Language of document : ECLI:EU:T:2005:429

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

29 novembre 2005 (*)

« Concurrence – Article 81 CE – Entente – Marché du phosphate de zinc – Amende – Article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 – Principes de proportionnalité et d’égalité de traitement – Recours en annulation »

Dans l’affaire T-52/02,

Société nouvelle des couleurs zinciques SA (SNCZ), établie à Bouchain (France), représentée par Mes R. Saint-Esteben et H. Calvet, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. F. Castillo de la Torre et F. Lelievre, puis par M. Castillo de la Torre et Mme O. Beynet, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 3 de la décision 2003/437/CE de la Commission, du 11 décembre 2001, relative à une procédure engagée au titre de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E‑1/37.027 – Phosphate de zinc) (JO 2003, L 153, p. 1), ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende imposée à la requérante,


LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas et J. D. Cooke, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juillet 2004,

rend le présent

Arrêt

 Faits

1        La Société nouvelle des couleurs zinciques SA (ci-après la « requérante » ou la « SNCZ ») est une entreprise française qui produit du phosphate de zinc et des chromates de zinc, de strontium et de baryum. Tous ces produits sont des pigments minéraux anticorrosion utilisés dans l’industrie de la peinture et des revêtements. En 2000, le chiffre d’affaires de la SNCZ au niveau mondial était de 17,08 millions d’euros.

2        Bien que leurs formules chimiques puissent varier légèrement, les orthophosphates de zinc constituent un produit chimique homogène, désigné par l’appellation générique « phosphate de zinc ». Le phosphate de zinc, obtenu à partir de l’oxyde de zinc et de l’acide phosphorique, est fréquemment utilisé comme pigment minéral anticorrosion dans l’industrie de la peinture. Il est commercialisé sur le marché soit en tant que phosphate de zinc standard, soit en tant que phosphate de zinc modifié ou « activé ».

3        En 2001, la plus grosse partie du marché mondial de phosphate de zinc était détenue par les cinq producteurs européens suivants : Dr. Hans Heubach GmbH & Co. KG (ci-après « Heubach »), James M. Brown Ltd (ci-après « James Brown »), la SNCZ, Trident Alloys Ltd (ci-après « Trident ») (anciennement Britannia Alloys and Chemicals Ltd, ci-après « Britannia ») et Union Pigments AS (anciennement Waardals AS, ci-après « Union Pigments »). Entre 1994 et 1998, la valeur du marché du phosphate de zinc standard s’élevait à environ 22 millions d’euros par an au niveau mondial et à environ 15 à 16 millions d’euros par an au niveau de l’Espace économique européen (EEE). Dans l’EEE, Heubach, la SNCZ, Trident (anciennement Britannia) et Union Pigments détenaient des parts du marché du phosphate de zinc standard assez similaires, de l’ordre de 20 %. James Brown détenait une part de marché nettement inférieure. Les acheteurs de phosphate de zinc sont les grands fabricants de peinture. Le marché de la peinture est dominé par quelques groupes chimiques multinationaux.

4        Les 13 et 14 mai 1998, la Commission a procédé, simultanément et sans préavis, à des vérifications dans les locaux de Heubach, de la SNCZ et de Trident, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). Du 13 au 15 mai 1998, agissant à la suite d’une demande de la Commission en application de l’article 8, paragraphe 3, du protocole 23 de l’accord EEE, l’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE) a procédé, simultanément et sans préavis, à des vérifications dans les locaux d’Union Pigments, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, du chapitre II du protocole 4 de l’accord entre les États de l’AELE relatif à l’institution d’une Autorité de surveillance et d’une Cour de justice.

5        Lors de la procédure administrative, Union Pigments et Trident ont informé la Commission de leur intention de coopérer pleinement avec elle, conformément à la communication du 18 juillet 1996 de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur les ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération ») et ont chacune fait des déclarations au sujet de l’entente (ci-après la « déclaration de Union Pigments » et la « déclaration de Trident »).

6        Le 2 août 2000, la Commission a adopté une communication des griefs à l’encontre des entreprises destinataires de la décision qui fait l’objet du présent recours (voir point 7 ci-après), en ce compris la requérante. Dans sa réponse du 1er décembre 2000 à la communication des griefs, la requérante a déclaré qu’elle ne contestait pas en substance les faits exposés dans celle-ci.

7        Le 11 décembre 2001, la Commission a adopté la décision 2003/437/CE relative à une procédure engagée au titre de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/37.027 – Phosphate de zinc) (JO 2003, L 153, p. 1). La décision prise en considération aux fins du présent arrêt est celle qui a été notifiée aux entreprises concernées et qui est annexée à la requête (ci-après la « décision attaquée »). Cette décision est, sous certains aspects, différente de celle qui a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

8        Dans la décision attaquée, la Commission indique qu’une entente réunissant Britannia (Trident à compter du 15 mars 1997), Heubach, James Brown, la SNCZ et Union Pigments a existé entre le 24 mars 1994 et le 13 mai 1998. L’entente se serait limitée au phosphate de zinc standard. Premièrement, les membres de l’entente auraient mis en place un accord de partage du marché avec des quotas de vente pour les producteurs. Deuxièmement, ils auraient fixé des prix « planchers » ou « recommandés » à chaque réunion et les auraient généralement suivis. Troisièmement, il y aurait eu, dans une certaine mesure, répartition des clients.

9        Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

Britannia […], […] Heubach […], James […] Brown […], [la SNCZ], Trident […] et [Union Pigments] ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du traité et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant à un accord continu et/ou une pratique concertée dans le secteur du phosphate de zinc.

La durée de l’infraction a été la suivante :

a)      en ce qui concerne […] Heubach […], James [….] Brown […], [la SNCZ] et [Union Pigments] : du 24 mars 1994 au 13 mai 1998.

[…]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction mentionnée à l’article 1er :

a)      Britannia […] : 3,37 millions d’euros ;

b)      […] Heubach […] : 3,78 millions d’euros ;

c)      James […] Brown […] : 940 000 euros ;

d)      [la SNCZ] : 1,53 million d’euros;

e)      Trident […] : 1,98 million d’euros ;

f)      [Union Pigments] : 350 000 euros.

[…] »

10      Pour le calcul du montant des amendes, la Commission a mis en œuvre la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices ») et la communication sur la coopération.

11      Ainsi, la Commission a, tout d’abord, fixé un « montant de base », et ce en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction (voir considérants 261 à 313 de la décision attaquée).

12      S’agissant du premier facteur, elle a considéré que l’infraction devait être qualifiée de « très grave », et ce eu égard à la nature du comportement en cause, aux effets réels de celui-ci sur le marché du phosphate de zinc et au fait qu’il avait couvert l’ensemble du marché commun et, après sa création, l’ensemble de l’EEE (considérant 300 de la décision attaquée). Indépendamment de la nature très grave de l’infraction, la Commission a expliqué qu’elle prenait en considération la taille limitée du marché en cause (considérant 303 de la décision attaquée).

13      La Commission a appliqué un « traitement différencié » aux entreprises concernées afin, d’une part, de tenir compte de la capacité économique effective de celles-ci à porter un préjudice important à la concurrence et, d’autre part, de fixer l’amende à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant (considérant 304 de la décision attaquée). À cette fin, elle a réparti les entreprises concernées en deux catégories, en fonction de leur « importance relative sur le marché en cause ». Elle s’est ainsi appuyée sur le chiffre d’affaires réalisé dans l’EEE au cours de la dernière année de l’infraction avec la vente du produit concerné par chacune de ces entreprises et a tenu compte du fait que la requérante, Britannia (Trident à compter du 15 mars 1997), Heubach et Union Pigments étaient « les principaux producteurs de phosphate de zinc dans l’EEE, avec des parts de marché assez similaires, supérieures ou aux alentours de 20 % » (considérants 307 et 308 de la décision attaquée). La requérante a été classée, ainsi que Britannia, Heubach, Trident et Union Pigments, dans la première catégorie (« point de départ » de 3 millions d’euros). James Brown, dont la part du marché était « nettement inférieure », a été classée dans la seconde catégorie (« point de départ » de 750 000 euros) (considérants 308 et 309 de la décision attaquée).

14      S’agissant du facteur relatif à la durée, la Commission a considéré que l’infraction imputable à la requérante était de « moyenne » durée, s’étant étendue du 24 mars 1994 au 13 mai 1998 (considérant 310 de la décision attaquée). Elle a, en conséquence, augmenté de 40 % le point de départ de la requérante, arrivant ainsi à un « montant de base » de 4,2 millions d’euros (considérants 310 et 313 de la décision attaquée).

15      Ensuite, la Commission a estimé qu’il n’y avait pas lieu de retenir des circonstances aggravantes ou atténuantes en l’espèce (considérants 314 à 336 de la décision attaquée). Elle a, en outre, rejeté les arguments tirés du « mauvais contexte économique » dans lequel l’entente avait eu lieu et des caractéristiques spécifiques des entreprises concernées (considérants 337 à 343 de la décision attaquée). La Commission, a, dès lors, fixé à 4,2 millions d’euros le montant de l’amende « avant application de la communication sur [la coopération] » pour ce qui est de la requérante (considérant 344 de la décision attaquée).

16      Par ailleurs, la Commission a rappelé la limite que, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, l’amende à imposer à chacune des entreprises concernées ne pouvait dépasser. Ainsi, le montant de l’amende avant application de la communication sur la coopération de la requérante a été réduit à 1,7 million d’euros et celui de Union Pigments à 700 000 euros. Le montant des amendes des autres entreprises, avant application de la communication sur la coopération, n’a pas été affecté par ce plafond (considérant 345 de la décision attaquée).

17      Enfin, la Commission a consenti à la requérante une réduction de 10 % au titre de la communication sur la coopération eu égard au fait qu’elle avait déclaré, dans sa réponse à la communication des griefs, qu’elle ne contestait pas en substance les faits qui y étaient exposés (considérants 360, 363 et 366 de la décision attaquée). Le montant final de l’amende infligée à la requérante s’est ainsi élevé à 1,53 million d’euros (considérant 370 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 février 2002, la requérante a introduit le présent recours.

19      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d’organisation de la procédure, a invité la Commission à produire un document et à répondre à une question écrite. La Commission a déféré à ces demandes.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 2 juillet 2004.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler l’article 3 de la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

23      La requérante invoque trois moyens à l’appui de son recours. Le premier est tiré d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, le deuxième, d’une violation du principe de proportionnalité et, le troisième, d’une violation du principe de non-discrimination.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

 Arguments des parties

24      Selon la requérante, en fixant le point de départ de son amende à 3 millions d’euros, soit 17 % de son chiffre d’affaires mondial, la Commission a violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17. Ce montant excéderait la limite maximale des amendes prévue par cette disposition.

25      En premier lieu, la requérante prétend qu’une telle fixation arbitraire du point de départ est contraire aux termes exprès de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17. Cette disposition donnerait la possibilité, à la Commission, de dépasser le premier seuil d’un million pour aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mais ne permettrait nullement une méthode consistant à fixer d’emblée le point de départ au-delà de la limite maximale de 10 %, puis à réduire le montant de l’amende, afin de se conformer à ladite disposition. La méthode de calcul appliquée en l’espèce, consistant à fixer le point de départ de la requérante à 3 millions d’euros, soit 17 % de son chiffre d’affaires mondial, ne serait donc pas légale.

26      La requérante soutient que la Commission dénature les termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 lorsqu’elle prétend que cette disposition exige que l’amende qui sera finalement imposée à une entreprise soit « réduite » au cas où son montant « dépasse » la limite de 10 % du chiffre d’affaires. En effet, ladite disposition ne prévoirait pas de réduction à cette limite de 10 %, mais n’envisagerait expressément que l’hypothèse où l’amende étant, dans un premier temps, fixée en deçà de la limite de 10 %, c’est-à-dire entre 1 000 et 1 million d’euros, serait majorée pour être « portée à 10 % ».

27      La requérante conteste que l’arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission (T‑9/99, Rec. p. II‑1487), corrobore la thèse de la Commission selon laquelle le point de départ peut être fixé au-delà de la limite de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée. Dans cet arrêt, le Tribunal aurait visé la prise en compte, par la Commission, d’un « montant intermédiaire » supérieur à la limite de 10 % « au cours de son calcul » et non au « départ » de celui-ci. Dès lors, il n’aurait pas envisagé que le point de départ puisse être fixé au-delà du plafond de 10 %. Cette interprétation serait confirmée par le fait que le Tribunal a déclaré que seuls « certains facteurs pris en considération lors de son calcul ne se répercutent pas sur le montant final de l’amende » (arrêt HFB e.a./Commission, précité, point 452). Or, dans la méthode suivie par la Commission, ce serait la totalité des « facteurs » qui, par principe, ne se répercutent pas sur le montant final, à la seule exception de la réduction pour « coopération », puisque la Commission n’a procédé à celle-ci qu’après avoir réduit le montant intermédiaire pour le ramener au plafond de 10 %. Par ailleurs, la requérante fait observer que l’arrêt HFB e.a./Commission, précité, comme tous les autres arrêts cités par la Commission dans le cadre de ce moyen, n’a fait l’objet que d’une publication partielle au Recueil, les passages non publiés des arrêts en cause ayant sans doute été considérés par le juge communautaire comme ne contenant pas de questions de principe.

28      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la façon dont le point de départ a été fixé en l’espèce viole l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 en ce qu’elle exclut la prise en compte du facteur relatif à la durée de l’infraction dans le montant de l’amende infligée. Elle rappelle que cette disposition impose à la Commission de fixer l’amende en prenant en considération « outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci ». En l’espèce, après avoir fixé à 3 millions d’euros le point de départ, ce qui est très largement supérieur au plafond de 10 %, la Commission aurait majoré ce montant de 40 % pour tenir compte de la durée « moyenne » de l’infraction et l’aurait ainsi porté à 4,2 millions d’euros. Or, dès lors que le point de départ fixé en considération de la gravité de l’infraction excède largement le plafond de 10 % du chiffre d’affaires, une modulation ultérieure en fonction de la durée serait totalement impossible et ne serait qu’un pur exercice théorique conduisant exclusivement à feindre de respecter l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17.

29      La Commission ayant considéré que l’infraction imputée à la requérante était de moyenne durée, elle aurait dû tenir compte de cet élément relativement modérateur, puisqu’une amende plus lourde aurait normalement dû lui être infligée si elle avait commis une infraction non seulement « très grave », mais également de « longue » ou de « très longue » durée. Le fait d’imposer une sanction sans prendre en considération la durée de l’infraction serait « profondément nocif » pour la politique de la concurrence, car les entreprises, surtout les petites ou moyennes entreprises (PME), n’auraient aucune incitation à limiter la durée de leur participation à l’entente.

30      En ce qui concerne la pertinence de l’arrêt HFB e.a./Commission, point 27 supra, pour la prise en considération de la durée d’une infraction, la requérante fait observer, tout d’abord, que, dans cet arrêt, le Tribunal statuait sur une exception d’illégalité des lignes directrices et examinait donc des critiques d’ordre général formulées à l’encontre de celles-ci. En revanche, en l’espèce, il s’agirait de vérifier si le calcul concret effectué spécifiquement dans le cas de la requérante est conforme à l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17. Ensuite, la requérante rappelle que, dans ce même arrêt, le Tribunal a seulement considéré l’hypothèse dans laquelle « certains facteurs » pris en compte ne se répercutaient pas sur l’amende finale (point 453). Il ne se serait pas prononcé sur le facteur relatif à la durée. Étant donné que ce facteur est l’un des deux facteurs visés par l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, il devrait obligatoirement être pris en considération et se répercuter sur le montant final de l’amende, sauf à nier toute force obligatoire et tout effet utile au règlement nº 17 (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T‑21/99, Rec. p. II‑1681, point 203).

31      Enfin, la requérante critique le fait que la Commission ait pris en considération le facteur relatif à la coopération après application du plafond de 10 % alors qu’elle a augmenté le montant de base au vu de la durée de l’infraction avant application dudit plafond. Cette approche aurait pour résultat que le facteur relatif à la coopération, prévu par les lignes directrices, a un impact direct sur l’amende effective et incite donc les entreprises à coopérer avec la Commission. En revanche, les entreprises ne tireraient qu’un bénéfice théorique du facteur relatif à la durée, prévu par un règlement du Conseil, et, par voie de conséquence, ne seraient pas incitées à mettre fin le plus tôt possible à l’infraction.

32      En troisième lieu, la requérante soutient que la façon dont le point de départ a été fixé, à savoir largement au-delà du plafond de 10 %, viole l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, en ce qu’elle exclut la prise en compte des circonstances aggravantes et atténuantes dans le montant de l’amende infligée. Au vu de la jurisprudence et de ses propres lignes directrices, la Commission ne pourrait pas adopter de méthode rendant impossible toute prise en compte effective de telles circonstances, puisque celles-ci relèvent de l’appréciation de la gravité de l’infraction, critère prévu à l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T‑202/98, T‑204/98 et T‑207/98, Rec. p. II‑2035, point 109).

33      En quatrième lieu, la méthode adoptée par la Commission pour déterminer le montant des amendes ne donnerait aucune indication sur les éléments retenus par cette dernière pour fixer le point de départ. Bien que les lignes directrices évoquent un montant « envisageable » de 20 millions d’euros pour les infractions très graves, la Commission aurait perçu le caractère inapproprié de tels montants lorsque, comme en l’espèce, pour toutes les entreprises en cause, de taille petite ou moyenne, ce « minimum » était déjà très nettement supérieur à la limite de 10 % de leur chiffre d’affaires. La requérante souligne que « ce flou absolu, pour le moins singulier dans le cadre d’une démarche visant à assurer ‘la transparence et le caractère objectif des décisions’, deviendrait un arbitraire total s’il permettait au surplus à la Commission de méconnaître les critères que lui impose l’article 15, paragraphe 2 ».

34      Pour sa part, la Commission soutient, en se fondant notamment sur la jurisprudence du Tribunal dans les affaires dites « conduites précalorifugées » (arrêts HFB e.a./Commission, point 27 supra ; Dansk Rørindustri/Commission, point 30 supra ; arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, Brugg Rohrsyteme/Commission, T‑15/99, Rec. p. II‑1613, point 150, et Lögstör Rör/Commission, T‑16/99, Rec. p. II‑1633, point 292), que la requérante fait une interprétation erronée des dispositions de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et que, dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

35      S’agissant de l’argument que la requérante fait valoir dans sa réplique et selon lequel il n’existe aucune indication générale dans les lignes directrices permettant de prévoir le niveau que devrait normalement atteindre le point de départ, la Commission considère qu’il est irrecevable au motif qu’il constitue un moyen nouveau. En effet, cet argument n’aurait rien à voir avec une éventuelle violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui constitue le premier moyen, et ne pourrait donc être considéré comme un développement de ce moyen. En tout état de cause, cet argument ne serait pas pertinent dès lors que les lignes directrices donnent des indications quant au point de départ.

 Appréciation du Tribunal

36      La requérante prétend que la Commission a violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 en ce que le point de départ utilisé aux fins du calcul du montant de l’amende, à savoir 3 millions d’euros représentant 17 % de son chiffre d’affaires, dépasse le plafond de 10 % prévu par cette disposition. Cet argument ne saurait être retenu.

37      Aux termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, « [l]a Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence [...] elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81] paragraphe 1, [...] du traité ». La même disposition prévoit que, « [p]our déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci ».

38      En disposant que la Commission peut infliger des amendes d’un montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent, l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 exige que l’amende qui sera finalement imposée à une entreprise soit réduite au cas où son montant dépasse 10 % de son chiffre d’affaires, indépendamment des opérations de calcul intermédiaires destinées à prendre en compte la durée et la gravité de l’infraction. Il s’ensuit que la limite maximale de 10 % prévue par cette disposition s’applique au seul montant de l’amende finalement infligée par la Commission (arrêt HFB e.a./Commission, point 27 supra, point 451 ; arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, non encore publié au Recueil, points 367 et 368).

39      Contrairement à ce que soutient la requérante, les « montants intermédiaires » au sens de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus comprennent le point de départ (voir, en ce sens, arrêts HFB e.a./Commission, point 27 supra, point 450, et Dansk Rørindustri/Commission, point 30 supra, points 183, 184 et 205 ; voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Daesang et Sewon Europe/Commission, T‑230/00, Rec. p. II‑2733, point 56).

40      Par ailleurs, si, dans son calcul, la Commission fait intervenir un montant intermédiaire, y compris un point de départ, dépassant la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée, le fait que certains facteurs pris en considération, lors dudit calcul, ne se répercutent pas sur le montant final de l’amende ne saurait être critiqué. Cela est, en effet, la conséquence de l’interdiction prévue par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 de dépasser la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée (arrêt HFB e.a./Commission, point 27 supra, point 453). Parmi les « facteurs » qui pourraient ne pas se répercuter sur le montant final de l’amende figure la durée (arrêts HFB e.a./Commission, point 27 supra, points 450 à 453, et Dansk Rørindustri/Commission, point 30 supra, point 251).

41      En ce qui concerne l’argumentation de la requérante tirée de ce que le facteur relatif à la coopération est pris en considération après application du plafond de 10 % et a donc un impact direct sur le montant de l’amende, il suffit de constater que cette approche assure que la communication sur la coopération puisse produire son plein effet utile : si le montant de base excédait largement la limite de 10 % avant l’application de ladite communication sans que cette limite puisse être appliquée immédiatement, l’incitation de l’entreprise concernée à coopérer avec la Commission serait beaucoup plus faible, étant donné que l’amende finale serait ramenée à 10 % en toute hypothèse, avec ou sans coopération (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 38 supra, points 352 à 354).

42      Quant à l’argument de la requérante selon lequel il n’existe aucune indication générale, dans les lignes directrices, permettant de prévoir le niveau que devrait normalement avoir le point de départ, il y a lieu de le rejeter sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa recevabilité (voir point 35 ci-dessus). Le Tribunal considère qu’il suffit de constater que les lignes directrices prévoient que, pour les infractions très graves, le montant des amendes « envisageables » va au-delà de 20 millions d’euros (point 1 A, troisième tiret, deuxième alinéa). Il ne serait pas possible de donner des indications précises concernant les points de départ dans toutes les infractions possibles. De plus, il ressort clairement du point 1 A, troisième tiret, deuxième alinéa que le montant des amendes pourrait être inférieur à 20 millions d’euros, de sorte que l’argument de la requérante selon lequel ces lignes directrices ne sont pas conçues pour les PME doit être rejeté. Par ailleurs, les mêmes lignes directrices permettent à la Commission de prendre en considération, lorsque les circonstances l’exigent, la situation particulière dans laquelle se trouvent les PME (arrêt Lögstör Rör/Commission, point 34 supra, point 295).

43      Il ressort clairement des lignes directrices que les amendes infligées aux PME qui ont participé à des infractions très graves peuvent non seulement être inférieures à 20 millions d’euros, mais aussi être portées au plafond de 10 % prévu par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Le grief de la requérante selon lequel il n’existe aucune indication générale à cet égard doit donc être rejeté.

44      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

45      À titre liminaire, la requérante fait remarquer que, en tenant compte de la réduction de 10 % au titre de la communication sur la coopération, l’amende qui lui a été infligée est la sanction la plus élevée qui pouvait légalement être adoptée contre elle, puisqu’elle représente 9 % de son chiffre d’affaires mondial. À sa connaissance, jamais, en 40 ans, la Commission n’a adopté une décision d’une telle sévérité. Elle prétend que la Commission a ainsi violé le principe de proportionnalité.

46      Le deuxième moyen se compose de trois branches, dans lesquelles la requérante fait successivement valoir que le principe de proportionnalité a été violé :

–        en ce que l’amende qui lui a été imposée est totalement disproportionnée, notamment par rapport à celle infligée à d’autres entreprises, tant dans la présente affaire que dans d’autres affaires récentes ;

–        en ce que la Commission a pris en compte son chiffre d’affaires mondial pour déterminer le plafond de son amende ;

–        en ce que la Commission n’a pas tenu compte du rapport entre son chiffre d’affaires global et celui réalisé par la vente du produit en cause.

 Sur la première branche, tirée de ce que l’amende infligée à la requérante est totalement disproportionnée

–       Arguments des parties

47      La requérante affirme que le fait d’avoir arbitrairement fixé, en l’espèce, le point de départ à un niveau largement supérieur au plafond de 10 % a conduit à une sanction manifestement disproportionnée. Elle explique que, le point de départ représentant, dans son cas, 17 % de son chiffre d’affaires mondial, soit 170 % du maximum légal, elle était « assurée » de se voir imposer une amende du montant maximal, et ce alors que rien ne justifiait une telle sévérité. En particulier, elle relève qu’il n’y a aucune relation entre le montant de l’amende, d’une part, et la gravité de l’infraction, sa taille et sa propre responsabilité, d’autre part. La sanction infligée reposerait sur une démarche totalement étrangère à toute prise en compte de sa situation concrète. Elle relève que la Commission elle-même admet que la durée de l’infraction qu’elle a commise est « moyenne » et en aucun cas « longue ».

48      Selon la requérante, le fait d’infliger une amende maximale à une PME est contraire aux principes posés par la jurisprudence et par les lignes directrices de la Commission. Le Tribunal aurait validé ces dernières en indiquant qu’il pouvait être approprié de pondérer les montants déterminés « notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature et d’adopter en conséquence le point de départ général selon le caractère spécifique de chaque entreprise » (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T‑48/98, Rec. p. II‑3859, point 80). Dans l’arrêt Acerinox/Commission, précité, le Tribunal aurait également rejeté l’argument invoqué par l’une des requérantes et fondé sur la faiblesse de ses parts de marché au motif qu’il fallait fondamentalement tenir compte de sa « taille » et de « sa puissance économique » (points 89 et 90). Ainsi, le Tribunal aurait souligné qu’il était essentiel de tenir compte de la taille de l’entreprise, indépendamment de ses parts de marché. En l’espèce, la Commission aurait totalement omis de prendre en considération le fait que la requérante est une PME particulièrement modeste et qu’il existait une « disparité considérable » entre les tailles des différentes entreprises en cause.

49      La requérante estime que les lignes directrices n’ont nullement été conçues pour les PME. Ainsi, dans le cas d’infractions très graves, elles prévoiraient une amende « envisageable » au-delà de 20 millions d’euros. Or, une amende d’un tel montant supposerait au minimum un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros, à savoir un chiffre d’affaires onze fois supérieur à celui de la requérante.

50      La requérante prétend que l’une des conséquences de la méthode arbitraire de fixation des amendes adoptée par la Commission est que les grandes entreprises sont moins sanctionnées que les PME. Elle considère, premièrement, en ce qui concerne le cas d’espèce, qu’il est manifestement disproportionné que des grandes entreprises se voient infliger des amendes inférieures de moitié à celles des PME pour des infractions strictement identiques. La requérante renvoie, à cet égard, à un tableau figurant dans la requête et indiquant le montant de l’amende infligée à chacune des entreprises incriminées. Elle prétend que l’amende qui lui a été imposée est l’amende maximale et qu’elle représente pratiquement le double de celle infligée à Heubach, alors que les infractions qui leur sont imputées étaient d’une gravité et d’une durée strictement identiques. Elle précise, à cet égard, qu’elle raisonne en pourcentage de chiffre d’affaires et non en montants absolus. Deuxièmement, la disproportion serait tout aussi manifeste lorsque l’on compare l’amende infligée à la requérante à celle imposée à d’autres entreprises dans des affaires similaires. Ainsi, dans la décision 2001/716/CE de la Commission, du 18 juillet 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP.D.2 37.444 – SAS/Maersk Air et affaire COMP.D.2 37.386 − Sun-Air contre SAS et Maersk Air) (JO L 265, p. 15, ci-après la « décision SAS »), la société SAS aurait été condamnée à une amende correspondant à 0,79 % de son chiffre d’affaires mondial après avoir bénéficié d’une réduction de 10 % au titre de la communication sur la coopération, soit une amende onze fois moins élevée, en proportion du chiffre d’affaires, que celle infligée à la requérante. Cette dernière souligne que, pour une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires mondial de près de 5 milliards d’euros, une amende correspondant à 0,79 % de son chiffre d’affaires est anodine, alors que pour elle-même, qui réalise un chiffre d’affaires de 17 millions d’euros, une amende de 1,53 million d’euros est une sanction colossale (arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, points 336 et 347).

51      En ce qui concerne l’allégation de la Commission selon laquelle la dimension de la requérante a été prise en compte, puisque le point de départ a été fixé à 3 millions d’euros, et non à 20 millions d’euros comme le prévoient les lignes directrices, la requérante rétorque, dans sa réplique, que la Commission fait fi de l’appréciation de l’importance de l’amende par rapport à celle de l’entreprise. En effet, la Commission ne raisonnerait qu’en montants absolus, niant par là toute signification à la référence au chiffre d’affaires pour apprécier l’importance d’une amende pour une entreprise déterminée. Or, les lignes directrices « ne [s’opposeraient] pas à ce que de tels chiffres d’affaires soient pris en compte dans la détermination du montant de l’amende afin de respecter les principes généraux de droit communautaire et lorsque les circonstances l’exigent » (arrêt HFB e.a./Commission, point 27 supra, point 447). En l’espèce, la Commission aurait dû prendre en compte le chiffre d’affaires dans la détermination du montant de l’amende pour éviter une violation du principe de proportionnalité. Certains textes importants, dont le règlement (CEE) nº 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises [JO L 395, p. 1, et rectificatif JO 1990, L 257, p. 13, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997, JO L 180, p. 1], et les textes régissant les PME montreraient le caractère essentiel du critère du chiffre d’affaires.

52      S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel il ne saurait lui être reproché que le montant de l’amende imposée à certaines entreprises soit supérieur, par rapport au chiffre d’affaires, à celui de l’amende infligée à d’autres entreprises impliquées dans la même infraction, la requérante prétend que la jurisprudence en cause s’applique seulement aux entreprises qui se trouvent dans une situation différente par rapport aux facteurs relatifs à la « gravité » et à la « durée ». En revanche, la jurisprudence ne donnerait pas de réponse à la question soulevée dans la présente affaire, dans laquelle la sanction imposée à la requérante est, par rapport à son chiffre d’affaires, près de deux fois supérieure à celle imposée à Heubach, alors que ces deux entreprises se trouvaient dans une situation identique.

53      La requérante prétend que la violation du principe de proportionnalité est d’autant plus manifeste en l’espèce que la Commission a commis des erreurs d’appréciation dans la détermination du montant de l’amende. En particulier, elle n’aurait tenu compte ni des principes qu’elle formule dans ses lignes directrices ni de sa pratique antérieure. Premièrement, le fait que la requérante, une PME, ne disposait même pas d’un service juridique n’aurait pas été retenu dans la présente affaire. La requérante rappelle, à cet égard, que la Commission a renoncé, dans certains cas, à infliger des amendes aux petites entreprises qui ne connaissaient pas suffisamment le droit communautaire et le droit national [décision 82/897/CEE de la Commission, du 15 décembre 1982, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/C-30.128 Toltecs-Dorcet) (JO L 379, p. 19)]. Elle ajoute, se référant au fait que les entreprises concernées ont laissé l’indication de toutes les rencontres dans les agendas, que la Commission n’a pas établi à suffisance que ces entreprises étaient vraiment conscientes du caractère illégal des pratiques en cause.

54      Deuxièmement, la requérante avance que, généralement, la Commission inflige des amendes atténuées lorsqu’elle applique pour la première fois les règles de concurrence dans un contexte nouveau [décision 92/521/CEE de la Commission, du 27 octobre 1992, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/33.384 et 33.378 – Distribution des forfaits touristiques lors de la coupe du monde de football 1990) (JO L 326, p. 31, point 125)]. Elle relève que le communiqué de presse de la Commission dans la présente affaire laisse entendre que c’est la première fois que cette dernière s’attaque aussi sévèrement à des pratiques illicites auxquelles avaient participé des PME et en conclut que l’amende maximale n’aurait pas dû lui être infligée.

55      Troisièmement, la requérante affirme que la Commission n’a pas pu faire état de l’existence d’un dommage exceptionnel aux consommateurs. À cet égard, la requérante invoque la taille du marché du phosphate de zinc, jugée « limitée » par la Commission elle-même (considérant 303 de la décision attaquée), l’existence de produits de substitution (considérant 45 de la décision attaquée) et la taille des acheteurs (considérant 51 de la décision attaquée).

56      Enfin, la requérante rappelle que, selon les lignes directrices, « l’avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l’infraction » est un élément important de l’appréciation du montant de l’amende. Or, la Commission n’a jamais prétendu que la requérante avait retiré un quelconque bénéfice de l’infraction.

57      Pour sa part, la Commission conteste l’argumentation de la requérante. Elle affirme que l’amende qui lui a été infligée représente 9 % du chiffre d’affaires qu’elle avait réalisé au cours de l’exercice social précédent. Dès lors, l’affirmation de la requérante selon laquelle cette amende est « l’amende la plus élevée qui pouvait légalement être adoptée à son encontre », serait erronée, puisqu’elle représentait moins de 10 % de son chiffre d’affaires. Par ailleurs, elle précise que, contrairement à ce que prétend la requérante, non seulement elle a infligé des sanctions plus sévères que celle qui a été prise à l’encontre de celle-ci, mais, de plus, elle a, à plusieurs reprises, réduit l’amende imposée à une entreprise pour respecter le plafond de 10 % [décision 1999/60/CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 − Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1, ci-après la « décision Conduites précalorifugées »), considérant 176 (concernant l’entreprise Lögstör), et décision 2002/271/CE de la Commission, du 12 juillet 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/E-1/36.490 − Électrodes de graphite) (JO 2002, L 100, p. 1), considérant 199 (concernant l’entreprise UCAR)]. Par ailleurs, la Commission rejette le bien-fondé des arguments de la requérante relatifs au caractère disproportionné de l’amende.

–       Appréciation du Tribunal

58      Aux termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération la durée et la gravité de l’infraction. C’est donc au regard de l’ensemble des circonstances de l’infraction qu’il convient d’apprécier le caractère proportionné de l’amende (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 1215).

59      En l’espèce, il importe de souligner que la requérante ne conteste pas qu’elle a participé à une infraction très grave au sens des lignes directrices, et ce du 24 mars 1994 au 13 mai 1998, à savoir pendant plus de quatre ans.

60      De plus, il doit être constaté que le point de départ de 3 millions d’euros fixé par la Commission est très nettement inférieur au seuil minimal de 20 millions d’euros qui est normalement prévu par les lignes directrices pour ce type d’infraction (voir point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret). L’amende finalement imposée à la requérante ne s’élève qu’à 1,53 million d’euros. Le Tribunal estime, eu égard, d’une part, à la gravité de l’infraction, à sa durée et au rôle de la requérante dans sa commission et, d’autre part, aux éléments rapportés par la requérante dans la présente affaire, que le montant de l’amende qui lui a été infligée n’est pas disproportionné.

61      Par ailleurs, il convient de rejeter la thèse de la requérante selon laquelle l’amende qui lui a été imposée est disproportionnée au vu de sa taille. Tout d’abord, son affirmation selon laquelle elle était « assurée » de se voir infliger l’amende maximale dès lors que le point de départ correspondait à 17 % de son chiffre d’affaires mondial ne saurait être retenue. Si le comportement de la requérante l’avait justifié, l’amende aurait, en effet, pu être considérablement réduite au titre de circonstances atténuantes et de la communication sur la coopération. En l’espèce, l’amende imposée ne représente pas l’amende maximale que la Commission aurait pu imposer, puisqu’elle a été réduite de 10 % au titre de la communication sur la coopération.

62      Ensuite, il convient de rappeler, d’une part, que la seule référence expresse au chiffre d’affaires contenue dans l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 concerne la limite supérieure que le montant d’une amende ne peut dépasser et, d’autre part, que cette limite s’entend comme étant relative au chiffre d’affaires global (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 119). Dans le respect de cette limite, la Commission peut, en principe, fixer l’amende à partir du chiffre d’affaires de son choix, en termes d’assiette géographique et de produits concernés (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 5023), sans être obligée de retenir précisément le chiffre d’affaires global ou celui réalisé sur le marché des produits en cause. Enfin, si les lignes directrices ne prévoient pas le calcul des amendes en fonction d’un chiffre d’affaires déterminé, elles ne s’opposent pas non plus à ce qu’un tel chiffre d’affaires soit pris en compte, à condition que le choix opéré par la Commission ne soit pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 38 supra, point 195).

63      En l’espèce, il doit être rappelé qu’il ressort de la décision attaquée que la Commission a estimé approprié de procéder à un traitement différencié des entreprises afin de tenir compte de la « capacité économique effective des contrevenantes de porter un préjudice important à la concurrence, ainsi que de fixer l’amende à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant » (considérant 304 de la décision attaquée). Elle a ajouté qu’il était nécessaire de « tenir compte du poids particulier de chaque entreprise, et donc de l’effet réel de son comportement illicite sur la concurrence ». Aux fins de l’appréciation de ces éléments, la Commission a choisi de se fonder sur le chiffre d’affaires tiré des ventes de phosphate de zinc standard dans l’EEE au cours de la dernière année de l’infraction. Elle relève que la requérante était l’un des principaux producteurs de phosphate de zinc dans l’EEE, en ce qu’elle détenait une part de marché d’environ 20 %, et l’a donc classée dans la première catégorie (considérant 308 de la décision attaquée). Le point de départ de l’amende a été fixé, pour toutes les entreprises de la première catégorie, à 3 millions d’euros. Le point de départ de James Brown, qui avait une part de marché d’environ 5 %, a été fixé à 750 000 euros.

64      Bien que la Commission ait comparé l’importance relative des entreprises concernées sur la base du chiffre d’affaires réalisé avec les ventes de phosphate de zinc dans l’EEE, elle s’est également référée aux parts de marché des entreprises sur le marché en cause pour les classer dans les deux catégories différentes. En effet, la Commission a calculé les parts de marché des entreprises concernées en se fondant, d’une part, sur les chiffres d’affaires réalisés sur le marché en cause mentionnés dans le tableau figurant au considérant 50 de la décision attaquée et, d’autre part, sur des informations contenues dans le dossier. Le bien-fondé de cette approche n’a pas été contesté par la requérante.

65      Dans l’analyse de la « capacité économique effective des contrevenantes de porter un préjudice important à la concurrence », qui implique une appréciation de l’importance réelle de ces entreprises sur le marché affecté, c’est-à-dire de leur influence sur celui-ci, le chiffre d’affaires global ne présente qu’une vue incomplète des choses. Il ne saurait être exclu, en effet, qu’une entreprise puissante ayant une multitude d’activités différentes ne soit présente que de manière accessoire sur un marché de produits spécifique. De même, il ne saurait être exclu qu’une entreprise ayant une position importante sur un marché géographique extracommunautaire ne dispose que d’une position faible sur le marché communautaire ou de l’EEE. Dans de tels cas, le seul fait que l’entreprise concernée réalise un chiffre d’affaires global important ne signifie pas nécessairement qu’elle exerce une influence déterminante sur le marché affecté. C’est pourquoi la Cour a souligné, dans son arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 139), que, s’il est vrai que les parts de marché détenues par une entreprise ne sauraient être déterminantes afin de conclure qu’une entreprise appartient à une entité économique puissante, elles sont en revanche pertinentes afin de déterminer l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 193). En l’espèce, la Commission a tenu compte tant de la part de marché que du chiffre d’affaires des entreprises en cause sur le marché affecté, lesquels auraient permis de déterminer l’importance relative de chaque entreprise sur le marché en cause.

66      Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation dans son analyse de « la capacité économique effective des auteurs d’infraction », au sens du point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices.

67      En outre, il résulte d’une comparaison des chiffres d’affaires réalisés sur le marché par les entreprises relevant de la première catégorie et mentionnés dans le tableau figurant au considérant 50 de la décision attaquée que c’est à juste titre que ces entreprises ont été regroupées et qu’elles se sont vu imposer un point de départ identique. Ainsi, la requérante a réalisé, en 1998, un chiffre d’affaires sur le marché concerné dans l’EEE de 3,9 millions d’euros. Heubach, Trident et Union Pigments avaient réalisé des chiffres d’affaires, respectivement, de 3,7, de 3,69 et de 3,2 millions d’euros. Britannia, qui avait cessé d’exercer toute activité économique en 1998, avait réalisé, en 1996, un chiffre d’affaires sur le marché concerné dans l’EEE de 2,78 millions d’euros.

68      Il y a également lieu de relever que, comme l’indique à juste titre la requérante, aux termes de leur point 1 A, sixième alinéa, les lignes directrices prévoient qu’une disparité « considérable » dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature est, notamment, de nature à justifier une différenciation aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt Acerinox/Commission, point 48 supra, point 90). Par ailleurs, selon la jurisprudence, si la Commission dispose d’une certaine marge d’appréciation dans la détermination du montant des amendes et si le calcul de l’amende ne doit pas obéir à une simple formule mathématique (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T‑150/89, Rec. p. II‑1165, point 59), le montant des amendes doit, à tout le moins, être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction (arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, point 32 supra, point 106). En conséquence, lorsque la Commission répartit les entreprises concernées dans des groupes aux fins de la fixation du montant des amendes, la détermination des seuils pour chacun des groupes ainsi identifiés doit être cohérente et objectivement justifiée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 298, et du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, ci-après l’« arrêt FETTCSA », point 416).

69      Certes, en l’espèce, la requérante, bien qu’elle n’ait réalisé qu’un chiffre d’affaires global de 17 millions d’euros en 2000, a été classée dans le même groupe que Britannia, Heubach, Trident et Union Pigments, qui avaient respectivement un chiffre d’affaires global de 55,7, de 71, de 76 et de 7 millions d’euros environ. Toutefois, il ne saurait en être déduit une violation du principe de proportionnalité. Comme cela est expliqué aux points 63 et 64 ci-dessus, ces différentes entreprises ont été regroupées parce qu’elles avaient des chiffres d’affaires sur le marché concerné et des parts de marché qui étaient très similaires. Il était cohérent et objectivement justifié de regrouper les entreprises sur cette base. En outre, le Tribunal considère que la différence de dimension de la requérante par rapport à celles des autres entreprises en cause n’était pas d’une importance telle qu’elle aurait dû être classée dans un groupe différent (voir, en ce sens, arrêt Daesang et Sewon Europe/Commission, point 39 supra, points 69 à 77).

70      Il convient de relever, à titre surabondant, que, dans les circonstances de la présente affaire, il a été suffisamment tenu compte du chiffre d’affaires global de la requérante lors de l’application du plafond de 10 % prévu par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Ainsi qu’il a été indiqué aux points 16 et 17 ci-dessus, l’amende de la requérante a été réduite à 1,7 million d’euros en vue de respecter ce plafond, avant d’être encore réduite à 1,53 million d’euros pour coopération. Le plafond de 10 % vise à éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 62 supra, point 119). L’application de cette limite maximale en l’espèce a assuré que l’amende infligée à la requérante soit proportionnée à sa taille. Au vu du caractère très grave de l’infraction et du fait que celle-ci avait duré pendant plus de quatre ans, le montant de l’amende aurait pu être beaucoup plus élevé si la requérante n’avait pas été une petite entreprise et si elle n’avait pas bénéficié du plafond de 10 %.

71      La requérante prétend qu’il est manifestement disproportionné que les grandes entreprises se voient infliger des amendes inférieures de moitié par rapport à celles des PME pour des infractions identiques. Elle invoque le fait que, avec un chiffre d’affaires de 17,08 millions d’euros, elle s’est vu infliger une amende correspondant à environ 9 % de son chiffre d’affaires, tandis que l’amende imposée à Heubach, qui avait un chiffre d’affaires de 71,018 millions d’euros, ne correspondait qu’à 5,3 % de ce chiffre d’affaires.

72      En réponse à ces allégations, il convient d’observer, tout d’abord, que la Commission a imposé une amende de 3,78 millions d’euros à Heubach et une amende de 1,53 million d’euros à la requérante. Dès lors, malgré le fait que ces deux entreprises avaient participé à une infraction très grave pendant plus de quatre ans et qu’elles ont eu une importance similaire sur le marché (voir point 67 ci-dessus), l’amende de Heubach représente plus du double de celle de la requérante.

73      La Commission n’étant pas obligée d’effectuer le calcul du montant de l’amende à partir de montants basés sur le chiffre d’affaires des entreprises concernées, elle n’est pas non plus tenue d’assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires sur le marché du produit en cause (arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 30 supra, point 202).

74      À cet égard, il y a lieu de préciser que l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 n’exige pas non plus que, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l’amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d’affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de cette disposition que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour les entreprises de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l’amende, la gravité et la durée de l’infraction. Dans la mesure où la Commission impose, aux entreprises impliquées dans une même infraction, des amendes justifiées, pour chacune d’elles, par rapport à la gravité et à la durée de l’infraction, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines d’entre elles, le montant de l’amende soit supérieur, par rapport au chiffre d’affaires, à celui d’autres entreprises (arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 30 supra, point 203).

75      La requérante prétend que les principes posés par le Tribunal dans l’arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 30 supra, ne s’appliquent que dans le cas d’entreprises qui se trouvent dans une situation différente par rapport aux facteurs relatifs à la gravité et à la durée de l’infraction. Or, il va sans dire que, si les entreprises en cause se trouvent dans une situation différente, la Commission n’est pas obligée d’assurer que les montants de l’amende traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires sur le marché du produit en cause. Lesdits principes s’appliquent même si les entreprises en cause sont dans une situation identique.

76      L’argument de la requérante selon lequel le caractère disproportionné de l’amende infligée est manifeste lorsque cette amende est comparée à celle imposée à d’autres entreprises dans des affaires similaires doit également être rejeté. La Commission ne saurait, en effet, être obligée de fixer des amendes proportionnées aux chiffres d’affaires et avec une cohérence parfaite par rapport à celles fixées dans d’autres affaires antérieures.

77      Il y a lieu de souligner, à cet égard, que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence. Le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 62 supra, point 109, et arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 38 supra, point 243).

78      En outre, dans la mesure où la Commission impose aux entreprises impliquées dans une même infraction des amendes justifiées, pour chacune d’elles, par rapport à la gravité et à la durée de l’infraction, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines de ces entreprises, le montant de l’amende soit supérieur, par rapport au chiffre d’affaires, à celui d’autres entreprises dans des affaires antérieures (voir, en ce sens, LR AF 1998/Commission, point 68 supra, point 278).

79      Il convient d’ajouter que la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec. p. I‑4411, point 33, et arrêt LR AF 1998/Commission, point 68 supra, point 236). Or, les données pertinentes, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés diffèrent selon chaque affaire. Il s’ensuit que la Commission ne saurait être obligée d’imposer des amendes représentant la même proportion des chiffres d’affaires dans toutes les affaires comparables sur le plan de la gravité (arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, JCB Service/Commission, T‑67/01, non encore publié au Recueil, points 187 à 189).

80      Il y a lieu de relever, en outre, que, même si l’amende imposée par la Commission dans la décision SAS, invoquée par la requérante (voir point 50 ci-dessus), ne représentait pas une proportion très importante du chiffre d’affaire de l’entreprise en cause, elle était néanmoins très importante, puisqu’elle s’élevait à presque 40 millions d’euros. En revanche, si la Commission avait été obligée d’imposer à la requérante une amende correspondant à 0,79 % de son chiffre d’affaires, comme elle l’a fait dans la décision SAS, une telle amende, qui se serait élevée à 134 939 euros, n’aurait clairement pas été dissuasive.

81      Les prétendues erreurs d’appréciation soulevées par la requérante doivent également être rejetées.

82      Premièrement, la Commission était en droit de ne pas retenir le fait que la requérante ne disposait pas d’un service juridique. Selon les lignes directrices, « [i]l pourra également être tenu compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps de connaissances et des infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence » (point 1 A, cinquième alinéa). Comme le relève à juste titre la Commission, cet alinéa lui permet d’augmenter les amendes des entreprises de grande dimension, mais ne lui impose pas de réduire celles fixées pour des entreprises de taille modeste. De plus, étant donné que l’incompatibilité de l’entente en cause avec les règles de la concurrence est explicitement affirmée à l’article 81, paragraphe 1, sous a) à c), CE et qu’elle est consacrée par une jurisprudence constante, la requérante ne saurait prétendre qu’elle ne connaissait pas suffisamment le droit pertinent. Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée que les entreprises incriminées étaient bien conscientes de l’illégalité d’une entente qui visait la fixation de prix indicatifs, la répartition du marché et l’attribution de clients (considérants 99 à 100, 125 et 253).

83      En tout état de cause, pour qu’une infraction aux règles de la concurrence puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n’est pas nécessaire que l’entreprise ait eu conscience d’enfreindre ces règles, mais il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T‑143/89, Rec. p. II‑917, point 41, et du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II-5761, points 396 et 397).

84      Deuxièmement, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû infliger des amendes atténuées au motif que c’est la première fois qu’elle poursuivait aussi sévèrement des pratiques illicites auxquelles participaient des PME. En effet, la Commission n’est pas tenue d’atténuer les amendes lorsqu’elle agit pour la première fois dans un secteur particulier. De plus, rien n’oblige la Commission à atténuer des amendes lorsque les entreprises concernées sont des PME. La taille de l’entreprise est, en effet, prise en considération par le plafond fixé par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par les dispositions des lignes directrices. À part ces considérations relatives à la taille, il n’y a aucune raison de traiter les PME différemment des autres entreprises. Le fait que les entreprises soient des PME ne les exonère pas de leur devoir de respecter les règles de la concurrence, ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission (voir considérant 343 de la décision attaquée).

85      Par ailleurs, il ne saurait être prétendu que, en l’espèce, la Commission ait agi dans un contexte nouveau à cet égard. Dans la décision Conduites précalorifugées elle avait, en effet, déjà imposé des amendes élevées à des PME qui avaient pris part à des pratiques illicites.

86      Troisièmement, la requérante tire argument du fait que la Commission n’a pas invoqué l’existence d’un dommage exceptionnel causé aux consommateurs. Il suffit de constater, à cet égard, qu’il ne saurait être conclu de l’absence d’un tel dommage exceptionnel que l’amende en cause était disproportionnée. En outre, la Commission a pris en compte, de façon indirecte, le fait que l’infraction n’a pas causé un tel dommage. D’une part, elle a pris en considération la taille limitée du marché en cause pour fixer le point de départ à 3 millions d’euros (considérant 303 de la décision attaquée). D’autre part, elle a reconnu que le contexte économique dans lequel l’infraction avait eu lieu était difficile en ce que, notamment, les clients des entreprises concernées avaient une forte puissance d’achat (considérant 339 de la décision attaquée).

87      La requérante fait valoir que la Commission n’a pas pu invoquer l’existence d’un dommage exceptionnel aux consommateurs compte tenu de l’« existence de produits de substitution ». Cet argument ne saurait remettre en cause la conclusion mentionnée au point 86 ci-dessus. Par ailleurs, lors de l’audience, la requérante a exposé, lorsqu’elle se référait à l’existence de produits de substitution, qu’elle entendait que la Commission n’avait pas fait d’analyse suffisamment approfondie du marché et que l’infraction n’avait pas eu d’effet réel. À cet égard, force est de constater que, dans ses écritures, la requérante a sommairement fait mention des produits de substitution dans le cadre d’un argument subsidiaire concernant la proportionnalité de l’amende et, en particulier, l’absence de dommage exceptionnel causé aux consommateurs. Il est clair qu’elle n’a pas mis en cause les effets de l’infraction de façon générale et qu’elle n’a pas contesté la définition du marché.

88      En tout état de cause, ainsi qu’il a été jugé dans l’arrêt du Tribunal de ce jour, Heubach/Commission (T‑64/02, non encore publié au Recueil), la Commission était en droit de conclure que l’infraction en cause a eu des effet réels. Notamment, la Commission a suffisamment démontré que l’accord sur les quotas de vente, la « pierre angulaire » de l’entente (considérant 66 de la décision attaquée), avait été mis en œuvre de façon scrupuleuse et que, sur une base annuelle, « les parts de marché réelles des cinq producteurs étaient très proches des parts qui leur avaient été attribuées » (considérant 72 de la décision attaquée). De plus, la Commission a apporté la preuve que l’accord sur les prix a eu un impact concret sur le marché. Il y a lieu de souligner, à cet égard, que, selon des constatations objectives formulées par Union Pigments et Trident, les principales entreprises ayant coopéré avec la Commission, les initiatives quant aux prix ont produit un effet sur le niveau des prix du marché. Plus généralement, au vu du fait que l’entente avait pour objectif, entre autres, la fin d’une guerre des prix, et que les pratiques reprochées ont été appliquées pendant plus de quatre ans, le Tribunal considère que les entreprises concernées ont réussi, pour l’essentiel, à mettre fin à cette guerre des prix et qu’elles ont ainsi ajusté leurs prix pour atteindre un niveau de prix de transaction supérieur à celui qui aurait prévalu en l’absence d’entente.

89      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’elle n’avait pratiquement réalisé aucun bénéfice grâce aux ventes du produit en cause, il convient de rappeler que, si le montant de l’amende infligée doit être proportionné à la durée de l’infraction et aux autres éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, parmi lesquels figure le profit que l’entreprise concernée a pu retirer de ses pratiques (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 127), le fait qu’une entreprise n’ait retiré aucun bénéfice de l’infraction ne saurait, selon la jurisprudence, faire obstacle à ce qu’une amende soit infligée, sous peine de faire perdre à cette dernière son caractère dissuasif (arrêts Ferriere Nord/Commission, point 83 supra, point 53, et FETTCSA, point 340).

90      Il s’ensuit que la Commission n’est pas tenue, en vue de fixer le montant des amendes, de prendre en considération l’absence de bénéfice tiré de l’infraction en cause (arrêts Cimenteries CBR e.a./Commission, point 62 supra, point 4881, et FETTCSA, point 341).

91      Bien que la Commission puisse, aux termes de ses lignes directrices (point 2, premier alinéa, cinquième tiret) et au titre des circonstances aggravantes, majorer la sanction afin de dépasser le montant des gains illicites réalisés grâce à l’infraction, cette possibilité n’a pas pour effet que la Commission se soit désormais imposée la charge d’établir, en toutes circonstances, aux fins de la détermination du montant de l’amende, l’avantage financier lié à l’infraction constatée (FETTCSA, points 342 à 343). En d’autres termes, l’absence d’un tel avantage ne saurait être considéré comme une circonstance atténuante.

92      En l’espèce, la Commission n’a pas fondé la décision attaquée sur les profits que les auteurs de l’infraction avaient retirés de celle-ci. Eu égard à la jurisprudence invoquée aux points 89 à 91 ci-dessus, elle n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

93      Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du deuxième moyen ne saurait être retenue.

 Sur la deuxième branche, tirée de ce que la Commission a tenu compte du chiffre d’affaires mondial de la requérante pour déterminer le plafond de 10 %

–       Arguments des parties

94      La requérante fait valoir que le principe de proportionnalité a été violé en ce que la Commission a tenu compte du chiffre d’affaires mondial des entreprises pour déterminer le plafond de 10 % prévu par l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17. Elle rappelle que, selon la jurisprudence, la Commission doit éviter d’attribuer au chiffre d’affaires applicable dans la détermination du montant des amendes une « importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation » (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 62 supra, point 121). Selon la doctrine, ce passage contiendrait « une mise en garde contre une application purement mathématique de la règle de 10 pour cent qui risquerait d’entrer en conflit avec le […] ‘principe de proportionnalité’ » (Van Bael, I. et Bellis, J.F., Droit de la concurrence de la Communauté économique européenne, Bruylant, Bruxelles, 1991, p. 648). La Commission reconnaîtrait, dans la décision attaquée, que, pour déterminer le montant de base de l’amende, il est nécessaire de tenir compte de l’effet réel du comportement illicite sur la concurrence (considérant 305 de la décision attaquée). À cet égard, elle aurait jugé adéquat d’utiliser le chiffre d’affaires réalisé pour le produit en cause dans l’EEE comme base de comparaison de l’importance relative des entreprises concernées sur le marché en cause (considérant 307 de la décision attaquée). Dès lors, la Commission aurait dû aller jusqu’au bout de son raisonnement et calculer le plafond de 10 % pour la requérante par rapport à son chiffre d’affaires européen, lequel représente moins du quart de son chiffre d’affaires mondial.

95      La Commission affirme qu’elle a pris en considération les parts de marché respectives des membres de l’entente dans l’EEE pour déterminer le point de départ des amendes. Cette méthode n’aurait aucun rapport avec le fait que, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, le montant de l’amende qui peut être infligée à une entreprise ne peut excéder 10 % de son chiffre d’affaires mondial.

–       Appréciation du Tribunal

96      La deuxième branche du deuxième moyen ne saurait être accueillie. D’une part, en effet, il ressort clairement de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, ainsi que de la jurisprudence, que la limite maximale de 10 % vise à éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise en cause (voir point 70 ci-dessus). Il convient donc d’utiliser le chiffre d’affaires global pour fixer ce plafond (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, point 62 supra, point 119, et HFB e.a./Commission, point 27 supra, point 541). D’autre part, la prise en compte du chiffre d’affaires réalisé par la vente du produit faisant l’objet de l’infraction dans le marché géographique en cause vise, dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, l’ampleur du comportement de chacune des entreprises dans ce marché. Contrairement à ce que soutient la requérante, rien ne s’oppose à ce que des chiffres d’affaires différents soient utilisés à des fins distinctes. Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche.

 Sur la troisième branche, tirée de ce que la Commission n’a pas tenu compte du rapport entre le chiffre d’affaires global de la requérante et le chiffre d’affaires qu’elle a réalisé par la vente du produit en cause

–       Arguments des parties

97      La requérante affirme que la Commission devait tenir compte, pour évaluer la gravité de l’infraction, du fait que le chiffre d’affaires qu’elle avait réalisé par la vente du produit en cause était faible par rapport à son chiffre d’affaires global, tous produits confondus (arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T‑77/92, Rec. p. II‑549, point 94).

98      La Commission fait observer que l’arrêt Parker Pen/Commission, point 97 supra, a été rendu à une époque où les montants de base des amendes étaient fixés en proportion du chiffre d’affaires des entreprises. Actuellement, le chiffre d’affaires global figurerait parmi les nombreux éléments dont la Commission peut tenir compte, sous le contrôle du juge, mais il ne s’agirait pas d’un facteur qu’elle doit nécessairement prendre en considération. Elle indique, plus particulièrement, que, comme l’a déclaré le Tribunal dans son arrêt du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission (T‑327/94, Rec. p. II‑1373, point 184), « [elle] n’est pas obligée de prendre en compte, pour apprécier la gravité de l’infraction, la relation existant entre le chiffre d’affaires global d’une entreprise et le chiffre d’affaires qui provient des marchandises faisant l’objet de l’infraction ».

–       Appréciation du Tribunal

99      Il convient, tout d’abord, de rappeler qu’une jurisprudence bien établie s’oppose à ce que soit attribuée à l’un ou à l’autre des différents chiffres d’affaires une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation, de sorte que la fixation d’une amende appropriée ne peut pas être le résultat d’un simple calcul basé sur le chiffre d’affaires global, en particulier lorsque les marchandises concernées ne représentent qu’une faible fraction de ce chiffre (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 62 supra, points 120 et 121, et arrêt Parker Pen/Commission, point 97 supra, point 94). Ainsi, le Tribunal a accueilli, dans l’arrêt Parker Pen/Commission, point 97 supra, le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité au motif que la Commission n’avait pas pris en considération le fait que le chiffre d’affaires réalisé avec les produits concernés par l’infraction était relativement faible par rapport à celui de l’ensemble des ventes réalisées par l’entreprise en cause.

100    En l’espèce, la Commission n’ayant pas basé son calcul du montant de l’amende à infliger à la requérante sur son chiffre d’affaires global, cette dernière ne saurait se prévaloir utilement de l’arrêt Parker Pen/Commission, point 97 supra (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T‑31/99, Rec. p. II‑1881, point 156).

101    Il ressort de la décision attaquée (voir considérants 262 à 309) que, conformément à la jurisprudence, la Commission a tenu compte de toute une série d’éléments autres que le chiffre d’affaires global pour fixer l’amende, dont la nature de l’infraction, ses effets réels, l’importance des entreprises concernées sur le marché, la portée dissuasive des amendes et la taille limitée du marché en cause (voir, en ce sens, arrêts ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 100 supra, point 157, Tokai Carbon e.a./Commission, point 38 supra, point 202, et Daesang et Sewon Europe/Commission, point 39 supra, point 60).

102    En tout état de cause, ainsi que le relève à juste titre la Commission, force est de constater que le chiffre réalisé avec les ventes de phosphate de zinc par la requérante représente une part relativement importante de son chiffre d’affaires global, à savoir plus de 22,83 %. En conséquence, il ne saurait être prétendu que la requérante n’a réalisé qu’une faible part de son chiffre d’affaires global sur le marché en cause.

103    Pour ces raisons, il y a lieu de rejeter la troisième branche du deuxième moyen. Le deuxième moyen doit donc être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de non-discrimination

 Arguments des parties

104    La requérante fait valoir que la méthode de détermination des amendes utilisée en l’espèce est discriminatoire en ce que, pour certaines entreprises, la Commission a fixé un point de départ supérieur au plafond légal.

105    En premier lieu, la requérante réaffirme qu’en procédant de la sorte la Commission lui imposait d’office une amende atteignant le maximum légal. En revanche, les entreprises ayant des chiffres d’affaires plus importants qu’elle, mais se trouvant dans une situation absolument identique quant à la gravité et à la durée de l’infraction, étaient assurées de se voir infliger une amende inférieure au maximum légal dès lors que, dans leur cas, le point de départ était inférieur au maximum légal. La requérante estime que la violation du principe de non-discrimination est particulièrement évidente lorsque sa situation est comparée à celle de Heubach. Malgré le fait que la Commission n’ait relevé aucune différence entre ces deux entreprises dans la détermination du montant des amendes, l’amende infligée à Heubach représenterait 5,3 % de son chiffre d’affaires et celle infligée à la requérante 9 % de son chiffre d’affaires. La requérante se verrait donc infliger une amende représentant un pourcentage de chiffre d’affaires égal à 170 % de l’amende de Heubach. Un traitement aussi différent et totalement injustifié entre les deux entreprises constituerait une discrimination caractérisée. Cette violation du principe de non-discrimination s’expliquerait par le refus de la Commission de toute prise en considération du chiffre d’affaires pour déterminer l’amende infligée.

106    Dans sa réplique, la requérante rejette l’interprétation que donne la Commission de l’arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 30 supra.

107    En deuxième lieu, elle prétend que la méthode retenue par la Commission aurait pour conséquence de conduire à la même sanction, soit le maximum légal, dans le cas de deux entreprises dont la durée de participation à l’infraction était pourtant différente. Elle indique que deux entreprises avec un même point de départ excédant le plafond de 10 %, mais ayant participé, l’une pendant seulement un an à l’infraction et l’autre pendant cinq ans, se verraient finalement toutes les deux infliger la même amende correspondant à 10 % du chiffre d’affaires mondial. Cela constituerait une illustration particulièrement claire de la violation du principe d’égalité de traitement en l’espèce.

108    La Commission conteste que la requérante ait fait l’objet d’un traitement discriminatoire. En effet, alors même que sa capacité à porter un préjudice à la concurrence était égale à celle de Heubach, l’amende infligée à la requérante aurait été ramenée de 4,2 à 1,53 million d’euros en application, précisément, de la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires total posée par l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17. La Commission estime que la différence de traitement, en faveur de la requérante, ne saurait être considérée comme une discrimination et qu’elle est, selon la jurisprudence du Tribunal (arrêts Brugg Rohrsysteme/Commission, point 34 supra, point 155, et LR AF 1998/Commission, point 68 supra, point 300), la conséquence directe de la limite maximale imposée aux amendes par le règlement nº 17.

 Appréciation du Tribunal

109    Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 65 supra, point 69, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 309).

110    Contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que, dans son cas, le point de départ était supérieur au plafond de 10 % n’a pas eu pour effet que l’amende maximale lui ait été d’office imposée (voir point 61 ci-dessus).

111    Il y a lieu de rappeler que, afin de tenir compte de la capacité économique des entreprises concernées et de fixer les amendes à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant, la Commission a placé la requérante, ainsi que Heubach, Trident, Britannia et Union Pigments, dans la première catégorie (considérant 304 de la décision attaquée). Il ne saurait être déduit du fait que le chiffre d’affaires global de la requérante était inférieur à celui réalisé par Heubach, Trident et Britannia que le principe d’égalité de traitement a été violé.

112    En effet, comme indiqué au point 69 ci-dessus, la comparaison des chiffres d’affaires réalisés avec les ventes du produit en cause dans l’EEE révèle que c’est à juste titre que ces entreprises ont été réunies dans un même groupe et qu’elles se sont vu imposer un point de départ identique.

113    Par ailleurs, bien que la requérante et Heubach aient toutes les deux participé à une infraction très grave pendant plus de quatre ans, l’amende finale infligée à la requérante, à savoir 1,53 million d’euros, représente moins de la moitié de celle imposée à Heubach, à savoir 3,78 millions d’euros. Cette différence de traitement, en faveur de la requérante, est objectivement justifiée eu égard à la différence de taille des deux entreprises, ce qui a pour effet que la requérante a bénéficié de la limite maximale prévue par le règlement nº 17.

114    En outre, la Commission n’étant pas tenue d’assurer que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différence entre celles-ci quant à leur chiffres d’affaires (voir point 74 ci-dessus), la requérante ne saurait lui reprocher de s’être vu imposer une amende supérieure, en pourcentage de chiffre d’affaires global, à celle imposée à Heubach (arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 30 supra, point 210).

115    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la méthode retenue par la Commission a pour conséquence de conduire à la même sanction dans le cas de deux entreprises dont la durée de participation à l’infraction était pourtant différente, il suffit de constater qu’il n’est pas tiré des faits en question et qu’il est donc purement hypothétique.

116    Enfin, il convient de noter, en ce qui concerne le principe d’égalité de traitement, à la lumière de ce qui précède, que l’application des lignes directrices en l’espèce a permis d’assurer que les deux volets de ce principe ont été respectés. D’une part, toutes les entreprises concernées avaient une responsabilité commune et comparable en ce qu’elles ont toutes participé à une infraction très grave. Ainsi, dans un premier temps, cette responsabilité a été appréciée en fonction des éléments propres à l’infraction tels que sa nature et son impact sur le marché. D’autre part, dans un second temps, la Commission a modulé cette appréciation en fonction des circonstances propres à chaque entreprise concernée, y compris sa taille et ses capacités, la durée de sa participation et sa coopération.

117    Le troisième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

118    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

119    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.


Lindh

García-Valdecasas

Cooke


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 novembre 2005.

Le greffier

 

       Le président



E. Coulon

 

       P. Lindh


* Langue de procédure : le français.