Language of document : ECLI:EU:T:2008:383

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

17 septembre 2008 (*)

« Référé – Règlement (CE) n° 423/2007 – Mesures restrictives à l’encontre de la République islamique d’Iran – Décision du Conseil – Mesure de gel de fonds et de ressources économiques – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence – Absence de préjudice grave et irréparable »

Dans l’affaire T‑332/08 R,

Melli Bank plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par MM. R. Gordon, QC, M. Hoskins, barrister, T. Din, S. Gadhia et Mme D. Murray, solicitors,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme E. Finnegan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution du point 4 du tableau B de l’annexe de la décision 2008/475/CE du Conseil, du 23 juin 2008, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 163, p. 29), dans la mesure où Melli Bank plc est incluse dans la liste des personnes morales, des entités et des organismes dont les fonds et les ressources économiques sont gelés,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La présente affaire fait suite à l’affaire T‑246/08 R, Melli Bank/Conseil, close par ordonnance du président du Tribunal du 27 août 2008 (non publiée au Recueil, ci-après l’ « ordonnance du 27 août 2008 ») et portant sur la décision 2008/475/CE du Conseil, du 23 juin 2008, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 163, p. 29, ci-après la « décision attaquée »). En vertu du point 4 du tableau B de l’annexe de la décision attaquée, le Conseil a pris des mesures ayant pour effet de geler les fonds et les ressources économiques de la requérante, Melli Bank plc, qui est une filiale entièrement détenue par la Bank Melli Iran (ci-après la « BMI »), cette dernière étant, pour sa part, contrôlée par l’État iranien.

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 juin 2008, la requérante a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle la concernait. À l’appui de son recours, elle a soulevé deux moyens, tirés d’une violation des principes de proportionnalité et de non-discrimination, en ce que, d’une part, le gel de ses fonds ne serait pas la mesure la moins restrictive pour empêcher le financement des activités nucléaires de la République islamique d’Iran et, d’autre part, elle ferait l’objet d’un traitement discriminatoire par rapport à certaines autres banques. Ce recours a été enregistré sous la référence T‑246/08.

3        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé, dans laquelle elle a sollicité, en substance, le sursis à l’exécution de la décision attaquée, dans la mesure où elle la concernait, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours au principal. Cette demande a été enregistrée sous la référence T‑246/08 R.

4        Par l’ordonnance du 27 août 2008, le président du Tribunal a rejeté ladite demande en référé comme non fondée pour défaut d’urgence, la requérante n’ayant pas démontré qu’elle subirait un préjudice grave et irréparable si le sursis à exécution demandé n’était pas octroyé.

5        Pour un plus ample exposé de la décision attaquée, du cadre juridique international et communautaire dans lequel celle-ci s’insère ainsi que des dispositions pertinentes du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), il est renvoyé à l’ordonnance du 27 août 2008.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 août 2008, la requérante a introduit un nouveau recours visant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle la concernait. À l’appui de son recours, elle a soulevé, d’une part, une exception d’illégalité, au titre de l’article 241 CE, en invoquant l’inapplicabilité de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, et, d’autre part, un moyen tiré d’une violation de l’article 15, paragraphe 3, du même règlement, en ce que la décision attaquée ne serait pas pourvue de la motivation spécifique requise. Ce recours a été enregistré sous la référence T‑332/08.

7        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution du point 4 du tableau B de l’annexe de la décision attaquée, en ce qui la concerne, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours au principal ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

8        Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 15 septembre 2008, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

9        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 15 septembre 2008, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

10      Par décision du 16 septembre 2008, le Tribunal (deuxième chambre) a fait droit à la demande que la requérante avait déposée le 15 août 2008 et qui visait à ce que le litige au principal soit tranché selon une procédure accélérée au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

11      Quant à la demande de jonction des affaires T‑332/08 R et T‑246/08 R, également déposée le 15 août 2008, elle a été implicitement rejetée par l’adoption de l’ordonnance du 27 août 2008, intervenue dans la seule affaire T‑246/08 R.

 En droit

12      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Cependant, l’article 242 CE pose le principe du caractère non suspensif des recours (ordonnance du président de la Cour du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98 R, Rec. p. I‑6229, point 44, et ordonnance du président du Tribunal du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T‑191/98 R II, Rec. p. II‑2551, point 42). Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires.

13      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

14      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

15      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition de l’urgence est remplie.

16      À cet égard, la requérante fait valoir que, en l’absence des mesures provisoires demandées, elle subirait un préjudice extrêmement grave du fait que, en raison de la décision attaquée, elle perdrait des clients et se trouverait dans l’incapacité d’entreprendre de nouvelles activités économiques. Cette situation se dégraderait davantage chaque jour. La possibilité pour la requérante d’obtenir des autorisations nationales de déblocage des fonds gelés, au titre des articles 9 et 10 du règlement n° 423/2007, ne suffirait pas pour protéger sa position économique. Selon la requérante, le préjudice subi est irréparable du fait qu’il lui sera pratiquement impossible de rétablir sa position commerciale sur le marché en cause et de récupérer d’anciens clients, lorsque ceux-ci auront noué des relations avec d’autres banques. Dans ce contexte, elle invoque la spécialisation extrêmement poussée de son activité bancaire et la perte très probable de son personnel expérimenté.

17      Dans la mesure où la requérante estime que la condition de l’urgence est ainsi remplie, il suffit de renvoyer aux points 24 à 60 de l’ordonnance du 27 août 2008, dans lesquels une argumentation substantiellement identique a déjà été rejetée (voir, en ce sens, s’agissant de la faculté pour le juge communautaire de motiver une décision par renvoi à une décision antérieure statuant sur des questions substantiellement identiques, arrêt de la Cour du 25 octobre 2005, Crailsheimer Volksbank, C‑229/04, Rec. p. I‑9273, points 47 à 49, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié au Recueil, point 102). Pour les mêmes motifs, il y a lieu de rejeter l’argumentation correspondante avancée au soutien de la présente demande en référé.

18      Il convient d’ajouter que, s’agissant de l’urgence, la présente demande est plus limitée que la précédente demande de la requérante, en ce que celle-ci n’invoque plus, dans la présente affaire, le risque d’un préjudice moral. En tout état de cause, la requérante ne fournit à nouveau aucun renseignement chiffré sur la situation financière de sa société mère, la BMI, dont elle est une filiale à 100 %, ni sur les caractéristiques du groupe auquel elle appartient. En l’absence de telles informations, le juge des référés est dans l’impossibilité d’examiner concrètement si l’incapacité de la requérante, en tant que société appartenant au groupe BMI, d’effectuer des opérations bancaires en raison du gel de ses fonds lui causerait, eu égard au chiffre d’affaires total de ce groupe, une perte susceptible d’être qualifiée de préjudice grave et irréparable (ordonnance du 27 août 2008, points 32 à 44).

19      En conséquence, la présente demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions d’octroi du sursis à exécution sollicité, notamment celle de l’éventuelle existence d’un fumus boni juris, sont remplies. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de statuer sur la demande en intervention du Royaume-Uni.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 17 septembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.