Language of document : ECLI:EU:T:2018:443

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 juillet 2018 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen des câbles électriques – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Infraction unique et continue – Preuve de l’infraction – Durée de la participation – Distanciation publique – Calcul du montant de l’amende – Gravité de l’infraction – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑447/14,

NKT Verwaltungs GmbH, anciennement nkt cables GmbH, établie à Cologne (Allemagne),

NKT A/S, anciennement NKT Holding A/S, établie à Brøndby (Danemark),

représentées par Mes M. Kofmann et B. Creve, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito, H. van Vliet et C. Vollrath, en qualité d’agents, assistés de M. B. Doherty, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques), en ce qu’elle concerne les requérantes, et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende infligée à celles-ci,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. R. Barents, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 31 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Requérantes et secteur concerné

1        Les requérantes, NKT A/S, anciennement NKT Holding A/S, et sa filiale à part entière NKT Verwaltungs GmbH, anciennement nkt cables GmbH, sont des sociétés danoise et allemande actives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins [considérants 32 et 900 de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques), ci-après la « décision attaquée »].

2        Les câbles électriques sous-marins et souterrains sont utilisés, respectivement sous l’eau et sous la terre, pour le transport et la distribution d’électricité. Ils sont classés en trois catégories : basse tension, moyenne tension ainsi que haute et très haute tension. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont, dans la majorité des cas, vendus dans le cadre de projets. Ces projets consistent en une combinaison du câble électrique et des équipements, installations et services supplémentaires nécessaires. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont vendus dans le monde entier à de grands exploitants de réseaux nationaux et à d’autres entreprises d’électricité, principalement dans le cadre de marchés publics.

B.      Procédure administrative

3        Par lettre du 17 octobre 2008, la société suédoise ABB AB a fourni à la Commission des communautés européennes une série de déclarations et de documents relatifs à des pratiques commerciales restrictives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins. Ces déclarations et ces documents ont été produits dans le cadre d’une demande d’immunité au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence »).

4        Du 28 janvier au 3 février 2009, à la suite des déclarations d’ABB, la Commission a effectué des inspections dans les locaux de sociétés italiennes, à savoir Prysmian SpA et Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl, ainsi que de sociétés françaises, à savoir Nexans SA et Nexans France SAS.

5        Le 2 février 2009, les sociétés japonaises Sumitomo Electric Industries Ltd, Hitachi Cable Ltd et J‑Power Systems Corp. ont introduit une demande conjointe d’immunité d’amende conformément au paragraphe 14 de la communication sur la clémence ou, à titre subsidiaire, de réduction de son montant, conformément au paragraphe 27 de cette communication. Elles ont ensuite transmis à la Commission d’autres déclarations orales et d’autres documents.

6        Au cours de l’enquête, la Commission a envoyé plusieurs demandes d’informations, conformément à l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et au paragraphe 12 de la communication sur la clémence, à des entreprises du secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins.

7        Le 30 juin 2011, la Commission a ouvert une procédure et adopté une communication des griefs à l’encontre des entités juridiques suivantes : Pirelli & C. SpA, Prysmian Cavi e Sistemi Energia, Prysmian, The Goldman Sachs Group, Inc., Nexans, Nexans France, Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, J‑Power Systems, Furukawa Electric Co. Ltd, Fujikura Ltd, Viscas Corp., SWCC Showa Holdings Co. Ltd, Mitsubishi Cable Industries Ltd, Exsym Corp., ABB, ABB Ltd, Brugg Kabel AG, Kabelwerke Brugg AG Holding, Silec Cable SAS, Grupo General Cable Sistemas, SA, Safran SA, General Cable Corp., LS Cable & System Ltd, Taihan Electric Wire Co. Ltd et les requérantes.

8        Du 11 au 18 juin 2012, tous les destinataires de la communication des griefs, à l’exception de Furukawa Electric, ont participé à une audience administrative devant la Commission.

9        Par les arrêts du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596), et du 14 novembre 2012, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia/Commission (T‑140/09, non publié, EU:T:2012:597), le Tribunal a partiellement annulé les décisions d’inspection adressées, d’une part, à Nexans et à Nexans France et, d’autre part, à Prysmian et à Prysmian Cavi e Sistemi Energia, pour autant qu’elles concernaient des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension et le matériel associé à ces autres câbles, et a rejeté les recours pour le surplus. Le 24 janvier 2013, Nexans et Nexans France ont formé un pourvoi à l’encontre du premier de ces arrêts. Par arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:2030), la Cour a rejeté ce pourvoi.

10      Le 2 avril 2014, la Commission a adopté sa décision C (2014) 2139 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord [EEE] (affaire AT.39610 – Câbles électriques) (ci-après la « décision attaquée »).

C.      Décision attaquée

1.      Infraction en cause

11      L’article 1er de la décision attaquée dispose que plusieurs entreprises ont participé, au cours des différentes périodes, à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE dans le « secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins ». En substance, la Commission a constaté que, à partir de février 1999 et jusqu’à la fin de janvier 2009, les principaux producteurs européens, japonais et sud-coréens de câbles électriques sous-marins et souterrains ont participé à un réseau de réunions multilatérales et bilatérales et établi des contacts visant à restreindre la concurrence pour des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à (très) haute tension sur des territoires spécifiques, en se répartissant les marchés et les clients et en faussant ainsi le processus concurrentiel normal (considérants 10 à 13 et 66 de ladite décision).

12      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l’entente revêtait deux configurations principales qui constituaient un ensemble composite. Plus précisément, selon elle, l’entente se composait de deux volets, à savoir :

–        la « configuration A/R de l’entente », qui regroupait les entreprises européennes, généralement appelées « membres R », les entreprises japonaises, désignées en tant que « membres A », et, enfin, les entreprises sud-coréennes, désignées en tant que « membres K ». Ladite configuration permettait de réaliser l’objectif d’attribution de territoires et de clientèles entre producteurs européens, japonais et sud-coréens. Cette attribution se faisait selon un accord sur le « territoires national », en vertu duquel les producteurs japonais et coréens s’abstenaient d’entrer en concurrence pour des projets se déroulant sur le « territoire national » des producteurs européens, tandis que ces derniers s’engageaient à rester en dehors des marchés du Japon et de la Corée du Sud. S’ajoutait à cela l’attribution de projets dans les « territoires d’exportation », à savoir le reste du monde à l’exception notamment des États-Unis, qui, pendant une certaine période, respecta un « quota 60/40 », signifiant que 60 % des projets étaient réservés pour les producteurs européens et les 40 % restants pour les producteurs asiatiques ;

–        la « configuration européenne de l’entente », qui impliquait l’attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets à réaliser sur le « territoire national » européen ou attribués à des producteurs européens (voir point 3.3 de la décision attaquée et, en particulier, considérants 73 et 74 de ladite décision).

13      La Commission a constaté que les participants à l’entente avaient mis en place des obligations de communication de données afin de permettre le suivi des accords de répartition (considérants 94 à 106 et 111 à 115 de la décision attaquée).

14      En tenant compte du rôle joué par différents participants à l’entente dans la mise en œuvre de celle-ci, la Commission les a classés en trois groupes. Tout d’abord, elle a défini le noyau dur de l’entente, auquel appartenaient, d’une part, les entreprises européennes Nexans France, les entreprises filiales de Pirelli & C., anciennement Pirelli SpA, ayant successivement participé à l’entente (ci-après « Pirelli »), et Prysmian Cavi e Sistemi Energia et, d’autre part, les entreprises japonaises Furukawa Electric, Fujikura et leur entreprise commune Viscas ainsi que Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et leur entreprise commune J‑Power Systems (considérants 545 à 561 de la décision attaquée). Ensuite, elle a distingué un groupe d’entreprises qui n’ont pas fait partie du noyau dur mais qui ne pouvaient pas, pour autant, être considérées comme des acteurs marginaux de l’entente et a classé dans ce groupe ABB, Exsym, Brugg Kabel et l’entité constituée par Sagem SA, Safran et Silec Cable (considérants 562 à 575 de ladite décision). Enfin, elle a considéré que Mitsubishi Cable Industries, SWCC Showa Holdings, LS Cable & System, Taihan Electric Wire et nkt cables étaient des acteurs marginaux de l’entente (considérants 576 à 594 de cette décision).

2.      Responsabilité des requérantes

15      La responsabilité de nkt cables a été retenue en raison de sa participation directe à l’infraction du 3 juillet 2002 au 17 février 2006. NKT Holding a été reconnue responsable de l’infraction en tant que société mère de nkt cables durant la même période (considérants 899 à 904 de la décision attaquée).

3.      Amende infligée

16      L’article 2, sous e), de la décision attaquée inflige une amende d’un montant de 3 887 000 euros « conjointement et solidairement »aux requérantes.

17      Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 et la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application dudit article (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 »).

18      En premier lieu, s’agissant du montant de base des amendes, après avoir déterminé la valeur des ventes appropriée, conformément au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 (considérants 963 à 994 de la décision attaquée), la Commission a fixé la proportion de cette valeur des ventes reflétant la gravité de l’infraction, conformément aux paragraphes 22 et 23 desdites lignes directrices. À cet égard, elle a estimé que l’infraction, par sa nature, constituait l’une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait un taux de gravité de 15 %. De même, elle a appliqué une majoration de 2 % du coefficient de gravité pour l’ensemble des destinataires en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi,mondiale de l’entente, couvrant notamment l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE). Par ailleurs, elle a considéré, notamment, que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la « configuration A/R de l’entente », les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets de câbles électriques dans le cadre de la « configuration européenne de l’entente ». Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à 19 % pour les entreprises européennes et à 17 % pour les autres entreprises (considérants 997 à 1010 de ladite décision).

19      S’agissant du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l’infraction, la Commission a retenu, en ce qui concerne nkt cables, un coefficient de 3,58 pour la période comprise entre le 3 juillet 2002 et le 17 février 2006. Elle a, en outre, inclus pour nkt cables dans le montant de base de l’amende un montant additionnel (le droit d’entrée) correspondant à 19 % de la valeur des ventes. Ledit montant ainsi déterminé s’élevait à 4 319 000 euros (considérants 1011 à 1016 de la décision attaquée).

20      En second lieu, s’agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission n’a pas constaté de circonstances aggravantes qui pourraient affecter le montant de base de l’amende établi à l’égard de chacun des participants à l’entente, à l’exception d’ABB. En revanche, en ce qui concerne les circonstances atténuantes, elle a décidé de refléter dans le montant des amendes le rôle joué par différentes entreprises dans la mise en œuvre de l’entente. Ainsi, elle a réduit de 10 % le montant de base de l’amende à infliger pour les acteurs marginaux de l’entente et de 5 % le montant de base de l’amende à infliger pour les entreprises dont l’implication dans l’entente était moyenne. En outre, elle a accordé à Mitsubishi Cable Industries et à SWCC Showa Holdings pour la période précédant la création d’Exsym ainsi qu’à LS Cable & System et à Taihan Electric Wire une réduction supplémentaire de 1 % pour n’avoir pas eu connaissance de certains aspects de l’infraction unique et continue et pour leur absence de responsabilité dans ceux-ci. En revanche, aucune réduction du montant de base de l’amende n’a été accordée aux entreprises appartenant au noyau dur de l’entente (considérants 1017 à 1020 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission a accordé, en application des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, une réduction supplémentaire de 3 % à Mitsubishi Cable Industries en raison de sa coopération effective en dehors du cadre de la clémence (considérant 1041 de ladite décision).

21      En outre, la Commission a décidé d’accorder l’immunité des amendes à ABB et de réduire le montant de l’amende imposée à J‑Power Systems, à Sumitomo Electric Industries et à Hitachi Cable de 45 % afin de tenir compte de la coopération de ces entreprises.

II.    Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2014, les requérantes ont introduit le présent recours.

23      Le 28 septembre 2016, dans le cadre des mesure d’organisation de la procédure prévues par l’article 89, paragraphe 3, sous a) et d), de son règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions à la Commission et a invité celle-ci à produire certains documents, notamment les versions non confidentielles des réponses des autres destinataires de la communication des griefs.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre (nouvelle composition), à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      Par lettre du 31 octobre 2016, la Commission a répondu aux questions posées par le Tribunal et a produit les documents demandés à l’exception des version non confidentielles des réponses à la communication des griefs de Nexans France, Nexans, The Goldman Sachs Group, Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, J‑Power Systems, Furukawa Electric, Fujikura, Mitsubishi Cable Industries, Exsym, Silec Cable, Brugg Kabel, Kabelwerke Brugg, Grupo General Cable Sistemas, Safran, General Cable, LS Cable & System, ABB, Pirelli & C., Prysmian, Prysmian Cavi e Sistemi Energia, SWCC Showa Holdings, Taihan Electric Wire et Viscas. Elle a précisé que, en dépit de sa demande à cet égard, ces sociétés n’avaient pas encore préparé une version non confidentielle de leur réponse à la communication des griefs. Par ailleurs, elle a sollicité l’adoption d’une mesure d’instruction en vue de produire un extrait d’une déclaration orale fournie par ABB dans le cadre de sa demande d’immunité.

26      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

27      Le 23 mars 2017, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues par l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, le Tribunal a invité la Commission à produire un document. La Commission a déféré à cette demande le 6 avril 2017.

28      Par ordonnance du 24 mars 2017, le président de la huitième chambre du Tribunal a adopté une mesure d’instruction visant à obtenir de la Commission que celle-ci produise un extrait d’une déclaration orale fournie par ABB dans le cadre de sa demande d’immunité. La Commission a déféré à cette mesure d’instruction le 6 avril 2017.

29      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement ladite décision et réduire sensiblement le montant de l’amende qui leur a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

31      Dans le cadre du recours, les requérantes formulent tant des conclusions en annulation partielle de la décision attaquée que des conclusions visant à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée.

A.      Sur les conclusions en annulation

32      À l’appui des conclusions en annulation, les requérantes invoquent cinq moyens. Le premier moyen est tiré de violations des droits de la défense et du principe d’égalité des armes en raison du refus de la Commission de donner accès aux requérantes aux preuves potentiellement à décharge contenues dans les réponses des autres destinataires de la communication des griefs et la documentation les étayant. Le deuxième moyen est tiré de la définition erronée de la portée territoriale de l’infraction unique et continue et de l’application erronée du critère des effets pour justifier l’application de l’article 101 TFUE. Le troisième moyen est pris d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a estimé que nkt cables avait pris part à une infraction unique et continue et avait connaissance de tous les éléments de celle-ci. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de la Commission quant à la durée de la participation de nkt cables à l’infraction.

1.      Sur le premier moyen, tiré de violations des droits de la défense et du principe d’égalité des armes

33      Les requérantes font grief à la Commission de ne pas leur avoir accordé l’accès à toutes les réponses des destinataires de la communication des griefs, alors que celles-ci contenaient potentiellement des éléments de preuve à décharge. Ce faisant, la Commission aurait violé leurs droits de la défense, en particulier le principe d’égalité des armes, qui, conformément à l’arrêt du 29 juin 1995, Solvay/Commission (T‑30/91, EU:T:1995:115), présupposerait dans une affaire de concurrence que l’entreprise concernée ait une connaissance du dossier utilisé dans la procédure égale à celle dont dispose la Commission et devrait s’appliquer jusqu’à l’adoption de la décision attaquée. Le terme « dossier » utilisé dans cet arrêt, ainsi qu’à l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), désignerait l’ensemble des documents figurant dans le dossier de la Commission. Selon les requérantes, autoriser les institutions de l’Union européenne à limiter la portée de la notion de dossier, par exemple en excluant tous les documents qui y ont été introduits après un certain stade de la procédure, sans la moindre explication objective de la raison pour laquelle ces documents seraient moins pertinents, érode de façon injustifiable le droit et la garantie prévus par l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte. Elles font encore observer que, si, conformément à ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission (C‑109/10 P, EU:C:2011:686), les réponses à de simples demandes de renseignements sont considérées comme ayant potentiellement une valeur à décharge, il ne peut exister aucun doute quant à la valeur à décharge potentielle des réponses des autres entreprises aux objections de la Commission.

34      Les requérantes soulignent l’importance d’un accès aux documents reçus par la Commission après la communication des griefs pour le respect de leurs droits de la défense. Elles font valoir que les preuves collectées avant la notification de la communication des griefs ont été rassemblées principalement sur la base des inspections et des demandes de clémence et ont donc tendance à être à charge parce que le but de leur collecte ou de leur soumission à la Commission est d’apporter la preuve d’une infraction, alors que la majorité des preuves soumises à la Commission après la notification de la communication des griefs examinent et contestent, en général, les allégations contenues dans celle-ci et tendent par conséquent à être à décharge. Elles font également valoir qu’elles ont été déclarées responsables de la totalité de l’infraction unique et continue bien que les salariés de nkt cables n’aient participé qu’à une fraction minime du comportement qui la constitue. Elles estiment que, en conséquence, les déclarations et les preuves documentaires se rapportant à la partie du comportement pour lequel elles sont déclarées responsables par la Commission dans la décision attaquée ne pourraient émaner que des autres destinataires, dont les salariés étaient réellement impliqués dans le comportement concerné. Selon elles, les preuves contenues dans les réponses des autres destinataires de la communication des griefs seraient par conséquent probablement directement pertinentes et utiles pour la défense de leurs droits.

35      Les requérantes font valoir, en outre, que le droit d’accès aux preuves, en tant qu’application du principe général d’égalité des armes consacré par les articles 41 et 47 de la Charte, devrait avoir au moins la même signification et le même champ d’application que l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme. Selon elles, il a été jugé dans l’arrêt de la Cour EDH du 16 février 2000, Jasper c. Royaume-Uni (CE :ECHR :2000 :0216JUD 002705295), que les autorités de poursuite devaient communiquer à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge, et que seules les mesures restreignant les droits de la défense qui sont absolument nécessaires pour préserver les droits fondamentaux d’un autre individu ou pour sauvegarder un intérêt public important sont légitimes au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Conformément à ce principe, tous les États membres de l’EEE reconnaîtraient, à titre de principe général du droit, que le droit d’accès d’un accusé dans une procédure pénale s’étend en principe à la totalité du dossier et pas seulement aux résultats de l’enquête préliminaire de l’autorité de poursuite. De même, les requérantes soutiennent que la pratique des autorités nationales de la concurrence de presque tous les États membres consiste à autoriser l’accès aux versions non confidentielles des documents qui ont été soumis après la notification de la communication des griefs, conformément à leurs traditions constitutionnelles ou aux principes généraux de bonne administration. Seules les autorités nationales de la concurrence de trois États membres refuseraient généralement l’accès aux preuves postérieures à la communication des griefs, apparemment sur le fondement de la position de la Commission sur cette question.

36      Les requérantes soutiennent que, dans ces conditions, il ne saurait leur être reproché de ne pas démontrer la valeur probante des preuves postérieures à la communication des griefs sans connaître leur contenu précis et demandent au Tribunal d’adopter une mesure d’organisation de la procédure ou une mesure d’instruction ordonnant à la Commission de leur donner accès à l’intégralité du dossier afin de démontrer qu’elles auraient pu utiliser les preuves postérieures à la communication des griefs pour leur défense et ainsi éventuellement influencer les conclusions de la décision attaquée.

37      Les requérantes arguent que, en tout état de cause, les preuves postérieures à la communication des griefs auxquelles l’accès leur a été refusé contiennent selon toutes probabilités des preuves à décharge, c’est-à-dire des preuves qui sont effectivement et objectivement liées aux conclusions de la Commission dans la décision attaquée, et auraient pu être utiles pour leur défense.

38      Premièrement, il s’agirait des informations sur le comportement relatif aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension qui auraient pu être utiles dans le cadre de la contestation de la conclusion selon laquelle nkt cables connaissait les accords relatifs à ces projets, d’autres preuves ayant déjà été apportées à cet égard. Selon les requérantes, les informations fournies par les entreprises qui ont réellement participé à ce comportement, par exemple au sujet de la nature distincte des accords sur les projets de câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension, pourraient, en effet, contenir des informations à décharge.

39      Deuxièmement, il s’agirait des informations sur l’accord sur le « territoire national » provenant des producteurs qui ont conclu cet accord qui auraient pu être utiles dans le cadre de la contestation de la conclusion selon laquelle elles étaient parties à cet accord, qui aurait apparemment été conclu bien avant que commence leur participation alléguée à l’infraction unique et continue et dont la portée géographique n’était pas précisément définie, comme l’aurait reconnu la Commission au point 454 de la décision attaquée. Selon les requérantes, les informations fournies par les grands producteurs qui ont effectivement conclu et élaboré cet accord pourraient en effet contenir des informations à décharge.

40      Troisièmement, il s’agirait encore du contenu des discussions lors des « séminaires câble » auxquels nkt cables a assisté. En effet, l’annexe I de la décision attaquée indiquerait à de nombreuses reprises que des projets mentionnés dans les notes prises par M. J., un employé de Nexans France, ont été attribués à nkt cables ou à d’autres participants à l’entente. Les requérantes affirment avoir démontré dans leur réponse à la communication des griefs que plusieurs de ces projets avaient déjà été remportés au moment où les notes ont été prises, ou qu’ils étaient seulement mentionnés à titre de projets imminents sans être attribués à une entreprise spécifique. Selon elles, si d’autres destinataires de ladite communication ont fourni des informations et des preuves similaires au sujet des projets pour lesquels elles n’ont pas pu retrouver d’informations, ces informations et ces preuves seraient de toute évidence à décharge par nature.

41      Quatrièmement, il s’agirait de l’interprétation des courriels des autres destinataires mentionnant nkt cables. Selon les requérantes, le considérant 493, sous b), de la décision attaquée mentionne certaines communications nommant nkt cables à titre de preuve de l’attribution de projets par cette dernière. Elles affirment avoir contesté cette interprétation et les autres parties pourraient avoir présenté des arguments similaires, peut-être étayés par des preuves supplémentaires.

42      Cinquièmement, il s’agirait d’informations relatives aux accords de consortium. Selon les requérantes, la Commission ayant considéré qu’une proposition de nkt cables à Nexans France de former un consortium constituait une preuve de sa participation à l’infraction, les preuves fournies par Nexans France pourraient clarifier ce cas particulier, dans la mesure où il ressort du considérant 689 de la décision attaquée que la réponse de Nexans France à la communication des griefs mentionnait des accords de consortium légitimes. Elles soutiennent à cet égard que toutes ces informations sont susceptibles de constituer des éléments de preuve et non simplement des arguments, comme le fait valoir la Commission.

43      Les requérantes font finalement observer que le fait que la Commission soit parvenue à identifier ces informations à décharge dans ces documents, comme en témoigne le mémoire en défense, confirme leur utilité.

44      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

45      À cet égard, en premier lieu, s’agissant de la thèse des requérantes selon laquelle la Commission était tenue de leur donner accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs au motif qu’il ne lui appartient pas de décider seule de la pertinence des documents recueillis dans le cadre de la procédure pour sa défense, force est de constater qu’elle ne saurait prospérer.

46      En effet, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 27, premier alinéa, du règlement no 1/2003, avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, dudit règlement, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. Cette même disposition énonce que « [l]a Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations » et que « [l]es plaignants sont étroitement associés à la procédure ».

47      Ainsi, l’accès au dossier, dans les affaires de concurrence, a notamment pour objet de permettre aux destinataires de la communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu’ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans la communication des griefs sur la base de ces éléments (arrêt du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, EU:C:2003:531, point 125). L’accès au dossier relève dès lors des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l’exercice effectif du droit d’être entendu.

48      Conformément à la jurisprudence, le droit d’accès au dossier implique que la Commission donne à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à charge que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (voir arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 68 et jurisprudence citée).

49      Toutefois, ce n’est qu’au début de la phase contradictoire administrative que l’entreprise concernée est informée, moyennant la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure et que cette entreprise dispose d’un droit d’accès au dossier afin de garantir l’exercice effectif de ses droits de la défense. Par conséquent, la réponse des autres parties à la communication des griefs n’est pas, en principe, comprise dans l’ensemble des documents du dossier d’instruction que peuvent consulter les parties (arrêts du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, EU:T:2009:366, point 163 ; du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 42, et du 12 juillet 2011, Mitsubishi Electric/Commission, T‑133/07, EU:T:2011:345, point 41).

50      Néanmoins, si la Commission entend se fonder sur un passage d’une réponse à la communication des griefs ou sur un document annexé à une telle réponse pour établir l’existence d’une infraction dans une procédure d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ou de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, les autres entreprises impliquées dans cette procédure doivent être mises en mesure de se prononcer sur un tel élément de preuve. Dans de telles circonstances, le passage en question d’une réponse à la communication des griefs ou le document annexé à cette réponse constitue, en effet, un élément à charge à l’encontre des différentes entreprises qui auraient participé à l’infraction (arrêts du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 43, et du 12 juillet 2011, Mitsubishi Electric/Commission, T‑133/07, EU:T:2011:345, point 42).

51      Par analogie, si un passage d’une réponse à une communication des griefs ou un document annexé à une telle réponse est susceptible d’être pertinent pour la défense d’une entreprise en ce qu’il permet à celle-ci d’invoquer des éléments qui ne concordent pas avec les déductions opérées à ce stade par la Commission, il constitue un élément à décharge. Dans ce cas, l’entreprise concernée doit être mise en mesure de procéder à un examen du passage ou du document en question et de se prononcer à son égard (arrêts du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 44, et du 12 juillet 2011, Mitsubishi Electric/Commission, T‑133/07, EU:T:2011:345, point 43).

52      Par ailleurs, il convient de rappeler que le paragraphe 8 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 101 et 102 TFUE, des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil (JO 2005, C 325, p. 7) prévoit que le « dossier de la Commission » dans une enquête en matière de concurrence se compose de l’ensemble des documents obtenus, produits ou assemblés par la direction générale de la concurrence de la Commission lors de l’enquête. Le paragraphe 27 de ladite communication précise ce qui suit :

« L’accès au dossier est donné sur demande et normalement une seule fois, après la communication des griefs de la Commission aux parties, afin de respecter le principe de l’égalité des armes et de protéger les droits de la défense. En règle générale, les parties n’ont donc pas accès aux réponses des autres parties aux griefs formulés par la Commission.

Une partie aura toutefois accès aux documents reçus après la communication des griefs dans des phases ultérieures de la procédure administrative, lorsque ces documents peuvent constituer de nouveaux éléments de preuve, qu’ils soient à charge ou décharge, relatifs aux allégations formulées à l’égard de cette partie dans la communication des griefs de la Commission. C’est particulièrement le cas lorsque la Commission entend se fonder sur de nouvelles preuves. »

53      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c’est à la Commission qu’il appartient de procéder à une première appréciation du caractère potentiellement à décharge des informations contenues dans les documents reçus après la communication des griefs, lorsqu’une entreprise concernée demande l’accès à de tels documents.

54      À cet égard, les requérantes ne sauraient se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle il n’appartient pas à la seule Commission, qui notifie les griefs et prend la décision infligeant une sanction, de déterminer les documents utiles à la défense de l’entreprise concernée, dans la mesure où cette considération, relative aux documents relevant du dossier constitué par la Commission, ne saurait s’appliquer à des réponses données par d’autres parties concernées aux griefs communiqués par cette dernière (arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 89).

55      En second lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en substance, la Commission a violé leurs droits de la défense en refusant, sur la base d’une appréciation erronée de la pertinence pour leur défense des informations contenues dans les réponses des autres destinataires de la communication des griefs, de leur donner accès à la version non confidentielle desdites réponses, force est de constater qu’il ne saurait davantage prospérer.

56      Il convient de rappeler que, si un document en possession de la Commission, pouvant être qualifié d’élément à décharge, dès lors qu’il est susceptible de disculper une entreprise à laquelle il est reproché d’avoir participé à une entente, n’est pas communiqué à cette entreprise, les droits de la défense de cette entreprise sont violés si ladite entreprise démontre que l’élément en cause aurait pu être utile pour sa défense (arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 367).

57      Une telle preuve peut être fournie en démontrant que la non-divulgation a pu influencer, au détriment de l’entreprise en cause, le déroulement de la procédure et la teneur de la décision de la Commission, ou encore qu’elle a pu nuire ou rendre plus difficile la défense des intérêts de cette entreprise au cours de la procédure administrative (arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 368).

58      La possibilité qu’un document non divulgué ait pu avoir une influence sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission ne peut être établie qu’après un examen provisoire de certains éléments de preuve faisant apparaître que les documents non divulgués ont pu avoir – au regard de ces éléments de preuve – une importance qui n’aurait pas dû être négligée (arrêt du 14 mars 2013, Fresh Del Monte Produce/Commission, T‑587/08, EU:T:2013:129, point 688).

59      Il ne saurait, à cet égard, être exigé des parties requérantes qui ont soulevé un moyen tiré d’une violation de leurs droits de la défense que, dans la requête, elles développent une argumentation élaborée ou détaillent un faisceau d’indices pour démontrer que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si elles avaient eu accès à certains éléments qui, en fait, ne leur ont jamais été communiqués. Une telle approche reviendrait en effet à exiger d’elles une probatio diabolica (arrêt du 14 mars 2013, Fresh Del Monte Produce/Commission, T‑587/08, EU:T:2013:129, point 689).

60      Il appartient, toutefois, aux parties requérantes de fournir un premier indice de l’utilité, pour leur défense, des documents non communiqués (arrêt du 14 mars 2013, Fresh Del Monte Produce/Commission, T‑587/08, EU:T:2013:129, point 690).

61      Il convient donc de vérifier en l’espèce si les arguments avancés par les requérantes fournissent un premier indice de l’utilité des réponses des autres destinataires de la communication des griefs pour leur défense.

62      À cet égard, premièrement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les réponses des autres destinataires de la communication des griefs pourraient contenir des informations quant à la nature distincte des accords sur les projets de câble électriques sous-marins et sur les projets de câbles électriques souterrains, il convient de relever que, à supposer que ce soit le cas, de telles informations ne seraient pas, en elles-mêmes, de nature à démontrer que les requérantes n’avaient pas connaissance de l’existence desdits accords.

63      Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les informations fournies par les grands producteurs qui ont conclu l’accord sur le « territoire national » dans leurs réponses à la communication des griefs contiendraient des éléments à décharge, il convient de relever que celui-ci ne permet pas de comprendre pour quelle raison les grands producteurs auraient confirmé dans leurs réponses que les requérantes, en particulier, n’avaient pas connaissance de cet accord.

64      Troisièmement, les requérantes soutiennent que les réponses et les preuves fournies par les autres destinataires de la communication des griefs auraient permis de démontrer que des projets mentionnés dans l’annexe I de la décision attaquée comme ayant été, d’après les notes de M. J., attribués aux requérantes ou à d’autre participants, avaient déjà été remportés au moment où lesdites notes ont été prises, ou que lesdits projets étaient seulement mentionnés à titre de projets imminents sans être attribués à une entreprise spécifique. Toutefois, d’une part, il convient de relever que les requérantes ne précisent pas quels sont les projets en question. D’autre part, à supposer que les réponses des autres destinataires de la communication des griefs contiennent des informations et des éléments de preuve concernant des projets mentionnés dans la décision attaquée, il convient de relever que ceux-ci auraient pu être utiles pour la défense des requérantes dans le cadre du présent recours pour contester les conclusions de ladite décision. Toutefois, l’utilité de tels informations et éléments de preuve pour la défense des requérantes dans le cadre de la procédure administrative ne doit être appréciée qu’au regard du contenu de la communication des griefs. Or, force est de constater que les requérantes n’indiquent pas en quoi les informations et éléments de preuve en question leur auraient permis de remettre en cause les conclusions auxquelles était parvenue la Commission quant à l’attribution de ces projets dans ladite communication.

65      Quatrièmement, s’agissant de la thèse des requérantes selon laquelle les autres destinataires de la communication des griefs auraient pu présenter des arguments semblables aux leurs et des éléments de preuve supplémentaires concernant l’interprétation de certains courriels visés au considérant 493, sous b), de la décision attaquée, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, le simple fait que d’autres entreprises ont invoqué les mêmes arguments que l’entreprise concernée et qu’elles ont, le cas échéant, employé plus de ressources pour leur défense ne suffit pas pour considérer ces arguments comme des éléments à décharge (arrêt du 12 juillet 2011, Mitsubishi Electric/Commission, T‑133/07, EU:T:2011:345, point 44).

66      Cinquièmement, les requérantes soutiennent que la réponse de Nexans France à la communication des griefs contenait des informations à décharge concernant la proposition faite par les requérantes à celle-ci de former un consortium, dès lors que la Commission a admis, au considérant 689 de la décision attaquée, que la réponse de Nexans France à ladite communication mentionnait des accords de consortium légitimes. À cet égard, il convient de relever que la Commission a estimé, au considérant 297 de ladite décision, sur la base des notes de M. J. de Nexans France, que la proposition des requérantes de créer un consortium pour participer à un projet de câbles électriques s’inscrivait dans le cadre de l’entente en raison du vocabulaire employé qui faisait référence à un prix plancher. Or, la Commission a simplement indiqué, au considérant 689 de cette décision, que, si les exemples fournis par Nexans France dans sa réponse à cette communication relevaient bien de l’exemption visée à l’article 101, paragraphe 3, TFUE, Nexans France n’avait fourni aucun argument permettant de considérer que les comportements décrits dans la même décision relevaient de cette exemption. Il ne saurait donc en être déduit, comme le laissent entendre les requérantes, que la réponse de Nexans France à la communication concernée lui aurait permis de démontrer que sa proposition de consortium relevait de l’exemption prévue par l’article 101, paragraphe 3, TFUE et aurait pu, par conséquent, être utile à leur défense.

67      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient également de rejeter comme inopérant l’argument des requérantes soulevé à l’audience selon lequel la lecture des versions non confidentielles des réponses des autres destinataires de la communication des griefs produits par la Commission en réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal confirmerait que lesdites réponses contenaient des éléments à décharge et qu’il serait fort probable qu’il en aille de même pour les réponses des autres destinataires de ladite communication pour lesquelles la Commission n’a pas été en mesure de produire de versions non confidentielles.

68      Partant, il y a lieu de considérer que les arguments des requérantes ne sont pas de nature à fournir un premier indice de l’utilité, pour leur défense, des réponses des autres destinataires de la communication des griefs qui ne leur ont pas été communiquées.

69      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la définition erronée de la portée territoriale de l’infraction unique et continue et de l’application erronée du critère des effets pour justifier l’application de l’article 101 TFUE

70      Les requérantes soutiennent que la Commission a étendu abusivement la portée territoriale de l’infraction unique et continue en y incluant les ventes réalisées en dehors de l’EEE ainsi que le comportement relatif aux projets à réaliser en dehors de l’EEE.

71      Premièrement, les requérantes font grief à la Commission d’avoir mal défini la portée territoriale de l’infraction unique et continue en suggérant, au considérant 466 de la décision attaquée, en contradiction avec la jurisprudence, qu’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE pouvait englober des pratiques qui ne sont pas mises en œuvre dans l’EEE ou qui ne produisent pas d’effets dans l’EEE.

72      Deuxièmement, les requérantes soutiennent que l’applicabilité territoriale de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE aux ventes réalisées en dehors de l’EEE et au comportement relatif aux projets à réaliser en dehors de l’EEE ne pouvait pas être fondée sur les effets prévisibles, substantiels et immédiats produits par celui-ci dans l’EEE, comme la indiqué la Commission dans la décision attaquée, dans la mesure où, tout d’abord, la doctrine des effets qualifiés ne fait pas partie du droit de la concurrence de l’Union, où, ensuite, l’application de cette doctrine n’était pas prévue par le droit de l’Union à l’époque à laquelle ce comportement a eu lieu et où, enfin, la Commission n’a pas démontré que ledit comportement avait eu de tels effets.

73      Troisièmement, les requérantes soutiennent que la Commission a appliqué le critère des effets qualifiés aux ventes réalisées en dehors de l’EEE en violation de leurs droits de la défense et de son obligation de motivation.

74      Selon les requérantes, alors que la Commission avait justifié sa compétence dans la communication des griefs sur le fondement de la mise en œuvre des différents comportements constatés dans l’EEE, elle aurait pour la première fois dans la décision attaquée justifié sa compétence pour réprimer certains comportements sur le fondement de leurs effets dans l’EEE. Elles estiment donc avoir été privées de la possibilité de prendre utilement position dans le cadre de la procédure administrative sur les effets produits par ces comportements dans l’EEE en violation de leurs droits de la défense et de l’obligation de motivation qui pèse sur la Commission.

75      Les requérantes font également valoir que la motivation de la décision attaquée est contradictoire en ce que, d’une part, la Commission prétend respecter les limites territoriales de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et de l’article 53 EEE en se fondant sur la doctrine de la mise en œuvre et la doctrine des effets qualifiés aux considérants 463 et 464 de ladite décision, et, d’autre part, celle-ci considère que toute attribution de projets dans les « territoires d’exportation » fait partie de l’infraction unique et continue aux considérants 493 et 620 de cette décision, sans démontrer comment ce comportement remplit le critère de la mise en œuvre ou celui desdits effets. En particulier, les requérantes soulignent que la Commission n’explique pas dans quelle mesure les discussions relatives à des projets à réaliser en dehors de l’EEE auxquelles elles auraient participé remplissaient l’un de ces deux critères. Ce faisant, la Commission aurait violé l’obligation de motivation.

76      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

77      À cet égard, tout d’abord, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission a considéré qu’une infraction à l’article 101, TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE pouvait englober des pratiques qui ne sont pas mise en œuvre ou qui ne produisent pas d’effets dans l’EEE et, partant, ne relèvent pas du champ d’application territorial de ces dispositions, il convient de relever que celui-ci manque en fait. En effet, au considérant 466 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que sa compétence territoriale, y compris sa compétence pour sanctionner l’infraction, était limitée aux parties de l’infraction qui étaient mises en œuvre ou produisaient des effets dans l’EEE. Certes, ainsi que le souligne les requérantes, il y a lieu d’observer que des pratiques concertées qui ne relèvent pas du champ d’application territorial de l’article 101, TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE ne sauraient, par définition, constituer des infractions à ces dispositions. Toutefois, force est de constater qu’il ressort de la lecture combinée des considérants 466 et 469 de la décision attaquée que, en l’espèce, la Commission a précisé que sa compétence pour sanctionner les pratiques concertées décrites dans ladite décision était limitée à celles qui étaient mises en œuvre ou qui produisaient des effets dans l’EEE.

78      Ensuite, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission ne pouvaient pas fonder sa compétence pour sanctionner le comportement relatif aux projets à réaliser en dehors de l’EEE sur les effets produits par celui-ci dans l’EEE, il convient de rappeler que la règle de concurrence de l’Union énoncée à l’article 101 TFUE interdit les accords et les pratiques qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence « à l’intérieur du marché intérieur ».

79      En outre, il convient de relever que les conditions de l’application territoriale de l’article 101 TFUE peuvent être réunies dans deux hypothèses.

80      Premièrement, l’application de l’article 101 TFUE est justifiée dès lors que les pratiques qu’il vise sont mises en œuvre sur le territoire du marché intérieur, et ce indépendamment du lieu de leur formation. En effet, faire dépendre l’applicabilité des interdictions édictées par le droit de la concurrence du lieu de la formation d’une entente aboutirait à l’évidence à fournir aux entreprises un moyen facile de se soustraire auxdites interdictions (arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, point 16).

81      Deuxièmement,, ainsi qu’il a déjà été jugé par la Cour, l’application de l’article 101 TFUE est également justifiée lorsqu’il est prévisible que les pratiques qu’il vise produisent un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur (arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11). À cet égard, il importe de relever que cette approche poursuit le même objectif que celle s’appuyant sur la mise en œuvre d’un accord sur le territoire de l’Union, à savoir appréhender des comportements qui n’ont certes pas été adoptés sur ce territoire, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir sur le marché de l’Union.

82      Il convient également de relever que les conditions d’application de l’article 101 TFUE rappelées respectivement aux points 80 et 81 ci-dessus constituent des voies alternatives et non cumulatives afin d’établir la compétence de la Commission pour constater et réprimer une infraction à cette disposition.

83      Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que la condition tenant à la mise en œuvre de l’entente dans l’EEE ainsi que celle relative aux effets qualifiés produits par celle-ci dans l’EEE étaient en l’espèce toutes deux réunies (considérants 467 à 469 de la décision attaquée).

84      Or, les requérantes soutiennent que, certaines pratiques de l’entente étant relatives à des ventes réalisées en dehors de l’EEE, la Commission ne pouvait justifier l’applicabilité territoriale de l’article 101 TFUE à ces pratiques en raison de leur mise en œuvre dans l’EEE ou des effets produits par celles-ci dans l’EEE.

85      Une telle argumentation ne saurait prospérer.

86      S’agissant de la mise en œuvre des pratiques de l’entente relatives à des ventes réalisées en dehors de l’EEE, il convient de relever que l’accord sur les « territoires d’exportation », en application duquel les producteurs européens et les producteurs asiatiques se partageaient des projets à réaliser dans lesdits territoires, a été mis en œuvre sur le territoire de l’EEE. Ainsi, il ressort du considérant 79 de la décision attaquée et de son considérant 247, auquel renvoie le considérant 468 de la décision attaquée, que la Grèce ne faisait pas partie du « territoire national européen » au sens de l’accord sur le « territoire national » et que les projets implantés en Grèce s’inscrivaient dans l’attribution des projets dans le respect du « quota 60/40 » en application de l’accord sur les « territoires d’exportation ». En outre, il ressort également des considérants 81 et 82 de la décision attaquée que les membres A de l’entente considéraient que les projets liant un État membre de l’Union à un État tiers devaient s’inscrire dans le quota des 60 % attribués aux membres R de l’entente, à l’instar du projet reliant l’Espagne au Maroc cité au considérant 232 de la décision attaquée.

87      En revanche, il convient également de relever que le comportement des entreprises européennes consistant, en application de l’accord sur « le territoire national », à ne pas entrer en concurrence pour des projets à réaliser sur le « territoire national » des entreprises asiatiques n’a, par définition, pas été mis en œuvre sur le territoire de l’EEE.

88      Cependant, contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne s’ensuit pas que, en incluant ce comportement dans l’infraction unique et continue, la Commission a étendu illégalement la portée territoriale de cette dernière.

89      En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus, la Commission pouvait fonder l’applicabilité de l’article 101 TFUE à l’infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision attaquée sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur.

90      À cet égard, il importe de relever que l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ces pratiques et accords ont des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. En effet, il ne saurait être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet.

91      Il convient de relever que l’objectif unique de l’entente consistait à restreindre la concurrence pour les projets de câbles électriques sous-marins et souterrains à (très) haute tension à réaliser dans des territoires spécifiques en convenant de l’attribution de marchés et de clients et, ainsi, en faussant le processus concurrentiel normal.

92      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c’est au regard des effets, pris ensemble, des différentes pratiques décrites au considérant 493 de la décision attaquée, y compris celles relatives aux ventes réalisées en dehors de l’EEE, qu’il convenait d’apprécier si l’article 101 TFUE était applicable en l’espèce.

93      Or, il y a lieu de relever que la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant au considérant 469 de la décision attaquée que les effets sur la concurrence dans l’EEE, en ce compris le marché intérieur, des pratiques et accords auxquels les membres de l’entente ont participé étaient prévisibles, substantiels et immédiats.

94      À cet égard, il suffit de tenir compte des effets probables d’un comportement sur la concurrence pour que la condition tenant à l’exigence de prévisibilité soit remplie.

95      S’agissant du caractère immédiat des effets des pratiques en cause sur le territoire de l’Union, il convient d’observer que celles-ci ont nécessairement eu une influence directe sur la fourniture de câbles électriques à haute et très haute tension à réaliser dans ledit territoire, puisque tel était l’objet des différentes réunions et contacts entre les participants à l’entente (considérant 66 de la décision attaquée). En outre, la répartition effectuée entre les parties à l’entente, à la fois directement à l’intérieur et à l’extérieur de ce territoire, a eu des effets prévisibles sur la concurrence au sein dudit territoire, ainsi que l’a justement relevé la Commission.

96      Quant au caractère substantiel des effets dans l’Union, il convient de relever le nombre et l’importance des producteurs ayant participé à l’entente, qui représentait la quasi-totalité du marché, ainsi que la large gamme de produits touchés par les différents accords et la gravité des pratiques en cause. Il convient également de relever la durée importante de l’infraction unique et continue, qui s’est poursuivie durant dix ans. Tous ces éléments, appréciés dans leur ensemble, concourent à démontrer le caractère substantiel des effets des pratiques en cause sur le territoire de l’Union (considérants 66 et 492, 493 et 620 de la décision attaquée).

97      Partant, il y a lieu de conclure que l’infraction unique et continue telle que définie par la Commission dans la décision attaquée relevait du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

98      Enfin, il convient de rejeter les arguments des requérantes pris de ce que la Commission a, en appliquant la doctrine des effets qualifiés dans la décision attaquée, violé leurs droits de la défense ainsi que son obligation de motivation.

99      En effet, d’une part, l’argument des requérantes selon lequel la Commission a pour la première fois dans la décision attaquée justifié sa compétence pour sanctionner certains comportements sur le fondement de leurs effets dans l’EEE, notamment ceux concernant les ventes en dehors de l’EEE, ne saurait prospérer dès lors que ces pratiques étaient déjà mentionnées dans la communication des griefs.

100    Par ailleurs, il convient de rappeler que, si la communication des griefs doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure, cette indication peut être faite de manière sommaire et la décision attaquée ne doit pas nécessairement être une copie de l’exposé des griefs, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (voir arrêt du 27 septembre 2012, Total Nederland/Commission, T‑348/06, non publié, EU:T:2012:481, point 65 et jurisprudence citée).

101    Il convient également de rappeler que, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis cette dernière « de propos délibéré ou par négligence », elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises d’être entendues. En effet, ce faisant, la Commission leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l’infraction, mais aussi contre la sanction de cette dernière par l’infliction d’une amende.

102    Dès lors, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas violé le droit des requérantes à être entendues en justifiant pour la première fois dans la décision attaquée sa compétence sur le fondement des effets produits par les pratiques relatives à des projets à réaliser en dehors de l’EEE.

103    D’autre part, eu égard au constat opéré au point 92 ci-dessus, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission a omis d’expliquer dans la décision attaquée dans quelle mesure les discussions relatives à des projets à réaliser dans les « territoires d’exportation » dans lesquelles elles avaient été impliquées avaient eu un effet prévisible, substantiel et immédiat dans l’EEE.

104    Eu égard aux considérations qui précèdent, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a estimé que nkt cables avait pris part à une infraction unique et continue et avait connaissance de tous les éléments de celle-ci

105    Le troisième moyen se compose, en substance, de cinq branches. Dans la première branche, les requérantes soutiennent que les pratiques décrites par la Commission dans la décision attaquée ne peuvent pas être qualifiées d’infraction unique et continue. Dans la deuxième branche, elles contestent avoir eu connaissance de certains éléments de l’infraction unique et continue. Dans la troisième branche, elles contestent avoir participé à la « configuration européenne de l’entente » dans le cadre de laquelle les producteurs européens ont attribué des territoires et des clients dans l’EEE. Dans la quatrième branche, elles soutiennent que la Commission n’a pas démontré leur participation à l’attribution et à l’échange d’informations concernant des projets de câbles électriques souterrains à haute tension à réaliser au sein de l’EEE du 3 juillet 2002 au 17 février 2006. Dans la cinquième branche, elles contestent avoir été impliquées dans le contrôle de la mise en œuvre des accords sur les prix et l’attribution ou en avoir eu connaissance, par le biais de l’échange de feuilles de position, d’informations sur le marché et de l’instauration d’obligations de notification. En outre, elles contestent, de façon générale, la fiabilité des éléments de preuve recueillis par la Commission concernant leur participation à l’infraction unique et continue ou leur connaissance des différents éléments de ladite infraction et, en particulier, l’interprétation qui peut être faite des notes de M. J.

106    La Commission conteste l’ensemble des arguments des requérantes.

a)      Observations liminaires

107    Il ressort de la jurisprudence qu’il appartient à la Commission de prouver non seulement l’existence de l’entente, mais aussi sa durée. Plus particulièrement, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction. L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende ou à la réduction du montant de cette amende. En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, lequel fait partie des droits fondamentaux qui sont protégés dans l’ordre juridique de l’Union et a été consacré par l’article 48, paragraphe 1, de la Charte. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes. Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise (voir arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 50 et jurisprudence citée).

108    Il est toutefois également de jurisprudence constante que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 51 et jurisprudence citée).

109    Par ailleurs, il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus de réunions, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 51).

110    En outre, la jurisprudence exige que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (arrêt du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, EU:T:1994:79, point 79 ; voir, également, arrêt du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, EU:T:2006:350, point 51 et jurisprudence citée).

111    C’est à la lumière des principes rappelés aux points 107 à 110 ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes.

b)      Sur la fiabilité des notes de M. J.

112    Les requérantes contestent la fiabilité des éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision attaquée pour démontrer leur participation à l’infraction unique et continue telle qu’elle est définie dans ladite décision. Elles font valoir, en particulier, que la Commission a basé ses conclusions, essentiellement, sur les notes d’un employé de Nexans France, à savoir M. J. Or, l’interprétation desdites notes serait sujette à caution, ladite personne étant, en raison du rôle central qu’elle a joué dans l’entente, seule à même de les compléter par ses explications. En outre, la terminologie utilisée dans ces notes résulterait d’arrangements existant depuis longtemps entre grand producteurs qui seraient inconnus des salariés des requérantes. Elles font également valoir que cette personne a parfois mal compris ce qui était dit ou ce qui n’était pas dit au cours des réunions des membres R de l’entente et donnent à cet égard l’exemple de ses notes concernant la réunion du 15 mars 2005 dans lesquelles elle a indiqué qu’elles avaient accepté de rester en dehors de « l’appel d’offres 400 kV Beddington Rowdown 10 km ». Selon elles, cette affirmation est erronée, car elles ont soumis une offre pour ce projet le 2 mai 2005 et ont finalement remporté ledit appel d’offres. En outre, tout accord de leur part pour rester en dehors de cet appel d’offres aurait été absurde, dans la mesure où leur présélection avait déjà été annoncée publiquement le 17 avril 2004 et elles avaient participé à une visite du site en avril 2004. Par ailleurs, certaines notes rapporteraient des propositions de la même personne qui n’auraient pas ensuite été acceptées par les autres participants auxdites réunions. Il en irait ainsi encore une fois des notes relatives à la réunion du 15 mars 2005 contenant des propositions pour l’attribution de rôles de coordinateurs dans plusieurs pays.

113    À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission invoque des éléments de preuve autres que les notes de M. J. Il ressort en effet de ladite décision que la Commission a envoyé des demandes d’informations à toutes les destinataires de la communication des griefs, sollicitant toutes les informations à leur disposition concernant les réunions des membres de l’entente. Les requérantes ont soumis un document de dix pages dans lequel elles reconnaissaient avoir assisté à un certain nombre desdites réunions, mais affirmaient que ces réunions traitaient « principalement » des « territoires d’exportation ». Cette formulation, par laquelle les requérantes n’excluent pas l’échange d’informations commercialement sensibles concernant des projets dans l’EEE, est appropriée, puisque les discussions tenues lors des réunions concernées portaient, notamment, sur les préférences des requérantes pour un projet en Islande, qui fait partie de l’EEE.

114    En outre, il ressort des considérants 447 à 460 de la décision attaquée que la Commission a obtenu des éléments de preuve à travers diverses sources, à savoir les inspections, les demandeurs de clémence et les réponses aux demandes d’informations. La Commission a par ailleurs recueilli les aveux d’autres membres de l’entente. En ce qui concerne les notes de M. J., au considérant 456 de ladite décision, elle souligne qu’il s’agissait de notes contemporaines, fréquemment rédigées durant les réunions des membres de l’entente, qui étaient parfois partagées avec d’autres. Par ailleurs, lorsque d’autres notes de la même réunion sont disponibles, elles confirment celles de M. J. Enfin, il y a lieu de considérer que les notes de M. J. n’étaient pas peu fiables du simple fait qu’elles n’étaient pas distribuées, dans la mesure où il était compréhensible que M. J. les tienne secrètes.

c)      Sur l’absence d’infraction unique et continue

115    Les requérantes font valoir, d’une part, que la décision attaquée vise toutes les ventes de câbles électriques, alors que l’infraction unique et continue ne vise en réalité que les ventes de câbles électriques qui s’inscrivent dans un projet. D’autre part, elles soutiennent que les pratiques décrites dans ladite décision se réfèrent, en réalité, à deux infractions distinctes, concernant, respectivement, les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension et les projets de câbles électriques souterrains à haute tension.

1)      Sur la circonstance que l’infraction unique et continue ne vise que les ventes de câbles électriques s’inscrivant dans un projet

116    Les requérantes soutiennent que les ventes de câbles électriques qu’elles ont réalisées, qui ne s’inscrivaient pas dans un projet, devraient être exclues de l’infraction unique et continue, dès lors que celle-ci viserait uniquement les ventes de câbles électriques s’inscrivant dans des projets.

117    À cet égard, il suffit de relever que, à supposer que les requérantes aient effectivement effectué des ventes de câbles électriques à haute tension qui ne s’inscrivaient pas dans un projet, cette circonstance serait sans incidence sur l’existence de l’infraction unique et continue constatée par la décision attaquée, de sorte que cet argument peut être écarté comme étant inopérant.

2)      Sur l’existence d’infractions distinctes concernant les câbles électriques souterrains à haute tension et les câbles électriques sous-marins à haute tension

118    Les requérantes font valoir que les câbles électriques souterrains à haute tension et les câbles électriques sous-marins à haute tension sont des produits non substituables qui relèvent de marchés différents. Elles allèguent également que les membres de l’entente étaient différents selon le type de câble concerné. Ainsi, les accords concernant les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension auraient été limités aux grands producteurs européens et japonais ainsi qu’à ABB et les accords concernant les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension auraient été étendus de manière à englober les producteurs japonais, européens, sud-coréens et saoudiens plus petits qui fabriquaient uniquement des câbles électriques souterrains à haute tension et l’équipement s’y rapportant. Les requérantes font en outre valoir que les accords semblent trouver leur origine dans des régimes d’exportation distincts préexistants, la Sub-marine Cable Export Association (Association pour l’exportation de câbles sous-marins, ci-après la « SMEA ») et le Super Tension Cables Export Agreement (accord sur l’exportation de câbles à très haute tension, ci-après l’« accord STEA »). De plus, il aurait existé des différences importantes dans les méthodes utilisées à l’égard de l’EEE. Ainsi l’attribution des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension dans l’EEE aurait été principalement territorial et aurait couvert l’ensemble de l’EEE, l’attribution de projets de câbles électriques souterrains à haute tension européens se serait limitée à des arrangements locaux en Espagne, en France et en Italie ainsi qu’à des arrangements ponctuels pour les projets dans les autres pays de l’EEE. Les requérantes soutiennent également que la définition des « territoires d’exportation » variait selon qu’il s’agissait de projets de câbles électriques souterrains à haute tension ou de projets de câbles électriques sous-marins à haute tension. En particulier, elles soulignent que, pour des raisons historiques, la Grèce faisait partie desdits territoires concernant les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension, alors que cela ne semblait pas être le cas pour les projets de câbles électriques souterrains à haute tension. Selon les requérantes, les réunions des membres R de l’entente (ci-après les « réunions R ») auxquelles elles ont pris part ne concernaient que les câbles électriques souterrains à haute tension. De même, lors des réunions entre les membres A et R de ladite entente (ci-après les « réunions A/R »), les membres principaux de l’entente auraient discuté des projets concernant les deux types de câbles électriques au cours de séances séparées. Les requérantes soulignent également que, du fait que les pratiques concernant les projets de câbles électriques souterrains à haute tension impliquaient un plus grand nombre de producteurs, celles-ci ont duré moins longtemps que celles concernant les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension. Ainsi, après 2006, la majorité des projets discutés entre les membres du noyau dur de l’entente aurait concerné des câbles électriques sous-marins à haute tension. Les requérantes contestent en outre l’existence d’un objectif unique de l’infraction, les petits producteurs étant uniquement concernés par les projets de câbles électriques souterrains à haute tension et exclus des réunions et des communications distinctes relatives aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension. Enfin, elles soutiennent que la Commission s’est bornée à extrapoler, sur la base de ses conclusions relatives aux caractéristiques de l’accord sur les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension, les caractéristiques de l’accord concernant les projets de câbles électriques souterrains à haute tension.

119    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêts du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41, et du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 55).

120    Plusieurs critères ont été identifiés par la jurisprudence comme étant pertinents pour apprécier le caractère unique d’une infraction, à savoir l’identité des objectifs des pratiques en cause, l’identité des produits et des services concernés, l’identité des entreprises qui y ont pris part et l’identité des modalités de sa mise en œuvre. En outre, l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause sont également des éléments susceptibles d’être pris en considération aux fins de cet examen (arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 60).

121    En l’espèce, l’accord sur le « territoire national » et l’attribution des projets de câbles électriques dans le cadre de la « configuration européenne de l’entente » au sein de l’EEE ont été mis en œuvre concomitamment, concernaient les câbles électriques sous-marins à haute tension et les câbles électriques souterrains à haute tension et impliquaient les mêmes producteurs européens et, en ce qui concerne ledit accord et l’accord sur les « territoires d’exportation », les mêmes producteurs sud-coréens et japonais. En outre, à l’exception du cas de Pirelli & C., les personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises étaient les mêmes pour les différents éléments de l’entente. De même, les différentes mesures participaient d’un objectif commun, à savoir l’instauration d’un système de partage du marché mondial des projets de câbles électriques à haute tension, à l’exception des États-Unis.

122    Ce constat ne saurait être remis en cause par les arguments des requérantes.

123    En effet, s’agissant de l’affirmation selon laquelle l’infraction ne peut pas être qualifiée d’infraction unique au motif que les câbles électriques souterrains à haute tension et les câbles électriques sous-marins à haute tension sont des produits distincts correspondant à des besoins distincts et, finalement, à des marchés distincts, premièrement, il convient de relever que l’accord sur le « territoire national » ne faisait pas de distinction entre les différents types de câbles électriques. Deuxièmement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort des exemples fournis par la Commission quant au fonctionnement des mécanismes de contrôle de la « configuration européenne de l’entente » (considérants 333 à 338, 399 et 400 de la décision attaquée) et de la « configuration A/R de l’entente » (considérant 106 de ladite décision) que des compensations pouvaient s’opérer entre des projets de câbles électriques souterrains à haute tension et des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension, de sorte que, du point de vue des membres de l’entente, il n’y avait manifestement pas de différence à cet égard. En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas commis d’erreur d’interprétation de l’échange de courriels mentionné au considérant 399 de cette décision en considérant que cet échange de courriels tendait à démontrer que des compensations pouvaient s’opérer entre des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension et des projets de câbles électriques souterrains à haute tension. En effet, il ressort de cet échange que M. A., un employé de Prysmian, a indiqué à M. R., un employé de Nexans France, qu’il refusait de compenser le bénéfice de l’attribution de la portion terrestre d’un projet de câbles électriques sous-marins à haute tension à Prysmian par un autre projet, mais acceptait d’envisager un contrat de sous-traitance en accord avec les principes régissant l’attribution d’un projet dans l’Union, sans faire de distinction selon que ces projets étaient des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension ou des projets de câbles électriques souterrains à haute tension.

124    S’agissant de l’affirmation des requérantes selon laquelle, lors de réunions A/R, les projets de câbles électriques sous-marins et les projets de câbles électriques souterrains faisaient l’objet de réunions séparées, il suffit de relever que, même si certaines de ces réunions abordaient de façon séparée les projets selon le type de câbles électriques concernés, comme en témoigne les invitations aux réunions du 11 septembre 2003 et du 28 janvier 2004, ladite affirmation est contredite par le fait que, à d’autres occasions, les projets de câbles électriques sous-marins et les projets de câbles électriques souterrains étaient discutés lors d’une même réunion. En effet, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a produit un extrait de l’annexe I de la décision attaquée comprenant un certain nombre de rencontres dont il est certain qu’elles ont porté tant sur les câbles électriques souterrains que sur les câbles électriques sous-marins au cours d’une séance commune. La Commission a précisé que cet extrait ne contenait aucune information sur des réunions lors desquelles des séances distinctes avaient eu lieu au cours de journées successives ou sur celles dont l’organisation faisait clairement apparaître que les projets portant sur les câbles électriques souterrains et ceux portant sur les câbles électriques sous-marins avaient été abordés au cours de séances différentes. Elle a toutefois fait observer que, même lors de réunions de ce type, les représentants des entreprises étaient les mêmes pour les discussions portant sur les câbles électriques souterrains, d’une part, et les câbles électriques sous-marins, d’autre part. En sus, elle a joint les éléments de preuve, mentionnés dans les notes en bas de page de ladite annexe, sur lesquels elle se fonde pour affirmer que les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension et les projets de câbles électriques souterrains à haute tension étaient discutés lors de sessions communes au cours desdites réunions.

125    Invitées par le Tribunal à prendre position sur ces documents à l’audience, les requérantes ont rappelé qu’elles n’avaient pas pris part aux réunions A/R, mais qu’il ressortait de l’invitation adressé par M. O., un employé de J‑Power Systems, au coordinateur européen de l’entente, M. J., concernant une réunion A/R organisée le 28 janvier 2004 à Kuala Lumpur (Malaisie), que des sessions différentes étaient prévues pour les projets de câbles électriques souterrains à haute tension et les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension.

126    À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de l’invitation adressée par M. O. à M. J. concernant la réunion du 28 janvier 2004 à Kuala Lumpur, celle-ci était divisée en deux sessions. La première devait se dérouler le matin et concerner les projets de câbles électriques souterrains à haute tension. La seconde devait avoir lieu l’après-midi et être consacrée aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension. Il ressort également de l’annexe I de la décision attaquée que, lors de cette réunion, le représentant d’Exsym, dont il n’est pas contesté qu’elle ne fabriquait pas de câbles électriques sous-marins à haute tension, a uniquement participé à la réunion concernant les projets de câbles électriques souterrains à haute tension.

127    Toutefois, il ne saurait être déduit de ce seul exemple que les projets de câbles électriques souterrains et les projets de câbles électriques sous-marins faisaient systématiquement l’objet de sessions séparées lors des réunions A/R de l’entente. Il ressort en effet des éléments de preuve produits par la Commission que les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension et les projets de câbles électriques souterrains à haute tension ont fait l’objet de discussions lors de sessions communes au cours d’au moins treize réunions A/R organisées du 22 février 2001 au 27 mars 2003.

128    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la structure des réunions R de l’entente variait selon les types de câbles électriques, il convient de relever qu’il ressort des considérants 114, 249 et 534 de la décision attaquée que la Commission a considéré que lesdites réunions, qui étaient précédées d’un dîner organisé la veille, auquel participaient tous les membres présents, débutaient par une partie générale, au cours de laquelle les participants discutaient de la situation générale sur le marché et dans leurs entreprises. Toujours selon la description fournie dans la décision attaquée, lors de cette partie générale, Nexans France et Pirelli ou Prysmian informaient également les producteurs européens de moindre importance, tels que les requérantes, des évènements intervenus dans le cadre des réunions A/R et les participants discutaient alors des projets dans l’EEE ainsi que dans les « territoires d’exportation » et indiquaient quel producteur revendiquait ou obtenait la « préférence » ou l’« intérêt ». Cette description du déroulement des réunions R laisse penser que les parties discutaient en réalité de l’ensemble des projets sans distinction entre les projets de câbles électriques souterrains et les projets de câbles électriques sous-marins. Dans le mémoire en défense, la Commission a fait valoir que, pour autant que des sessions séparées aient été organisées lors desdites réunions uniquement pour les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension, il s’agissait d’une conséquence logique du fait qu’il n’était pas nécessaire d’organiser des réunions spécifiques avec les producteurs de moindre importance concernant les câbles électriques sous-marins à haute tension si ceux-ci ne produisaient pas de tels câbles électriques. Par une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a été invitée par le Tribunal à préciser dans quelle mesure les éléments de preuve rassemblés au cours de la procédure administrative lui permettaient de considérer que les projets de câbles électriques souterrains et les projets de câbles électriques sous-marins faisaient l’objet de discussions communes lors de ces réunions. En réponse, la Commission a produit les notes relatives à la réunion A/R du 27 mars 2003 à Tokyo (Japon) et aux réunions R du 23 avril 2003 et du 12 mai 2005 ainsi qu’un extrait de la réponse de J‑Power Systems à une demande d’informations de la Commission.

129    Invitées par le Tribunal à prendre position sur ces documents à l’audience, les requérantes ont soutenu que les réunions R étaient bien divisées en sessions différentes, selon que les discussions concernaient les projets de câbles électriques souterrains à haute tension ou les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension, ce que confirmerait un échange de courriels du 16 juin 2004 entre M. J., M. V., un employé de Sagem, et M. C., un employé de Pirelli. Elles ont indiqué que les sessions auxquelles elles avaient participé n’avaient concerné que des projets de câbles électriques souterrains à haute tension à réaliser en dehors de l’EEE. Elles ont donc affirmé ne pas avoir pris part à des discussions concernant des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension ou des projets de câbles électriques souterrains à haute tension à réaliser dans l’EEE. En outre, elles soutiennent que, contrairement à ce que la Commission fait valoir, elles n’ont pas été informées lors des réunions R auxquelles elles ont participé des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension discutés lors des réunions A/R. Elles font également valoir, en ce qui concerne les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension mentionnés dans les éléments de preuve produits par la Commission en réponse à la question du Tribunal, qu’elles n’ont pas, à proprement parler, discuté de ces projets avec les autres participants à l’entente dès lors qu’il s’agissait de projets pour lesquels elles ne possédaient pas la technologie adéquate.

130    À cet égard, premièrement, il convient de relever que l’affirmation des requérantes selon laquelle les réunions R étaient divisées en sessions différentes selon que les discussions concernaient les projets de câbles électriques souterrains à haute tension ou les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension n’est pas étayée par l’échange de courriels du 16 juin 2004 entre MM. J., V. et F. C.

131    Il ressort en effet de l’échange de courriels du 16 juin 2004 entre MM. J., V. et C. que M. J. proposait à M. V. d’organiser une réunion avec M. R. C., un autre employé de Pirelli, lors de la prochaine réunion R dédiée à un sujet particulier, intitulé « Mediterranean sub-contracting ». Il ne saurait être déduit de ce seul échange de courriels que cette réunion particulière concernait nécessairement des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension. En outre, pour autant que cet échange de courriels ait été relatif à des projets de câbles électriques sous-marins (voir point 151 ci-après), il démontre plutôt que l’organisation de sessions séparées selon les types de câbles électriques ne correspondait pas à la pratique habituelle, puisque qu’il concerne l’organisation d’une session de discussion particulière, ce qui n’aurait pas été nécessaire si de telles sessions avaient été généralement organisées.

132    Deuxièmement, il convient de relever que l’argumentation des requérantes selon laquelle elles n’ont pas pris part à des discussions concernant des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension ou des projets de câbles électriques souterrains à haute tension à réaliser dans l’EEE lors des réunions R auxquelles elles ont participé n’a pas trait à la structure de l’entente durant toute la période au cours de laquelle a duré l’infraction, mais concerne le comportement prétendument adopté par les requérantes au cours de l’entente. Cette argumentation sera donc appréciée dans le cadre de l’examen des deuxième et quatrième branches du présent moyen, dans lesquelles les requérantes font grief à la Commission de leur avoir imputé la responsabilité de comportements relatifs aux projets de câbles électriques sous-marins dont elles n’avaient pas connaissance et de ne pas avoir rapporté la preuve qu’elles avaient participé à l’attribution et l’échange d’informations concernant des projets de câbles électriques souterrains à haute tension dans l’EEE.

133    Troisièmement, force est de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les éléments de preuve produits par la Commission en réponse à l’invitation du Tribunal démontrent que les participants aux réunions R étaient informés des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension qui avaient été discutés lors des réunions A/R. Ainsi, d’une part, il ressort des notes relatives à la réunion R du 23 avril 2003 que les participants, dont les représentants de nkt cables, ont été informés des discussions qui se sont tenues lors de la réunion A/R du 27 mars 2003. Or, il ressort des notes relatives à cette dernière réunion que celle-ci a donné lieu à des discussions relatives à des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension. D’autre part, il ressort des notes relatives à la réunion R qui a eu lieu les 30 juin et 1er juillet 2004 que les projets « Italy Sardigna » et « Sarco » ont été discutés à cette occasion. Certes, contrairement à ce qu’affirme la Commission, il ne ressort pas clairement de l’extrait de la réponse de J‑Power Systems à une demande d’informations que ces projets étaient des projets de câbles électriques sous-marins, ceux-ci n’étant pas expressément mentionnés dans le tableau de J‑Power Systems. Il ressort toutefois des notes relatives à cette dernière réunion que le projet « Sarco » suscitait des difficultés entre des gestionnaires de réseau électrique français et italien, ce qui confirme l’affirmation de la Commission que ce projet se référait à une liaison entre la Sardaigne et la Corse et était donc un projet de câbles électriques sous-marins. Enfin, il ressort du procès-verbal de la réunion R du 12 mai 2005, à laquelle les représentants de nkt cables ont participé, que les projets « Ireland 220 kV » et « GCC » ont été mentionnés lors de cette dernière réunion. Or, ces projets sont expressément mentionnés comme des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension dans l’extrait de la réponse de J‑Power Systems à la demande d’informations de la Commission.

134    Ces constatations ne seraient être remises en cause par l’argumentation des requérantes à l’audience selon laquelle, d’une part, les notes relatives à la réunion R des 30 juin et 1er juillet 2004 ne sont pas fiables, car elles mentionnent l’attribution d’un projet à une société alors que cette dernière ne faisait pas partie de l’entente, et, d’autre part, les projets « Ireland 220 kV et « GCC » auraient nécessité une technologie qu’elles ne possédaient pas. Il convient en effet de relever que ladite société est mentionnée dans lesdites notes en ce que sa présence sur le marché constituait un problème devant être géré par les membres R de l’entente, de la même façon que la présence d’un autre producteur asiatique était considérée comme un problème qu’il revenait aux membres A de ladite entente de gérer. Par ailleurs, force est de constater que le fait que les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension discutés lors de ladite réunion aient nécessité une technologie que les requérantes ne possédaient pas est sans conséquence sur le constat que ces projets ont effectivement fait l’objet de discussions lors de cette réunion.

135    Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les projets de câbles électriques souterrains à haute tension et les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension faisaient bien l’objet de discussions en même temps au cours des réunions R, et ce même si, parfois, des sessions distinctes ont été organisées.

136    S’agissant de l’affirmation des requérantes selon laquelle les pratiques relatives aux projets de câbles électriques souterrains à haute tension ont pris fin dès 2006, force est de constater que celle-ci est dépourvue de fondement. En effet, il ressort du considérant 431 de la décision attaquée, dont le contenu n’est pas contesté par les requérantes, que, lors de réunions bilatérales le 3 septembre 2007, à Tokyo, M. R., de Nexans France, a tenu des réunions bilatérales avec les représentants de Viscas et d’Exsym en vue de convaincre Viscas d’accepter la proposition d’Exsym et de J‑Power Systems à cet égard. Il ressort également de ce considérant que, dans un courriel adressé à MM. J. et R., de Nexans France, le 5 septembre 2007, M. I. d’Exsym a fait référence à des discussions au sujet de ces projets avec un autre membre de l’entente, à savoir LS Cable & System. La circonstance que, ainsi qu’il ressort du considérant 421 de la décision attaquée, un employé de Viscas a indiqué à M. J. le 9 mai 2007 qu’il se concentrerait pour l’instant sur des projets de câbles électriques sous-marins compte tenu de la difficulté de parvenir à un arrangement pour des projets de câbles électriques souterrains, étant donné que de nombreuses parties devaient être impliquées, n’est pas de nature à remettre en cause l’existence de contacts entre les membres de l’entente en 2007, dans la mesure où, d’une part, la position exprimée par le représentant de Viscas était antérieure aux discussions du mois de septembre 2007, mentionnées au considérant 431 de la décision attaquée, et, d’autre part, elle n’exprimait pas la volonté d’abandonner définitivement la possibilité de conclure des arrangements pour l’attribution de projets de câbles électriques souterrains.

137    De plus, il ressort du considérant 436 de la décision attaquée, dont le contenu n’est pas contesté par les requérantes, que, le 27 février 2008, M. R., de Nexans France, a transmis à M. A., de Prysmian, une liste de prix relatifs au projet Cork Bay, qui comportait une section sous-marine et une section souterraine, ainsi que plusieurs limitations quant aux conditions commerciales que Prysmian devait offrir, comme une demande de ne remettre un prix que pour la livraison et non pour l’installation de la section souterraine du projet et les prix à remettre. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, eu égard au contenu de cette conversation, il est dépourvu de pertinence que M. A. ait généralement été la personne chargée des projets de câbles électriques sous-marins chez Prysmian.

138    En outre, il importe de relever que l’accord sur le « territoire national », qui s’appliquait indistinctement aux projets de câbles électriques sous-marins et aux projets de câbles électriques souterrains et qui n’a pas nécessité de contacts fréquents en raison de sa nature même, s’est appliqué jusqu’à la fin de l’infraction unique et continue, de sorte que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, il est indifférent que les contacts de 2007 et de 2008 relatifs au « territoire national », mentionnés aux considérants 428 et 437 de la décision attaquée, aient porté sur les câbles électriques sous-marins à haute tension.

139    S’agissant de l’affirmation des requérantes selon laquelle la définition du « territoire d’exportation » a été différente selon les types de câbles électriques, comme cela serait illustré par l’exemple de la Grèce, il convient de relever qu’il ressort d’un document fourni par J‑Power Systems dans le cadre de sa demande de clémence que, à la différence de la SMEA, le STEA précisait initialement que les producteurs japonais pouvaient exporter en Grèce et en Espagne et que cette possibilité a par la suite été supprimée. Selon les requérantes, cette situation résulterait de l’entrée de ces pays dans la Communauté économique européenne, qui aurait conduit les parties au STEA à les exclure de l’arrangement concernant les « territoires d’exportation », de façon à éviter que ledit arrangement ne bénéficie plus de l’exemption à l’article 85 CE qui lui avait été accordée par la Commission. Toutefois, il ne ressort pas des éléments de preuve produits par les requérantes que cette différence de définition des « territoires d’exportation » selon les types de câbles électriques en question, en particulier concernant la Grèce, ait été à nouveau appliquée dans le cadre de l’entente décrite dans la décision attaquée. Ainsi, les feuilles de position auxquelles renvoient les requérantes permettent uniquement de constater que, durant la période couverte par ces documents (2001 et 2002), aucun projet de câbles électriques souterrains à haute tension n’a fait l’objet d’une attribution en Grèce alors que deux autres projets de câbles électriques sous-marins à haute tension auraient fait l’objet d’une attribution dans ce même pays, l’identité de l’attributaire étant d’ailleurs non renseignée. Cela ne saurait démontrer, comme le soutiennent les requérantes, que la Grèce ne faisait pas partie des « territoires d’exportation » en ce qui concerne les projets de câbles électriques souterrains à haute tension. En outre, il importe de souligner que, même si cette allégation était démontrée, en l’absence d’autres exemples, cela signifierait simplement qu’il existait une exception concernant la définition des « territoires d’exportation », ce qui renforcerait l’idée que, en principe, les « territoires d’exportation » étaient les mêmes qu’il s’agisse des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension ou des projets de câbles électriques souterrains à haute tension.

140    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les ressemblances générales entre la SMEA et le STEA complétés par une convention non écrite entre les grands producteurs de ne pas se faire concurrence sur leurs « territoires nationaux » respectifs et les pratiques en cause concernant les câbles électriques sous-marins à haute tension et les câbles électriques souterrains à haute tension ne seraient pas suffisantes pour conclure que ces pratiques constituent une infraction unique et continue, il convient de relever que les requérantes étaient membres de la SMEA et du STEA, qui régissaient les exportations de câbles électrique sous-marins à haute tension et souterrains à haute tension antérieurement à la mise en œuvre de l’entente, ce qui les rend pertinents pour comprendre le contexte historique dans lequel ladite entente s’inscrit. Toutefois, il convient également de relever que, dans la décision attaquée, la Commission ne s’est pas contentée de renvoyer aux règles de ces régimes d’exportation, mais a examiné, aux considérants 527 à 539 de ladite décision, l’existence en l’espèce d’un plan global visant un objectif unique. Par ailleurs, il importe de relever que l’affirmation des requérantes selon laquelle les projets de câbles électriques sous-marins et souterrains étaient attribués différemment dans l’EEE n’est étayée par aucun élément de preuve.

141    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les petits producteurs ne pouvaient pas partager un objectif unique avec les gros producteurs, dans la mesure où ils étaient exclus des réunions et des communications qui se rapportaient aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension, il convient de relever que les petits producteurs avaient des raisons de partager l’objectif unique de l’entente tel que décrit au point 121 ci-dessus, dès lors que, en soutenant cet objectif général, ils pouvaient obtenir l’attribution de projets de câbles électriques souterrains à haute tension dans les « territoires d’exportation » et obtenir une protection sur leurs territoires nationaux respectifs. De plus, l’exemple de Brugg Kabel exposé aux considérants 324 et 612 de la décision attaquée montre que les petits producteurs pouvaient même essayer d’obtenir certains projets de câbles électriques sous-marins si ceux-ci pouvaient être réalisés avec des câbles électriques souterrains.

142    Eu égard aux considérations qui précèdent, force est de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les différents éléments de l’entente étaient constitutifs d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE. Il convient donc de rejeter la première branche du présent moyen.

d)      Sur l’absence de connaissance par les requérantes de certains éléments de l’infraction unique et continue

1)      Sur l’absence de connaissance par les requérantes des éléments de l’infraction relatifs aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension

143    Les requérantes soutiennent, en substance, qu’elles n’avaient pas connaissance des éléments de l’infraction unique et continue relatifs aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension.

144    À cet égard, les requérantes font valoir, premièrement, que les réunions R auxquelles leurs employés ont participé portaient uniquement sur des projets de câbles électriques souterrains à haute tension. Selon les requérantes, cela s’explique par le fait que, Brugg Kabel, Sagem et elles-mêmes ne produisant pas de câbles électriques sous-marins à haute tension, il n’y avait pas lieu pour Nexans France et Pirelli de discuter avec elles des projets concernant ce type de câbles électriques. En réalité, il ressortirait des éléments de preuve que les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension faisaient l’objet de discussions uniquement entre les entreprises qui produisaient ce type de câbles électriques, soit dans le cadre des réunions A/R, soit lors de réunions spécifiques entre ABB Nexans France et Pirelli ou entre celles-ci et d’autres petites entreprises européennes. Elles font valoir que les éléments de preuve relatifs à la réunion R des 30 juin et 1er juillet 2004 démontrent qu’une réunion spécifique s’est tenue entre Nexans France, Pirelli et Sagem concernant un projet de câbles électriques sous-marins à haute tension, en parallèle de ladite réunion, à laquelle elles n’ont, par ailleurs, pas participé. Les éléments de preuve relatifs à la réunion R du 15 mars 2005 démontreraient seulement que, ABB étant déjà très occupée par le projet « NorNed » en Suède, M. J. avait envisagé, avant que cela soit rejeté par les autres participants de l’entente, que les requérantes deviennent coordinatrices pour ce pays, ce qui ne signifierait pas que ce rôle concernait les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension.

145    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que, si elles ont effectivement participé à deux régimes d’exportation distincts, licites et écrits, à savoir la SMEA et le STEA, elles n’étaient pas parties à la convention non écrite relative au principe du respect du « territoire national » conclue entre les grands producteurs. En outre, elles soutiennent qu’elles ont fermé leur division « Câbles électriques sous-marins à haute tension » en 2001 et que leurs employés, qui n’avaient pas participé à la mise en œuvre de la SMEA, n’ont commencé à assister aux réunions R qu’en 2002. Elles font observer que la Commission a considéré que les entreprises sud-coréennes, qui avaient également participé au STEA et qui avaient plus de chance d’avoir connaissance des pratiques relatives aux câbles électriques sous-marins à haute tension en raison de leurs contacts avec les grands producteurs japonais, n’avaient pas connaissance de ces pratiques.

146    Troisièmement, les requérantes estiment qu’il y avait, en outre, très peu de chance que leurs employés qui participaient aux réunions R aient été mis au courant des pratiques relatives aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension par les autres participants auxdites réunions. Elles soutiennent, en effet, qu’elles n’étaient pas représentées par les mêmes employés dans toutes ces réunions et que ces employés n’ont participé qu’à quatre ou à cinq des réunions concernées, de sorte qu’ils ne sont jamais devenus membres du « réseau fermé » des autres participants composé des mêmes personnes se connaissant et traitant ensemble depuis longtemps. En outre, les contacts desdits employés avec les représentants d’autres participants ayant connaissance des activités relatives aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension se seraient limités à MM. J. et R.

147    À cet égard, il convient de rappeler qu’une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient de notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 56 et jurisprudence citée).

148    Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de cette infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par la suite, de celle-ci dans son ensemble (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 57 et jurisprudence citée).

149    En l’espèce, s’agissant de la question de savoir si les requérantes ont eu connaissance des éléments de l’infraction unique et continue relatifs aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension au travers de leur participation aux réunions R, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé aux points 128 à 135 ci-dessus, lesdites réunions commençaient par une partie générale au cours de laquelle Nexans France et Pirelli/Prysmian informaient les producteurs européens de moindre importance, tels que les requérantes, des évènements intervenus dans le cadre des réunions A/R qui concernaient aussi bien les câbles électriques sous-marins à haute tension que les câbles électriques souterrains à haute tension et que l’organisation de sessions séparées selon les types de câbles électriques lors des réunions R ne correspondait pas à la pratique habituelle des membres de l’entente.

150    Il convient également de relever que les employés des requérantes qui ont participé à des réunions R ont été en contact avec les représentants de producteurs européens, qui avaient connaissance des éléments de l’infraction unique et continue relatifs aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension, autres que Nexans France et Pirelli/Prysmian. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 217 et 230 de la décision attaquée, les représentants des requérantes ont rencontré ceux de Sagem et de Brugg Kabel à l’occasion de certaines de ces réunions, ce que les requérantes ne contestent pas. Or, il ressort des considérants 303 et 610 ainsi que 324 et 612 de ladite décision que Brugg Kabel et Sagem avaient connaissance des éléments de l’infraction unique et continue relatifs aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension, ce que les requérantes ne contestent pas davantage.

151    Si les éléments de preuve relatifs à la réunion R des 30 juin et 1er juillet 2004, à laquelle les représentants des requérantes n’ont pas assisté, démontrent effectivement que Nexans France et Pirelli/Prysmian ont tenu une réunion spécifique à cette occasion avec le représentant de Sagem pour discuter d’un projet de câbles électriques sous-marins à haute tension, cela montre surtout que Sagem, qui, à l’instar des requérantes, ne produisait pas de câbles électriques sous-marins, avait bien connaissance du fait que l’entente s’étendait également à ce type de câbles électriques.

152    De même, il ressort des notes relatives à la réunion R du 15 mars 2005 que M. J. envisageait de confier aux requérantes un rôle de « coordinateur national » pour la Suède, car ABB était occupée pour les trois prochaines années par le projet « NorNed », c’est-à-dire un projet de câbles électriques sous-marins à haute tension. Les requérantes ne contestent pas l’existence de cette proposition, mais font observer qu’elle n’a pas été acceptée et que, même si elle l’avait été, cela n’aurait concerné que les projets de câbles électriques souterrains à haute tension. Toutefois, il est difficile de comprendre pourquoi, si les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension étaient réellement exclus de l’entente, le coordinateur européen de l’entente aurait mentionné un tel projet pour justifier de ne pas confier le rôle de coordinateur à ABB.

153    En outre, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que les requérantes affirment, à l’instar d’ABB, il ressort des éléments de preuve produits par la Commission qu’elles ont pris part aux aspects « non écrits » de la SMEA qui prévoyaient l’absence de concurrence entre les producteurs japonais et européens sur leurs « territoires nationaux » respectifs ainsi qu’un quota de répartition des projets selon le « quota 60/40 » dans le reste du monde. Il ressort également des éléments de preuve produits par la Commission que les requérantes ont également pris part aux mêmes aspects « non écrits » de l’accord STEA. Ainsi, même si les requérantes ne produisaient plus de câbles électriques sous-marins à haute tension à l’époque de l’infraction unique et continue, le parallèle avec le fonctionnement des accords précédents, qui avaient été dissous en raison de la crainte des entreprises qui y étaient parties que ceux-ci soient découverts, aurait dû faire comprendre aux requérantes ou les inciter à s’interroger sur le fait que les nouveaux accords pouvaient s’étendre aux câbles électriques sous-marins.

154    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les requérantes avaient connaissance ou, pour le moins, pouvaient raisonnablement prévoir l’existence des éléments de l’infraction unique et continue relatifs aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension, au sens de la jurisprudence citée aux points 147 et 148 ci-dessus.

2)      Sur l’absence de connaissance par les requérantes de l’accord sur le « territoire national »

155    Les requérantes contestent avoir eu connaissance de l’accord sur le « territoire national ». Elles soutiennent, en particulier, que, contrairement à ce qu’il ressort de la décision attaquée, elles n’ont pas admis dans leur réponse à la communication des griefs avoir eu connaissance dudit accord à l’occasion des discussions relatives à sa violation par les entreprises sud-coréennes en Europe et par Prysmian en Corée du Sud. Elles affirment avoir simplement expliqué dans cette réponse que leur employé, M. W., avait appris lors des réunions R auxquelles il avait participé que les producteurs sud-coréens et Prysmian ne s’appréciaient pas, car cette dernière était entrée sur le marché sud-coréen et les producteurs sud-coréens avaient, en réaction, augmenté leur présence ailleurs, notamment en entrant sur le marché européen des câbles électriques souterrains à haute tension. M. W. serait resté sur l’impression qu’aucun accord n’avait jamais pu être atteint avec les entreprises sud-coréennes. Cela ressortirait des notes de M. J., de Nexans France, relatives aux réunions R des 23 avril et 19 novembre 2003 ainsi que du 15 mars 2005. Selon les requérantes, il n’existerait pas non plus de preuve qu’elles avaient connaissance du fait que cet accord s’appliquait également entre les producteurs européens et japonais. Elles font observer, à cet égard, que l’accord sur le « territoire national » avait été conclu entre les grands producteurs avant qu’elles ne commencent à participer aux réunions R et qu’elles n’ont pas assisté à la seule desdites réunions mentionnée dans la décision attaquée au cours de laquelle cet accord a été discuté, à savoir le 17 septembre 2004.

156    En outre, les requérantes font valoir qu’il ne saurait être considéré qu’elles devaient nécessairement avoir connaissance de l’accord sur le « territoire national ». Selon elles, leur connaissance dudit accord ne pourrait être présumée sur la base de leur participation à l’accord STEA, dès lors qu’elles n’avaient pas connaissance de l’application d’un principe de respect du « territoire national » dans le cadre de ce dernier accord. Leur connaissance de l’accord sur le « territoire national » ne pourrait pas non plus être présumée sur la base de la connaissance qu’en avaient Sagem et Brugg Kabel, celles-ci ayant été directement informées de l’existence dudit accord, pour l’une, directement par Viscas, pour l’autre, au cours de la réunion R du 17 septembre 2004. L’absence des producteurs japonais en Europe ne les aurait pas porté à s’interroger sur l’existence du principe en question, dès lors que cette absence pouvait s’expliquer par les barrières à l’entrée sur le marché européen, qui pouvaient d’ailleurs justifier l’absence des producteurs américains. La présence des producteurs coréens sur le marché européen se serait quant à elle expliquée par le fait que, ceux-ci bénéficiant d’un monopole en Corée du Sud, ils avaient les moyens de surpasser les barrières à l’entrée dudit marché. C’est également l’existence de barrières à l’entrée sur le marché nord-asiatique et la situation économique des requérantes qui auraient expliqué le fait qu’elles n’étaient pas présentes sur ce marché, et non l’accord sur le « territoire national ». Le fait qu’elles ne connaissaient pas cet accord serait confirmé par la circonstance que les producteurs japonais ne les considéraient pas comme participant à celui-ci.

157    Par ailleurs, les requérantes soutiennent que l’allégation de la Commission selon laquelle l’accord sur le « territoire national » était la base nécessaire à l’accord sur les « territoires d’exportation », de sorte que, dès lors qu’elles avaient connaissance du second, elles auraient dû avoir connaissance du premier, n’est pas étayée. À cet égard, elles estiment, en particulier, que, ainsi qu’il ressort des éléments de preuve, le non-respect de l’accord sur le « territoire national » entre Prysmian et les producteurs sud-coréens n’a pas eu de conséquences sur l’application de l’accord sur les « territoires d’exportation » entre les grands producteurs européens et les producteurs sud-coréens. De même, les producteurs japonais auraient continué à attribuer des projets dans les « territoires d’exportation », alors qu’ils estimaient que l’accord sur le « territoire national » avait pris fin en 2006 lorsque Nexans France a créé une entreprise commune avec Viscas.

158    À cet égard, force est de constater que, ainsi que le reconnaît la Commission, il n’existe pas de preuve documentaire du fait que les requérantes avaient été informées de l’accord sur le « territoire national » au cours des réunions auxquelles elles ont participé. Toutefois, il convient de relever que ledit principe ne portant pas sur l’attribution de projets, mais sur une abstention de faire, sa mise en œuvre ne nécessitait pas de discussions particulières, en dehors des éventuels cas de violation.

159    Or, si, ainsi que la Commission l’a admis dans le mémoire en défense, les requérantes n’étaient pas présentes lors de la réunion du 17 septembre 2004 au cours de laquelle l’accord sur le « territoire national » a été abordé dans le cadre de discussions relatives au comportement des entreprises japonaises, il ressort de leur réponse à la communication des griefs que, contrairement à ce qu’elles soutiennent, leur employé, M. W., avait indiqué avoir appris lors des réunions auxquelles il avait participé que la raison pour laquelle Prysmian et les producteurs sud-coréens ne s’appréciaient pas était que Prysmian était entrée, en premier, sur le marché sud-coréen et que les producteurs sud-coréens étaient ensuite, en réaction, entrés sur le marché européen. Cette description de la situation ne correspond pas à l’affirmation des requérantes, plus loin dans leur réponse à la communication des griefs, et devant le Tribunal, selon laquelle, de leur point de vue, l’entrée des producteurs sud-coréens correspondait au processus normal de concurrence qui avait vu plusieurs petits producteurs, dont elles-mêmes, développer de nouveaux câbles électriques et de nouveaux accessoires en vue de concurrencer les grands producteurs sur des marchés sur lesquels ils n’étaient pas présents jusque-là. Si, comme l’a décrit M. W., l’attitude des producteurs sud-coréens était une réaction à l’initiative prise par Prysmian d’entrer sur leur marché national, cela signifie qu’avant cette initiative ils s’étaient abstenus d’entrer sur le marché européen et que, de la même façon, Prysmian et, apparemment, les autres producteurs européens s’étaient abstenus d’entrer sur le marché sud-coréen, ce qui, à tous le moins, pouvait laisser légitimement penser aux requérantes qu’il existait un accord prévoyant le respect du « territoire national ».

160    Les requérantes pouvaient, en outre, être enclines à considérer cette possibilité dans la mesure où, contrairement à ce qu’elles soutiennent, il ressort des éléments de preuve cités au considérant 64 de la décision attaquée qu’elles étaient parties aux aspects non écrits du STEA, qui impliquaient explicitement un accord sur le « territoire national ».

161    Il en va de même s’agissant du lien entre l’accord sur le « territoire national » et l’accord sur les « territoires d’exportation ». En effet, même si cela est techniquement envisageable, il est assez difficile d’imaginer que les membres A et R de l’entente se soient mis d’accord pour s’attribuer des projets de câbles électriques à haute tension dans un certain nombre de « territoires d’exportation » défini selon un quota prédéterminé, tout en acceptant de se faire pleinement concurrence sur leurs « territoires nationaux » respectifs. Compte tenu du fait que, à l’instar des producteurs japonais, elles étaient déjà parties au STEA, dans le cadre duquel l’accord sur les « territoires d’exportation » était complété par l’accord sur les « territoires nationaux », les requérantes auraient, pour le moins, dû considérer la possibilité qu’il en allait de la même façon dans le cadre de la nouvelle entente.

162    De même, la thèse des requérantes selon laquelle la raison de l’absence des entreprises japonaises sur le marché européen et de leur propre absence sur le marché d’Asie du Nord serait l’existence de barrières à l’entrée sur ces marchés que les producteurs sud-coréens auraient surmonté grâce à la position de monopole qu’ils détenaient sur leur marché national n’est pas cohérente avec l’affirmation selon laquelle l’entrée des producteurs sud-coréens sur le marché européen faisait partie d’un processus de concurrence normal dans le cadre duquel des petits producteurs, dont les requérantes, qui étaient alors en difficulté économique, avaient développé de nouveaux produits avec l’objectif de défier les grands producteurs sur des marchés sur lesquels ils n’étaient pas présents jusque-là. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette thèse n’est pas confirmée par le courriel adressé le 29 juin 2005 par M. I., coordonnateur du côté asiatique, à M. J. (considérants 353 et 354). Dans ce courriel, M. I. donne une interprétation de l’application de l’accord sur le « territoire national » lorsqu’une demande de renseignements émane d’un fabricant d’accessoires établi dans le « territoire national » asiatique ou européen, mais dans un pays qui n’est pas le pays d’origine d’un membre asiatique ou européen de l’entente. Il estime que, dans ce cas particulier, ledit principe ne « joue » pas. Force est de constater qu’il ne saurait être déduit de ce courriel que, du point de vue des producteurs japonais, les requérantes, qui ne sont même pas citées, n’avaient pas connaissance de ce principe.

163    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les requérantes avaient connaissance ou, à tout le moins, auraient dû avoir connaissance de l’accord sur le « territoire national ».

3)      Sur l’absence de connaissance par les requérantes du refus collectif de fournir des accessoires ou une assistance technique à certains concurrents

164    Les requérantes font valoir, en substance, qu’elles n’avaient pas connaissance des pratiques consistant pour certains membres de l’entente à refuser de fournir des accessoires ou une assistance technique à certains concurrents, auxquelles elles n’ont du reste pas participé, comme le reconnaît la Commission dans la décision attaquée, et qu’elles ne pouvaient donc pas être tenues pour responsables de cette partie de l’infraction.

165    À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, les requérantes ont été tenues pour responsables d’une infraction unique et continue ayant trait au « secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins ». L’existence d’une telle infraction unique et continue est notamment fondée, selon le considérant 525 de ladite décision, sur le constat qu’il existait un plan global ayant pour objectif unique de restreindre la concurrence pour des projets dans ledit secteur sur des territoires spécifiques, en se répartissant les marchés et les clients et en faussant ainsi le processus concurrentiel normal dans le marché intérieur, que toutes les parties ont intentionnellement contribué d’une manière ou d’une autre à la réalisation de cet objectif unique et que, à quelques rares exceptions, celles-ci connaissaient le comportement envisagé ou mis en œuvre par les autres entreprises dans la poursuite de cet objectif unique, ou qu’elles pouvaient raisonnablement le prévoir et qu’elles étaient prêtes à en accepter le risque, au sens de la jurisprudence citée au point 147 ci-dessus.

166    Il convient également de relever que le considérant 595 de la décision attaquée, qui introduit la partie de ladite décision relative à la connaissance qu’avaient les participants à l’entente du comportement des autres entreprises dans la poursuite de l’objectif unique de l’entente, indique que l’analyse est effectuée pour les circonstances particulières de cette entente exposées au considérant 526 de cette décision, à savoir le fait que la même entente revêtait deux configurations principales, à savoir la « configuration A/R » et la « configuration européenne », qu’elle comprenait plusieurs méthodes d’attribution, à savoir le respect des « territoires nationaux » et l’attribution pour les « territoires d’exportation », qu’elle portait sur deux produits distincts, à savoir les câbles électriques sous-marins et les câbles électriques souterrains, et qu’elle impliquait deux grands groupes de producteurs européens, d’une part, et japonais et sud-coréens, d’autre part, dont la participation et la contribution individuelle à l’entente concernée variait.

167    Il convient, par ailleurs, de relever que, au considérant 493, sous g), de la décision attaquée, la Commission décrit quatre communications entre une minorité de participants concernant la fourniture d’accessoires et d’assistance technique. La première communication porte sur la fourniture d’accessoires de câbles électriques de 220 kV et plus et inclut une proposition visant à promouvoir la conception d’un joint en une pièce (considérant 171 de la décision attaquée). La deuxième communication est celle dans laquelle J‑Power Systems demande à Nexans France son accord pour fournir des joints à Taihan Electric Wire (considérant 223 de la décision attaquée). La troisième communication est une communication entre Pirelli et J‑Power Systems dans le but de s’entendre sur la fourniture d’assistance technique à un concurrent qui n’a pas pris part à l’entente (considérant 248 de la décision attaquée). La quatrième communication est une communication entre Nexans et Prysmian au sujet de la fourniture de joints à des concurrents qui n’ont pas pris part à l’entente (considérant 356 de la décision attaquée). Toutefois, bien que ces éléments soient avancés par la Commission en tant qu’activité poursuivant l’objectif global de l’entente, il n’y a aucune indication sur le fait que lesdites communications soient liées aux ventes de joints dans le cadre de projets de câbles électriques. Dès lors, les produits et les services qui font l’objet de ces pratiques ne font pas partie de la catégorie des produits concernés par l’infraction unique et continue décrite au considérant 13 de la décision attaquée.

168    À cet égard, il y a lieu de considérer que, si la Commission devait prouver que les requérantes avaient participé aux éléments constitutifs de l’infraction unique et continue ou en avaient connaissance ou pouvaient raisonnablement les prévoir et étaient prêtes à en assumer le risque pour les tenir responsables de l’ensemble de ladite infraction telle que définie dans la décision attaquée, il ne saurait être considéré qu’elle était tenue par une telle obligation à l’égard des caractéristiques non essentielles de ladite infraction (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, EU:T:2006:396, point 193, et du 10 octobre 2014, Soliver/Commission, T‑68/09, EU:T:2014:867, point 67). Or, en l’espèce, les moyens particuliers par lesquels les différents éléments constitutifs de l’infraction unique et continue ont été renforcés, tels que le refus collectif de fournir des accessoires ou une assistance technique à certains concurrents, ne sont pas des caractéristiques essentielles de l’entente globale, dès lors que ceux-ci concernaient des ventes de produits ou de services qui n’étaient pas compris dans la catégorie de produits ou de services qui faisait l’objet de l’infraction unique et continue et que, ainsi, leur ajout, modification ou suppression n’avait pas d’incidence sur le plan d’ensemble, circonstance que les requérantes ne contestent pas s’agissant du refus collectif de fournir des accessoires et une assistance technique à certains concurrents.

169    Il s’ensuit que, pour leur imputer la responsabilité de la participation à l’infraction unique et continue, la Commission n’était pas tenue de prouver que les requérantes avaient directement participé à la pratique consistant à refuser collectivement de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente en vue d’empêcher l’entrée desdits concurrents sur le marché de l’EEE, ou en avaient connaissance ou auraient dû en avoir connaissance.

4)      Sur l’absence de connaissance des accords sur les prix et les prix de couverture concernant les projets de câbles électriques souterrains à haute tension au sein de l’EEE

170    Les requérantes font valoir, en substance, qu’il n’existe aucune preuve écrite démontrant qu’elles avaient connaissance des accords sur les prix et les prix de couverture. Elles font valoir, en particulier, qu’aucun des courriels mentionnant ces accords auquel il est fait référence dans la décision attaquée ne leur était adressé ou transmis en copie. Elles en déduisent que les autres membres de l’entente les ont délibérément exclu de la correspondance relative à ces accords. Elles contestent que les prix étaient certainement discutés lors des réunions R en faisant observer que ces réunions n’étaient pas le lieu approprié pour discuter du prix des projets de câbles électriques en raison du caractère hétéroclite desdits projets.

171    À cet égard, il convient de relever que les requérantes n’étaient pas destinataires ni mises en copie des courriels faisant référence à des accords de prix mentionnés dans la décision attaquée. Toutefois, il ressort des notes prises lors de la réunion R du 10 février 2004, à laquelle les requérantes ne contestent pas avoir participé (point 195 de l’annexe I de la décision attaquée), que l’annonce d’un retrait des requérantes de la participation aux réunions R est présenté comme pouvant résulter de la soumission d’offres à des prix différents pour un projet à réaliser à Lubeck (Allemagne) par plusieurs participants à l’entente dont les requérantes (considérant 296 de cette décision). Il est ainsi indiqué : « [nkt cables] se retire de la conférence : difficulté avec [Nexans]. Motif ??? Lubecka. ([Nexans] à 3, [nkt cables] à 4, P [Pirelli] à 5 millions d’euros) ». Il ressort également de ces notes qu’un prix plancher avait été fixé pour un projet au Portugal. Il est ainsi indiqué « Commande à [Sagem] au prix [Pirelli] ».

172    En outre, les requérantes ont indiqué dans leurs écritures que M. J. de Nexans France avait contacté un de leurs employés au sujet d’un projet à réaliser en Italie et que cet employé, à savoir M. W., lui avait indiqué que les requérantes avaient déjà soumis leur offre et avaient de grands espoirs de remporter l’appel d’offres en raison de leur compétence technologique spécifique. Elles ont résumé cette situation au point 114.2 de la requête en indiquant que, « [e]n d’autres termes, nkt cables avait contrarié un accord d’attribution et de prix de couverture organisé par les autres producteurs et n’avait pas l’intention de retirer son offre ». Elles soutiennent également, au point 56 de la réplique, qu’elles ont involontairement perturbé cet arrangement dont elles n’avaient pas connaissance, puisqu’elles n’avaient pas assisté à la réunion du 3 mars 2004 au cours de laquelle le projet avait été attribué. Force est toutefois de constater qu’elles admettent ainsi avoir appris l’existence de ces pratiques, fut-ce de façon accidentelle.

173    En tout état de cause, le principe même consistant dans l’attribution à un membre de l’entente d’un projet de câbles électriques à haute tension suppose, pour être mis en œuvre de façon efficace, que les participants s’entendent sur le prix minimal que ce membre offrira ou sur la qualité maximale de son offre dans le cadre d’un appel d’offres. En effet, sauf à imaginer que tous les autres membres de l’entente s’abstiennent de soumissionner, ce qui est difficilement envisageable d’un point de vue commercial, car cela impliquerait de ne pas répondre à certains clients, un certain nombre de membres de l’entente devaient soumissionner en s’assurant que leur offre serait moins intéressante que celle de l’attributaire. Or cela implique nécessairement de connaître le prix minimal qu’ils pouvaient offrir ou la qualité maximale de leur offre dans le cadre dudit appel d’offres pour procéder à des offres de couverture.

174    Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant que les requérantes avaient connaissance ou devaient, pour le moins, avoir connaissance de l’existence d’accords sur les prix ainsi que de l’existence d’offres de couverture.

5)      Sur l’absence de connaissance par les requérantes du comportement relatif aux projets de câbles électriques souterrains à haute tension d’une tension de 110 kV

175    Les requérantes soutiennent qu’elles n’avaient pas connaissance du fait que l’entente portait sur les câbles électriques souterrains à haute tension de 110 kV dans la mesure où le marché concernant ce type de câbles électriques est très concurrentiel, ce dont attesterait le fait qu’aucun des six projets mentionnés dans la décision attaquée n’a finalement fait l’objet d’une attribution.

176    À cet égard, il convient de relever que les éléments de preuve cités par les requérantes, qui se réfèrent à des projets de câbles électriques souterrains de 110 kV à réaliser notamment en Espagne, en Finlande, en Suisse, aux Pays-Bas et en Allemagne, mentionnés au considérant 113, au considérant 231, sous g, au considérant 279, sous e), au considérant 280, sous d), et au considérant 322, sous d), de la décision attaquée, démontrent que de tels projets étaient couverts par l’entente. Il est à cet égard dépourvu de pertinence que certains de ces projets n’aient, finalement, pas fait l’objet d’attribution en raison d’une trop grande concurrence de la part de producteurs extérieurs à l’entente.

177    En outre, il ne ressort pas des éléments de preuve cités par les requérantes qu’il existait un accord particulier concernant les câbles électriques souterrains de 110 kV dont elles n’auraient pas eu connaissance. Dès lors, la Commission n’était pas tenue de démontrer que les requérantes savaient que l’entente s’appliquait également à ce type de câbles électriques.

178    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la deuxième branche du présent moyen.

e)      Sur l’absence de preuve de la participation des requérantes à l’attribution de clients et de territoires spécifiques au sein de l’EEE

179    Les requérantes soutiennent, en substance, qu’il n’existait pas de « configuration européenne de l’entente », compte tenu du rôle actif joué par les producteurs japonais dans le fonctionnement de celle-ci, et qu’il n’existe pas de preuve qu’elles se seraient vu attribuer, dans le cadre de cette configuration, des territoires ou des clients spécifiques.

180    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que les requérantes tentent de faire valoir, si les producteurs japonais ont effectivement fourni des offres de couverture pour éviter que la « configuration européenne de l’entente » soit découverte lorsqu’ils recevaient des demandes de renseignements concernant des projets à réaliser dans l’EEE, cela ne signifie pas que ces entreprises prenaient part à l’attribution de ces projets entre les différents producteurs européens. Les feuilles de position sur lesquelles les requérantes tentent de s’appuyer pour démontrer que les producteurs japonais pouvaient influencer le choix du producteur européen spécifiquement choisi pour un projet à réaliser dans l’EEE sont dépourvues de caractère probatoire à cet égard, dans la mesure où ces documents sont relatifs à une période antérieure à la participation des requérantes à l’infraction et se limitent à préciser quels sont les projets qui ont été attribués à des membres R de l’entente et ceux qui ont été attribués à des membres A de ladite entente.

181    En second lieu, s’il est effectivement fait référence, au considérant 493, sous b), de la décision attaquée, à l’attribution de territoires et de clients au sein de l’EEE, force est de constater que les très nombreux exemples auxquels renvoie ce considérant concernent en fait l’attribution de projets individuels à réaliser dans l’EEE aux différents membres R de l’entente qui avait généralement lieu, mais pas toujours, sur une base territoriale.

182    Il convient de relever que ces exemples illustrent la description générale des mécanismes d’attribution de la « configuration européenne de l’entente » qui figurent aux considérants 107 à 110 de la décision attaquée.

183    Toutefois, il importe de souligner que la Commission a précisé dans le cadre de la description des mécanismes d’attribution de la « configuration européenne de l’entente » qu’il n’était pas nécessaire pour la décision attaquée de prendre position sur la question de savoir si l’attribution de projets à réaliser dans l’EEE se faisait en partie selon et afin de respecter les marchés nationaux.

184    Dès lors, il y a lieu d’observer que, à la supposer fondée, l’allégation des requérantes relative à l’absence de preuve d’attribution de territoire dans le cadre de la « configuration européenne de l’entente » serait inopérante.

185    Au demeurant, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 372, sous m), de la décision attaquée, M. R. C., de Pirelli, a signalé dans un courriel du 6 juillet 2005 adressé à M. J. la réception d’une demande de renseignements, stipulant ce qui suit : « destination : un endroit vraiment très froid (toujours le territoire [nkt cables] ?) ».

186    Or, il convient de relever que, si les requérantes nient s’être vu attribuer un territoire correspondant à « un endroit vraiment très froid », elles n’expliquent pas de façon convaincante pourquoi les membres de l’entente considéraient que c’était le cas. La justification fournie par les requérantes dans la réplique est que M. R. C. se demandait si des clients situés dans cet « endroit vraiment très froid » faisaient encore appel à elles, car l’approvisionnement antérieur conférait, selon les grands producteurs, un statut privilégié. Toutefois, selon les requérantes, elles n’auraient jamais partagé ce point de vue, comme le démontrerait le plan de développement nommé « Gulliver », une stratégie ciblée visant à s’étendre vers de nouveaux marchés de l’EEE et ayant pour objectif global d’augmenter leurs parts de marché dans les pays proches de ceux dans lesquels elles avaient des installations de production, notamment en Espagne, en France, en Italie, au Royaume-Uni et dans les pays du Benelux. Il importe en effet de relever que ledit plan de développement a été présenté en 2003, de sorte que, s’il constituait un obstacle à l’attribution d’un « territoire national » aux requérantes, cela aurait certainement été pris en compte par Prysmian et Nexans France en 2005.

187    Au surplus, il y a lieu de relever que, si les requérantes font valoir qu’il n’existe pas de preuve qu’un projet individuel leur aurait été attribué sur une base territoriale, elles ne contestent pas expressément avoir participé à l’attribution de projets individuels sur une base territoriale au profit des autres membres R de l’entente (considérants 249, 296, 344, 346, 348, 372 et 392 de la décision attaquée), de sorte que leur argumentation n’est, en tout état de cause, pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle elles ont participé à la « configuration européenne de l’entente ».

188    Partant, il convient également de rejeter la troisième branche du présent moyen.

f)      Sur l’absence de preuve de la participation des requérantes à l’attribution et à l’échange d’informations concernant des projets de câbles électriques souterrains à haute tension au sein de l’EEE du 3 juillet 2002 au 17 février 2006

1)      Sur la période antérieure au 10 février 2004

189    Les requérantes ne contestent pas avoir participé pour la première fois à une réunion R le 3 juillet 2002, mais elles font valoir qu’il n’existe pas de preuve qu’elles aient participé à un accord anticoncurrentiel ou à une pratique concertée portant sur les câbles électriques souterrains à haute tension dans l’EEE ou qu’elles aient eu connaissance d’un tel accord ou d’une telle pratique avant le 10 février 2004, date à laquelle de telles pratiques ont été discutées pour la première fois, ce qui a entraîné la fin de la participation de leur représentant aux réunions R.

190    À cet égard, il convient de relever d’emblée que, ainsi qu’il ressort d’un courriel adressé à M. O., de J-Power system, par M. J. en septembre 2002 (considérant 218 de la décision attaquée), ce dernier a indiqué ce qui suit :

« A. a confirmé que, bien qu’Exsym n’ait pas pu assister à la dernière réunion (alors qu’elle avait confirmé sa participation), elle assisterait à la prochaine (la présente réunion de Londres). Pouvez-vous confirmer qui sera présent de chez Exsym ? À noter qu’un représentant d’ABB assistera au dîner, ce serait dommage de ne pas participer pleinement dans ce cas, car cela ne contribuerait probablement pas à poursuivre l’amélioration du plan. (…) Nous entretenons désormais des contacts réguliers avec [nkt cables], [Sagem], [Brugg Kabel], si nous n’avons pas Exsym avec nous, cela n’aura aucun sens. »

191    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort clairement du courriel en cause que, à cette époque, Nexans France considérait que leur participation à l’entente ainsi que celle des autres petits producteurs européens, d’ABB et d’Exsym devaient en assurer l’amélioration. Il est évident que M. J. se réfère ici à l’amélioration du fonctionnement de la répartition des projets dans les « territoires d’exportation », qui, pour être la plus efficace possible, nécessitait la participation du plus grand nombre de producteurs européens et asiatiques possible.

192    De même, il ressort d’un échange de courriel du 22 novembre 2002 (considérant 234, sous h), de la décision attaquée), dans lequel M. N. de Brugg Kabel avait signalé à M. J. deux projets à réaliser dans l’EEE, l’un en Espagne et l’autre au Danemark, que ce dernier lui avait répondu au sujet du second projet que l’« affaire [était] coordonnée vers FG [nkt cables] ». Les requérantes soutiennent à cet égard que ce dernier projet ne leur a jamais été attribué et que c’est ABB qui a finalement remporté le marché. Selon elles, la réponse de M. J. correspondait à une stratégie visant en fait à garder le projet en question pour Nexans France en donnant une fausse information à Brugg Kabel. Elles font en effet valoir que M. J. avait préalablement établi une liste de soumissionnaires pour ce projet sur laquelle il avait souligné son importance pour Nexans France. Toutefois, cette explication implique que Brugg Kabel savait ou pouvait légitimement croire que les requérantes s’étaient vu attribuer le projet et que, donc, elles faisaient partie de l’entente.

193    Les requérantes tentent également en vain de contester le contenu des notes de M. J. relatives à la réunion R du 23 avril 2003 citées au considérant 249 de la décision attaquée, dans lequel il est indiqué au sujet d’un projet à réaliser en Italie ce qui suit : « 400 kV 2000m PROJET ITALIEN pris par Pirelli ».

194    Selon les requérantes l’emploi du terme « pris » signifie simplement que Pirelli a remporté l’appel d’offres. Cette interprétation serait corroborée par la mention « 72 kV projet Base de Thule Groenland attribué à Pirelli contre NK ». En effet, selon les requérantes, le projet à réaliser au Groenland a été attribué le 15 avril 2003, soit avant la réunion R du 23 avril 2003. Les mentions relatives aux projets à réaliser en Italie et au Groenland constitueraient donc un simple échange d’informations publiques.

195    Force est toutefois de constater que cette thèse est peu plausible, dans la mesure où, comme l’a justement relevé la Commission, si la première page du document provenant du pouvoir adjudicateur concernant le projet à réaliser au Groenland produit par les requérantes fait référence au 15 avril 2003 comme « date d’attribution du marché », la deuxième page de ce document indique que le marché a été attribué le 25 avril 2003. De plus, les requérantes n’expliquent pas pourquoi les notes de la réunion parlent de Pirelli, alors que le document qu’elles produisent fait référence à une autre entreprise. Les requérantes se contentent en effet de supposer que cette dernière était peut-être un sous-traitant de Pirelli, mais n’en apportent aucune preuve. En outre, il convient de rappeler que l’Italie était considérée comme le marché national de Pirelli et de Nexans France, de sorte qu’il est plus plausible que l’expression « pris par Pirelli » renvoie au fait que celle-ci avait manifesté son intérêt et que Nexans France ne s’y était pas opposée.

196    Il s’ensuit que l’argument des requérantes selon lequel la Commission a à tort estimé qu’elles avaient participé à un accord anticoncurrentiel ou à une pratique concertée portant sur les câbles électriques souterrains à haute tension dans l’EEE ou qu’elles avaient eu connaissance d’un tel accord ou d’une telle pratique avant le 10 février 2004 doit être rejeté comme non fondé.

2)      Sur la période allant du 10 février 2004 au 10 décembre 2004

197    Les requérantes soutiennent que, après l’annonce de l’abandon de toute participation aux réunions R par leur employé le 10 février 2004, elles n’ont pas participé auxdites réunions jusqu’au 10 décembre 2004. Elles estiment ainsi s’être officiellement et publiquement distanciées de l’entente par ladite annonce, ce qui serait démontré par le fait que les autres participants à l’entente ne les ont pas invitées à une réunion R, spécialement consacrée au lancement de projets à réaliser dans l’EEE, qui s’est tenue le 3 mars 2004. Les éléments de preuve cités par la Commission pour démontrer leur participation à l’entente au cours de la période allant du 10 février au 10 décembre 2004 se rapporteraient uniquement à des tentatives vaines des membres de l’entente de les faire participer à nouveau à ces réunions. Les notes de M. J. relatives à la réunion R du 17 septembre 2004, à laquelle les requérantes n’ont pas participé, qui mentionnent une préférence des requérantes pour un projet à réaliser en Islande, ne démontreraient pas que celles-ci avaient effectivement marqué leur accord à cet égard. Cela serait d’ailleurs confirmé par le fait que l’appel d’offres concernant ce projet a finalement été remporté par Sagem sans aucune réaction particulière des requérantes ou des autres producteurs.

198    À cet égard, premièrement, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que les requérantes ne produisent aucun compte rendu contemporain de leur position à l’époque, mais se contentent de soutenir que leur employé, M. D.‑J., avait quitté la réunion R du 10 février 2004 après avoir déclaré que les requérantes se retiraient des réunions des membres R de l’entente lorsque les participants ont commencé à discuter de projets à réaliser dans l’EEE et que cette déclaration est consignée dans les notes de M. J. relatives à cette réunion.

199    Deuxièmement, il convient également de relever que la thèse des requérantes est contredite par leur propre réponse à la demande d’informations de la Commission du 7 mai 2010, dont il ressort que le prétendu retrait des réunions R dont se souvenait leur employé, M. D.‑J., avait eu lieu après la réunion R du 19 novembre 2003, à l’issue de laquelle certains participants avaient indiqué qu’ils souhaiteraient discuter un appel d’offres particulier plus en détail. Selon la réponse des requérantes, M. D.‑J. se serait fortement opposé aux tendances des participants à la réunion à s’engager dans de telles discussions. M. D.‑J., estimant que cette discussion était inappropriée, aurait quitté la pièce. Selon la réponse des requérantes à la demande d’informations de la Commission du 7 mai 2010, aucun autre incident de ce type n’a eu lieu en la présence de M. D.‑J. lors des réunions auxquelles il a pris part par la suite.

200    Force est donc de constater que, si M. D.‑J. a prétendument quitté une réunion R en raison de la nature de certaines discussions entre les participants, il ne s’agissait pas de la réunion du 10 février 2004, mais de celle du 19 novembre 2003.

201    Troisièmement, la thèse des requérantes n’est pas confirmée par les notes de M. J. relatives à la réunion R du 10 février 2004. Ainsi, le passage desdites notes cité par les requérantes se situe dans la partie intitulée « Projets » et mentionne ce qui suit :

« Portugal 220 kV COMMANDE à [Sagem] au prix [Pirelli]. Allemagne [nkt cables] se retire de la conférence : difficulté avec [Nexans France] Motif ??? Lubeka ([Nexans France] à 3, [nkt cables] à 4, [Pirelli] à 5 millions d’euros). »

202    Il semble ressortir du passage des notes de M. J. relatives à la réunion des membres R de l’entente du 10 février 2004 cité par la requérante que nkt cables menace de se retirer de ladite réunion en raison d’un problème avec Nexans France au sujet d’un prix vraisemblablement trop bas soumis par cette dernière concernant un projet à réaliser en Allemagne. Il n’est pas fait mention d’un problème relatif au fait que les participants discutent de projets à réaliser dans l’EEE, comme le prétendent les requérantes, ni d’une opposition de principe à l’entente ou d’une volonté de s’en distancier. D’ailleurs, plus loin dans lesdites notes, il est question d’un projet de câbles électriques à Magdebourg (Allemagne) avec la mention « Allemagne : MAGDEBOURG 9km 1X2000 220 kV CCC [Nexans France] [Brugg Kabel] [nkt cables] ». Les requérantes et les autres membres de l’entente sont mentionnées de la même manière, ce qui laisse entendre que les requérantes sont toujours membres de l’entente.

203    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour prouver à suffisance la participation d’une entreprise à une entente, il suffit de démontrer que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur. Par conséquent, c’est bien la compréhension qu’ont les autres participants à une entente de l’intention de l’entreprise concernée qui est déterminante pour apprécier si cette dernière a entendu se distancier de l’accord illicite (voir arrêt du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, EU:C:2009:166, points 119 et 120 et jurisprudence citée).

204    Or, les allégations des requérantes quant à la réaction des membres de l’entente à la suite de leur prétendu retrait ne sont pas non plus convaincantes.

205    Ainsi, l’affirmation des requérantes selon laquelle M. R., le supérieur de M. J., de Nexans France, a demandé à celui-ci le numéro de GSM de M. D.‑J. pour convaincre ce dernier de revenir sur sa décision de quitter les réunions R n’est étayée par aucun élément de preuve.

206    De même, s’agissant de la réunion R du 3 mars 2004, il convient de relever que, dans un courriel de M. C., de Pirelli, du 26 février 2004 adressé à MM. J., de Nexans France, V., de Sagem et N., de Brugg Kabel, celui-ci a, après avoir précisé le lieu et la date de la réunion, demandé à M. J. s’il avait des nouvelles de M. D.‑J. S’il ne ressort pas de ce seul courriel que cette réunion était une réunion de « lancement » de projets de câbles électriques à haute tension dans l’EEE, cette affirmation est corroborée par les notes de M. J. relatives à cette réunion, qui mentionnent exclusivement des projets à réaliser dans l’EEE, à l’exclusion de projets à réaliser dans les « territoires d’exportation », et ne comportent pas de rubrique consacrée aux résultats de la dernière réunion A/R.

207    Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne peut pas être déduit du courriel de M. C. du 26 février 2004 que leur employé n’avait pas été invité à la réunion R du 3 mars 2004. De plus, la circonstance qu’un membre de l’entente demande au coordinateur s’il a des nouvelles des requérantes dans le contexte d’une discussion relative à l’organisation d’une réunion anticoncurrentielle laisse à penser que, de son point de vue, les requérantes étaient toujours perçues comme membres de cette entente.

208    Il est d’ailleurs indiqué dans les notes de M. J. relatives à une réunion qui s’est tenue le 1er mars 2004 avec le représentant d’ABB, durant laquelle plusieurs projets ont fait l’objet de discussions, ce qui suit :

« D/ BUTTENDIEK

[nkt cables] aimerait constituer un consortium entre Nexans France, nkt, et SK

Lot 2 36 kV SOUS-MARIN : 2 X CONNEXIONS INTEREOLIENNES sections d’environ 60 km.

Lot 1 150 kV SOUS-MARIN : 1 section entre éoliennes et terre interconnexion [sous-marine] 3X1200 sqmm 36 prévu sur 20/1 km)

LOT 3 : 150 kV 135km 1200sqmm. Échéance 10/1 (après prolongation d’une semaine). [Niveau de prix plancher] proposé par NXG : 67E/m pour partie terrestre et 69E/m pour partie immergée […].

Consortium 3G

Offre de [Pirelli] pour la partie terrestre

Offre d’[ABB])

Entrepreneurs impliqués.

[Niveau de prix plancher] proposé possibilité de partager ultérieurement le gros projet SM entre [Nexans France] et [ABB]. Échange de prix sur Intermill

ABB essaye d’être un entrepreneur global. »

209    Il ressort clairement des notes de M. J. relatives à une réunion qui s’est tenue le 1er mars 2004 avec le représentant d’ABB que les requérantes souhaitaient constituer un consortium avec Nexans France et un autre producteur pour participer à ce projet, car celui-ci nécessitait la pose de câbles électriques souterrains, mais également de câbles électriques sous-marins, que les requérantes ne produisaient pas. Il ressort également de ces notes que l’appel d’offres concernant ce projet devait être remporté par ledit consortium et que Pirelli et ABB devaient soumettre des offres, respectivement pour les câbles électriques souterrains et pour les câbles électriques sous-marins, en respectant le prix plancher proposé par Nexans France. Il convient de relever qu’il n’est à aucun moment précisé que les requérantes ne font plus partie de l’entente. Si c’était le cas, il n’y aurait pas de raison pour que Nexans France accepte de les faire bénéficier de l’arrangement concernant ce projet.

210    S’agissant du refus des requérantes de participer à la réunion R des 30 juin et 1er juillet 2004, il convient de relever d’emblée que le fait même qu’elles aient été invitées signifie qu’elles étaient toujours perçues par les autres membres de l’entente comme faisant partie de celle-ci. En outre, il importe de préciser que M. D.‑J. a répondu le 16 juin 2004 à l’invitation qui lui avait été adressée par M. J. de la façon suivante :

« Cher [M. J.]

Merci pour votre invitation mais nous ne participons pas.

Je pense que nous aurons une chance de nous voir au Cigre. À plus.

Meilleures salutations

[M. D.‑J.]. »

211    Il ressort du courriel de M. D.‑J. que celui-ci remercie M. J. pour son invitation, décline l’offre de participer à la réunion des membres R de l’entente des 30 juin et 1er juillet 2004 et exprime l’espoir de le rencontrer lors d’un congrès à venir. Le ton employé est cordial et le courriel ne comporte aucune référence à un refus général de participer aux réunions R ou à l’entente.

212    Le contenu de l’échange de courriels entre M. R. C., un employé de Pirelli, et M. J. du 24 juin 2004, relatif au refus des requérantes de participer à la prochaine réunion des membres R de l’entente, ne démontre pas davantage que celles-ci étaient perçues par les autres membres de l’entente comme s’étant retirées de celle-ci. En effet, dans ledit échange de courriels, M. R. C. a demandé à M. J. si « les autres » avaient confirmé leur présence à ladite réunion. M. J. a répondu, en substance, que tous avaient confirmé leur participation sauf M. D.‑J.

213    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le fait que M. J. a fait un jeu de mot avec le patronyme de M. D. en utilisant le terme « maudit » ne signifie pas nécessairement qu’il était mécontent du retrait de ce dernier, mais peut tout aussi bien s’expliquer par la circonstance que, étant chargé de la coordination de la « configuration européenne de l’entente », il devait s’assurer dans la mesure du possible que tous les membres R de celle-ci assistaient aux réunions.

214    De même, il ressort de l’agenda de la réunion R du 17 septembre 2004 que, sous le titre « Projets futurs », il est indiqué, notamment, ce qui suit :

« Islande 245 kv 20 Km : Préf pour [nkt cables] BAHREIN : AL EZZEL Siemens 220 kv S/S phase d’acquisition flexible INFORMATION ET RÉVISION avec [nkt cables] [Koweït] 132 Kv : Le prochain devrait être [Nexans] en fonction de la quantité. »

215    Il s’ensuit que, bien qu’il ne soit pas établi que les requérantes aient participé à la réunion R du 17 septembre 2004, les autres membres de l’entente avaient connaissance de la préférence qu’elles avaient émis concernant un projet à réaliser en Islande et continuaient de les considérer comme des membres de l’entente.

216    Dès lors, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel elles se seraient retirées de l’entente au cours de la période allant du 10 février 2004 au 10 décembre 2004 comme étant non fondé.

3)      Sur la période allant du 10 décembre 2004 au 17 février 2006

217    Les requérantes font valoir que, si un de leurs employés a effectivement participé à quatre réunions R à compter du 10 décembre 2004, ces réunions supplémentaires avaient uniquement pour objet l’échange d’informations générales sur le marché ainsi que sur les projets de câbles électriques à haute tension pour lesquels le résultat de l’appel d’offres était déjà officiellement connu, l’existence de nouveaux appels d’offres et d’appels d’offres imminents, et l’intérêt des participants auxdites réunions pour ces appels d’offres et non la répartition desdits projets, ce qui ressortirait des notes de M. J. Elles font observer que M. W., qui les représentait lors de ces réunions, a pris un soin particulier à éviter de divulguer des informations confidentielles sensibles, telles que les prix et leurs capacités, et de prendre des engagements. Elles font également valoir que, lorsque certains projets discutés lors des mêmes réunions ont fait l’objet d’une allocation, cette dernière a eu lieu lors de réunions distinctes auxquelles elles n’ont pas participé, au travers de correspondances ou de réunions bilatérales entre les membres de l’entente dont elles étaient exclues.

218    À cet égard, il convient de relever d’emblée que l’argumentation des requérantes repose sur la prémisse que, du 10 décembre 2004 au 17 février 2006, les participants à l’entente auraient radicalement changé de comportement, au point que les réunions R n’auraient plus eu comme objet de procéder à l’attribution de projets de câbles électriques à haute tension, mais simplement de s’informer sur l’existence d’appels d’offres et de la situation sur le marché en général. Or, cette explication est non seulement peu plausible, mais également contredite par les éléments de preuve dont disposait la Commission et auxquels font référence les requérantes.

219    En effet, d’une part, les requérantes n’expliquent pas pour quelle raison les membres R de l’entente auraient subitement cessé de procéder à l’attribution de projets de câbles électriques à haute tension lors de leurs réunions. Elles ne produisent pas non plus d’éléments de preuve relatifs à une telle décision. En outre, elles admettent elles-mêmes que les producteurs européens, qui étaient membres de l’entente, continuaient de s’informer lors de ces réunions de leurs intérêts mutuels quant aux appels d’offres sans expliquer pour quelle raison, autre que la volonté de trouver une sorte d’arrangement anticoncurrentiel, ces producteurs européens auraient révélé à leurs concurrents leur intérêt pour des projets de câbles électriques à haute tension spécifiques. Il convient d’ailleurs de relever que la communication à des concurrents de telles informations, qui relèvent de la stratégie commerciale de l’entreprise, constitue un comportement violant l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Il importe peu à cet égard que le représentant des requérantes se soit abstenu de donner des informations plus précises relatives aux prix ou aux capacités de celles-ci.

220    D’autre part, les éléments de preuve contredisent les allégations des requérantes. Ainsi, s’agissant de la réunion R du 10 décembre 2004, il est indiqué dans les notes de M. J., sous le titre « Situation and Orders on Pref. Projects », ce qui suit :

« [M. R.] [Nexans] :

230 kV HADEED SIEMENS 3 millions d’euros

ALGERIE Tizlitem 0,6 million d’euros

[M. R. C.] [Pirelli]

110 kV MACAO 0,6 million de dollars

Singapour NDC 47 attendu pour bientôt

Italie TURBIGHORO 400 kV attendu avant Noël

Italie 220 kV E APPEL D’OFFRES BIENTÔT

CLP [Hong-Kong] CADRE 1 million de dollars 132 kV

[…]

[nkt cables]

Aix-la-Chapelle

[…] »

221    Les requérantes font valoir que le projet situé à Aix-la-Chapelle (Allemagne) ne leur a pas été attribué lors de la réunion R du 10 décembre 2004, mais le 18 novembre 2004. Elles admettent donc implicitement que les projets mentionnés sous le titre « Situation and Orders on Pref. Projects » ont effectivement fait l’objet d’attribution lors de réunions R. De plus, elles ne font pas valoir que tous les autres projets mentionnés sous ce titre avaient également fait l’objet d’une attribution avant la réunion R du 10 décembre 2004.

222    Les requérantes n’expliquent pas davantage pourquoi les notes de M. J., relatives à la réunion des membres R de l’entente du 10 décembre 2004, mentionnent des préférences au sujet de futurs projets, par exemple celle demandée par Sagem pour un projet à réaliser en Chine. Dans ces conditions et eu égard au contexte, il est difficile de ne pas conclure que les discussions lors de cette réunion concernaient l’attribution de projets.

223    S’agissant de la réunion R du 15 mars 2005, il ressort des notes de M. J. que plusieurs projets ont fait l’objet de discussions (considérant 346 de la décision attaquée).

224    Sous le titre « Royaume-Uni/Irlande » au sujet du projet « 400 kV tender Beddington Rowdown 10km », il est indiqué ce qui suit :

« südkabel un challenger.

[nkt cables] accepte d’être dehors

Sagem vérifier la situation. »

225    De même, sous le titre « Pays-Bas », au sujet du projet « Essent » il est indiqué :

« [Brugg Kabel] invité pas agressif

[Pirelli] DIRIGE. [nkt cables] pour contacter sur place. »

226    Il est encore indiqué sous le titre « Belgique » :

« SIDMAR siemens : [Brugg Kabel], [Pirelli], [nkt cables]

[nkt cables] se montre intéressé par le projet récemment publié dans le journal des CE 70 kV près de la frontière allemande et 150 kV près de la frontière française). »

227    Il est également fait mention d’actions contre les « OUTSIDERS » et sur la façon d’obtenir une « protect[ion] en Allemagne », nkt cables devant se renseigner progressivement en ce qui concerne Südkabel.

228    Il est également indiqué, sous le titre « Situation et commandes pour les projets ayant fait l’objet d’une demande de préférence », que le projet « al ezzel power station » était pris par Brugg Kabel.

229    Il apparaît donc clairement que les discussions lors de cette réunion concernaient l’attribution de projets.

230    Les requérantes déclarent qu’elles ont soumis leur offre pour le projet « Sidmar » avant la réunion R du 15 mars 2005 et que celle-ci n’a pas été retenue. Cependant, il est établi que les membres de l’entente ont soumis des offres de couverture afin de manipuler les procédures de passation de marché [considérant 493, sous e), de la décision attaquée], ce dont les requérantes avaient connaissance ou devaient, à tout le moins, se douter, ainsi qu’il a été constaté aux points 171 à 174 ci-dessus. Il était donc courant que lesdits membres « perdent » lors desdites procédures et le fait que les requérantes n’ont finalement pas conclu le contrat relatif audit projet n’est pas un élément de nature à écarter leur participation à l’attribution de ce projet à un participant de l’entente. Un tel fait ne démontre pas davantage que le marché relatif au projet « Sidmar » a été attribué avant ladite réunion. Dès lors, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, les requérantes n’ont pas apporté d’éléments de nature à établir que, malgré les discussions au sein de l’entente en ce qui concerne l’attribution du projet concerné à un participant à l’entente, l’attribution par le pouvoir adjudicateur du marché relatif audit projet n’a pu être influencée par les comportements des membres de ladite entente.

231    En effet, il ressort des notes relatives à une réunion R du 12 mai 2005, mentionnée au considérant 348 de la décision attaquée, que le contrat relatif au projet « Sidmar » revêtait de l’intérêt pour Nexans France. Les requérantes suggèrent que Nexans France pouvait souhaiter être un sous-traitant, mais ne produisent aucune preuve à l’appui de cette interprétation. Or, même à supposer qu’il en soit ainsi, toute concurrence pour le rôle de sous-traitant était faussée si les membres de l’entente signalaient leur intérêt pour l’exercice d’un tel rôle.

232    Les requérantes affirment que M. J. a mal compris ce qui s’est dit lors de la réunion R du 12 mai 2005 au sujet du projet « 400 kV tender Beddington Rowdown 10 km », ce dont témoigne le fait qu’elles ont soumis une offre pour ce projet le 2 mai 2005 et ont finalement remporté l’appel d’offres relatif à ce projet, ce que la Commission ne conteste pas. Toutefois, il convient de relever que le malentendu en question ne portait pas sur l’objet de la discussion au sein de l’entente, à savoir l’attribution du projet en question, mais seulement sur la position des requérantes dans le cadre de cette attribution.

233    S’agissant de la réunion R du 12 mai 2005, il ressort des notes de M. J. que celle-ci a donné lieu à des discussions concernant un certain nombre de projets sous le titre « Situation sur les projets qui n’ont pas fait l’objet d’une demande de préférence et demande de préférence en cours d’examen ». Il y est par exemple indiqué, en ce qui concerne les requérantes, ce qui suit : « NKT SK : Danemark : NET AMBA », « IRELAND : 220 kV NKT ? BC [Brugg] present 10 km cable ??? SK, ABB », « Italy : Scandale PP, Gissi Abruzzo, Modugno, Aprilia. Moncalieri 220 kV [nkt cables] offered ».

234    Les requérantes font valoir que les projets à réaliser en Italie n’ont pas été attribués lors de la réunion R du 12 mai 2005, mais au travers de correspondances dont elles étaient exclues, ainsi qu’il ressort du considérant 414 sous d), de la décision attaquée, ce que la Commission ne conteste pas. La Commission fait observer que les requérantes ne font pas valoir que de telles attributions en dehors de toute réunion auraient eu lieu pour les projets à réaliser au Danemark et en Irlande. Les requérantes expliquent l’absence de preuve à cet égard par le fait que, soit les entreprises impliquées n’ont finalement pas procédé à une telle attribution, soit, si elles l’ont fait, les preuves ne se trouvaient pas dans le dossier de la Commission auquel les requérantes ont eu accès. Elles soutiennent également qu’elles ne sauraient supporter la charge de la preuve de l’existence de telles attributions.

235    À cet égard, il convient de relever que les requérantes n’ont pas fait valoir que tous les projets mentionnés dans les notes de M. J. ont fait l’objet d’attribution par la voie de correspondances ou de réunions bilatérales dont elles étaient excluent, mais que les projets mentionnés dans les notes de M. J. relatives à la réunion des membres R de l’entente du 12 mai 2005 n’avaient pas fait l’objet d’une attribution au cours de cette réunion et que, si une telle attribution avait eu lieu, elles n’y avaient pas participé. Il ne saurait donc leur être reproché de ne pas démontrer que tous les projets mentionnés dans lesdites notes ont fait l’objet d’une attribution en dehors de toute réunion.

236    Toutefois, dès lors qu’il a été démontré que des attributions de projets ont eu lieu lors des réunions R antérieures au 12 mai 2005, il y a lieu de considérer que les notes de M. J. suffisent, à elles seules, à démontrer que ladite réunion avait pour objet de discuter de l’attribution de projets, notamment dans l’EEE, tels que ceux à réaliser au Danemark et en Irlande.

237    S’agissant de la réunion R du 17 février 2006, à laquelle le représentant de nkt cables a assisté, il est indiqué dans les notes de M. J., sous la mention « Marchés européens » au sujet de l’Espagne, « [nkt cables] Action endesa mais règlement avec [General Cable] pour le futur ». De même, au sujet des Pays-Bas, il est indiqué « Maasvlakte [nkt cables] l’a pris avec combat contre [Südkabel] ». Il est également précisé, concernant le Royaume-Uni « Croydon 400 kV [nkt cables] Olympics 400 Kv ».

238    Les requérantes soutiennent, sans être contredites par la Commission, que la référence au projet à réaliser en Espagne correspond au fait, déjà mentionné au point 158 de leur réponse à la communication des griefs, qu’elles avaient remporté un appel d’offres soumis en janvier 2005 et que les représentants de Nexans France et de Pirelli avaient manifesté leur frustration à cet égard en les accusant d’avoir porté atteinte aux intérêts d’un tiers. Elles affirment en outre qu’elles n’auraient pas marqué leur accord pour procéder à quelque sorte de règlement que ce soit à ce sujet avec le tiers en question. De même, elles font valoir que la référence au projet à réaliser aux Pays-Bas ne correspond pas à une attribution, puisqu’elles avaient déjà remporté l’appel d’offres en cause et que cette information était publique. Elles expliquent également, sans être contredites par la Commission, que la référence au projet « Croydon 400 kV » était un rappel du fait qu’elles avaient remporté l’appel d’offres concerné le 8 février 2006, ce qui était également une information publique à l’époque. Enfin, elles expliquent, sans que cela soit davantage contesté par la Commission, que le projet « Olympics 400 kV » était un projet à venir qui était semblable au projet « Croydon 400 kV ».

239    Par ailleurs, les requérantes ne commentent pas, sous le titre « Questions générales », les mentions « Sécurité : petits courriels + petites com[munications] », « Difficulté de coordination : à l’intérieur de R et avec A (Demandé si 400, 220 possible), EX : Belgique, Espagne […] » et « Belgique : Contrat cadre : 70 kV à [Nexans France] et 150 kV [Sagem] ».

240    En revanche, concernant le projet futur à réaliser en Autriche, les requérantes indiquent, quant à la mention « gros projet à venir [Nexans France] [Pirelli] AB[B] », que ces entreprises étaient de possibles soumissionnaires.

241    À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ne peut pas être affirmé avec certitude, sur la base des notes de M. J. relatives à la réunion R du 17 février 2006, que le contrat cadre à exécuter en Belgique a effectivement été attribué à Nexans France et à Pirelli lors de cette réunion. En effet, sous le titre « Questions générales », il était indiqué au sujet de l’Espagne « [nkt cables] l’a pris », vraisemblablement en référence au projet « Endesa », qui peut laisser à penser qu’il s’agissait là d’un simple rappel d’informations publiques.

242    Toutefois, il convient d’observer que la mention de Nexans France, de Pirelli et d’ABB à côté de la référence à un gros projet futur à réaliser en Autriche démontre que, si l’attribution de ce projet n’était peut-être pas encore définitive, elle a au moins fait l’objet d’une discussion lors de la réunion R du 17 février 2006.

243    En outre, il y a lieu de relever que la thèse des requérantes selon laquelle elles étaient exclues des discussions relatives à l’attribution des projets de câbles électriques à haute tension au cours de la période allant du 10 décembre 2004 au 17 février 2006, comme en témoignent les discussions relatives à l’attribution du projet « Endesa » et à plusieurs projets à réaliser en Italie, est mise à mal par le constat que leur représentant avait également des contacts bilatéraux avec les autres membres R de l’entente. Dans un courriel adressé à M. J. le 7 octobre 2005, M. R. C., employé de Pirelli, a indiqué ce qui suit :

« [M. J.]

[M. W. de nkt cables] m’a appelé hier en fin d’après-midi. Parlant pour ne rien dire comme d’habitude. Toutefois j’ai compris qu’il a un problème avec toi dans le pays du “Poisson frit et [de la] bière” (?), et avec moi dans le pays du bœuf rôti.

Il se demandait si nous pouvions divonner dans un futur proche.

Qu’en pensez-vous ?

Cela pourrait être aussi une opportunité pour tenir une préréunion [Nexans France/Pirelli] officielle/non officielle.

Faites le moi savoir.

[…] »

244    Il ressort ainsi du courriel de M. R. C. du 7 octobre 2005 qu’un employé des requérantes avait demandé la convocation d’une réunion R des membres R de l’entente à Divonne-les-Bains (France), car il avait des « problèmes » avec Prysmian et Nexans France dans certains pays.

245    Les requérantes soutiennent que leur employé en question « pourrait avoir mentionné » tout au plus qu’elles avaient dû faire face à une forte concurrence ou avaient perdu un projet, mais démentent qu’il ait pris part à des discussions approfondies ou à l’attribution de projets, ce dont témoignerait le fait que M. R. C. ait indiqué que, « comme d’habitude, il parlait pour ne rien dire ». De plus, elles font valoir que la demande visant à ce qu’une réunion soit organisée à Divonne-les-Bains n’est pas nécessairement liée à ces problèmes, ce qui ressortirait de l’absence de l’emploi d’un adverbe causal pour lier les deux passages du courriel de M. R. C. du 7 octobre 2005.

246    Toutefois, l’argumentation des requérantes à cet égard n’est pas convaincante. En effet, d’une part, il ressort clairement du courriel de M. R. C. du 7 octobre 2005 que la demande d’un employé des requérantes d’organiser une réunion à Divonne-les-Bains est liée aux problèmes qu’il rencontrait avec Nexans France et Prysmian dans certains pays et qu’il souhaitait vraisemblablement évoquer lors de cette réunion. Il convient en effet de relever que M. R. C. n’explicite pas les problèmes en question, mais demande toutefois l’avis de M. J., comme le montre l’emploi de l’expression « Qu’en pensez-vous ? ». Si la demande d’organiser une réunion R n’était pas liée aux problèmes évoqués, il est raisonnable de penser que M. R. C. aurait explicité la nature de ces problèmes. D’autre part, les requérantes n’expliquent pas pour quelle raison leur employé aurait sollicité l’organisation d’une telle réunion à Divonne-les-Bains. Si elles avaient peur d’être confrontées à une vive concurrence ou de perdre des projets, il est peu probable que la demande de réunion avec tous ces concurrents soit innocente. Dans la réplique, elles tentent de faire valoir qu’en fait ce n’était pas leur employé en question qui avait un problème avec Nexans France et Pirelli dans certains pays, mais ceux-ci qui avaient un problème avec le fait qu’elles leur faisaient concurrence. Cette interprétation semble contraire au récit de la conversation téléphonique effectué par M. R. C., qui précise qu’il comprend que celui-ci ait un problème. En outre, si Nexans France et Prysmian avaient un problème avec les requérantes, car elles estimaient que celles-ci leur faisaient concurrence dans certains territoires, il aurait été plus logique que ce soit un employé de Nexans France ou de Prysmian qui contacte les requérantes et non l’inverse. Au demeurant, même dans l’hypothèse où cette interprétation devrait être retenue, cela n’explique pas pourquoi l’employé des requérantes demandait l’organisation d’une réunion R.

247    Les requérantes admettent en outre que le courriel de M. J. du 15 décembre 2005, mentionné au considérant 372, sous u), de la décision attaquée, qui a été adressé à M. R. C., pourrait laisser penser qu’un projet leur a effectivement été attribué entre le 10 décembre 2004 et le 17 février 2006. Dans ce courriel, M. J. déclare avoir parlé avec MM. N., employé de Brugg Kabel et W., employé des requérantes et ajoute qu’« ils semblent être convenus entre eux de transférer le [projet “Siemens Livorno 400 kV 2500 sqmm 6km”] à [nkt cables] » et qu’il « [respectera] ce choix à moins que vous ne me donniez d’autres directives ».

248    Les requérantes prétendent que, en réalité, il n’y a pas eu d’attribution du projet « Siemens Livorno 400 kV 2500 sqmm 6km ». Elles soutiennent avoir soumissionné pour ledit projet sans savoir qu’il avait fait l’objet d’une attribution préalable au profit de Brugg Kabel, lors de la réunion R du 3 mars 2004 à laquelle leur représentant n’avait pas assisté. Selon elles, leur employé, M. W., se souvient avoir été contacté par M. J. au sujet de ce projet et lui avoir indiqué que leur offre avait déjà été soumise et qu’elles pensaient avoir de grandes chances d’obtenir le projet concerné. Elles résument la situation en indiquant qu’elles avaient involontairement perturbé une attribution décidée par d’autres, mais qu’elles n’avaient alors pas l’intention de retirer leur offre. Selon elles, le courriel de M. J. du 15 décembre 2005 serait une tentative de présenter la situation comme résultant d’un accord entre elles et Brugg Kabel afin de calmer M. R. C., qui aurait été irrité par leur comportement. Les requérantes font également valoir que cette interprétation est confortée par la circonstance que ledit courriel est postérieur à la soumission de leur offre intervenue le 3 novembre 2005 et par le fait que M. J. a demandé à Brugg Kabel le 13 mars 2006 si elle avait reçu la commande pour le projet « Livourne » et que M. K., un employé de Brugg Kabel, a répondu qu’elle avait perdu et qu’il se demandait si les requérantes avaient gagné.

249    À cet égard, il convient de relever que les notes de M. J. relatives à la réunion R du 3 mars 2004, à laquelle les requérantes n’ont pas participé, mentionnent plusieurs projets à réaliser en Italie, dont le projet « Guidonia P/P 2500 sqmm 6km 400kV » et le projet « Siemens Livorno 400 kV 2500 sqmm 6km », la mention de ce dernier étant accompagnée de la précision « en principe pour [Brugg Kabel] ». Or, il ressort de la lecture de la correspondance échangée entre M. J. et M. N. de Brugg Kabel, en décembre 2005, qu’il s’agissait en fait d’un seul et même projet, « Guidonia = Livorno », pour lequel la préférence avait bien été initialement accordée à Brugg Kabel. Il ressort également de cette correspondance que, à cette époque, Brugg Kabel n’avait pas encore soumis une offre, puisqu’elle se plaignait de devoir le faire alors que tous les autres soumissionnaires avaient d’ores et déjà transmis leur offre. Dans le même temps, il n’est pas contesté par la Commission que, à cette date, les requérantes avaient déjà soumis leur offre. Celles-ci soutiennent que, lors de la soumission de leur offre, elles n’avaient pas connaissance du fait que Brugg Kabel avait obtenu la préférence pour ce projet, ce qui est plausible car leur représentant n’avait pas assisté à ladite réunion. Cela rend également plausible le fait que M. J. ait, en réponse aux préoccupations exprimées par Brugg Kabel et conformément à son rôle de coordinateur, contacté les requérantes au mois de décembre 2005 pour leur demander de respecter la préférence dont devait bénéficier Brugg Kabel sur ce projet, ce que les requérantes auraient refusé de faire. Celles-ci l’indiquent d’ailleurs assez clairement dans la requête en indiquant qu’elles avaient involontairement perturbé l’attribution décidée par d’autres et qu’elles refusaient de retirer leur offre. Ce qui s’est passé après est plus incertain. La Commission soutient que Brugg Kabel et les requérantes se sont accordées pour transférer le projet en question à ces dernières. Les requérantes soutiennent pour leur part qu’un tel accord n’a jamais existé et que M. J. a simplement cherché à apaiser Prysmian. Il convient de relever que, pour qu’un tel accord fonctionne, il fallait que Brugg Kabel fasse une offre moins intéressante que celle de nkt cables. Or, cela restait possible, car Brugg Kabel n’avait pas encore soumis d’offre. L’existence d’un tel accord expliquerait de façon plausible le contenu du courriel de M. J. du 15 décembre 2005. Il est en effet difficile de comprendre pourquoi M. J. aurait menti à cet égard à M. R. C., dans la mesure où, d’une part, celui-ci aurait facilement pu découvrir la vérité et, d’autre part, M. J. et M. C. n’hésitaient pas à critiquer vivement dans leurs échanges le comportement des membres de l’entente quand celui-ci ne leur plaisait pas, comme on a pu le voir au sujet du retrait de M. D.‑J. (voir point 212 ci-dessus).

250    En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’existence d’un accord pour transférer le projet « Siemens Livorno 400 kV 2500 sqmm 6km » à celles-ci n’est pas contredite par le fait que M. J. a ultérieurement demandé au représentant de Brugg Kabel si celle-ci avait obtenu le projet « italien ». Il ressort des courriels échangés les 13 et 22 mars 2006 entre M. K., un employé de Brugg Kabel, et M. J. que ce dernier cherchait à obtenir des informations sur la situation de plusieurs appels d’offres dont ledit projet et que M. K. a indiqué à cet égard « Livorno lost ([nkt cables] ?) ». Or, d’une part, il convient de rappeler que, outre nkt cables, Brugg Kabel et Nexans France, qui étaient membres de l’entente, les soumissionnaires pour ce projet comprenaient au moins une entreprise tierce, comme cela était indiqué dans les notes de M. J. relatives à la réunion R des membres R de l’entente du 3 mars 2004. D’autre part, même si les membres de l’entente étaient censés fournir des offres de couverture, l’appréciation des qualités relatives de ces offres et la décision finale revenaient au client, de sorte que les efforts de coordination des membres de l’entente pouvaient ne pas suffire pour remporter un appel d’offres.

251    Toutefois, bien que le courriel de M. J. du 15 décembre 2005 puisse être interprété dans le sens que le projet « Siemens Livorno 400 kV 2500 sqmm 6km » avait été attribué aux requérantes, en l’absence d’autres éléments de preuve relatifs, en particulier, aux contacts bilatéraux entre Brugg Kabel et les requérantes lors desquels un accord sur l’attribution dudit projet aurait été conclu, force est de constater qu’il n’est pas possible d’aboutir à une conclusion définitive à cet égard.

252    Il n’en demeure pas moins qu’il ressort de l’examen des notes relatives aux réunions R organisées entre le 10 décembre 2004 et le 17 février 2006 effectué aux points 220 à 242 ci-dessus que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les requérantes avaient effectivement participé à des réunions lors desquelles des projets de câbles électriques à haute tension à réaliser dans l’EEE avaient été attribués.

253    Il convient par conséquent de rejeter la quatrième branche du présent moyen.

g)      Sur l’absence de participation au contrôle de la mise en œuvre des accords sur les prix et l’attribution ou de sa connaissance, par le biais de l’échange de feuilles de position, d’informations sur le marché et de l’instauration d’obligations de notification

254    Les requérantes soutiennent qu’elles ne peuvent pas avoir participé aux pratiques visant à contrôler la mise en œuvre des accords sur les prix et les attributions ou en avoir eu connaissance, dans la mesure où elles n’ont pas participé à ces accords et n’en avaient pas connaissance. Au demeurant, elles font valoir que la Commission ne démontre pas qu’elles ont participé à ces pratiques ou en ont eu connaissance, qui consistaient dans l’échange de feuilles de position et l’instauration d’obligations de notification au sujet des projets de câbles électriques souterrains à haute tension à réaliser au sein de l’EEE.

255    À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela a été constaté dans le cadre de l’examen des deuxième et troisième branches du présent moyen, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la Commission a considéré à bon droit qu’elles avaient participé à l’attribution de projets individuels de câbles électriques à réaliser dans l’EEE et qu’elles avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance des accords sur les prix.

256    Deuxièmement, il importe de souligner que les pratiques consistant dans l’échange de feuilles de position et d’informations sur le marché et l’établissement d’obligations de notification mentionnées au considérant 493, sous h), de la décision attaquée ne relèvent pas des caractéristiques essentielles de l’infraction unique et continue au sens de la jurisprudence citée au point 168 ci-dessus, de sorte que la Commission n’était pas tenue de démontrer que les requérantes y avaient participé ou en avaient connaissance.

257    Au demeurant, il ressort des notes de M. J., citées au considérant 296 de la décision attaquée, relatives à la réunion R du 10 février 2004, à laquelle les requérantes ne contestent pas avoir participé, que cette réunion avait pour objet, notamment, les « FP [feuilles de position]/Parts » ainsi que l’« obligation de signaler : entretenir une liste : EURO s/s à 400 kV et 200 kV ».

258    La cinquième branche du présent moyen doit donc être rejetée.

259    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter l’ensemble du troisième moyen comme étant non fondé.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation de la Commission quant à la durée de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue

260    Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas démontré leur participation à l’entente de façon continue du 3 juillet 2002 au 17 février 2006. En particulier, elles soutiennent qu’il n’existe aucune preuve démontrant qu’elles ont eu connaissance d’accords anticoncurrentiels au sein de l’EEE entre le 3 juillet 2002 et le 10 février 2004 et qu’elles n’ont participé à aucune attribution de projet dans le cadre des réunions R à compter de cette dernière date.

261    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

262    À cet égard, il y a lieu de relever que les allégations des requérantes quant à la durée de leur participation à l’entente doivent être écartées pour les mêmes motifs que ceux développés dans le cadre de l’examen de la cinquième branche du troisième moyen. Partant, il convient de rejeter le présent moyen comme non fondé.

263    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les requérantes n’ont pas démontré l’existence d’irrégularités commises par la Commission justifiant l’annulation de la décision attaquée en ce qui les concerne.

264    L’examen des moyens présentés par les requérantes n’ayant révélé aucune illégalité affectant la décision attaquée, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dans leur totalité.

B.      Sur les conclusions visant à la réduction du montant de l’amende infligé

265    Avant d’examiner les conclusions des requérantes visant à obtenir une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, il convient de rappeler que le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée. Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, EU:C:2011:816, points 130 et 131).

266    À l’appui des conclusions visant à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, les requérantes soulèvent un moyen unique, qui se compose, en substance, de cinq branches. La première branche concerne l’absence de prise en compte de la participation limitée des requérantes à l’entente. La deuxième branche est relative à la prise en compte dans la valeur des ventes attribuées aux requérantes des ventes de câbles électriques de 110 kV. La troisième branche concerne l’appréciation de la gravité du comportement des requérantes dans le cadre de laquelle la Commission aurait manqué de tenir compte de la participation limitée des requérantes à l’entente et violé le principe d’égalité de traitement. La quatrième branche est prise d’une erreur commise par la Commission dans la fixation du coefficient relatif à la durée de la participation des requérantes à l’entente. La cinquième branche est prise d’une erreur de la Commission dans l’appréciation de l’existence de circonstances atténuantes pour les requérantes.

1.      Sur la participation limitée des requérantes à l’entente

267    Les requérantes soutiennent qu’elles n’ont pas participé et n’avaient pas connaissance de toutes les activités constituant l’infraction unique et continue décrite dans la décision attaquée. Leur comportement aurait été limité aux activités décrites au point 648 de ladite décision, à savoir « la notification et la discussion de projets [de câbles électriques souterrains à haute tension] dans l’EEE [pour lesquels] les parties n’[ont] pas procédé à [une] attribution formelle ». En conséquence, le montant de l’amende qui leur a été infligée devrait être réduit.

268    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

269    À cet égard, il convient de relever que les arguments des requérantes visant à démontrer qu’elles n’avaient pas participé à certains éléments de l’infraction unique et continue ou n’en avaient pas eu connaissance, ou qu’elles ne pouvaient pas prévoir les comportements anticoncurrentiels des autres membres de l’entente, auxquels la Commission a admis qu’elles n’avaient pas participé, mais qu’elles s’étaient limitées à notifier et à discuter de projets de câbles électriques souterrains dans l’EEE sans procéder à leur attribution formelle, ont tous été rejetés dans le cadre de l’examen du troisième moyen.

270    Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient faire grief à la Commission de ne pas avoir réduit le montant de l’amende pour tenir compte de ce qu’elles ne pouvaient pas être tenues pour responsables de tous les éléments de l’infraction unique et continue décrits dans la décision attaquée.

2.      Sur la valeur des ventes

271    Les requérantes soutiennent que le montant de base de l’amende devrait exclure leur chiffre d’affaires pour les câbles électriques de 110 kV. Elles font valoir, à l’appui de cette allégation, que les autres membres de l’entente ont violé le droit de la concurrence concernant cette classe de tension, mais qu’elles n’ont pas pris part à cet aspect de l’infraction. Elles allèguent également que le chiffre d’affaires réalisé pour les petits projets de câbles électriques ou les projets de consortium devrait être exclu du calcul de la valeur des ventes, car ces projets ne seraient pas couverts par l’entente. Il en irait de même du chiffre d’affaires correspondant aux câbles électriques vendus séparément (« ventes pures »).

272    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

273    À cet égard, il convient de relever que, ainsi que cela a été constaté aux points 176 et 177 ci-dessus, l’entente incluait les ventes de câbles électriques d’une tension de 110 kV. Il aurait donc été contraire au paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, tel qu’interprété dans l’arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission (C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464), et dans l’arrêt du 12 décembre 2014, H & R ChemPharm/Commission (T‑551/08, EU:T:2014:1081), d’exclure le chiffre d’affaires correspondant aux ventes de câbles électriques d’une tension de 110 kV du calcul du montant de base de l’amende. Il en va de même des petits projets de câbles électriques ou des projets de consortium, dès lors que la Commission a estimé à bon droit que l’entente n’excluait aucune catégorie spécifique de ventes.

274    S’agissant des ventes de câbles électriques « pures », c’est-à-dire des câbles électriques vendus en dehors de tout projet, il suffit de relever, à l’instar de la Commission, que les requérantes admettent elles-mêmes ne pas avoir réalisé de telles ventes en 2004, année de référence pour le calcul du montant de base de l’amende qui leur a été infligée, de sorte que, même si cet argument était fondé, il n’aurait pas entraîné un nouveau calcul du montant de base en l’espèce.

3.      Sur l’appréciation de la gravité du comportement des requérantes dans le calcul de l’amende

275    Les requérantes font valoir que la proportion de la valeur des ventes à retenir pour le calcul de l’amende infligée aux requérantes de 19 %, d’une part, ne reflète pas la circonstance qu’elles n’ont pris part qu’à une partie très limitée de l’infraction unique et continue décrite dans la décision attaquée, ainsi que la Commission l’a elle-même admis dans ladite décision, et, d’autre part, constitue une violation du principe d’égalité de traitement compte tenu du pourcentage retenu pour des grands producteurs japonais.

276    Les requérantes font également grief à la Commission de ne pas avoir distingué, pour la prise en compte de la part de marché cumulée, la situation sur le marché des câbles électriques sous-marins à haute tension, pour lequel les grands producteurs et ABB constituaient à eux seuls la totalité de l’offre, et celle du marché des câbles électriques souterrains à haute tension, pour lequel les membres de l’entente n’ont jamais couvert la totalité de l’offre, contrairement à ce qui est constaté dans la décision attaquée.

277    Les requérantes font encore grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la circonstance que les accords relatifs aux câbles électriques sous-marins à haute tension couvraient l’ensemble de l’EEE, alors que ceux relatifs aux câbles électriques souterrains à haute tension avaient une portée plus locale et plus ponctuelle. Elles font enfin grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que l’infraction qui leur était reprochée avait un effet anticoncurrentiel beaucoup plus limité que celui de l’infraction commise par ceux qui avaient participé à la mise en œuvre de la totalité de l’infraction unique et continue décrite dans la décision attaquée.

278    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

279    Premièrement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission a porté atteinte au principe d’égalité de traitement en retenant à l’égard des producteurs européens une proportion de la valeur des ventes pour le calcul de l’amende à infliger aux membres R de l’entente de 19 %, alors qu’elle n’a retenu qu’une proportion de la valeur des ventes pour le calcul de l’amende à infliger aux membres A de l’entente de 17 %, il convient de rappeler que, à chaque fois que la Commission décide d’imposer des amendes en vertu du droit de la concurrence, elle est tenue de respecter les principes généraux de droit, parmi lesquels figure le principe d’égalité de traitement tel qu’il est interprété par les juridictions de l’Union. Ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 27 juin 2012, Bolloré/Commission, T‑372/10, EU:T:2012:32519, point 85 et jurisprudence citée, et du 19 janvier 2016, Mitsubishi Electric/Commission, T‑409/12, EU:T:2016:17, point 108 et jurisprudence citée).

280    En ce qui concerne l’appréciation de la gravité du comportement des entreprises européennes par rapport à celle du comportement des entreprises asiatiques, notamment les entreprises japonaises, il convient de rappeler que la Commission a qualifié l’infraction visée par la décision attaquée d’infraction unique et continue composée de deux configurations, à savoir la « configuration A/R de l’entente » et la « configuration européenne » de ladite entente. La première de ces configurations comportait, d’une part, un accord sur le « territoire national » en vertu duquel les entreprises japonaises et sud-coréennes se sont engagées à quitter le « territoire national » européen, réservé aux membres R de l’entente, en échange d’un engagement réciproque de ces derniers de quitter le « territoire national » japonais et sud-coréen, et, d’autre part, un partage des projets localisés dans la majeure partie du reste du monde, appelée « territoires d’exportation ». La seconde de ces configurations visait à partager entre les membres R de l’entente les projets localisés dans le « territoire national » européen et les projets attribués auxdits membres dans les « territoires d’exportation » (voir point 12 ci-dessus).

281    Les raisons pour lesquelles la Commission a estimé que les deux configurations de l’entente faisaient partie d’une seule infraction sont exposées aux considérants 527 à 619 de la décision attaquée. Dans ce cadre, en ce qui concerne la condition de l’existence d’un même but unique reliant lesdites configurations de l’entente, au considérant 534 de ladite décision, la Commission a constaté ce qui suit :

« La configuration européenne de l’entente (ainsi que l’attribution entre les entreprises asiatiques) était subordonnée à l’accord global et lui donnait effet. En effet, lors [des réunions R], le coordinateur européen relayait les discussions qui avaient lieu lors des réunions A/R. Pour ce faire, les parties organisaient souvent des réunions R peu après les réunions A/R […]. De plus, lors des réunions R, les parties exprimaient leur intérêt pour des projets dans les territoires d’exportation, projets qui devaient être discutés lors des réunions A/R. De même, les parties participant aux réunions A/R étaient informées des principales discussions dans la configuration européenne de l’entente […]. Ainsi, la configuration européenne de l’entente faisait partie intégrante du plan global. »

282    La Commission a tenu la plupart des entreprises japonaises et sud-coréennes pour responsables de la participation à l’intégralité de l’entente, y compris à sa « configuration européenne ». En particulier, elle a reconnu, pour la totalité de l’entente, la responsabilité des entreprises japonaises regroupées dans le noyau dur de l’entente, c’est-à-dire Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et leur entreprise commune J‑Power Systems ainsi que Furukawa Electric, Fujikura et leur entreprise commune Viscas.

283    Cependant, au considérant 537 de la décision attaquée, la Commission a nuancé le niveau de participation des différentes entreprises. Elle a considéré, en effet, ce qui suit :

« Le noyau dur des participants à l’entente (Nexans, Pirelli/Prysmian, Furukawa Electric, Fujikura et Viscas, Sumitomo [Electric Industries], Hitachi [Cable] et [J‑Power Systems]) était le même pour les câbles [électriques souterrains et sous-marins] et appliquait à la fois l’[accord sur le] territoire national et l’accord sur l’attribution des projets dans les territoires d’exportation. Tandis que pour des raisons objectives les entreprises japonaises et [sud-coréennes] n’étaient pas impliquées dans la configuration européenne de l’entente, Nexans et Pirelli/Prysmian étaient actives dans les deux. »

284    C’est en partant de ce constat que la Commission a conclu, au considérant 999 de la décision attaquée, visé par les arguments des requérantes, que l’infraction commise par les entreprises européennes devait être considérée comme plus grave que celle commise par les entreprises japonaises et que donc, en raison de leur implication dans la « configuration européenne de l’entente », la proportion de la valeur des ventes réalisées par les entreprise européennes, retenue pour le calcul du montant de base de l’amende qui devait leur être infligée, devait être augmentée de 2 %.

285    À cet égard, il y a lieu de considérer que le fait que, comme le laissent entendre les requérantes, la participation des entreprises japonaises ait été semblable à celle des entreprises européennes en ce qui concerne la participation dans la « configuration européenne de l’entente », même à le supposer avéré, n’est pas de nature à mettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la répartition des projets au sein de l’EEE constituait un élément supplémentaire qui méritait d’être sanctionné par un pourcentage additionnel au titre de la gravité de l’infraction.

286    En effet, d’une part, il convient de relever que, outre la « configuration A/R de l’entente » au sein de laquelle les entreprises européennes et asiatiques se sont accordées notamment pour ne pas pénétrer dans leurs « territoires nationaux » respectifs, les producteurs européens, y compris les requérantes, se sont répartis les différents projets de câbles électriques attribués aux membres R de l’entente. En particulier, ainsi qu’il ressort du considérant 73 de la décision attaquée, une telle répartition a concerné tant l’attribution des projets dans les « territoires d’exportation », opérée dans le cadre de la « configuration A/R de l’entente », que l’attribution des projets revenant aux membres R de ladite entente conformément à l’accord sur le « territoire national », c’est-à-dire les projets à réaliser sur le « territoire national » européen. D’autre part, il convient de relever que, même si la répartition au sein de la « configuration A/R de l’entente » et la répartition des projets au sein de la « configuration européenne » de ladite entente étaient étroitement liées, comme la Commission l’explique au considérant 534 de la décision attaquée, cette dernière configuration a impliqué, en l’espèce, un engagement supplémentaire de répartition des projets qui allait au-delà des règles d’attribution existantes dans la « configuration A/R de l’entente ».

287    En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne fait aucun doute que le partage des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension au sein de la « configuration européenne de l’entente » a renforcé l’atteinte à la concurrence causée dans l’EEE par la « configuration A/R de ladite entente ».

288    Il était dès lors justifié, comme la Commission le soutient, que l’appréciation de la gravité du comportement de producteurs participant à la « configuration européenne de l’entente », en particulier les producteurs européens, reflète le préjudice supplémentaire causé à la concurrence au sein de l’EEE.

289    Partant, l’argument des requérantes selon lequel, en substance, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en retenant à l’égard des producteurs européens une proportion de la valeur des ventes pour le calcul de l’amende à infliger aux membres R de l’entente de 19 %, alors qu’elle n’a retenu qu’une proportion de la valeur des ventes pour le calcul de l’amende à infliger aux membres A de ladite entente de 17 %, alors même que la participation des entreprises japonaises a été semblable à celle des entreprises européennes en ce qui concerne la participation dans la « configuration européenne » de cette entente, doit être rejeté comme inopérant.

290    En effet, un tel argument, à le supposer fondé, serait de nature à justifier l’augmentation du pourcentage de la valeur des ventes retenu à l’encontre des entreprises japonaises. En revanche, cette circonstance est dépourvue de pertinence quant à la proportion de la valeur des ventes retenue à l’égard des requérantes pour tenir compte de la gravité de leur comportement, dès lors que le principe d’égalité de traitement ne saurait fonder aucun droit à l’application non discriminatoire d’un traitement illégal (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, EU:T:2002:209, point 479).

291    Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission a omis à tort de tenir compte du fait qu’elles avaient participé à une infraction plus limitée que celle à laquelle les autres participants à l’entente avaient participé, il convient de relever, d’une part, que, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen du troisième moyen, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que, dès lors que les requérantes avaient participé à certains éléments de l’entente et qu’elle avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance des autres éléments de l’entente, elles pouvaient être tenues responsables de l’ensemble de l’infraction unique et continue telle que définie dans la décision attaquée. D’autre part, la Commission a effectivement tenu compte de la participation des requérantes par rapport à celle des autres participants à l’entente dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, en estimant que, les effets anticoncurrentiels de la « configuration A/R de l’entente » étant renforcés par la « configuration européenne de l’entente », la circonstance qu’elles avaient participé à ces deux configurations justifiait un pourcentage supplémentaire de 2 % dans le cadre de la proportion de la valeur des ventes à retenir pour le calcul de l’amende qui devait leur être infligée.

292    Pour autant que l’argument des requérantes doive être interprété comme faisant grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte que leur participation était substantiellement limitée dans le cadre du calcul de l’amende, force est de constater que celui-ci manque en fait, la Commission ayant considéré, dans le cadre de l’appréciation des circonstances atténuantes, que leur degré d’implication les distinguait des membres du noyau dur de l’entente et était suffisant pour les qualifier d’acteurs marginaux et leur ayant, en conséquence, accordé une réduction de 10 % du montant de l’amende.

293    Troisièmement, s’agissant du pourcentage supplémentaire de 2 % dans le cadre de la proportion de la valeur des ventes à retenir pour le calcul de l’amende qui devait leur être infligée qui a été appliqué en ce qui concerne les requérantes en raison de la part de marché cumulée et de la portée géographique de l’infraction, il convient de relever que la Commission a conclu, au considérant 1003 de la décision attaquée, que les membres de l’entente représentaient les principaux opérateurs et couvraient presque l’intégralité du marché. Or, les requérantes ne produisent aucun élément de preuve de nature à remettre en cause l’exactitude de cette conclusion. En tout état de cause, le paragraphe 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 impose à la Commission de tenir compte de « la part de marché cumulée de toutes les parties concernées ». Les requérantes ne donnent aucune raison de considérer que les membres de l’entente ne représentaient pas une forte proportion du marché. Cela, combiné à la vaste portée géographique de l’entente, justifiait les 2 % supplémentaires visés aux considérants 1003 et 1004 de ladite décision.

294    Les requérantes prétendent ne pas avoir eu la possibilité de formuler des observations sur les faits invoqués par la Commission dans la décision attaquée quant aux parts de marché cumulées. Toutefois, force est de constater que, au point 791 de la communication des griefs, il est indiqué explicitement que la Commission tiendrait compte des parts de marché. En outre, aux points 91 et 92 de ladite communication, citant des documents d’ABB, de Prysmian et de Nexans France qui font état de parts de marché très importantes tant pour les câbles électriques souterrains que pour les câbles électriques sous-marins, est abordée la question des parts de marché. Ainsi, cette communication a fourni aux requérantes des informations sur l’importance des parts de marché. Contrairement à ce qu’elles soutiennent, les requérantes ont donc eu l’opportunité de formuler des observations sur les parts de marché dans leur réponse à la communication en question.

295    En outre, les requérantes contestent certains éléments factuels qui étaient cités dans les notes en bas de page nos 38 à 40 de la décision attaquée afin de démontrer que les destinataires de ladite décision représentaient une part importante du marché. Les critiques des requérantes n’apparaissent toutefois pas de nature à démontrer que la Commission a commis une erreur de fait dans l’appréciation des parts de marché cumulées.

296    Ainsi, pour prouver que le marché des câbles électriques sous-marins à haute tension et souterrains à haute tension était limité, la note en bas de page no 38 de la décision attaquée mentionnait quatre faits, dont une liste de membres de la Fédération internationale des fabricants de câbles électriques. Les requérantes affirment que les fournisseurs n’étaient pas tous membres de cet organisme, mais, ainsi que le relève la Commission, elles ne fournissent aucune preuve concernant la part de marché détenue par les non-membres.

297    La note en bas de page no 39 de la décision attaquée cite des éléments de preuve indiquant que, dans certains grands États membres, deux ou trois producteurs représentent la majorité du marché. Les requérantes font valoir que cette note en bas de page inverse les parts de marché en Italie et en Allemagne. Toutefois, cela ne change rien au fait que, sur les deux marchés, les destinataires de ladite décision représentent la grande majorité des ventes.

298    Dans la note en bas de page no 40 de la décision attaquée, la Commission cite cinq éléments de preuve, dont un rapport, afin d’établir que les destinataires étaient considérés comme des leaders sur le marché. Les requérantes soutiennent que les chiffres figurant dans ce rapport ne concernent que les câbles électriques sous-marins. Toutefois, force est de constater que cette assertion est erronée. La page 96 dudit rapport identifie les principaux acteurs sur le marché des câbles électriques sous-marins mais aussi sur le marché des « câbles de distribution », qui sont des câbles électriques souterrains. En outre, les chiffres cités aux points 91 et 92 de la communication des griefs couvrent tant les câbles électriques souterrains que les câbles électriques sous-marins, à l’instar des documents mentionnés dans ladite note en bas de page.

299    Dans la réplique, les requérantes font valoir que moins de la moitié des dix soumissionnaires à un appel d’offres islandais relatif à des câbles électriques de 245 kV assistaient aux réunions des membres R de l’entente, ce qui démontrerait l’importance relative des fournisseurs ne participant pas à l’entente au sein du segment des câbles électriques souterrains à haute tension. Toutefois, il ne saurait être tiré de ce seul exemple des conclusions quant à la situation sur l’ensemble du marché dans l’EEE lors de la période au cours de laquelle l’entente a été mise en œuvre.

300    Il s’ensuit que les requérantes ne démontrent pas que la Commission a commis une erreur quant à l’estimation de la part cumulée détenue par les participants à l’entente dans l’EEE.

301    Quatrièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû tenir compte du fait que la portée géographique de l’entente différait pour les câbles électriques souterrains et les câbles électriques sous-marins, il convient de relever qu’elles n’apportent aucun élément de preuve à cet égard.

302    En outre, cet argument repose sur la prémisse selon laquelle l’infraction en cause peut être scindée, ce qui revient à remettre en cause l’existence d’une infraction unique et continue. Or, il y a lieu de rappeler que cette argumentation présentée dans la première branche du troisième moyen a été rejetée comme étant non fondée.

303    Cinquièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas, à tort, tenu compte de l’effet concurrentiel potentiel beaucoup plus limité de l’infraction qu’elles ont commise, qui justifierait de limiter le pourcentage de gravité retenu à leur égard, il convient de relever que cette circonstance relève de celles que la Commission est tenue de prendre en compte au titre de l’appréciation de l’existence de circonstances atténuantes, conformément au paragraphe 29 des lignes directrices sur le calcul des amendes de 2006, et non de l’appréciation de la gravité de l’infraction en elle-même.

304    Par conséquent, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation quant à la gravité de l’infraction en fixant la proportion de la valeur des ventes à retenir pour le calcul de l’amende infligée aux requérantes à 19 %.

4.      Sur le coefficient relatif à la durée de la participation des requérantes à l’infraction

305    Les requérantes font grief à la Commission d’avoir appliqué un coefficient de 3,58 pour la durée de leur participation à l’infraction qui ne tient pas compte de ce que leur participation à une infraction est, en l’espèce, limitée à la période comprise entre le 10 décembre 2004 et le 17 février 2006.

306    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen de la cinquième branche du troisième moyen, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les requérantes avaient participé à l’infraction unique et continue du 3 juillet 2002 au 17 février 2006. Les requérantes n’ayant pas apporté d’éléments supplémentaires qui seraient, en l’espèce, de nature à justifier une modification du coefficient multiplicateur utilisé par la Commission pour calculer le montant de base de l’amende qui leur a été infligée par la décision attaquée, il convient de rejeter la quatrième branche du présent moyen.

5.      Sur les circonstances atténuantes

307    Les requérantes soutiennent que la Commission ne leur a pas accordé une réduction suffisante pour les circonstances atténuantes qu’elle leur a reconnues relativement à leur participation limitée et qu’elle aurait dû, en outre, tenir compte d’autres circonstances atténuantes.

308    La Commission conteste les arguments des requérantes.

309    À cet égard, il y lieu de considérer que l’appréciation individuelle du rôle des requérantes était fondée sur des motifs objectifs et une appréciation globale du niveau de participation par rapport à tous les autres destinataires et que la réduction de 10 % du montant de l’amende qui leur a été infligée par la décision attaquée reflète de façon adéquate le rôle des requérantes dans l’entente par rapport à celui des autres participants.

310    Par ailleurs, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder une réduction supplémentaire au motif que les requérantes auraient eu un « comportement concurrentiel », celles-ci n’ayant pas démontré qu’elles avaient perturbé l’entente de façon significative ou que leur participation à l’entente résulterait d’une « négligence », au sens du paragraphe 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, de nombreuses preuves de leur volonté de participer à l’infraction unique et continue ayant été rapportées par la Commission.

311    Il convient donc de rejeter la cinquième branche du présent moyen et de rejeter, partant, le cinquième moyen comme non fondé.

312    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

313    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      NKT Verwaltungs GmbH et NKT A/S sont condamnées aux dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2018.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Requérantes et secteur concerné

B. Procédure administrative

C. Décision attaquée

1. Infraction en cause

2. Responsabilité des requérantes

3. Amende infligée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le premier moyen, tiré de violations des droits de la défense et du principe d’égalité des armes

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la définition erronée de la portée territoriale de l’infraction unique et continue et de l’application erronée du critère des effets pour justifier l’application de l’article 101 TFUE

3. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a estimé que nkt cables avait pris part à une infraction unique et continue et avait connaissance de tous les éléments de celle-ci

a) Observations liminaires

b) Sur la fiabilité des notes de M. J.

c) Sur l’absence d’infraction unique et continue

1) Sur la circonstance que l’infraction unique et continue ne vise que les ventes de câbles électriques s’inscrivant dans un projet

2) Sur l’existence d’infractions distinctes concernant les câbles électriques souterrains à haute tension et les câbles électriques sous-marins à haute tension

d) Sur l’absence de connaissance par les requérantes de certains éléments de l’infraction unique et continue

1) Sur l’absence de connaissance par les requérantes des éléments de l’infraction relatifs aux projets de câbles électriques sous-marins à haute tension

2) Sur l’absence de connaissance par les requérantes de l’accord sur le « territoire national »

3) Sur l’absence de connaissance par les requérantes du refus collectif de fournir des accessoires ou une assistance technique à certains concurrents

4) Sur l’absence de connaissance des accords sur les prix et les prix de couverture concernant les projets de câbles électriques souterrains à haute tension au sein de l’EEE

5) Sur l’absence de connaissance par les requérantes du comportement relatif aux projets de câbles électriques souterrains à haute tension d’une tension de 110 kV

e) Sur l’absence de preuve de la participation des requérantes à l’attribution de clients et de territoires spécifiques au sein de l’EEE

f) Sur l’absence de preuve de la participation des requérantes à l’attribution et à l’échange d’informations concernant des projets de câbles électriques souterrains à haute tension au sein de l’EEE du 3 juillet 2002 au 17 février 2006

1) Sur la période antérieure au 10 février 2004

2) Sur la période allant du 10 février 2004 au 10 décembre 2004

3) Sur la période allant du 10 décembre 2004 au 17 février 2006

g) Sur l’absence de participation au contrôle de la mise en œuvre des accords sur les prix et l’attribution ou de sa connaissance, par le biais de l’échange de feuilles de position, d’informations sur le marché et de l’instauration d’obligations de notification

4. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation de la Commission quant à la durée de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue

B. Sur les conclusions visant à la réduction du montant de l’amende infligé

1. Sur la participation limitée des requérantes à l’entente

2. Sur la valeur des ventes

3. Sur l’appréciation de la gravité du comportement des requérantes dans le calcul de l’amende

4. Sur le coefficient relatif à la durée de la participation des requérantes à l’infraction

5. Sur les circonstances atténuantes

IV. Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.