Language of document : ECLI:EU:T:2012:550

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

17 octobre 2012 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Dépenses exclues du financement – Primes dans le secteur de la viande ovine et caprine – Contrôles sur place »

Dans l’affaire T‑491/09,

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. M. Muñoz Pérez, puis par M. S. Martínez-Lage Sobredo et enfin par M. A. Rubio Gonález, abogados del Estado,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Jimeno Fernández, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2009/721/CE de la Commission, du 24 septembre 2009, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 257, p. 28),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mars 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Dans le cadre d’une enquête effectuée du 14 au 18 juin 2004 dans la Comunidad Autónoma de Castilla y León (Communauté autonome de Castille et Léon, Espagne), la direction « Audit des dépenses agricoles » de la Commission des Communautés européennes a effectué des vérifications concernant la gestion du régime de primes aux producteurs de viandes ovine et caprine, demandées au titre des années 2002, 2003 et 2004.

2        Par courrier du 1er septembre 2004, la Commission a communiqué au Royaume d’Espagne les résultats de cette enquête. Elle indique avoir constaté trois types d’irrégularités, à savoir, premièrement, l’absence de contrôles sur place durant le premier mois de la période de rétention, en violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission, du 11 décembre 2001, portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil (JO L 327, p. 11), deuxièmement, la non-conformité à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001, des vérifications, lors des contrôles sur place, de l’exactitude des inscriptions du registre visé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102/CEE du Conseil, du 27 novembre 1992, concernant l’identification et l’enregistrement des animaux (JO L 355, p. 32) et, troisièmement, des difficultés pour établir, à l’aide dudit registre, le nombre d’animaux éligibles au régime de primes, c’est-à-dire, conformément à la disposition précitée, ceux qui ont été détenus dans l’exploitation durant toute la période de rétention.

3        Les autorités espagnoles ont fait part de leurs observations sur les constatations de la Commission par courrier du 30 novembre 2004.

4        Par télécopie du 8 mars 2005, la Commission a invité les autorités espagnoles à participer à une réunion bilatérale, qui s’est tenue le 12 avril 2005.

5        Les conclusions de cette réunion ont été communiquées par la Commission aux autorités espagnoles par télécopie du 28 juin 2005.

6        Les autorités espagnoles ont présenté leurs observations sur ces conclusions par courrier du 27 juillet 2005.

7        Par courrier du 10 juin 2008, la Commission a officiellement communiqué aux autorités espagnoles les conclusions de son enquête. Elle y propose d’appliquer une correction financière forfaitaire de 2 % des dépenses effectuées au titre du régime de primes aux producteurs de viandes ovine et caprine par le Royaume d’Espagne au cours des années 2002, 2003 et 2004, en raison des irrégularités mentionnées dans le courrier du 1er septembre 2004.

8        Par courrier du 17 septembre 2008, les autorités espagnoles ont demandé la saisine de l’organe de conciliation, qui a rendu son rapport final le 20 février 2009.

9        Le déroulement de la procédure visée à l’article 8 du règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié, et les motifs de la correction financière proposée ont été résumés dans le rapport de synthèse du 31 mars 2009, concernant les résultats des inspections de la Commission dans le contexte de la procédure d’apurement de conformité, conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), et à l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1, ci-après le « rapport de synthèse »). La Commission y a confirmé sa proposition d’appliquer, en raison des irrégularités constatées lors de l’enquête, une correction financière forfaitaire de 2 % des dépenses effectuées au cours des années 2002, 2003 et 2004 et déclarées au titre des exercices financiers 2003, 2004, 2005 et 2006 par le Royaume d’Espagne au titre du régime de primes aux producteurs de viandes ovine et caprine.

10      Par courrier du 7 mai 2009, la Commission a fait connaître aux autorités espagnoles sa position finale quant aux conséquences financières à tirer des résultats de l’enquête, à savoir le maintien de sa proposition de correction financière forfaitaire de 2 % des dépenses relatives au régime de primes aux producteurs de viandes ovine et caprine déclarées au titre des exercices financiers précités.

11      Enfin, par la décision 2009/721/CE, du 24 septembre 2009, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 257, p. 28, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a appliqué des corrections financières de certaines dépenses relatives au secteur de l’huile d’olive et au régime de primes aux producteurs de viandes ovine et caprine, déclarées par le Royaume d’Espagne au titre des exercices financiers 2003 à 2006, au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Par cette même décision, la Commission a également appliqué une correction financière de certaines dépenses relatives à des mesures d’accompagnement liées à la surface de terres. Le montant total des corrections financières appliquées par la décision attaquée s’élève, pour le Royaume d’Espagne, à la somme de 40 255 076, 17 euros.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 décembre 2009, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

13      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant qu’elle lui impose la correction forfaitaire appliquée aux dépenses relatives au secteur de l’huile d’olive de la campagne 2001/2002, pour un total de 31 741 006 ,96 euros, et au régime de primes aux producteurs de viandes ovine et caprine déclarées au titre des exercices financiers 2003 à 2006, pour un total de 6 103 881,12 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

15      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 décembre 2010, le Royaume d’Espagne s’est partiellement désisté des conclusions de son recours, pour autant que celui-ci était dirigé contre les corrections financières appliquées par la Commission aux dépenses dans le secteur de l’aide à la production d’huile d’olive. Il a indiqué que son recours était désormais dirigé uniquement contre la correction financière appliquée aux dépenses relatives au régime de primes dans le secteur des viandes ovine et caprine.

16      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 14 janvier 2011, la Commission a fait savoir qu’elle n’avait pas d’objections sur le désistement et a demandé que le Royaume d’Espagne soit condamné aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de son recours, le Royaume d’Espagne soulève un moyen unique, pris de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005.

18      Par ce moyen, le Royaume d’Espagne conteste les irrégularités qui lui sont reprochées par la Commission dans le rapport de synthèse, à savoir, en substance :

–        l’absence de contrôles sur place, au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires (JO L 355, p. 1) et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p. 1, ci-après les « contrôles sur place ») pendant le premier mois de la période de rétention, en violation de l’article 24 du règlement n° 2419/2001 ;

–        l’existence de difficultés pour établir, à l’aide du registre visé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102, le nombre d’animaux éligibles au régime de prime ayant été détenus dans l’exploitation durant toute la période de rétention, conformément à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001 ;

–        l’existence de lacunes liées à la qualité des vérifications de l’exactitude des inscriptions dudit registre, prévues à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001, effectuées par les autorités espagnoles au cours des contrôles sur place.

 Observations liminaires

19      Selon une jurisprudence constante, le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt de la Cour du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, point 32, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 28 septembre 2011, Grèce/Commission, T‑352/05, non publié au Recueil, point 91).

20      À cet égard, il résulte des règles relatives au FEOGA que les États membres sont tenus d’organiser un ensemble de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides sont correctement observées. Si l’organisation d’un tel ensemble de contrôles fait défaut ou si celle mise en place par un État membre est défaillante au point de laisser subsister des doutes quant à l’observation de ces conditions, la Commission est fondée à ne pas reconnaître certaines dépenses effectuées par l’État membre concerné (voir arrêt du 28 septembre 2011, Grèce/Commission, point 19 supra, point 92, et la jurisprudence citée).

21      Il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA, et que c’est à lui qu’il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêts de la Cour du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec. p. I‑3851, points 46, 47 et 49, et du 4 mars 2004, Allemagne/Commission, C‑344/01, Rec. p. I‑2081, point 58, et la jurisprudence citée ; arrêt du 24 février 2005, Grèce/Commission, point 19 supra, points 33 à 36, et la jurisprudence citée).

22      L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêts de la Cour du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec. p. I‑7529, point 7 ; Espagne/Commission, point 21 supra, point 48, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, point 19 supra, point 35).

23      En ce qui concerne le niveau des corrections, il appartient à l’État membre de démontrer que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à tirer des irrégularités constatées (arrêts de la Cour du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec. p. I‑6063, point 37, et du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑5/03, Rec. p. I‑5925, point 38 ; arrêt du 28 septembre 2011, Grèce/Commission, point 19 supra, point 95).

24      En outre, la Commission n’est pas tenue d’établir l’existence d’un préjudice réel, mais peut se contenter de présenter des indices sérieux en ce sens. Cet allégement de l’exigence de la preuve s’explique par la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (arrêt de la Cour du 1er octobre 1998, Irlande/Commission, C‑238/96, Rec. p. I‑5801, point 29, et arrêt du 28 septembre 2011, Grèce/Commission, point 19 supra, point 96).

25      En effet, la gestion du financement du FEOGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles communautaires. Ce régime, fondé sur la confiance entre les autorités nationales et communautaires, ne comporte aucun contrôle systématique de la part de la Commission, que celle-ci serait d’ailleurs matériellement dans l’impossibilité d’assurer. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du FEOGA, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (arrêt Irlande/Commission, point 24 supra, point 30, et arrêt du 28 septembre 2011, Grèce/Commission, point 19 supra, point 97).

26      Enfin, les décisions de la Commission en matière d’apurement des comptes du FEOGA sont prises sur le fondement d’un rapport de synthèse ainsi que d’une correspondance entre la Commission et l’État membre concerné (arrêt de la Cour du 14 mars 2002, Pays-Bas/Commission, C‑132/99, Rec. p. I‑2709, point 39). Dans ces conditions, la motivation d’une telle décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (arrêt de la Cour du 21 mars 2002, Espagne/Commission, C‑130/99, Rec. p. I‑3005, point 126).

27      En l’espèce, dans les conclusions de son enquête et aux points 11.2.1 et 11.2.3 du rapport de synthèse, la Commission a constaté les irrégularités décrites au point 18 ci-dessus.

28      Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 19 à 24 ci-dessus, il convient d’examiner les arguments avancés par le Royaume d’Espagne pour contester les irrégularités que la Commission a constatées et par lesquelles elle a justifié la correction financière adoptée dans la décision attaquée.

 Sur la constatation de non-conformité à l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001 de l’absence de contrôles sur place durant le premier mois de la période de rétention

29      Le règlement n° 3508/92, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1593/2000 du Conseil, du 17 juillet 2000 (JO L 182, p. 4), et qui a été abrogé par l’article 153 du règlement n° 1782/2003, continue de s’appliquer, aux termes des mêmes dispositions, aux demandes de paiements directs pour les années civiles précédant l’année 2005. Il prévoit que chaque État membre crée un système intégré de gestion et de contrôle, qui s’applique notamment aux régimes de primes aux producteurs de viandes ovine et caprine, et qui porte sur l’ensemble des demandes d’aide présentées par les producteurs.

30      Aux termes de l’article 8 du règlement n° 3508/92, les États membres doivent procéder à des contrôles administratifs desdites demandes ainsi qu’à des contrôles sur place portant sur un échantillon des exploitations agricoles concernées, afin de vérifier l’admissibilité au bénéfice de l’aide demandée.

31      L’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 2419/2001 prévoit que les contrôles administratifs et les contrôles sur place doivent être effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions d’octroi de l’aide.

32      Il ressort de l’article 7 du règlement (CE) n° 2550/2001 de la Commission, du 21 décembre 2001, établissant les modalités d’application du règlement (CE) n° 2529/2001 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des viandes ovine et caprine en ce qui concerne les régimes de primes et modifiant le règlement n° 2419/2001 (JO L 341, p. 105), que l’une des conditions d’octroi de l’aide aux producteurs de viandes ovine et caprine est le maintien sur leurs exploitations des animaux pour lesquels le bénéfice de l’aide est demandé durant une période appelée « période de rétention ».

33      Aux termes de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2550/2001, cette période dure 100 jours à partir du premier jour suivant le dernier jour de la période pendant laquelle les demandes d’aide peuvent être déposées. En l’espèce, il ressort du courrier de la Commission du 1er septembre 2004 et des conclusions de la réunion bilatérale, datées du 28 juin 2005, que, au cours des années 2002, 2003 et 2004, la période de rétention débutait au mois de mai et prenait fin au mois d’août.

34      L’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001 prévoit que le nombre minimal de contrôles sur place doit être effectué en totalité tout au long de la période de rétention.

35      En l’espèce, au point 1.2.2 des conclusions de l’enquête, communiquées à la requérante le 18 juin 2008 et au point 11.2.3 du rapport de synthèse, la Commission a indiqué que les autorités espagnoles n’avaient pas, contrairement à ce qu’exigeait l’article 24 du règlement n° 2419/2001, effectué de contrôles sur place durant le premier mois de la période de rétention des années 2002, 2003 et 2004, au titre desquelles les primes avaient été demandées. Elle a toutefois constaté que les autorités espagnoles avaient tenu compte de ses recommandations et avaient, au cours de l’année 2005, effectué des contrôles sur place dès le premier mois de la période de rétention.

36      Le Royaume d’Espagne ne conteste pas l’absence de contrôles sur place durant le premier mois de la période de rétention des années 2002, 2003 et 2004. Toutefois, il considère que, dès lors que lesdits contrôles ont tous été effectués au cours de la période de rétention et que l’absence de contrôles ne concerne que les trente premiers jours de cette période, qui dure cent jours, aucune violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001 ne saurait lui être reprochée.

37      Il convient de rappeler qu’il incombe aux États membres d’effectuer des contrôles adéquats aux fins d’un système efficace de contrôle et de surveillance, même si la réglementation communautaire n’a pas défini de manière exhaustive les modalités de ces contrôles (voir arrêt du Tribunal du 31 janvier 2012, Espagne/Commission, T‑206/08, non publié au Recueil, point 77, et la jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il est constant que les autorités espagnoles n’ont réalisé, pendant les années 2002, 2003 et 2004, aucun contrôle sur place au cours du premier mois de la période de rétention.

39      Le système de contrôle et de surveillance en cause est destiné à permettre la vérification de l’admissibilité des demandes d’aide aux producteurs de viandes ovine et caprine par le contrôle sur place du respect des conditions d’octroi de cette aide. L’une de ces conditions est le maintien sur leurs exploitations des animaux pour lesquels le bénéfice de l’aide est demandé pendant la période de rétention.

40      Or, l’efficacité de ce système ne peut être garantie si la vérification, au moyen des contrôles sur place, du maintien des animaux sur leurs exploitations ignore, de manière répétée, une partie de la période de rétention, faisant ainsi naître le risque que ce maintien ne soit pas assuré pendant cette période ou qu’il ne le soit qu’au cours d’une partie seulement de celle-ci.

41      Il y a lieu d’ajouter que ladite période étant d’une durée de 100 jours, le défaut de contrôles sur place s’est étendu sur une durée représentant environ un tiers de la période de rétention des années en cause.

42      Une telle limitation substantielle de la période au cours de laquelle les contrôles devaient avoir lieu au cours de ces trois années était également, en tant que telle, de nature à affecter l’efficacité du système de contrôle et de surveillance mis en place par les autorités espagnoles aux fins de vérifier que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides étaient correctement observées.

43      Dans ces conditions, il convient de considérer que, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, cette circonstance est de nature à créer un doute sérieux et raisonnable à l’égard de la mise en place, par les autorités espagnoles, d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle conformes à l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 21 et 22 ci-dessus.

44      Le Royaume d’Espagne ne saurait infirmer les constatations de la Commission qu’en étayant ses allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel quant à réalisation des contrôles sur place prévue à l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001, conformément à la jurisprudence rappelée au point 22 ci-dessus.

45      À cette fin, le Royaume d’Espagne soutient qu’il était plus pertinent, aux fins de s’assurer du respect de la réglementation par les producteurs, de réaliser les contrôles sur place à la fin de la période de rétention.

46      Il fait valoir que la réalisation des contrôles sur place a été précédée d’une analyse de la probabilité du non-respect de la réglementation, dont il aurait résulté qu’il était préférable, aux fins de s’assurer du respect de la réglementation, de concentrer la réalisation des contrôles sur place à la fin de la période de rétention, qui s’achevait, pour les années 2002, 2003 et 2004, au mois d’août.

47      En effet, ce serait à cette période de l’année que la probabilité serait la plus élevée qu’un producteur ne respecte pas, en réalisant, par exemple, des opérations d’abattage, l’obligation de détenir dans son exploitation durant la période de rétention les animaux pour lesquels il a sollicité l’octroi d’une prime. De plus, la réalisation de contrôles sur place au début de la période de rétention pourrait inciter des producteurs à retirer des animaux de leur exploitation dès qu’ils ont été contrôlés. Le non-respect de la période de rétention qui en découlerait ne pourrait alors être constaté que lors d’un second contrôle.

48      Le Royaume d’Espagne considère, en outre, que la réalisation des objectifs des contrôles sur place n’est pas affectée par la date de mise en œuvre de ceux-ci. En effet, d’une part, un contrôle précoce n’empêcherait pas que des infractions à la réglementation soient commises après le contrôle et, d’autre part, les producteurs n’auraient jamais connaissance de la date à laquelle leur exploitation fera l’objet d’un contrôle. Il en résulterait que la réalisation des contrôles sur place à la fin de la période de rétention ne permet pas de supposer que des infractions ont été commises au début de cette période.

49      Dans ces conditions, un certain retard dans la réalisation des contrôles sur place, à condition toutefois que ceux-ci soient tous effectués au cours de la période de rétention, aurait pour effet d’encourager les producteurs à respecter la réglementation relative à l’octroi des primes.

50      Ces arguments doivent être rejetés.

51      Selon une jurisprudence constante, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien-fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent serait plus efficace (voir arrêt du Tribunal du 28 mars 2007, Espagne/Commission, T‑220/04, non publié au Recueil, point 89, et la jurisprudence citée).

52      En l’espèce, l’analyse de la probabilité du non-respect de la réglementation, qui a constitué une condition préalable à la réalisation des contrôles, n’était pas prévue par ladite réglementation.

53      Il s’ensuit que le fait de ne réaliser les contrôles sur place que lorsque la probabilité de constater des irrégularités était la plus élevée revenait à mettre en place un système de contrôle de l’octroi des aides différent de celui prévu par la réglementation applicable.

54      Une telle pratique ne saurait, dès lors, être considérée comme étant de nature à établir le respect, par les autorités espagnoles, de l’obligation prévue à l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001.

55      Par ailleurs, le Royaume d’Espagne soutient que les contrôles sur place ont été effectués de telle manière que les producteurs ne pouvaient pas savoir à quel moment ils allaient faire l’objet d’un contrôle.

56      Il convient de relever que, par cet argument, le Royaume d’Espagne invoque en réalité la conformité de la réalisation des contrôles sur place avec l’obligation de réaliser ceux-ci de manière inopinée, prévue à l’article 17 du règlement n° 2419/2001.

57      Or, lors de l’enquête, la Commission n’a pas constaté d’irrégularités concernant le respect de cette obligation par les autorités espagnoles.

58      Dès lors, les arguments du Royaume d’Espagne visant à démontrer que lesdits contrôles ont été effectués en conformité avec l’article 17 du règlement n° 2419/2001 doivent être considérés comme dénués de pertinence, étant sans rapport avec l’obligation, prévue à l’article 24, paragraphe 2, du même règlement, de réaliser les contrôles sur place tout au long de la période de rétention.

59      Il résulte de ce qui précède que la Commission était fondée à considérer que l’absence, au cours des années 2002, 2003 et 2004, de contrôles sur place durant le premier mois de la période de rétention n’était pas conforme à l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001 et constituait une irrégularité présentant un risque de perte pour le FEOGA.

60      Dès lors, l’argumentation du Royaume d’Espagne ayant pour objet de contester la non-conformité avec cette disposition de l’absence de contrôles sur place au cours du premier mois de la période de rétention des années 2002, 2003 et 2004 et l’existence d’un risque de perte pour le FEOGA résultant de cette pratique doit être rejetée.

 Sur la constatation de non-conformité à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001 des vérifications destinées à déterminer le nombre d’animaux éligibles au régime de primes

61      L’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001 dispose que les contrôles sur place comportent, notamment, des « vérifications visant à déterminer à l’aide du registre si tous les animaux ayant fait l’objet d’une demande d’aide au cours des douze derniers mois précédant la date du contrôle sur place ont été détenus dans l’exploitation durant toute la période de rétention ».

62      Le registre visé par cette disposition, est, ainsi qu’il ressort de l’article 2, sous e), du règlement n° 2419/2001, celui tenu par les détenteurs d’animaux conformément à l’article 4 de la directive 92/102.

63      L’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102 dispose :

« [T]out détenteur d’ovins et de caprins […] garde un registre comprenant au moins le nombre total d’ovins et de caprins présents sur l’exploitation chaque année à une date à fixer par l’autorité compétente.

Ce registre doit également contenir :

[…]

–        les mouvements (nombre d’animaux concernés par chaque opération d’entrée et de sortie) des ovins et des caprins sur la base minimale des flux, avec mention, selon le cas, de l’origine ou de la destination des animaux, de leur marque et de la date des flux. »

64      En l’espèce, dans ses conclusions relatives à l’enquête et aux points 11.2.1 et 11.2.3 du rapport de synthèse, la Commission a constaté l’existence de difficultés pour déterminer, à partir du registre visé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102, le nombre d’animaux éligibles au régime de primes ayant été détenus dans l’exploitation durant la période de rétention, en dépit de la conformité dudit registre avec la directive précitée.

65      Le Royaume d’Espagne admet avoir rencontré des difficultés pour déterminer de façon exacte le nombre d’animaux détenus dans les exploitations tout au long de la période de rétention et, comme tels, éligibles au régime de primes. Toutefois, il impute ces difficultés au format du registre visé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102, qu’il considère comme inadapté, en raison du fait que ce registre avait été créé dans le but de mettre en place un système permettant d’établir la traçabilité des productions de viande et non un système de gestion de primes.

66      Il cite deux exemples par lesquels il entend démontrer l’inadaptation du registre au recensement précis du nombre d’animaux éligibles au régime de primes dans une exploitation. Premièrement, les animaux qui naissent dans l’exploitation, à la différence de ceux qui la rejoignent en vue des opérations de reproduction, ne pourraient pas être inscrits dans le registre, alors qu’ils pourraient, par la suite, comme d’autres, devenir éligibles au régime de primes. Deuxièmement, le registre ne pourrait contenir que des informations relatives à des lots d’animaux et non à chaque animal.

67      Le Royaume d’Espagne conteste en tout état de cause le fait que les difficultés rencontrées pour déterminer le nombre exact d’animaux éligibles au régime de primes puissent constituer des irrégularités de nature à justifier l’application d’une correction financière, dès lors que les registres sur la base desquels ce nombre devait être déterminé étaient, comme la Commission l’a relevé, conformes aux dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102.

68      La Commission soutient que l’enquête qu’elle a menée a révélé que, dans les exploitations contrôlées, le registre n’avait pas permis de déterminer si les animaux pour lesquels une demande de prime avait été introduite avaient été détenus dans l’exploitation durant toute la période de rétention.

69      Elle reconnaît que la façon dont était conçu le registre visé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102 rendait difficile son actualisation périodique ainsi que le recensement du nombre d’animaux ayant été détenus dans l’exploitation tout au long de la période de rétention et qu’elle pouvait également susciter la confusion parmi les inspecteurs. Toutefois, elle soutient que ce registre, qui était utilisé dans toutes les exploitations contrôlées, aurait dû permettre de vérifier, tout au long de l’année, les mouvements d’animaux éligibles au régime de primes. Elle ajoute que la tenue correcte et l’actualisation de ce registre ne répondaient pas seulement à un objectif de traçabilité, mais qu’elles étaient également nécessaires pour déterminer le nombre d’animaux éligibles au régime de primes et pour vérifier que les conditions d’éligibilité audit régime avaient été respectées tout au long de la période de rétention.

70      Lors de son audition devant l’organe de conciliation, la Commission a considéré, ainsi qu’il ressort du point B.4 du rapport final dudit organe, que, eu égard à l’obligation faite aux États membres, en vertu de l’article 15 du règlement n° 2419/2001, d’effectuer les contrôles de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides, il était indispensable que les registres reflètent la situation réelle de tous les animaux pour lesquels une prime avait été demandée. Toutefois, elle indique avoir constaté que les brebis n’étaient inscrites dans le registre que lorsqu’elles avaient atteint l’âge de douze mois ou qu’elles avaient agnelé avant d’atteindre cet âge. Selon elle, il existait, de ce fait, une situation d’incertitude sur les conditions de maintien des animaux dans l’exploitation tout au long de la période de rétention. À cela se serait ajouté le fait que l’enquête aurait montré que les inspecteurs n’étaient pas suffisamment préparés à une vérification des mouvements d’animaux.

71      La Commission soutient, en outre, que la méthode de comptage des animaux était approximative et non homogène, de sorte qu’elle était susceptible d’avoir eu une incidence sur le dénombrement des animaux éligibles.

72      Il y a lieu de rappeler que les vérifications prévues par l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001, d’une part, visent à contrôler si tous les animaux ayant fait l’objet d’une demande d’aide au cours des douze derniers mois précédant la date du contrôle sur place ont été maintenus dans l’exploitation durant toute la période de rétention et, d’autre part, doivent être effectuées à l’aide du registre visé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102.

73      Il en résulte que le maintien des animaux pour lesquels l’aide a été demandée dans l’exploitation durant toute la période de rétention doit pouvoir être vérifié sur la base du contenu dudit registre.

74      Cette obligation implique que le registre soit régulièrement actualisé et tenu à jour de toutes les opérations relatives aux animaux présents dans l’exploitation concernée, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102.

75      À cet égard, il convient de rappeler que la tenue et la mise à jour régulière des registres sont à la base du fonctionnement du système de contrôle relatif à l’octroi des primes animales. La tenue irrégulière desdits registres sape ainsi tout le système de contrôle des primes (voir arrêt du 28 septembre 2011, Grèce/Commission, point 19 supra, point 295, et la jurisprudence citée).

76      En l’espèce, il convient de relever que l’existence de difficultés pour établir le nombre d’animaux qui, ayant été détenus dans les exploitations concernées durant toute la période de rétention, étaient éligibles au régime de primes, révèle que les registres ne reproduisaient pas fidèlement l’état des cheptels au moment des contrôles et que, dès lors, ils n’étaient pas mis à jour de façon rigoureuse.

77      De plus, les difficultés, constatées par la Commission, relatives à la détermination du nombre d’animaux éligibles au régime de primes, ont pu donner lieu au versement de primes alors même que les conditions de leur octroi n’étaient pas réunies.

78      Il convient de considérer que les constatations de la Commission exposées au point 64 ci-dessus constituent, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 21 et 22 ci-dessus, des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de la mise en place, par les autorités espagnoles, d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle conformes à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001.

79      Dans ces conditions, le Royaume d’Espagne ne saurait infirmer les constatations de la Commission qu’en étayant ses allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel quant à la tenue à jour du registre visé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102, conformément à la jurisprudence rappelée au point 22 ci-dessus.

80      À cette fin, il incombe aux États membres d’effectuer des contrôles adéquats aux fins d’un système efficace de contrôle et de surveillance, même si la réglementation communautaire n’a pas défini de manière exhaustive les modalités de ces contrôles (voir arrêt du 31 janvier 2012, Espagne/Commission, point 37 supra, point 77, et la jurisprudence citée).

81      Or, en l’espèce, le Royaume d’Espagne, qui ne conteste pas que des difficultés ont été rencontrées pour déterminer de façon exacte le nombre d’animaux détenus dans les exploitations tout au long de la période de rétention, se borne, pour contester que cette circonstance ait pu justifier l’application d’une correction financière, à imputer ces difficultés à la conception du registre, qu’il estime inadaptée aux fins d’un système de gestion de primes.

82      Le Royaume d’Espagne ne démontre, ni même n’allègue, avoir pallié les difficultés résultant du prétendu caractère inadapté du registre par tout autre moyen de nature à garantir que les contrôles sur place aient été effectués de façon à assurer leur conformité à l’article 25, paragraphe 2, sous c), dudit règlement.

83      Il n’établit donc pas l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel de nature à assurer la conformité des contrôles sur place à l’objectif de cette dernière disposition et ne parvient pas à démontrer l’inexactitude des constatations de la Commission, lesquelles doivent, dès lors, être regardées comme établies (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, point 23 supra, point 67).

84      En conséquence, il y a lieu de rejeter l’argumentation du Royaume d’Espagne ayant pour objet de contester que la détermination, lors des contrôles sur place, du nombre exact d’animaux éligibles au régime de primes n’avait pas été effectuée conformément à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001.

 Sur la constatation de non-conformité à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001 des vérifications concernant l’exactitude des inscriptions du registre

85      L’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001 dispose que les contrôles sur place comportent, notamment, des « vérifications concernant l’exactitude des inscriptions du registre [visé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102], effectuées par échantillonnage de documents justificatifs tels que les factures d’achat et de vente et les certificats vétérinaires ».

86      En l’espèce, la Commission a indiqué, au point 1.2.4 des conclusions de l’enquête, lors de son audition devant l’organe de conciliation, ainsi qu’il ressort du point B.4 du rapport final dudit organe, et dans le rapport de synthèse, avoir constaté des insuffisances relatives à la qualité des vérifications effectuées par les autorités espagnoles au cours des contrôles sur place, au regard de l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001.

87      Elle a ainsi relevé que les inspecteurs n’avaient formulé aucune observation à l’égard des producteurs lorsque le registre ne mentionnait aucun mouvement d’animaux dans les exploitations concernées ou lorsqu’il mentionnait un faible nombre de mouvements de ce type. En outre, elle a indiqué que, lors d’au moins un contrôle sur place, l’inspecteur n’avait pas décelé que le registre n’avait pas été mis à jour ou que celui-ci contenait une erreur. Cela prouverait qu’il n’avait pas comparé les mentions inscrites dans le registre avec les documents justificatifs correspondants, comme la disposition précitée le lui imposait. La Commission a également indiqué que ces circonstances résultaient d’une préparation insuffisante des inspecteurs nationaux à vérifier les mouvements d’animaux, et plus généralement, d’un manque de rigueur de la part des autorités espagnoles.

88      Il y a lieu de considérer que, eu égard à l’importance, rappelée au point 75 ci-dessus, de la tenue à jour des registres, les constatations de la Commission constituent, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 21 et 22 ci-dessus, des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de la qualité des vérifications de l’exactitude des inscriptions du registre, au sens de l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001, effectuées par les autorités espagnoles. La Commission a, partant, présenté des éléments de preuve d’un risque de perte pour le FEOGA.

89      Dès lors, conformément à la jurisprudence rappelée au point 21 ci-dessus, une fois apportés de tels éléments de preuve par la Commission, il incombe à l’État membre concerné d’apporter la preuve la plus détaillée et complète possible de la réalité de ses contrôles et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission.

90      À cette fin, le Royaume d’Espagne oppose à la Commission que c’est lors d’un seul contrôle sur place, sur les vingt-cinq qui ont fait l’objet d’une inspection par la Commission, que les vérifications prescrites par l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001 n’avaient pas été effectuées. Il conteste les autres irrégularités constatées par la Commission concernant les vérifications prévues par cette disposition et, lors de l’audience, il a soutenu que les observations de la Commission, figurant dans le courrier du 1er septembre 2004, relatives aux contrôles sur place effectués lors de l’enquête de la Commission n’étaient pas des constatations d’irrégularités, mais de simples recommandations destinées à améliorer les contrôles à l’avenir.

91      Il ajoute que l’unique irrégularité constatée par la Commission, qui concernait le défaut de signalement, par l’inspecteur, d’une vente d’animaux tardivement mentionnée par un producteur dans le registre, n’avait pas remis en cause la conformité de l’octroi des primes à la réglementation applicable. En effet, dans l’exploitation concernée, le nombre d’animaux éligibles au régime de primes aurait été supérieur au nombre de primes qui pouvaient être octroyées au producteur.

92      Le Royaume d’Espagne précise également que l’absence d’observations de la part des inspecteurs ne signifie pas que les vérifications prévues à l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001 n’ont pas été effectuées, mais plutôt que celles-ci n’ont pas mis en évidence d’anomalies méritant d’être signalées. De plus, conformément aux recommandations formulées par la Commission à la suite de l’enquête, les rapports de contrôles auraient été modifiés de façon à obliger les inspecteurs à détailler les vérifications qu’ils avaient réalisées, indépendamment de toute constatation d’anomalie.

93      En premier lieu, il convient de relever que le Royaume d’Espagne reconnaît que l’un des contrôles sur place ayant fait l’objet d’une inspection par la Commission n’a pas été effectué conformément à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001.

94      En deuxième lieu, les observations figurant dans le courrier du 1er septembre 2004 contiennent, comme le souligne le Royaume d’Espagne, des recommandations visant l’amélioration des contrôles sur place par les autorités espagnoles. Toutefois, ces recommandations découlent des anomalies concernant la tenue du registre constatées au cours de l’enquête et recensées dans ledit courrier.

95      En effet, ce dernier indique, notamment, que, dans la cinquième exploitation visitée, des erreurs dans le calcul du nombre de droits à prime avaient été commises. Dans la sixième exploitation visitée, la mort de trois animaux n’était pas mentionnée dans le registre et le nombre de primes demandé était supérieur au nombre d’animaux présents dans l’exploitation. Dans la neuvième exploitation visitée, la vente de dix animaux n’avait pas été inscrite dans le registre. Dans la douzième exploitation visitée, deux documents de transports de cadavres n’étaient pas mentionnés dans le registre. Dans la treizième exploitation visitée, le registre ne faisait pas état d’un mouvement d’animaux. Dans les vingt et unième et vingt-troisième exploitations visitées, le registre mentionnait un nombre d’animaux éligibles à la prime supérieur au décompte effectué par l’inspecteur. Dans la vingt-quatrième exploitation visitée, le décès de deux animaux n’avait pas été inscrit dans le registre.

96      Or, le Royaume d’Espagne n’avance aucun élément de nature à infirmer ces constatations.

97      Il n’établit pas, dès lors, que le contrôle sur place dont il reconnaît qu’il n’a pas été réalisé conformément à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001 était le seul qui, parmi ceux inspectés par la Commission lors de son enquête, était irrégulier.

98      En troisième lieu, il convient de constater que le Royaume d’Espagne n’a apporté aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle, dans l’exploitation concernée par ledit contrôle, le nombre d’animaux éligibles au régime de primes que comptait l’exploitation concernée était supérieur au nombre de primes qui pouvaient être octroyées au producteur concerné.

99      Il en résulte que le Royaume d’Espagne n’a pas démontré que, même à la supposer unique, l’irrégularité dont il reconnaît l’existence n’avait pas remis en cause la conformité de l’octroi des primes à la réglementation applicable et, partant, n’avait pas causé de perte pour le FEOGA.

100    En quatrième lieu, il convient de considérer que, à le supposer recevable, l’argument soulevé par le Royaume d’Espagne lors de l’audience, selon lequel l’article 40 du règlement n° 2419/2001 prévoirait que ne sont susceptibles d’entraîner une correction financière que les irrégularités qui affectent les contrôles qui concernent des animaux éligibles à l’aide, doit être écarté.

101    En effet, cet article prévoit la réduction du montant de l’aide à laquelle un exploitant peut prétendre lorsque certaines irrégularités sont constatées. Le paragraphe 1 de cet article, lu en combinaison avec l’article 36, paragraphe 3, et l’article 38, paragraphes 2 et 3, du même règlement, auxquels il renvoie, concerne la situation dans laquelle le nombre d’animaux pour lesquels le bénéfice de l’aide est demandé ne correspond pas au nombre d’animaux effectivement éligibles à l’aide.

102    Cet article vise ainsi les conséquences du non-respect, par les producteurs, des conditions d’octroi d’une aide, mais non les conditions dans lesquelles la Commission peut refuser de prendre en charge des dépenses effectuées par un État membre en violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles.

103    En cinquième lieu, le fait que les autorités espagnoles ont modifié les rapports de contrôle à la suite de l’enquête, dans le but de mettre un terme aux insuffisances constatées lors de celle-ci, n’est susceptible de remettre en cause l’existence ni desdites irrégularités lors des années qui ont précédé lesdites modifications ni, partant, d’un risque de perte pour le FEOGA.

104    Il y a lieu, dès lors, de considérer que le Royaume d’Espagne n’a pas démontré que les vérifications de l’exactitude des inscriptions du registre, prévues à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001, effectuées lors des contrôles sur place au cours des années 2002, 2003 et 2004, étaient conformes à cette disposition et avaient, partant, assuré un système de contrôle fiable et opérationnel.

105    Il résulte de ce qui précède que le Royaume d’Espagne, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 21 et 23 ci-dessus, n’a pas démontré l’inexactitude des constatations de la Commission relatives, d’une part, à l’existence d’irrégularités lors des contrôles sur place concernant les vérifications prévues à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001, et, d’autre part, au nombre de contrôles sur place au cours desquels de telles irrégularités avaient été constatées. Il n’a pas davantage démontré que la Commission avait commis une erreur quant aux conséquences financières qu’elle avait tirées de ces irrégularités.

106    L’inexactitude des constatations de la Commission n’ayant pas été démontrée, celles-ci doivent, par conséquent, être regardées comme établies (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, point 23 supra, point 67).

107    Le Royaume d’Espagne conteste, par ailleurs, que les irrégularités mentionnées au point 121 du mémoire en défense aient présenté un caractère fréquent et récurrent.

108    Au point 121 du mémoire en défense, la Commission a indiqué que l’enquête avait révélé de fréquentes et récurrentes irrégularités. Ainsi, en règle générale, les inspecteurs n’auraient formulé aucune observation à l’égard des producteurs lorsque le registre mentionnait un faible nombre ou ne mentionnait pas de mouvements d’animaux. En outre, ledit registre n’aurait pas mentionné si les animaux, pour lesquels une aide avait été demandée au cours de douze mois précédant la date du contrôle sur place, étaient restés dans l’exploitation pendant toute la période de rétention. De plus, les inspecteurs n’auraient pas comparé les informations contenues dans les registres aux pièces justificatives telles que des factures ou des documents relatifs au transport des carcasses. Enfin, la méthode de comptage des animaux serait approximative et non homogène, de sorte qu’elle était susceptible d’avoir une incidence sur le dénombrement des animaux.

109    Selon le Royaume d’Espagne, les faits sur lesquels ces prétendues irrégularités se fondent ne figurent pas au nombre de ceux désignés dans le courrier de la Commission du 1er septembre 2004 comme pouvant constituer des irrégularités. Il n’apparaîtrait pas, dès lors, qu’ils aient fait l’objet d’une analyse indiquant les raisons pour lesquelles ils constituaient des irrégularités justifiant l’application d’une correction financière.

110    Il convient de relever que le point 121 du mémoire en défense consiste, en substance, en un rappel des irrégularités constatées par la Commission lors de l’enquête ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

111    Or, ainsi qu’il ressort des points 36, 83 et 104 ci-dessus, le Royaume d’Espagne n’a pas démontré l’inexactitude de ces constatations, de sorte que son argument doit être rejeté.

112    Il résulte de ce qui précède que l’argumentation du Royaume d’Espagne visant à démontrer que les vérifications opérées lors des contrôles sur place avaient été effectuées conformément à l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001 doit être rejetée.

113    Le Royaume d’Espagne n’ayant démontré l’inexactitude d’aucune des constatations d’irrégularités sur laquelle la Commission s’est fondée pour appliquer la correction financière contestée dans le cadre du présent recours, le moyen unique et, partant, le recours dans son ensemble doivent être rejetés.

 Sur les dépens

114    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

115    Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 octobre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.