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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

25 novembre 2021 (*)

« Référé – Fonction publique – Agents temporaires – Demande de mesures provisoires – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑534/21 R,

VP, représentée par Me L. Levi, avocate,

partie requérante,

contre

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), représenté par Mes T. Bontinck, A. Guillerme et T. Payan, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant, d’une part, au sursis à l’exécution de l’acte du comité exécutif du Cedefop de soutenir la conclusion de son directeur exécutif de rétablir le poste de conseiller juridique interne et d’engager une procédure de sélection et, d’autre part, à ordonner que le Cedefop conserve vacant un poste d’agent temporaire de grade AD propre à réintégrer la requérante dans un poste de conseiller juridique,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        La requérante, VP, a été recrutée par le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) le 16 novembre 2007 en tant qu’agent temporaire pour exercer les fonctions de conseiller juridique. Son contrat a été renouvelé jusqu’au 15 novembre 2017.

2        Le 30 janvier 2017, la directrice adjointe du Cedefop, agissant en sa qualité de supérieure hiérarchique et d’évaluatrice de la requérante, a recommandé à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, le directeur du Cedefop, de renouveler pour une durée indéterminée le contrat de la requérante venant à échéance, avec effet à partir du 16 novembre 2017.

3        Le 10 mars 2017, la requérante a adressé au directeur du Cedefop une demande de renouvellement de son contrat.

4        Le 12 mai 2017, le directeur du Cedefop a informé la requérante que son contrat d’engagement ne serait pas renouvelé (ci-après la « décision du 12 mai 2017 »).

5        Le 9 août 2017, la requérante a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut ») à l’encontre de la décision du 12 mai 2017 auprès de la commission de recours du Cedefop.

6        Le 1er décembre 2017, la commission de recours a rejeté la réclamation de la requérante comme non fondée.

7        Par arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613), le Tribunal a, premièrement, annulé la décision du 12 mai 2017, deuxièmement, annulé la décision du 1er décembre 2017 portant rejet de la réclamation de la requérante, troisièmement, condamné le Cedefop à verser 30 000 euros en réparation du préjudice matériel causé à la requérante, quatrièmement, condamné le Cedefop à verser 10 000 euros en réparation du préjudice moral causé à la requérante, cinquièmement, rejeté le recours pour le surplus et, sixièmement, condamné le Cedefop aux dépens.

8        Le 8 janvier 2021, la requérante a invité le Cedefop à exécuter l’arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613), conformément à l’article 266 TFUE.

9        Par lettre du 2 mars 2021, le directeur exécutif du Cedefop a répondu à la requérante affirmant que l’exécution de l’arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613), n’imposait que le versement de 40 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral causés à la requérante, majorés des dépens, dès lors que les effets de l’illégalité constatée par le Tribunal étaient compensés par le versement de l’indemnité ordonnée (ci‑après la « décision du 2 mars 2021 »).

10      Le 3 mars 2021, le comité exécutif du Cedefop a soutenu la conclusion du directeur exécutif de rétablir le poste de conseiller juridique interne et d’engager la procédure de sélection dans le courant du second semestre de l’année 2021 (ci‑après l’« acte attaqué »).

11      Le 23 mars 2021, le Cedefop a versé à la requérante la somme de 47 363,66 euros, en application des points 3, 4 et 6 du dispositif de l’arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613).

12      Le 28 avril 2021, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 2 mars 2021.

13      Le 8 juin 2021, après la publication du compte‑rendu de la réunion du comité exécutif du Cedefop du 3 mars 2021 prévoyant le rétablissement du poste de conseiller juridique interne, la requérante a introduit un complément à la réclamation du 28 avril 2021.

14      Par lettre du 29 juillet 2021, la commission de recours du Cedefop a informé la requérante qu’elle avait décidé d’annuler la décision du 2 mars 2021, dans la mesure où le Cedefop aurait dû inviter la requérante à être entendue avant de prendre une telle décision.

15      Par lettre du 23 août 2021, la requérante a indiqué au Cedefop que, conformément aux obligations découlant de l’article 266 TFUE, il devrait s’abstenir de prendre toute mesure rendant difficile l’exécution de l’arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613), et qu’il devait, à cet effet, laisser vacant le poste budgétaire propre à sa réintégration.

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er septembre 2021, la requérante a introduit un recours tendant notamment à l’annulation de la décision du 2 mars 2021, en tant que cette décision n’exécute pas les points 1 et 2 du dispositif de l’arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613), et de la décision liée de ne pas renouveler pour une durée indéterminée son contrat d’engagement avec effet au 16 novembre 2017.

17      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ;

–        ordonner que le Cedefop conserve vacant un poste d’agent temporaire de grade AD propre à réintégrer la requérante dans un poste de conseiller juridique ;

–        réserver les dépens.

18      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 22 septembre 2021, le Cedefop conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de mesures provisoires comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter la demande de mesures provisoires comme non fondée ;

–        réserver les dépens.

 En droit

 Considérations générales

19      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12 et jurisprudence citée).

20      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

21      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

22      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

23      Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur la recevabilité

24      Le Cedefop soutient, dans ses observations sur la demande en référé, qu’il n’existe pas de lien suffisamment étroit entre, d’une part, les mesures provisoires sollicitées et, d’autre part, les demandes ainsi que l’objet du litige au principal. Dans ce cadre, il ajoute que les mesures provisoires demandées ne relèvent pas du champ d’application de la décision définitive que le Tribunal peut rendre sur le recours au principal.

25      À cet égard, il convient de rappeler que la procédure de référé a un caractère accessoire par rapport à la procédure au principal sur laquelle elle se greffe, de sorte que le juge des référés ne saurait adopter des mesures provisoires qui se situeraient hors du cadre de la décision finale susceptible d’être prise par le Tribunal sur le recours au principal, la finalité de la procédure de référé consistant à garantir la pleine efficacité de l’arrêt au principal (voir ordonnance du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée, EU:T:2009:526, point 38 et jurisprudence citée).

26      Il s’ensuit que la recevabilité d’une demande tendant à ce que soit adoptée l’une des mesures provisoires visées à l’article 279 TFUE est subordonnée à l’existence d’un lien suffisamment étroit entre la mesure provisoire sollicitée, d’une part, et les conclusions ainsi que l’objet du recours au principal, d’autre part (voir ordonnance du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée, EU:T:2009:526, point 39 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, force est de constater que la demande tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de l’acte attaqué, à supposer que ce dernier constitue formellement une décision, et la demande tendant à ordonner que le Cedefop conserve vacant un poste d’agent temporaire de grade AD propre à réintégrer la requérante dans un poste de conseiller juridique outrepassent manifestement les conclusions et l’objet du recours introduit dans la procédure au principal, lequel ne concerne pas l’annulation de l’acte attaqué, mais tend en substance à l’annulation de la décision du 2 mars 2021 en tant que cette décision n’exécute pas les points 1 et 2 du dispositif de l’arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613).

28      Par ailleurs, il convient de rappeler que la commission de recours du Cedefop a informé la requérante qu’elle avait décidé d’annuler la décision du 2 mars 2021, dans la mesure où le Cedefop aurait dû inviter la requérante à être entendue avant de prendre une telle décision.

29      Dans ces circonstances, le sursis à l’exécution de l’acte attaqué et la conservation par le Cedefop d’un poste vacant d’agent temporaire de grade AD propre à réintégrer la requérante dans un poste de conseiller juridique, tels que sollicités par la requérante dans le cadre de la présente demande en référé, ne paraissent pas, à ce stade de la procédure, devoir être une conséquence nécessaire de l’annulation de la décision du 2 mars 2021. Par conséquent, si le juge des référés devait accueillir ces demandes, cela reviendrait de sa part à enjoindre au Cedefop de tirer certaines conséquences précises de l’arrêt d’annulation et, par conséquent, à ordonner une mesure qui excéderait les compétences du juge du fond (voir, en ce sens, ordonnance du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée, EU:T:2009:526, point 41 et jurisprudence citée).

30      Les demandes en cause doivent donc être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du recours au principal.

31      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être déclarée irrecevable dans son ensemble.

32      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 25 novembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’anglais.