Language of document : ECLI:EU:T:2024:312

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

15 mai 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale CETOS – Marque nationale verbale antérieure CHITOS – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑308/23,

Elif Korkmaz, demeurant à Cologne (Allemagne), représentée par Me C. Weil, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Intersnack Deutschland SE, établie à Cologne,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme M. Brkan (rapporteure) et M. S. L. Kalėda, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mme Elif Korkmaz, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 5 avril 2023 (affaire R 2031/2022-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 15 juillet 2021, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal CETOS.

3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « produits laitiers et substituts ; huiles et graisses comestibles ; fruits, champignons, légumes, fruits à coque et légumineuses transformés ; chips de pommes ; chips de banane ; barres alimentaires à base de graines et de fruits à coque biologiques ; chips à base de légumes ; dolmas ; pommes chips à faible teneur en matières grasses ; pommes chips : en-cas à base de fruits à coque ; substituts de repas sous forme de barres à base de fruits à coque ; en-cas composés de fruits déshydratés et de fruits à coque transformés ; mélanges d’en-cas composés de fruits préparés et de fruits à coque préparés ; barres alimentaires à base de fruits et de fruits à coque ; aliments à grignoter à base de noix ; barres alimentaires à base de noix ; barres alimentaires à base de graines et de fruits à coque ; en-cas à base de noix de coco : en-cas à base de fromage ; en-cas sucrés à base de maïs ; en-cas à base de pommes de terre » ;

–        classe 30 : « café, thés, cacao et leurs succédanés ; sels, assaisonnements, arômes et condiments ; grains transformés, amidons et dérivés, préparations pour boulangerie et levures ; sucres, édulcorants naturels, enrobages et fourrages sucrés, produits apicoles ; glace, crèmes glacées, yaourts glacés et sorbets ; barres de céréales et barres énergétiques ; bonbons (sucreries), friandises et gomme à mâcher ; pâtisseries, gâteaux, tartes et biscuits ; pain ; produits de boulangerie ; pâte à tartiner à base de chocolat et de fruits à coque pour sandwiches ; biscuits aromatisés au fromage ; loukoums ; nougat ; barres de nougat enrobées de chocolat ; fruits à coque enrobés de chocolat ; biscuits salés ; confiseries à base de farine de pommes de terre ; éclats de confiserie à base de beurre d’arachides ; brisures de confiseries pour pâtisserie ; fruits à coque enrobés [confiserie] ; gaufres ; gaufres au chocolat ; gaufres enrobées de chocolat ; biscuits épicés ; pop-corn aromatisé ; en-cas à base de farine de pommes de terre ; en-cas à base de maïs ; en-cas faits à partir de muesli ; frites à base de céréales ; chips à base de céréales ; maïs grillé ; grains de maïs grillés ; plats à base de riz ; plats préparés principalement à base de pâtes alimentaires ; flocons de céréales séchées ; chips de maïs ; chips de maïs aromatisées aux légumes ; pop-corn à cuire aux micro-ondes ; pop-corn caramélisé ; nachos ; en-cas salés à base de céréales ; en-cas salés à base de maïs ; chips de pita ; en-cas à base de riz ; gâteaux de riz enrobés au chocolat ; en-cas à base de plusieurs graines ; en-cas à base d’amidon de céréales ; en-cas à base de farine de maïs ; en-cas à base de farine de biscotte ; en-cas au maïs soufflé goût fromage ; en-cas à base de blé complet ; tortillas de maïs pour tacos ; en-cas à base de galette tortilla ; chips tortillas ; tortillas ; maïs non soufflé traité ; en-cas salés, prêts à consommer, à base de farine de maïs et confectionnés par extrusion ».

4        Le 12 octobre 2021, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, Intersnack Deutschland SE,  a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque allemande verbale CHITOS, enregistrée le 9 juin 1980 sous le numéro 1 003 236, désignant notamment les produits et les services relevant des classes 29 et 30 et correspondant à la description suivante : « charcuterie ; arachides, noix, amandes et noix de cajou séchées, grillées, salées et/ou épicées ; pommes chips et bâtonnets de pomme de terre recouverts de sel [chips] ; produits à grignoter à base de pommes de terre, de blé, de riz et/ou de maïs, obtenus par extrusion ; biscuits aux pommes de terre frites ; confiseries ; produits de boulangerie, notamment petits-beurre, sablés, biscuits gaufrés, biscuits salés, bretzels, biscuits aux oignons et biscuits au fromage, gaufres, gaufrettes, biscuits, biscottes, gâteau au pain d’épices et au miel, biscuits salés ; produits de boulangerie prêts à manger après préparation au grille-pain, notamment sandwichs sucrés et salés, muffins ; produits de boulangerie de longue conservation, notamment biscuits durs et mous ; chocolats, produits sucrés et chocolatés sous forme de barres ; confiseries, notamment caramels, bonbons, fondants et produits à base de fondant, massepain ainsi que croquant ; pâte à tartiner, à savoir une crème composée principalement de noix et/ou d’arachides ; pop-corn, flocons de maïs ; préparations de céréales destinées à l’alimentation humaine, à savoir céréales en grains préparées et flocons de céréales séchées avec ajout de noix, raisins secs, fruits, poudres de fruit, germes de blé, sucre et/ou miel ; produits cuits ou séchés prêts à consommer, en petits morceaux et semi-solides, obtenus principalement à partir de produits céréaliers ».

6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 14 octobre 2022, la division d’opposition a rejeté l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion.

8        Le 18 octobre 2022, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement accueilli le recours. Elle a annulé la décision de la division d’opposition et accueilli l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour tous les produits visés dans la demande d’enregistrement, à l’exception des « produits laitiers et substituts ; huiles et graisses comestibles ; dolmas », relevant de la classe 29, et des « sels, assaisonnements, arômes et condiments ; glaces, crèmes glacées, yaourts glacés et sorbets », relevant de la classe 30, qu’elle a considérés comme étant différents des produits couverts par la marque antérieure.

10      En substance, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était composé du grand public allemand, dont le niveau d’attention était moyen. S’agissant de la comparaison des signes en conflit, elle a relevé qu’ils présentaient un degré de similitude moyen sur le plan visuel et un degré de similitude variant de moyen à élevé sur le plan phonétique selon la manière dont les signes en conflit étaient prononcés. Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré que la comparaison n’était pas possible, étant donné que ces signes n’avaient pas de signification. Ainsi, elle a conclu qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, pour les produits identiques et similaires désignés par les marques en conflit.

 Conclusions des parties 

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

 En droit 

13      La requérante invoque, en substance, deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 47, paragraphes 2 et 3, dudit règlement, lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

14      Le Tribunal estime opportun de traiter, d’abord, le second moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625 

15      La chambre de recours a constaté que la demande de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure avait été présentée, pour la première fois, au cours de la procédure de recours. En se fondant sur l’article 10, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625, elle a rejeté cette demande comme étant irrecevable.

16      La requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a rejeté comme irrecevable la demande de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure. Selon elle, il importe peu que la demande soit présentée à un stade ultérieur de la procédure. Se référant au neuvième considérant du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p.1), la requérante estime qu’il « n’est pas approprié de restreindre le droit du demandeur de marque de réclamer la preuve [de l]’usage » de la marque antérieure.

17      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

18      Il résulte de la lecture combinée de l’article 8, paragraphe 2, et de l’article 10, paragraphe 1, du règlement 2018/625 qu’une demande de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, pour être recevable, doit être présentée comme une demande inconditionnelle dans un document distinct, dans le délai fixé par l’EUIPO pour déposer des observations qui fait suite à la communication des observations de l’opposant.

19      En effet, la question de la preuve de l’usage de la marque antérieure doit être formulée expressément et en temps utile devant la division d’opposition, l’usage sérieux de la marque constituant une question qui, une fois soulevée par le demandeur de la marque, doit être réglée avant qu’il ne soit décidé sur l’opposition proprement dite [voir arrêts du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, EU:T:2007:96, points 34 et 37, et du 1er décembre 2021, Team Beverage/EUIPO – Zurich Deutscher Herold Lebensversicherung (Team Beverage), T‑359/20, non publié, EU:T:2021:841, point 40 et jurisprudence citée]. Dès lors, cette question ne peut être soulevée pour la première fois ni devant la chambre de recours (voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 2007, PAM PLUVIAL, T‑364/05, EU:T:2007:96, point 39, et du 1er décembre 2021, Team Beverage, T‑359/20, non publié, EU:T:2021:841, point 40 et jurisprudence citée) ni devant le Tribunal (voir arrêt du 1er décembre 2021, Team Beverage, T‑359/20, non publié, EU:T:2021:841, point 40 et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas formulé, devant la division d’opposition, une demande de preuve de l’usage de la marque antérieure, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par elle.

21      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que la demande de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, formulée par la requérante pour la première fois au stade du recours devant elle, était irrecevable.

22      Il résulte de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

23      La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il existe, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. En particulier, elle remet en cause les appréciations de la chambre de recours relatives à la comparaison des signes en conflit et à l’appréciation globale du risque de confusion.

24      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

25      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

26      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 32 et jurisprudence citée].

27      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

28      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

29      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

 Sur le public pertinent

30      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que la marque antérieure était enregistrée en Allemagne, si bien que l’appréciation du risque de confusion dépendait de la perception du public pertinent allemand, lequel est composé, en l’espèce, du grand public. Cette appréciation n’est pas contestée par la requérante.

 Sur la similitude des produits

31      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les produits concernés par la marque demandée étaient, pour certains, identiques, pour d’autres, similaires et, pour d’autres encore, différents des produits couverts par la marque antérieure.

32      La requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours concernant les produits différents. S’agissant des produits que cette dernière a considérés comme étant identiques ou similaires, la requérante se contente de faire valoir que ces produits ne présentent pour l’essentiel aucune identité ou aucune similitude. Force est de constater que cette allégation n’est étayée par aucun argument, de sorte qu’elle doit être écartée.

 Sur la comparaison des signes 

33      La requérante ne conteste pas les appréciations de la chambre de recours relatives à la similitude des signes en conflit sur le plan conceptuel, mais lui reproche des erreurs dans l’appréciation de la similitude visuelle et phonétique de ces signes.

34      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

–       Sur la similitude visuelle

35      Au point 58 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit concordaient par quatre lettres, à savoir la première et les trois dernières lettres de ces signes, et que la différence entre lesdits signes, à savoir le fait que la lettre initiale « c » soit suivie de la lettre « e » dans le signe demandé et la combinaison de lettres « h » et « i » dans le signe antérieur, ne pouvait pas compenser ces similitudes. Elle a conclu à un degré moyen de similitude sur le plan visuel.

36      La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant à une similitude visuelle moyenne des signes en conflit. Selon la requérante, les signes en conflit ne sont pas de la même longueur et les parties initiales de ces signes présentent des différences considérables que le public discerne bien, étant donné qu’il est généralement plus attentif au début des signes et qu’il s’agit de signes courts.

37      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

38      En l’espèce, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que le signe demandé et le signe antérieur coïncident par quatre de leurs cinq ou six lettres respectives, à savoir par leur première lettre « c » et leurs trois dernières lettres. Les différences entre lesdits signes se situent au début de chacun d’eux, le signe demandé commençant par la succession de lettres « c » et « e » et le signe antérieur commençant par la succession de lettres « c », « h » et « i ».

39      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les signes en conflit sont des signes courts, il y a lieu de rappeler que la qualification de signes courts est réservée aux signes comportant au plus trois lettres ou caractères. En outre, il ressort également de la jurisprudence que, même dans les marques courtes, certaines différences sont insuffisantes dès lors qu’elles ne se traduisent pas par une différence visuelle propre à distinguer les signes [voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2019, Biasotto/EUIPO – Oofos (OOF), T‑453/18, non publié, EU:T:2019:733, points 33 et 34 et jurisprudence citée].

40      En l’espèce, les signes en conflit sont composés de cinq et six lettres. Par conséquent, ils ne peuvent pas être considérés comme des signes courts. L’argument de la requérante doit donc être écarté.

41      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le consommateur prête une plus grande attention au début d’un signe qu’à sa fin, il y a lieu de rappeler que cette considération ne saurait valoir dans tous les cas et ne saurait, en tout état de cause, infirmer le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ces marques, dès lors que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails [voir, en ce sens, arrêts du 10 octobre 2006, Armacell/OHMI – nmc (ARMAFOAM), T‑172/05, EU:T:2006:300, point 65 et jurisprudence citée, et du 27 février 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI – Nanso Group (TEEN VOGUE), T‑509/12, EU:T:2014:89, point 40 et jurisprudence citée].

42      En l’espèce, la différence entre les signes en conflit réside dans le fait que la lettre initiale « c » est suivie de la lettre « e », dans le signe demandé, et de la suite de lettres « h » et « i », dans le signe antérieur. Toutefois, comme le fait valoir l’EUIPO, lesdits signes coïncident par leurs débuts en ce qu’ils commencent tous les deux par la lettre « c ». De même, ils terminent tous les deux par la suite de lettres « t », « o » et « s ». Ainsi, ces signes ont en commun quatre lettres placées dans la même position. Par conséquent, dans l’impression d’ensemble produit par ces signes, les différences situées au début desdits signes ne sauraient retenir davantage l’attention du consommateur. Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que ces différences ne pouvaient pas compenser les similitudes entre les signes en conflit et a conclu à un degré moyen de similitude visuelle.

–       Sur la similitude phonétique

43      Aux points 59 et 60 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à un degré élevé de similitude phonétique entre le signe demandé et le signe antérieur dans la mesure où, dans le sud de l’Allemagne, ils se prononceraient respectivement « ke-tos » et « ki-tos » et ne diffèreraient l’un de l’autre que par leur première syllabe. En outre, la chambre de recours a conclu à une similitude moyenne sur le plan phonétique dans l’hypothèse où ces mêmes signes se prononceraient respectivement « tsetos » et « çitos » , dès lors qu’ils comportaient chacun deux syllabes, dont l’une, la syllabe finale, est identique.

44      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours concernant la prononciation des signes en conflit dans le sud de l’Allemagne. À cet égard, elle fait valoir qu’il existe une distinction entre les lettre « c » et « k » et qu’il serait étrange, s’agissant des signes commençant par les successions de lettres « chi » ou « ce », de prononcer la lettre « c » comme la lettre « k », c’est-à-dire le son des groupes de lettres « ki » ou « ke ». En outre, même en retenant cette prononciation, ces signes se distingueraient de manière nette, étant donné que la première syllabe serait différente et que le public pertinent serait particulièrement attentif à la partie initiale des mots. En toute hypothèse, selon la requérante, le sud de l’Allemagne constituerait un territoire négligeable par rapport à l’ensemble de l’Union et de l’Allemagne.

45      Enfin, la requérante fait valoir que le signe antérieur se prononce « çitos », tandis que le signe demandé se prononce « tsetos » ou « ketos ». Il en résulterait que la première syllabe de ces signes est complètement différente, ce que le public pertinent percevrait immédiatement étant donné qu’il accorderait une attention particulière à la partie initiale des signes. Selon la requérante, il n’existe aucune similitude entre lesdits signes sur le plan phonétique.

46      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

47      Il convient de constater, ainsi qu’il ressort du point 30 ci-dessus, que le public pertinent est composé du grand public allemand. Or, l’allemand standard connaît différentes variantes de prononciation. Parmi ces variantes, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que la suite de lettres « ch » peut se prononcer comme la lettre « k » en allemand standard, notamment dans le sud de l’Allemagne. Comme le souligne à juste titre l’EUIPO, c’est notamment le cas pour le mot « china » qui est prononcé « kina ». En outre, ainsi que l’a constaté la chambre de recours, la lettre « c », au début d’un mot, peut également se prononcer comme la lettre « k » en allemand standard, notamment dans les mots étrangers.

48      Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le signe antérieur pouvait se prononcer « kitos » et que le signe demandé pouvait se prononcer « ketos ». Contrairement à ce qu’allègue la requérante, le fait que les premières syllabes des signes en conflit soient différentes ne conduit pas à conclure que lesdits signes sont différents sur le plan phonétique. Étant donné que la lettre « c », placée au début de ces signes, peut se prononcer comme la lettre « k » et que ces deux signes se terminent tous les deux par la syllabe « tos » qui se prononce de la même manière dans chaque cas, la seule différence entre eux réside dans la voyelle « i » dans le signe antérieur et la voyelle « e » dans le signe demandé, situées dans leur première syllabe.

49      Eu égard au caractère minime de cette différence et à la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré qu’il existait un degré élevé de similitude entre les signes en conflit sur le plan phonétique pour les consommateurs allemands prononçant lesdits signes « kitos » et « ketos ».

50      Premièrement, cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la région dans laquelle les signes en conflit pourraient être prononcés « kitos » et « ketos » serait une partie négligeable du territoire de l’Union et même de l’Allemagne. En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 30 ci-dessus, la marque antérieure étant une marque allemande, l’appréciation du risque de confusion s’apprécie en fonction du public pertinent allemand. D’autre part, le public germanophone pourrait prononcer lesdits signes « kitos » et « ketos » en allemand standard, ainsi qu’il ressort du point 47 ci-dessus. Si cette prononciation est utilisée dans le sud de l’Allemagne, il convient de noter qu’en utilisant l’adverbe « notamment », au point 59 de la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas limité cette prononciation seulement au sud de l’Allemagne. Par conséquent, l’argument de la requérante doit être rejeté.

51      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il serait étrange de prononcer « ki » la suite de lettres « chi » et de prononcer « ke » la suite de lettres « ce » au début d’un signe, il convient de relever que, d’une part, la requérante admet elle-même que le signe demandé pourrait se prononcer « ketos », de sorte qu’elle admet que la suite de lettres « ce » puisse se prononcer « ke ». D’autre part, elle n’apporte pas d’éléments de nature à remettre en cause la conclusion faite au point 47 ci-dessus selon laquelle la suite de lettres « ch » peut se prononcer « k » et à démontrer que la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation.

52      Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel il existerait une distinction entre les lettres « c » et « k » dans le sud de l’Allemagne doit également être rejeté. En effet, une telle distinction n’est pas de nature à remettre en cause le fait qu’en allemand standard la suite de lettres « ch » peut se prononcer « k », notamment dans le sud de l’Allemagne.

53      Quatrièmement, l’argument de la requérante faisant valoir une autre prononciation des signes en conflit, à savoir « çitos » pour le signe antérieur et « tsetos » ou « ketos » pour le signe demandé est inopérant. En effet, la circonstance selon laquelle d’autres prononciations différentes desdits signes seraient possibles n’est pas de nature à remettre en cause le fait que le signe antérieur et le signe demandé peuvent se prononcer respectivement « kitos » et « ketos » et qu’il existe une similitude phonétique élevée pour la partie non négligeable du public pertinent les prononçant de cette manière.

54      En tout état de cause, la chambre de recours a également examiné, au point 60 de la décision attaquée, la comparaison entre les signes en conflit prononcés « çitos » pour le signe antérieur et « tsetos » pour le signe demandé.

55      À cet égard, une fois encore la requérante allègue que le consommateur prête une plus grande attention au début d’un signe qu’à sa fin et percevra immédiatement les différences entre la prononciation « çi » et « tse » concernant la première syllabe des signes en conflit.

56      En l’espèce, la prononciation de la première syllabe « çi » pour le signe antérieur et « tse » pour le signe demandé est certes différente. Toutefois, les signes en conflit ont la même structure syllabique, c’est-à-dire deux syllabes chacun et ont le même rythme sonore. Chaque signe finit par la syllabe « tos » qui se prononce de la même manière dans chacun d’eux. Ils partagent donc la dernière syllabe. Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus, la différence résultant de la première syllabe ne suffit pas pour écarter le constat d’un degré moyen de similitude dans l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit sur le plan phonétique, bien que cette différence soit située au début desdits signes.

57      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré, au point 60 de la décision attaquée, que les signes en conflit, prononcés « çitos » pour le signe antérieur et « tsetos » pour le signe demandé, présentaient, dans l’ensemble, sur le plan phonétique, un degré moyen de similitude.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

58      La chambre de recours a considéré que, compte tenu du niveau d’attention moyen du public pertinent, du caractère distinctif moyen de la marque antérieure et de la similitude moyenne des signes en conflit sur le plan visuel et de la similitude variant de moyenne à élevée sur le plan phonétique, il existait un risque de confusion pour les produits identiques et similaires visés par les marques en conflit, mais qu’il n’y avait pas de risque de confusion pour les produits différents.

59      Selon la requérante, la chambre de recours aurait conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion. Elle fonde son argumentation sur une décision rendue par le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne), mais également sur quatre décisions rendues par l’OHMI et sur l’arrêt du 22 octobre 2003, Éditions Albert René/OHMI – Trucco (Starix) (T‑311/01, EU:T:2003:280).

60      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

61      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

62      Il convient de rappeler que la requérante ne conteste pas ou ne conteste pas de manière étayée les appréciations de la chambre de recours relatives au niveau d’attention du public pertinent, au caractère distinctif normal de la marque antérieure et à la comparaison des produits concernés par les marques en conflit.

63      En outre, il ressort des points 42 et 57 ci-dessus, que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient similaires sur le plan visuel à un degré moyen et à un degré variant de moyen à élevé sur le plan phonétique, les appréciations de cette dernière concernant la similitude conceptuelle n’étant pas contestées.

64      Par conséquent, il convient de relever, au terme d’une appréciation globale et compte tenu de l’ensemble des facteurs mentionnés ci-dessus, que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, au point 64 de la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, pour les produits identiques et similaires mentionnés respectivement aux points 45 et 50 de ladite décision et à l’absence de risque de confusion pour les produits différents mentionnés au point 51 de la décision attaquée.

65      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle la décision attaquée n’est pas conforme à un arrêt du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets), à la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO et à la jurisprudence du Tribunal.

66      Tout d’abord, s’agissant de l’arrêt du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) invoqué par la requérante, il convient de relever qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le régime des marques de l’Union européenne est autonome et la légalité des décisions des chambres de recours s’apprécie uniquement sur la base du règlement 2017/1001, de sorte que l’EUIPO ou, sur recours, le Tribunal, ne sont pas tenus de parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations ou les juridictions nationales dans une situation similaire [voir arrêt du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 37 et jurisprudence citée].

67      Ensuite, s’agissant de l’invocation par la requérante des décisions antérieures de l’EUIPO, il y a lieu de rappeler que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65). En tout état de cause, force est de constater que les décisions de l’EUIPO, dont se prévaut la requérante, s’inscrivent dans des cadres factuels différents du cadre factuel de la décision attaquée.

68      Enfin, concernant l’arrêt du 22 octobre 2003, Starix (T‑311/01, EU:T:2003:280), dont se prévaut la requérante, force est de constater que l’appréciation du Tribunal dans cet arrêt ne portait pas sur les signes en conflit, mais sur d’autres signes, à savoir les signes « asterix » et « starix ». Par conséquent, le cadre factuel de cet arrêt est différent de celui de la décision attaquée.

69      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

70      Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun des moyens soulevés par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

72      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens que dans l’hypothèse où une audience serait organisée. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Elif Korkmaz et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront leurs propres dépens.

Spielmann

Brkan

Kalėda

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mai 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.