Language of document : ECLI:EU:T:2009:224

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

29 juin 2009 (*)

« Aide d’État – Plainte – Décision de classer la plainte – Renvoi au Tribunal après annulation – Retrait de la décision attaquée – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑94/05,

Athinaïki Techniki AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par MS. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par

Athens Resort Casino AE Symmetochon, établie à Marrousi (Grèce), représentée par M. F. Carlin, barrister, et MN. Korogiannakis, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande en annulation de la décision de la Commission du 2 décembre 2004 de classer la plainte de la requérante portant sur une prétendue aide d’État accordée par la République hellénique au consortium de Hyatt Regency dans le cadre du marché public « Casino Mont Parnès »,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        L’article 4 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), dispose :

« 1. La Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception. Sans préjudice de l’article 8, elle prend une décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4.

2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [87], paragraphe 1, du traité, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée ‘décision de ne pas soulever d’objections’). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [88], paragraphe 2, du traité (ci-après dénommée ‘décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen’).

[…] »

2        L’article 7 du règlement n° 659/1999 précise les cas dans lesquels la Commission prend la décision de clore la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

3        Au chapitre VI du règlement n° 659/1999, intitulé « Parties intéressées », l’article 20 dispose :

« 1. Toute partie intéressée peut présenter des observations conformément à l’article 6 suite à une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Toute partie intéressée qui a présenté de telles observations et tout bénéficiaire d’une aide individuelle reçoivent une copie de la décision prise par la Commission conformément à l’article 7.

2. Toute partie intéressée peut informer la Commission de toute aide illégale prétendue et de toute application prétendue abusive de l’aide. Lorsque la Commission estime, sur la base des informations dont elle dispose, qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas, elle en informe la partie intéressée.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

4        En octobre 2001, les autorités helléniques ont ouvert une procédure de passation de marché public en vue de céder 49 % du capital du casino Mont Parnès. Deux candidats étaient en concurrence, à savoir le consortium Casino Attikis et Hyatt Consortium. À la suite d’une procédure prétendument viciée, le marché a été accordé à Hyatt Consortium.

5        Membre du consortium Casino Attikis, Egnatia SA, à laquelle a succédé, à la suite d’une fusion, la requérante, Athinaïki Techniki AE, a déposé auprès de la Commission des Communautés européennes une plainte relative à une aide d’État qui aurait été accordée à Hyatt Consortium dans le cadre de la procédure de passation de marché public. Le dépôt de la plainte a été suivi par une correspondance entre la Commission et la requérante, ainsi que par des demandes d’informations supplémentaires émanant de la Commission.

6        Le 2 décembre 2004, la Commission a envoyé à la requérante une lettre (ci-après la « lettre litigieuse ») qui est rédigée dans les termes suivants :

« Je me réfère à votre question téléphonique tendant à confirmer si la Commission poursuit son enquête dans l’affaire susmentionnée ou si cette affaire a été classée.

Par lettre du 16 septembre 2003, la Commission vous a informé que sur la base des informations dont elle dispose, il n’y a pas de raisons suffisantes pour continuer l’examen de cette affaire (en vertu de [l’article] 20 du [règlement n° 659/1999]).

Faute d’informations supplémentaires justifiant la poursuite de l’enquête, la Commission a classé administrativement l’affaire le 2 juin 2004. »

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 février 2005, Athinaïki Techniki a introduit un recours visant à l’annulation de la décision de classement (ci-après l’« acte attaqué ») dont elle a pris connaissance par la lettre litigieuse.

8        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 avril 2005, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 2005, Athens Resort Casino AE Symmetochon a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

10      Par ordonnance du 8 septembre 2005, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis la demande en intervention.

11      La requérante et l’intervenante ont déposé leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité.

12      Par ordonnance du 26 septembre 2006, Athinaïki Techniki/Commission (T‑94/05, non publiée du Recueil), le Tribunal a déclaré le recours irrecevable (ci-après l’« ordonnance annulée »). Le Tribunal a essentiellement considéré que, par le classement de la plainte, la Commission n’avait pas adopté de position définitive sur la qualification et la compatibilité avec le marché commun de la mesure faisant l’objet de la plainte de la requérante, de sorte que la lettre litigieuse ne constituait pas une décision susceptible de recours en vertu de l’article 230 CE.

13      Le 18 décembre 2006, la requérante a introduit un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice contre l’ordonnance annulée. Par arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, non encore publié au Recueil, (ci-après l’« arrêt d’annulation »), la Cour a annulé ladite ordonnance, a rejeté l’exception d’irrecevabilité de la Commission et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal, en réservant les dépens.

14      Sur la nature des actes adoptés à l’issue de la phase préliminaire d’examen des aides d’État, la Cour a jugé ce qui suit :

« 36      Lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article et de l’article 4 du règlement n° 659/1999, qu’une mesure étatique ne constitue pas une aide incompatible avec le marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire cette décision. Pour ces motifs, celui-ci déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir, en ce sens, arrêts précités, Cook/Commission, points 23 à 26 ; Matra/Commission, points 17 à 20 ; Commission/Sytraval et Brink’s France, point 40, ainsi que Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 35).

[…]

40      Une fois [les observations supplémentaires] déposées [par l’intéressé] ou le délai raisonnable expiré, l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 impose à la Commission de clôturer la phase préliminaire d’examen par l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce règlement, à savoir une décision constatant l’inexistence de l’aide, de ne pas soulever d’objections ou d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, cette institution n’est pas autorisée à perpétuer un état d’inaction pendant la phase préliminaire d’examen. Le moment venu, il lui appartient soit d’ouvrir la phase d’examen suivante, soit de classer l’affaire en adoptant une décision en ce sens (voir, dans le cadre de la procédure en matière de concurrence, arrêt du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission, C‑282/95 P, Rec. p. I‑1503, point 36). Aux termes de l’article 20, paragraphe 2, troisième phrase, du règlement n° 659/1999, lorsque la Commission prend une telle décision à la suite d’informations fournies par une partie intéressée, elle lui envoie une copie de cette décision.

41      Dans ce contexte, il y a lieu de relever que la Commission peut prendre une des décisions susmentionnées prévues à l’article 4 du règlement n° 659/1999, sans pour autant la désigner comme une décision au titre de cette disposition.

42      En effet, il découle de la jurisprudence constante concernant la recevabilité des recours en annulation qu’il convient de s’attacher à la substance même des actes attaqués ainsi qu’à l’intention de leurs auteurs pour qualifier ces actes. À cet égard, constituent en principe des actes attaquables les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission au terme d’une procédure administrative et qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale, qui n’ont pas de tels effets (voir, en ce sens, arrêts IBM/Commission, précité, points 9 et 10, ainsi que du 22 juin 2000, Pays-Bas/Commission, C‑147/96, Rec. p. I‑4723, points 26 et 27).

43      En revanche, la forme dans laquelle un acte ou une décision sont pris est, en principe, indifférente pour la recevabilité d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêts IBM/Commission, précité, point 9, et du 7 juillet 2005, Le Pen/Parlement, C‑208/03 P, Rec. p. I‑6051, point 46).

44      Il est donc, en principe, sans incidence sur la qualification de l’acte concerné que celui-ci satisfasse ou non certaines exigences formelles, à savoir s’il est dûment intitulé par son auteur, s’il est suffisamment motivé ou s’il mentionne les dispositions qui constituent sa base légale (voir, en ce qui concerne l’exigence de motivation, arrêt du 16 juin 1994, SFEI e.a./Commission, C‑39/93 P, Rec. p. I‑2681, point 31) […]

46      Il s’ensuit que, pour déterminer si un acte en matière d’aides d’État constitue une ‘décision’ au sens de l’article 4 du règlement n° 659/1999, il convient de vérifier si, compte tenu de la substance de celui-ci et de l’intention de la Commission, cette institution a définitivement fixé par l’acte examiné, au terme de la phase préliminaire d’examen, sa position sur la mesure dénoncée et, partant, si elle a conclu que celle-ci constituait ou non une aide, qu’elle ne suscitait pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun ou qu’elle suscitait de tels doutes. »

15      S’agissant de l’acte attaqué, la Cour a considéré ce qui suit :

« 52      Il découle de la substance de [l’acte attaqué] et de l’intention de la Commission que celle-ci a ainsi décidé de mettre fin à la procédure préliminaire d’examen déclenchée par Athinaïki Techniki. Par ledit acte, la Commission a constaté que l’enquête entamée n’avait pas permis de conclure à l’existence d’une aide au sens de l’article 87 CE et elle a implicitement refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 47).

[…]

54      L’acte attaqué ne peut être qualifié de préliminaire ou de préparatoire, car il ne sera suivi, dans le cadre de la procédure administrative entamée, d’aucun autre acte susceptible de donner lieu à un recours en annulation (voir en ce sens, notamment, arrêt SFEI e.a./Commission, précité, point 28).

55      Contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, il n’est pas pertinent à cet égard que la partie intéressée puisse encore fournir à la Commission des informations supplémentaires qui peuvent obliger cette dernière à revoir sa position sur la mesure étatique en cause.

56      En effet, la légalité d’une décision prise à l’issue de la phase préliminaire d’examen n’est appréciée qu’en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée […], c’est-à-dire, en l’occurrence, au moment de l’adoption de l’acte attaqué.

57      Si une partie intéressée fournit des informations supplémentaires après le classement de l’affaire, la Commission peut être tenue d’ouvrir, le cas échéant, une nouvelle procédure administrative. En revanche, ces informations n’ont pas d’incidence sur le fait que la première procédure préliminaire d’examen est d’ores et déjà close.

58      Il s’ensuit que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 29 de l’ordonnance attaquée, la Commission a adopté une position définitive sur la demande [de la requérante] tendant à faire constater une violation des articles 87 CE et 88 CE.

61      Comme cet acte a empêché [la requérante] de présenter ses observations dans le cadre d’une procédure formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, il a produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de cette société.

62      L’acte attaqué constitue, dès lors, un acte attaquable au sens de l’article 230 CE. »

16      Sur la base de ce raisonnement, la Cour a constaté que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que la requérante a formé un recours en annulation contre un acte qui ne produit pas d’effet juridique et qui, partant, n’est pas susceptible de recours en vertu de l’article 230 CE et, par conséquent, a annulé l’ordonnance du Tribunal.

17      À la suite du renvoi de l’affaire devant le Tribunal, celle-ci a été attribuée à la quatrième chambre du Tribunal.

 Procédure après renvoi et conclusions des parties

18      Par lettre du 2 octobre 2008, la Commission a signalé au Tribunal que, le 26 septembre 2008, elle avait envoyé à la requérante une lettre dont les termes sont les suivants :

« Je me réfère à la lettre du [2 février 2004] par laquelle les services de la DG concurrence vous ont informé que sur base des informations qu’ils possèdent, il n’y avait pas de raisons suffisantes de continuer l’examen du dossier mentionné en objet et que, faute d’informations complémentaires qui justifieraient la poursuite de l’examen, la Commission au niveau administratif a clôturé le dossier en question.

Vu l’arrêt [d’annulation], les services de la DG concurrence vous notifient le retrait de cette lettre et la réouverture du dossier susmentionné.

Partant, nous réitérons notre précédente demande et vous invitons à nouveau [à] soumettre des éléments indiquant l’octroi d’une aide d’État illégale dans le cadre de la vente du Casino de Mont Parnès. »

19      Selon la Commission, la lettre du 26 septembre 2008 implique que, l’affaire ayant perdu son objet, il n’y a plus lieu de statuer.

20      Dans ses observations du 26 novembre 2008, déposées en réponse à la demande de non-lieu à statuer présentée par la Commission, la requérante s’est opposée à celle-ci.

21      Dans ses observations du 27 novembre 2008, l’intervenante a signalé son accord avec ladite demande.

 En droit

 Arguments des parties

22      La Commission, soutenue par l’intervenante, relève que la lettre du 26 septembre 2008 a été signée par le fonctionnaire occupant la même position que le signataire de la lettre litigieuse. Elle estime qu’il s’agirait d’une « lettre contraire » dont il ressort qu’elle a décidé de poursuivre la procédure en invitant à nouveau la requérante à fournir des informations concernant sa plainte. Cet « acte contraire » aurait ainsi été adopté dans un strict parallélisme des formes. Selon la Commission, dès lors que le retrait a pour effet la disparition en droit de la lettre litigieuse et par conséquent de l’acte attaqué, la présente affaire n’a plus d’objet.

23      Premièrement, selon la requérante, la lettre du 26 septembre 2008 ne constitue pas un « acte contraire » à l’acte attaqué.

24      L’acte attaqué consisterait en la conclusion, au terme de la phase préliminaire d’examen, que la mesure dénoncée ne suscitait pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun et que, par conséquent, l’affaire a été classée sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. La lettre du 26 septembre 2008 ne serait donc pas un « acte contraire », puisqu’elle ne pourrait pas avoir de conséquences contraires à l’acte attaqué. Selon la requérante, la lettre du 26 septembre 2008 se limite à répéter l’invitation de la direction générale (DG) « Concurrence » qui lui avait déjà été faite plus de trois ans auparavant et vise à ce qu’elle soumette « des éléments indiquant l’octroi d’une aide d’État illégale dans le cadre de la vente du Casino de Mont Parnès » sans même passer par la procédure formelle d’examen, ce qui lui aurait permis, selon les points 31, 36 et 61 de l’arrêt d’annulation, de présenter ses observations. Or, la seconde invitation n’aurait aucune implication sur la situation juridique de la requérante, dès lors que celle-ci estime pouvoir soumettre de nouveaux éléments même en l’absence d’une invitation de la part des services de la Commission.

25      En outre, la requérante relève que la lettre litigieuse faisait explicitement référence à la Commission comme auteur de l’acte attaqué, tandis que la lettre du 26 septembre 2008 précise comme auteur de l’acte qualifié de « contraire » par la Commission les services de la DG « Concurrence ». Par conséquent, il n’existerait pas de « strict parallélisme des formes », puisque la lettre du 26 septembre 2008 est un acte adopté par les services de la Commission, bien qu’il ait relevé de la compétence de la Commission en tant que collège. Dès lors, la lettre du 26 septembre 2008 ne serait pas un « acte contraire » et ne modifierait pas la situation juridique de la requérante.

26      Deuxièmement, la requérante estime que l’acte attaqué, mettant fin à l’examen préliminaire, n’est pas révocable. Se référant au point 40 de l’arrêt d’annulation, elle en déduit qu’une fois la plainte classée, la Commission n’est pas autorisée à y revenir, sauf pour entamer la procédure formelle d’examen.

27      Troisièmement, la requérante considère que la lettre du 26 septembre 2008 vise essentiellement à soustraire l’acte attaqué au contrôle juridictionnel. Elle fait référence aux points 55 à 57 de l’arrêt d’annulation. Elle en déduit que l’élément que la Commission invoque pour justifier le retrait de l’acte attaqué, à savoir l’invitation à soumettre de nouveau « des éléments indiquant l’octroi d’une aide d’État illégale dans le cadre de la vente du Casino de Mont Parnès » n’est pas pertinent. La requérante relève qu’elle avait déjà soumis à la Commission des informations concernant l’aide en cause, qui constituaient l’annexe F de sa requête et qui ont été ensuite analysées et complétées par les documents repris à l’annexe E de sa requête.

28      En outre, la requérante soulève que, au point 36 de l’arrêt d’annulation, la Cour a dit pour droit que les bénéficiaires des garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire la décision constatant qu’une mesure étatique ne constitue pas une aide incompatible avec le marché commun, de sorte qu’il convient de déclarer le recours recevable lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux.

29      Enfin, la requérante relève qu’un incident de procédure constitue une exception aux principes généraux et doit être interprété strictement. L’« incident » évoqué par la Commission serait contraire au principe de « jurisprudentialité », au principe de l’obligation de statuer et au droit à une protection juridictionnelle, de sorte qu’il devrait être interprété strictement. La requérante invoque en outre le fait que, la Communauté européenne étant une communauté de droit dans laquelle les institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes avec le traité, les modalités procédurales applicables aux recours dont le juge communautaire est saisi doivent être interprétées, dans toute la mesure du possible, d’une manière telle que ces modalités puissent recevoir une application qui contribue à la mise en œuvre de l’objectif garantissant une protection juridictionnelle effective des droits que tirent les justiciables du droit communautaire.

30      Quatrièmement, selon la requérante, la lettre du 26 septembre 2008 va à l’encontre de l’autorité de la chose jugée découlant de l’arrêt d’annulation. À cet égard, elle relève que, pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont conduit à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire (ordonnance de la Cour du 13 juillet 2000, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, C‑8/99 P, Rec. p. I‑6031, point 19).

 Appréciation du Tribunal

31      Il y a lieu de considérer que la lettre du 26 septembre 2008 de la Commission soulève un incident de procédure qu’il convient de régler sans procédure orale, conformément à l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure.

32      En premier lieu, il convient de relever que la Cour a déjà jugé, dans son ordonnance du 18 novembre 1992, SFEI e.a./Commission (C‑222/92, non publiée au Recueil, points 1 et 2), que, dans le cas d’un recours dirigé contre une décision de classer administrativement une plainte relative à une prétendue aide d’État, la réouverture de la procédure préliminaire d’examen constitue le retrait de la décision de classement. Ensuite, la Cour a considéré que ledit recours était devenu sans objet et a déclaré qu’il n’y avait plus lieu de statuer (ordonnance SFEI e.a./Commission, précitée, points 5 et 7 ; voir, également, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, non encore publié au Recueil, point 3, et arrêt du Tribunal du 7 juin 2006, UFEX e.a./Commission, T‑613/97, Rec. p. II‑1531, points 8 et 11).

33      En deuxième lieu, il ressort des points 52, 54 et 58 de l’arrêt d’annulation que la constatation, réalisée par la Cour, selon laquelle l’acte attaqué a fixé définitivement la position de la Commission relative à la mesure litigieuse, était nécessaire pour que ledit acte puisse être qualifié d’attaquable. Or, après la réouverture de la procédure préliminaire d’examen et l’invitation de la requérante à soumettre des documents soutenant ses griefs, il n’existe plus d’acte fixant définitivement la position de la Commission, et, dès lors, susceptible de recours.

34      En troisième lieu, il convient de relever que l’acte attaqué a été adopté à l’issue de la procédure préliminaire d’examen et doit être interprété, selon l’arrêt d’annulation, soit comme une décision implicite constatant que la mesure en cause n’est pas une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, soit comme une décision implicite de ne pas soulever d’objections. Dès lors, en cas d’annulation, la Commission serait tenue de rouvrir la procédure préliminaire d’examen et, ainsi que la Cour a précisé au point 40 de l’arrêt d’annulation, d’adopter formellement une des décisions visées à l’article 4 du règlement n° 659/1999 ou une décision de classement qui constitueraient un nouvel acte attaquable.

35      Dans ces circonstances, il doit être considéré que le retrait de l’acte attaqué produit des effets équivalents à ceux d’un arrêt annulant l’acte attaqué, puisque la procédure préliminaire d’examen ainsi rouverte sera close par une des décisions formelles visées à l’article 4 du règlement n° 659/1999 ou par une décision de classement. En effet, un arrêt qui annulerait l’acte attaqué n’entraînerait aucune conséquence juridique supplémentaire par rapport aux conséquences du retrait opéré (ordonnance du Tribunal du 6 décembre 1999, Elder/Commission, T‑178/99, Rec. p. II‑3509, point 20).

36      La requérante ne conserve donc aucun intérêt à obtenir l’annulation de l’acte attaqué (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 28 mai 1997, Proderec/Commission, T‑145/95, Rec. p. II‑823, point 27, et Elder/Commission, précité, point 21).

37      Dès lors, il y a lieu de relever que le présent recours a perdu son objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

38      Les arguments avancés par la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

39      Premièrement, en ce qui concerne l’argument que la requérante tire de la forme et de l’auteur de l’acte, le Tribunal estime que la différence qu’elle mentionne, selon laquelle la lettre litigieuse mentionne la Commission, tandis que la lettre du 26 septembre 2008 évoque les services de la Commission, ne saurait influer sur la qualification de ladite lettre, surtout à la lumière de la jurisprudence constante, citée par la Cour aux points 42 à 44 de l’arrêt d’annulation, selon laquelle il convient de s’attacher à la substance même des actes attaqués ainsi qu’à l’intention de leurs auteurs pour qualifier ces actes, tandis que la forme dans laquelle un acte ou une décision sont pris est, en principe, indifférente. Or, le contenu de la lettre du 26 septembre 2008 indique clairement que la Commission procède à la réouverture de la procédure, de sorte que l’acte attaqué ne saurait plus être considéré comme une prise de position définitive sur la prétendue aide d’État. En plus, tant la lettre litigieuse que la lettre du 26 septembre 2008 ont été signées par les fonctionnaires occupant la même position (directeur) à la DG « Concurrence ». En tout état de cause, l’article 13 du règlement intérieur de la Commission (JO 2000, L 308, p. 26) prévoit que les compétences attribuées par le collège à un membre de la Commission peuvent faire l’objet d’une subdélégation aux directeurs généraux et aux chefs de service.

40      Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission ne pourrait pas rester sans agir et qu’elle devrait ouvrir la procédure formelle d’examen, il convient de relever que la requérante ne mentionne aucune règle de droit qui obligerait la Commission, après le retrait de l’acte attaqué, à entamer une procédure différente de celle qui a abouti audit acte.

41      En ce qui concerne la référence au point 40 de l’arrêt d’annulation, il y a lieu de noter qu’il ne ressort pas de ce passage que, dans le cas du retrait d’une décision de classement, la Commission a l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen, mais qu’elle doit seulement, au terme de la phase préliminaire d’examen, soit adopter une des décisions figurant à l’article 4 du règlement n° 659/1999, soit classer la plainte. Il ressort de la référence faite par la Cour, dans l’arrêt d’annulation, à l’arrêt du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission (C‑282/95 P, Rec. p. I‑1503), dans ce contexte, que la garantie des intéressés contre une inaction de la Commission consiste en la possibilité d’introduire un recours en carence.

42      Troisièmement, en ce qui concerne les allégations de la requérante selon lesquelles, d’une part, la démarche de la Commission vise à soustraire l’acte attaqué au contrôle juridictionnel et, d’autre part, l’invitation à soumettre des informations n’est pas pertinente, il convient de relever qu’aucun argument juridique n’en est déduit.

43      En outre, selon une jurisprudence constante, pour qu’une mesure soit qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, quatre conditions doivent être réunies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou faite au moyen de ressources d’État, deuxièmement, cette intervention doit accorder un avantage à son bénéficiaire, troisièmement, elle doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêts de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, point 75, et du Tribunal du 26 juin 2008, SIC/Commission, T‑442/03, Rec. p. II‑1161, point 44). Il convient de relever qu’il ne ressort pas des documents soumis par la requérante dans le cadre de la procédure devant le Tribunal qu’elle aurait déjà expliqué, au cours de la procédure administrative, en quoi les mesures critiquées satisfaisaient auxdites conditions. Dès lors, la requérante ne saurait valablement contester que l’invitation, émanant de la Commission, à soumettre des informations supplémentaires constituait la démarche adéquate dans les circonstances de l’espèce.

44      En ce qui concerne la référence au point 36 de l’arrêt d’annulation et au droit à une protection juridictionnelle, il y a lieu de rappeler que le retrait de l’acte attaqué n’affecte nullement le droit de la requérante d’introduire un recours contre la nouvelle décision qui sera adoptée à l’issue de la phase préliminaire d’examen rouverte ou, si elle estime qu’une telle décision n’intervient pas dans un délai raisonnable, d’introduire un recours en carence (voir points 34 et 41 ci-dessus).

45      Quatrièmement, s’agissant des arguments de la requérante relatifs à l’autorité de la chose jugée, il convient de relever d’emblée que, par l’arrêt d’annulation, la Cour a procédé à l’annulation de l’ordonnance du Tribunal, sans que ledit arrêt ait d’incidence sur la validité de l’acte attaqué. Ainsi qu’il ressort des points 32 à 37 ci-dessus, c’est en raison du retrait par la Commission de l’acte attaqué que celui-ci a disparu de l’ordre juridique.

46      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure qu’il n’y a plus lieu de statuer.

 Sur les dépens

47      Il convient de rappeler que, selon l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

48      En l’espèce, la Commission a retiré l’acte attaqué après l’introduction du recours, en substance pour un motif, la nécessité d’une instruction plus étendue de l’affaire, qui a été mentionné dans la requête. Dès lors, il convient de la condamner à l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

2)      La Commission des Communautés européennes supportera l’ensemble des dépens.

Fait à Luxembourg, le 29 juin 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : le français.