reprochant au Tribunal de la fonction publique d’avoir restreint, au point 53 de l’arrêt attaqué, la portée de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut, fait valoir, en substance, que ce dernier a commis une erreur en jugeant qu’il n’avait pas allégué que la décision de non-renouvellement avait été prise au motif qu’il avait dénoncé des faits de harcèlement. À cet égard, M. D’Agostino cite l’arrêt du 24 février 2010, Menghi/ENISA (F‑2/09, RecFP, EU:F:2010:12), dans lequel, au point 69, le Tribunal de la fonction publique a établi qu’il est seulement requis, pour qu’une décision faisant grief intervenant dans un contexte de harcèlement soit illégale, qu’un lien apparaisse entre ce harcèlement et les motifs de cette décision. Ainsi, M. D’Agostino fait valoir que, en appliquant cette jurisprudence en l’espèce, le Tribunal de la fonction publique aurait dû interpréter de manière large le lien existant entre sa plainte pour harcèlement ainsi que les indices avancés en ce sens et la décision de non-renouvellement.

52      La Commission soutient que le moyen est irrecevable, dans la mesure où M. D’Agostino se borne à réitérer les deuxième et troisième moyens de la requête en première instance. En tout état de cause, elle considère le moyen comme étant non fondé.

53      S’agissant de la question de la recevabilité, il suffit de constater que, contrairement à ce que la Commission fait valoir, M. D’Agostino, dans son pourvoi incident, ne se borne pas à réitérer deux moyens de première instance, mais conteste des erreurs de droit commises par le Tribunal de la fonction publique, qui sont en tant que telles soumises au contrôle du juge du pourvoi.

54      En ce qui concerne le fond du moyen, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, s’il est vrai que, selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union n’est pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués par une partie (arrêts du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, Rec, EU:C:2008:549, point 87, et du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, Rec, EU:C:2009:459, point 135), dans le cas où il s’abstient, cette omission peut impliquer une violation de l’obligation de motivation, qui découle de l’article 36 du statut de la Cour, applicable au Tribunal de la fonction publique en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, RecFP, EU:T:2013:413, points 93 et 94).

55      En outre, il y a lieu également de rappeler que le juge de première instance est le seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans les cas où l’inexactitude matérielle de ces constatations résulterait des pièces du dossier qui lui sont soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits, sous réserve de la dénaturation des éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2014, Brune/Commission, T‑269/13 P, RecFP, EU:T:2014:424, point 71 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, il convient de constater que, aux points 144 et 145 de la requête en première instance, M. D’Agostino a fait valoir ce qui suit :

« À supposer que l’affectation du requérant au sein d’OIL.03 ait dépendu du poste qu’il y occupait et que ce poste n’ait plus été justifié, la Direction de l’OIL ne pouvait donc, sans violation de l’article 12 bis § 2 ainsi que de l’article 24 du statut et du point 6.2.3 de la décision du 26 avril 2003, décider pour ce motif de ne pas renouveler son engagement, puisque un préjudice de carrière lui était ainsi occasionné par une mesure prise sur [la] base à tout le moins d’indices de harcèlement et donc, indirectement, en raison de ces indices de harcèlement, et ce en violation du but de cette mesure qui était de le protéger et lui permettre de se reconstruire […] La Direction de l’OIL aurait donc dû réaffecter le requérant à un autre poste ou à d’autres fonctions et, faute de l’avoir fait ou du moins faute d’avoir même examiné cette possibilité, la décision de non-réengagement doit être annulée. »

57      Or, il ressort du point 52 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a jugé ce qui suit :

« [E]n vertu des dispositions de l’article 12 bis du statut, qui prohibent toute forme de harcèlement moral et sont rendues applicables aux agents contractuels par l’article 87 du RAA, ces derniers ne peuvent subir aucun préjudice de l’institution qui les emploie quand ils sont victimes d’un tel harcèlement. Toutefois, ces dispositions visent seulement à protéger l’agent de tout harcèlement moral. Elles ne sauraient donc avoir pour effet d’empêcher l’institution de mettre fin, pour un motif légitime lié à l’intérêt du service et étranger à tout fait de harcèlement, à une relation contractuelle au seul motif qu’une telle décision de ne pas poursuivre la relation de travail serait susceptible de préjudicier, notamment financièrement ou d’un point de vue psychologique, à l’intérêt de l’agent. »

58      En outre, il ressort du point 53 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a jugé ce qui suit :

« En deuxième lieu, si, en vertu de l’article 12 bis du statut, l’agent contractuel qui aurait fourni des preuves de harcèlement moral ne doit subir aucun préjudice de son institution, il convient d’observer que le requérant n’allègue pas, en tout état de cause, que la décision de non-renouvellement du contrat, laquelle préjudicie effectivement à sa situation professionnelle, aurait été prise au motif qu’il aurait dénoncé les faits de harcèlement dont il s’estimait victime. »

59      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans la requête en première instance, M. D’Agostino ne conteste pas que l’administration peut mettre fin à une relation contractuelle, pour un motif légitime lié à l’intérêt du service et étranger à tout fait de harcèlement, au seul motif que la décision serait susceptible de préjudicier à l’intérêt de l’agent. En effet, M. D’Agostino a contesté le fait que le motif indiqué par l’administration, à savoir la disparition de ses tâches au sein de l’unité où il avait été réaffecté dans le cadre d’une mesure urgente pour un prétendu harcèlement qu’il aurait subi, ne pouvait pas être considéré comme étranger à sa plainte de harcèlement et aux indices avancés. Ainsi, M. D’Agostino a soutenu que, en adoptant la décision de non-renouvellement sur le fondement de ce motif, l’administration a violé l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut, dans la mesure où ledit article établit qu’un agent qui a fourni des preuves de harcèlement ne peut subir aucun préjudice de la part de l’administration. En effet, le motif du non-renouvellement, à savoir la disparition de son emploi, en soi légitime et opposable à un agent dans le cadre d’une décision de non-renouvellement, ne serait pas étranger aux faits de harcèlement dénoncés.

60      S’agissant de l’argument selon lequel, au point 52 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique aurait omis de répondre à M. D’Agostino, il y a lieu de constater que, à la lumière des considérations développées au point précédent, sans préjudice de la solution qui sera apportée à la question, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit. En effet, il a fondé son raisonnement sur le fait que l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut n’empêchait pas l’administration de mettre fin, pour un motif légitime et étranger à tout fait de harcèlement, à une relation contractuelle, alors que M. D’Agostino a contesté le fait que, en l’espèce, le motif de la décision de non-renouvellement n’était pas étranger au harcèlement qu’il prétendait avoir subi.

61      S’agissant de l’argument tiré, en substance, de la dénaturation de la requête en première instance, il y a lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé ladite requête. En effet, à nouveau, sans préjudice de la solution qui sera apportée à la question au fond, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que le Tribunal de la fonction publique a jugé au point 53 de l’arrêt attaqué, à savoir que M. D’Agostino n’avait pas allégué que la décision de non-renouvellement du contrat « aurait été prise au motif qu’il aurait dénoncé les faits d’harcèlement dont il aurait été victime », il ressort de la requête que M. D’Agostino a conclu que le motif justifiant la décision de non-renouvellement était lié à sa réaffectation et que, ainsi, indirectement, ledit motif aurait violé l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut.

62      Enfin, il y a lieu de relever que, dans la mesure où M. D’Agostino se réfère à sa plainte pour harcèlement et aux indices avancés et non à un harcèlement démontré, la jurisprudence issue de l’arrêt Menghi/ENISA, point 51 supra (EU:F:2010:12), qui se fonde sur la constatation d’un harcèlement démontré, ne peut pas trouver application en l’espèce.

63      À la lumière de ces considérations, il y a lieu d’accueillir le premier moyen du pourvoi incident et d’annuler l’arrêt attaqué pour autant que le Tribunal de la fonction publique a non seulement omis de statuer sur la première branche du deuxième moyen, mais a, également, dénaturé ladite branche.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation commise par le Tribunal de la fonction publique des règles de la charge de la preuve et d’un défaut de motivation dans l’examen du moyen tiré de la violation de l’article 12 bis du statut et de l’erreur manifeste d’appréciation

64      Par son deuxième moyen, M. D’Agostino soutient que le Tribunal de la fonction publique a violé les règles relatives à la charge de la preuve en jugeant qu’il n’avait apporté aucun élément de nature à établir que le motif réel de la décision de non-renouvellement se fondait sur son rapport d’évaluation pour 2010. En substance, M. D’Agostino fait valoir que le Tribunal de la fonction publique aurait dû conclure que la décision de non-renouvellement se fondait sur ce rapport. Ce rapport étant, selon lui, discriminatoire et participant du harcèlement moral, le Tribunal de la fonction publique aurait alors dû en tirer les conséquences sur la validité de la décision de non-renouvellement. En outre, M. D’Agostino fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les éléments de preuve du dossier en jugeant ne pas pouvoir tenir compte des motifs tirés de son insuffisance professionnelle soulevés lors de l’audience par la Commission, ces motifs ayant été invoqués tardivement et sans qu’ils trouvent appui dans le dossier. D’une part, les allégations de la Commission à l’audience démontreraient manifestement que les insuffisances professionnelles ont été le fondement de la décision de l’administration. D’autre part, M. D’Agostino soutient que l’existence d’échanges oraux au sujet de son renouvellement entre le chef d’unité qui l’aurait harcelé et la direction de l’OIL ressort de l’annexe 1 du mémoire en duplique en première instance. Selon M. D’Agostino, ces échanges oraux démontrent que, en jugeant que ses résultats professionnels n’étaient pas étayés par des pièces du dossier, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé ledit dossier en considérant comme tardives les allégations de la Commission présentées lors de l’audience.

65      La Commission conteste l’argumentation de M. D’Agostino.

66      Les arguments de M. D’Agostino ne peuvent pas prospérer. S’agissant de la prétendue violation des règles concernant la charge de la preuve, M. D’Agostino se fonde sur une interprétation erronée desdites règles, dans la mesure où il incombe à la partie qui fait valoir qu’une décision est en réalité fondée sur des motifs autres que ceux indiqués par l’administration de prouver que tel est le cas (voir, en ce sens, ordonnance du 13 janvier 2014, Lebedef/Commission, T‑116/13 P et T‑117/13 P, RecFP, EU:T:2014:21, point 41). Ainsi, c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a constaté que la décision de non-renouvellement se fondait sur la disparition des besoins de l’OIL.3 et que M. D’Agostino n’a apporté aucun argument de nature à conclure que la ladite décision était fondée sur le rapport d’évaluation pour 2010.

67      S’agissant de l’argument tiré du fait que le Tribunal de la fonction publique aurait dénaturé le dossier en jugeant comme étant tardifs les motifs soulevés lors de l’audience par la Commission, il y a lieu de relever ce qui suit. M. D’Agostino affirme que les échanges oraux évoqués dans l’annexe 1 du mémoire en duplique en première instance démontrent que la décision de non-renouvellement a été adoptée en raison de ses insuffisances professionnelles et que, partant, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le dossier. Toutefois, contrairement à ce qu’il fait valoir, s’il ressort dudit document qu’il y a eu des échanges oraux au sujet de son renouvellement entre la direction de l’OIL et le chef d’unité qui l’aurait harcelé, il s’avère que le contenu desdits échangés n’est pas étayé. Ainsi, M. D’Agostino n’ayant pas prouvé que ces échanges oraux concernaient ses insuffisances professionnelles, il y a lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique n’a pas dénaturé le dossier en jugeant les allégations de la Commission comme étant tardives. Partant, la dénaturation des pièces du dossier n’ayant pas été prouvée, c’est sans commettre d’erreur de droit, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation et en se considérant suffisamment éclairé, que le Tribunal de la fonction publique a considéré les motifs soulevés lors de l’audience par la Commission comme tardifs.

68      En outre, il y a lieu de relever que l’argument de M. D’Agostino se fonde sur une prémisse erronée. En effet, M. D’Agostino soutient que les insuffisances professionnelles contenues dans son rapport d’évaluation pour 2010 participent du harcèlement dont il aurait été victime. Ainsi, M. D’Agostino retient que, si le Tribunal de la fonction publique avait tenu compte des insuffisances professionnelles soulevées lors de l’audience par la Commission, il aurait dû automatiquement conclure que la décision de non-renouvellement, en se fondant sur ces insuffisances professionnelles, était une manifestation de ce harcèlement. Toutefois, cet argument n’est pas fondé, dans la mesure où il n’a pas été prouvé, en première instance, que le rapport d’évaluation pour 2010 était discriminatoire et participait au prétendu harcèlement. Certes, le rapport d’évaluation a fait l’objet d’un appel devant le comité paritaire d’évaluation et de reclassement, qui a recommandé de réviser l’évaluation qualitative en attribuant un point supplémentaire à M. D’Agostino, mais cela ne démontre pas que ledit rapport était une expression de harcèlement. Il en découle que, même en tenant compte des prétendues insuffisances professionnelles de M. D’Agostino, ce dernier n’ayant pas prouvé le lien entre ce rapport d’évaluation pour 2010 et la décision de non-renouvellement, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas pu conclure automatiquement que la décision de non-renouvellement était fondée sur des motifs imputables au harcèlement moral.

69      Ainsi, le deuxième moyen du pourvoi incident doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une dénaturation des comptes rendus des réunions internes tenues les 11 janvier et 10 février 2012, dont M. D’Agostino s’est prévalu pendant l’audience

70      Par son troisième moyen, M. D’Agostino fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le dossier en jugeant, au point 61 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressortait pas des comptes rendus des réunions internes tenues les 11 janvier et 10 février 2012 que les tâches qui lui avaient été confiées à l’OIL.3 avaient été transférées en cours de contrat au sein de l’unité « Finances-Achats-Contrats » de l’OIL (ci-après l’« OIL.6 »).

71      La Commission fait valoir que le moyen est irrecevable, dans la mesure où, en première instance, M. D’Agostino n’a pas succombé en la seconde branche du deuxième moyen. Sur le fond, la Commission soutient que les affirmations de M. D’Agostino sont fausses et que le moyen doit être rejeté.

72      S’agissant de la question de la recevabilité, il suffit de constater que, le Tribunal ayant fait droit au pourvoi de la Commission, le moyen soulevé par M. D’Agostino ne peut pas être rejeté comme étant irrecevable. En ce qui concerne le fond du moyen, M. D’Agostino fait valoir que, dans la mesure où une fonctionnaire aurait été employée dans l’OIL.6 à partir du 1er janvier 2012 pour remplir les fonctions qu’il avait dans cette unité avant d’être réaffecté à l’OIL.3, ainsi qu’il ressort du compte rendu du 11 janvier 2012, et dans la mesure où les travaux concernant les avenants pour le centre polyvalent de l’enfance (ci-après le « CPE V ») auraient commencé en mars ou en avril 2012 au sein de l’OIL.6, ainsi qu’il ressort des deux comptes rendus des réunions internes tenues les 11 janvier et 10 février 2012, les tâches qui lui avaient été confiées à l’OIL.3 ont été transférées au cours de l’exécution de son contrat au sein de l’OIL.6. En effet, M. D’Agostino a soutenu, en première instance, qu’il pouvait être déduit de ces éléments que ses tâches à l’OIL.3 avaient été transférées à l’OIL.6 avant que son engagement ne se termine, pour être attribuées, à partir du mois de mars ou d’avril 2012, à la fonctionnaire qui lui succéderait dans l’OIL.6.

73      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’il a été redéployé dans l’OIL.3, M. D’Agostino a été chargé de rédiger un premier projet pour chaque avenant aux contrats de service nécessaires à l’ouverture du CPE V. Or, s’il est vrai qu’il ressort des deux comptes rendus des réunions internes tenues les 11 janvier et 10 février 2012 que les travaux concernant les avenants pour le CPE V devaient débuter en mars ou en avril 2012 au sein de l’OIL.6, ces éléments ne permettent pas, à eux seuls, de conclure que les tâches confiées à M. D’Agostino ont été transférées en cours de contrat de l’OIL.3 à l’OIL.6 et que, partant, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé lesdits comptes rendus. En effet, il y a lieu de relever que M. D’Agostino lui-même fait valoir, dans sa demande de versement desdits documents au dossier de première instance, que ces éléments « semblai[en]t viser non seulement le suivi de l’exécution de ces avenants, mais aussi la finalisation de leur préparation ». Cette affirmation de M. D’Agostino démontre que les données contenues dans les deux comptes rendus des réunions internes tenues les 11 janvier et 10 février 2012 n’étaient pas susceptibles d’une interprétation univoque. Ainsi, il ne peut être reproché au Tribunal de la fonction publique de les avoir dénaturés, en jugeant que ses tâches n’avaient pas été transférées de l’OIL.3 à l’OIL.6. En effet, selon une jurisprudence bien établie, une dénaturation doit ressortir de manière manifeste du dossier (voir, en ce sens, arrêt du 8 octobre 2013, Conseil/AY, T‑167/12 P, RecFP, EU:T:2013:524, point 28), alors que, en l’espèce, les considérations développées ci-dessus excluent cette nature manifeste.

74      Par ailleurs, il y a lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique n’a pas non plus dénaturé les comptes rendus des réunions internes tenues les 11 janvier et 10 février 2012 à l’égard de l’argument de M. D’Agostino selon lequel une fonctionnaire lui aurait succédé dans ses tâches au sein de l’OIL.6. En effet, il ressort uniquement du compte rendu du 11 janvier 2012 que ladite fonctionnaire a été recrutée dans l’OIL.6 à partir du 1er janvier 2012, mais cette donnée ne permet pas d’en déduire, comme le soutient M. D’Agostino, que ses tâches à l’OIL.3 avait été transférées à l’OIL.6 avant que son engagement ne se termine, pour être attribuées, à partir du mois de mars ou d’avril 2012, à cette fonctionnaire. En outre, il y a lieu de constater que l’affirmation de M. D’Agostino selon laquelle ladite fonctionnaire lui aurait succédé dans ses fonctions au sein de l’OIL.6 n’est pas confirmée dans le dossier de première instance, dont, en revanche, il ressort que le poste de M. D’Agostino était resté vacant au sein de l’OIL.6 à la date d’introduction du recours et que cette fonctionnaire, à partir du 1er janvier 2012, était affectée à un autre poste, occupé par un autre agent lorsque M. D’Agostino était en activité au sein de l’OIL.6.

75      Partant, le moyen tiré de la dénaturation des comptes rendus des réunions internes tenues les 11 janvier et 10 février 2012 doit être rejeté comme étant non fondé.

76      À la lumière de ces considérations, l’arrêt du Tribunal de la fonction publique doit être annulé pour autant que ce dernier a non seulement omis de statuer sur la première branche du deuxième moyen, mais également dénaturé ladite branche.

 Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

77      Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, lorsque le Tribunal annule la décision du Tribunal de la fonction publique, il peut statuer lui-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

78      En l’espèce, l’affaire n’est pas en état d’être jugée et doit être renvoyée devant le Tribunal de la fonction publique, de sorte que ce dernier puisse opérer une nouvelle appréciation des circonstances de l’espèce dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, se prononcer sur la première branche du deuxième moyen et sur le quatrième moyen, tiré de l’insuffisance de motivation de la décision de non-renouvellement.

 Sur les dépens

79      L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal de la fonction publique, il convient de réserver les dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 23 octobre 2013, D’Agostino/Commission (F‑93/12), est annulé pour autant que le Tribunal de la fonction publique a fait une application erronée du devoir de sollicitude.

2)      Le pourvoi principal est rejeté pour le surplus.

3)      L’arrêt D’Agostino/Commission est annulé pour autant que le Tribunal de la fonction publique a omis de statuer sur la première branche du deuxième moyen et l’a dénaturée.

4)      Le pourvoi incident est rejeté pour le surplus.

5)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de la fonction publique.

6)      Les dépens sont réservés.

Jaeger

Papasavvas

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 novembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le français.