Language of document : ECLI:EU:T:2006:155

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

9 juin 2006 (*)

« Responsabilité non contractuelle de la Communauté – Police sanitaire – Conditions pour l’importation d’oiseaux – Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires – Réparation des préjudices – Irrecevabilité partielle – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑4/04,

R. K. Achaiber Sing, demeurant à Leiden (Pays-Bas), représenté par Mes J. Wilgers et J. van Duin, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. Kuijper, T. van Rijn et Mme M. van Heezik, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet la réparation du préjudice prétendument subi par le requérant du fait de l’application de la décision 2000/666/CE de la Commission, du 16 octobre 2000, arrêtant les conditions de police sanitaire et la certification vétérinaire requises pour les importations d’oiseaux, à l’exclusion des volailles, ainsi que les conditions de quarantaine (JO L 278, p. 26),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique et antécédents du litige

1       La directive 92/65/CEE du Conseil, du 13 juillet 1992, définissant les conditions de police sanitaire régissant les échanges et les importations dans la Communauté d’animaux, de spermes, d’ovules et d’embryons non soumis, en ce qui concerne les conditions de police sanitaire, aux réglementations communautaires spécifiques visées à l’annexe A section I de la directive 90/425/CEE (JO L 268, p. 54, telle que modifiée) harmonise notamment la législation vétérinaire relative aux importations dans la Communauté d’oiseaux (à l’exception des volailles) en provenance de pays tiers.

2       En exécution de cette directive, la Commission a adopté, le 16 octobre 2000, la décision 2000/666/CE, arrêtant les conditions de police sanitaire et la certification vétérinaire requises pour les importations d’oiseaux, à l’exclusion des volailles, ainsi que les conditions de quarantaine [(JO L 278, p. 26), modifiée par la décision de la Commission 2001/383/CE, du 3 mai 2001 (JO L 137, p. 28), et par la décision de la Commission 2002/279/CE, du 12 avril 2002, en ce qui concerne l’établissement d’un modèle de liste des installations ou centres de quarantaine agréés pour les importations d’oiseaux dans les États membres (JO L 99, p. 17), ci-après la « décision »].

3       La décision dispose que les oiseaux provenant des pays tiers mentionnés à son annexe D, à savoir les pays listés en tant que membres de l’Office international des épizooties (OIE) dans le bulletin de l’OIE, ne peuvent être importés que dans les conditions définies à l’article 2, lu conjointement avec l’annexe A de la même décision.

4       Les oiseaux doivent être transportés directement du poste d’inspection à une installation ou à un centre de quarantaine agréé, où ils doivent être placés en quarantaine pendant au moins 30 jours (article 3 de la décision). Cette quarantaine ne prend fin qu’avec l’autorisation écrite d’un vétérinaire officiel (article 9 de la décision).

5       Pendant la quarantaine, les oiseaux doivent être examinés afin de vérifier s’ils sont infectés par l’influenza aviaire ou par la maladie de Newcastle et, pour les psittacidés, par la chlamydia psittaci (article 3, paragraphe 5, articles 4 et 5 et annexe C de la décision).

6       La décision prévoit également des règles relatives à l’agrément et à la gestion des installations et des centres de quarantaine (article 3, paragraphe 4, article 7 et annexe B de la décision). En outre, l’article 8 de la décision dispose que l’ensemble des coûts de quarantaine résultant de l’application de celle-ci sont à la charge de l’importateur.

7       La décision est adressée à tous les États membres et est applicable depuis le 1er novembre 2001 (articles 10 et 11 de celle-ci). Selon la Commission, elle a été appliquée aux Pays Bas par le biais de l’arrêté ministériel du 25 juin 2001 modifiant la Regeling handel levende dieren en levende producten (réglementation sur le commerce des animaux et des produits vivants, Nederlandse Staatscourant 2001, n° 121, p. 22).

8       Le requérant déclare être un importateur d’oiseaux aux Pays-Bas.

 Procédure et conclusions de parties

9       Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 janvier 2004, le requérant a introduit le présent recours qui était dirigé contre la Communauté européenne, représentée par le Conseil et la Commission.

10     La requête tendait, premièrement, à l’annulation de la décision et, deuxièmement, à la réparation du préjudice prétendument subi par le requérant du fait de son application.

11     Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal respectivement le 23 mars et le 7 juin 2004, le Conseil et la Commission ont soulevé des exceptions d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

12     Par ordonnance du 2 mai 2005, le Tribunal a rejeté le recours en annulation dans sa totalité et le recours en indemnité pour autant qu’il visait le Conseil. Pour le surplus, il a joint l’exception d’irrecevabilité au fond.

13     La Commission a déposé son mémoire en défense le 24 juin 2005. Le Tribunal a invité le requérant à se concentrer, dans sa réplique, sur trois points spécifiques. Les parties ont déposé des mémoires en réplique et en duplique.

14     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       condamner la Communauté européenne à réparer le préjudice, d’un montant à déterminer ultérieurement, qu’il subit du fait des obligations créées par la décision,

–       condamner la Commission aux dépens.

15     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner le requérant aux dépens.

 En droit

16     Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

17     En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Arguments des parties

18     Le requérant soutient, premièrement, que la décision est contraire à l’article 2, paragraphe 2, et à l’article 3, paragraphe 3, de l’accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires, figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), approuvé par la décision du Conseil 94/800/CE, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1, ci‑après l’« accord SPS »). Selon le requérant, la décision constitue une entrave déguisée aux échanges notamment en raison du fait que les coûts très élevés de quarantaine qu’elle instaure font perdre tout intérêt économique à l’activité d’importateur d’oiseaux. Il avance, notamment, que les mesures prises dans la décision sont dépourvues d’efficacité dans la mesure où la volaille est exclue de leur champ d’application. Il ajoute que la décision ne vise pas, en réalité, à la protection de la santé humaine ou du cheptel à l’intérieur de la Communauté, mais à la protection d’oiseaux sauvages non protégés par la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Aucune preuve scientifique n’attesterait que les mesures visées sont nécessaires à la protection de l’homme, de la faune ou de la flore. Selon le requérant, seuls les perroquets sont susceptibles de porter une maladie pathogène pour l’homme. En revanche, selon lui, la maladie de Newcastle et la grippe aviaire n’existent pas dans la nature. Par ailleurs, le requérant avance que les articles 131 CE et 133 CE ne justifient pas l’adoption d’entraves déguisées aux échanges non autorisées en vertu de l’accord SPS et, enfin, que le comité du commerce et de l’environnement de l’OMC a relevé, au point 7 de la note WT/CTE/W195, du 5 juin 2001 (01‑3087), qu’il pouvait être abusif de lier directement la santé humaine à l’environnement.

19     Deuxièmement, le requérant prétend que la Commission s’est faite l’alliée du « lobby écologiste ». Le véritable objectif de la décision est, selon lui, d’empêcher le commerce d’oiseaux qui n’est pas interdit par la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Selon le requérant, les éléments relevés au point précédent démontrent que la décision n’est pas nécessaire pour protéger la santé humaine.

20     Dans sa réplique, le requérant avance, troisièmement, que les articles 16 et 19, sous a), de la directive 92/65 n’autorisent pas la Commission à arrêter les mesures prévues dans la décision. De plus, ces mesures, qui entraîneraient des coûts dépassant de loin la valeur des oiseaux, constitueraient des entraves à leur importation et violeraient ainsi les articles 24  CE, 28 CE et 29 CE.

21     À supposer même que la décision ne soit pas illégale, le requérant estime que la Communauté est tenue de compenser le préjudice financier qu’il a subi en raison d’une réglementation qui le désavantagerait de façon disproportionnée par rapport aux objectifs d’intérêt public poursuivis.

22     S’agissant du dommage prétendument subi, le requérant avance qu’il a dû exposer les frais de construction d’une installation de quarantaine, à concurrence de 7 580 euros. En outre, il déclare devoir supporter des frais très importants lorsqu’il importe, sur le territoire de la Communauté, des oiseaux vivants en provenance de pays tiers.

23     En annexe à la réplique, le requérant a présenté des tickets de caisse et des factures en affirmant que les matériaux facturés avaient été utilisés pour la construction d’une installation de quarantaine. Il avance, en outre, devoir subir des coûts supplémentaires, tels que les frais d’emballage, ceux liés aux poussins détecteurs, au vétérinaire, à la communication, à l’administration, à la désinfection des espaces de quarantaine et des aliments ; frais qu’il évalue à environ 1 000 euros par lot importé. Il ajoute que, s’il n’avait pas lui-même construit une installation de quarantaine, il aurait dû recourir aux services du « Nationale Papegaaien Opvang » [probablement le Nederlands Opvangcentrum voor Papegaaien (centre néerlandais d’accueil de perroquets)], le prix pratiqué par cet organisme central s’élevant à 2 euros par oiseau et par jour. Les coûts de quarantaine auraient, dans cette hypothèse, été quarante fois plus élevés que le prix de vente des petits oiseaux sur le marché africain (1,50 dollar américain).

24     La Commission considère que le recours est irrecevable ou, en tout état de cause, non fondé.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la recevabilité

25     En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte même de la requête (arrêts du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, Rec. p. II‑961, point 106, et du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T‑113/96, Rec. p. II‑125, point 29).

26     Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement de l’institution que le requérant considère être à l’origine du dommage allégué, les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi, ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (arrêts du Tribunal Dubois et Fils/Conseil et Commission, précité, point 30, et du 2 juillet 2003, Hameico Stuttgart e.a./Conseil et Commission, T‑99/98, Rec. p. II‑2195, point 26).

27     Une demande visant à obtenir une indemnité quelconque manque de précision et doit, par conséquent, être considérée comme irrecevable (arrêt de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schoeppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 9, et arrêt du Tribunal du 8 juin 2000, Camar et Tico/Commission et Conseil, T‑79/96, T‑260/97 et T‑117/98, Rec. p. II‑2193, point 181).

28     En l’espèce, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas chiffré de façon précise le préjudice qu’il estime avoir subi, à l’exception des frais exposés pour la construction d’une installation de quarantaine s’élevant, selon lui, à 7 580 euros. En effet, s’agissant des coûts supplémentaires, s’il a estimé que ceux-ci s’élèvent à 1 000 euros par lot, il n’a indiqué ni le nombre de lots concernés, ni le décompte précis de ces prétendus coûts supplémentaires.

29     Il s’ensuit que le recours est manifestement irrecevable pour autant qu’il concerne les frais autres que ceux exposés au titre de la construction d’une installation de quarantaine.

30     S’agissant de ces derniers, le requérant a, premièrement, identifié le comportement qui est, selon lui, à l’origine du préjudice allégué, à savoir, l’adoption de la décision.

31     Il a, deuxièmement, indiqué le préjudice, consistant en la construction d’une installation de quarantaine. Il précise également le montant des dépenses qui auraient été entraînées par celle-ci.

32     En ce qui concerne, troisièmement, le lien de causalité entre le comportement de la Commission et le préjudice invoqué, il convient de relever, tout d’abord, que le contenu de la décision est tel qu’il ne laisse aucune marge d’appréciation aux autorités nationales quant à la mise en œuvre de celle-ci. L’obligation de mettre les oiseaux importés dans une installation ou un centre de quarantaine et l’obligation, pour l’importateur, d’en supporter les frais découlent directement des articles 3, 4, 8 et 9 de la décision et ne sauraient, dès lors, être imputées à l’État membre concerné, en l’occurrence le Royaume des Pays-Bas. Ensuite, s’il est vrai que la requête est particulièrement brève quant aux raisons pour lesquelles le requérant estime avoir été contraint de construire lui‑même une installation de quarantaine, au lieu de s’assurer, par exemple, les services d’une installation ou d’un centre préexistants contre une rémunération adéquate, il n’en demeure pas moins qu’elle contient un minimum d’indications quant à l’existence d’un lien de causalité, le requérant ayant affirmé être importateur d’oiseaux et, de ce fait, soumis à la réglementation en cause.

33     Enfin, il convient d’observer que les chefs de conclusions présentés par le requérant n’indiquent aucun montant précis. Cependant, les prétendus coûts de construction de l’installation de quarantaine découlant directement de l’exposé des moyens, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des calculs, il est possible d’interpréter les conclusions du requérant à la lumière de cet exposé des moyens comme tendant à condamner la Communauté à payer, au moins, cette somme, de sorte que le recours peut être déclaré partiellement recevable.

34     La demande en indemnisation étant irrecevable pour le surplus, il reste seulement à examiner le fond de la demande visant à rembourser les frais exposés pour la construction de l’installation de quarantaine, lesquels s’élèvent, selon le requérant, à 7 580 euros.

 Sur le fond

35     Sans que le Tribunal ait à trancher la question de savoir s’il s’agit, en l’espèce, d’une demande en indemnisation d’un préjudice subi du fait d’un comportement licite ou illicite, force est de constater que le requérant n’a pas démontré à suffisance de droit la réalité du dommage allégué.

36     D’une part, comme la Commission l’a fait valoir dans son mémoire en défense, la requête ne contient aucun élément de preuve, ni même aucune offre de preuve. Or, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, la requête contient les offres de preuve s’il y a lieu. D’autre part, le requérant a joint à son mémoire en réplique des tickets de caisse et d’autres relevés, mais il n’avance pas la moindre explication permettant de déceler dans quelle mesure les montants relevés dans ces documents se réfèrent à la construction d’une installation de quarantaine, et en quoi l’achat des produits facturés était nécessaire à cette fin. Il n’a pas non plus justifié le retard dans la présentation des offres de preuve, en violation de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure.

37     Il s’ensuit que la demande en indemnité visant à condamner la Communauté au paiement de 7 580 euros est manifestement dépourvue de tout fondement en droit, sans qu’il soit nécessaire, pour le Tribunal, de se prononcer sur les arguments de droit présentés par le requérant.

38     Le présent recours étant manifestement irrecevable en partie et manifestement dépourvu de tout fondement en droit pour le surplus, il doit être rejeté.

 Sur les dépens

39     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés par la Commission, y compris ceux afférents à l’exception d’irrecevabilité, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le requérant est condamné aux dépens exposés par la Commission, y compris ceux afférents à l’exception d’irrecevabilité.

Fait à Luxembourg, le 9 juin 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : le néerlandais.