Language of document : ECLI:EU:T:2013:558

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

25 octobre 2013(*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Document établi par la Commission dans le cadre de l’opération de concentration entre Deutsche Börse et NYSE Euronext – Refus d’accès – Exception relative à la protection du processus décisionnel »

Dans l’affaire T‑561/12,

Jürgen Beninca, demeurant à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représenté par Me C. Zschocke, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Baquero Cruz et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 9 octobre 2012, refusant l’accès à un mémorandum du chef de l’unité chargée des affaires de concurrence de la direction générale « Entreprises et industrie »,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, F. Dehousse et M. van der Woude, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 juin 2013,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Le 3 avril 2012, le requérant, M. Jürgen Beninca, a demandé à la Commission européenne, sur le fondement du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), l’accès à un mémorandum du chef de l’unité chargée des affaires de concurrence de la direction générale (DG) « Entreprises et industrie » (ci-après le « document demandé »), qui a été établi dans le cadre du projet de concentration entre Deutsche Börse AG et NYSE Euronext (affaire COMP/M.6166 − NYSE Euronext/Deutsche Börse) et qui a été évoqué dans un article de presse.

2        Le 23 mai 2012, la Commission a refusé l’accès à ce document sur le fondement de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001.

3        Le 13 juin 2012, le requérant a adressé une demande confirmative à la Commission, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

4        Le 15 juin 2012, la Commission a accusé réception de la demande confirmative et a indiqué au requérant qu’il recevrait une réponse dans un délai de quinze jours ouvrables.

5        Le 6 juillet 2012, la Commission a informé le requérant que le délai pour répondre à sa demande confirmative était prolongé de quinze jours ouvrables, jusqu’au 27 juillet 2012.

6        Le 26 juillet 2012, la Commission a indiqué au requérant qu’elle n’était pas en mesure de lui communiquer une réponse définitive, étant donné que des consultations internes étaient toujours en cours.

7        Le 21 septembre 2012, le requérant a introduit un recours en annulation dirigé contre la décision implicite de la Commission du 27 juillet 2012, refusant l’accès au document demandé (affaire T-418/12).

8        Par décision du 9 octobre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a confirmé son refus d’accorder au requérant l’accès audit document. En substance, elle a considéré que ce document était entièrement couvert par l’exception relative à la protection du processus décisionnel, prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, et partiellement couvert par l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du même règlement. En outre, s’agissant de la possibilité, prévue à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, d’accorder un accès partiel au document demandé, elle a estimé que ce document était couvert dans son intégralité par les exceptions en cause. Enfin, elle a constaté qu’aucun intérêt public supérieur ne justifiait, en application de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, la divulgation dudit document.

9        Par ordonnance du 19 février 2013, Beninca/Commission (T‑418/12, non publiée au Recueil), le Tribunal a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en annulation dirigé contre la décision implicite de la Commission refusant l’accès au document demandé et a condamné la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par M. Beninca.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 décembre 2012, le requérant a introduit le présent recours.

11      La Commission a déposé le mémoire en défense le 20 mars 2013.

12      Le 22 mars 2013, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé de ne pas procéder à un second échange de mémoires.

13      Le 17 avril 2013, le requérant a demandé l’autorisation de compléter le dossier, conformément à l’article 47, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

14      Le 25 avril 2013, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé de ne pas accorder cette autorisation.

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de son recours, le requérant soulève quatre moyens, relatifs, en substance, le premier, à l’exception relative à la protection du processus décisionnel, le deuxième, à l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers, le troisième, à l’accès partiel et, le quatrième, à l’existence d’un intérêt public supérieur.

 Sur le premier moyen, relatif à l’exception relative à la protection du processus décisionnel

18      Le requérant soutient que la Commission a fait une application erronée de l’exception relative à la protection du processus décisionnel. Selon lui, la procédure de contrôle du projet de concentration dans l’affaire COMP/M.6166 − NYSE Euronext/Deutsche Börse a été « clôturée », de sorte que la divulgation du document demandé ne peut plus mettre en péril le processus décisionnel de la Commission. À cet égard, il indique, premièrement, que les parties à la concentration ont mis un terme à leur projet, conformément à la législation en matière d’offre publique d’achat, deuxièmement, qu’un nouveau projet de concentration constituerait une nouvelle opération et nécessiterait un nouvel examen et, troisièmement, que la divulgation du document demandé n’aurait aucun effet sur un éventuel nouveau contrôle du projet de concentration.

19      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à son premier considérant, le règlement n° 1049/2001 s’inscrit dans la volonté exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, UE, inséré par le traité d’Amsterdam, de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens. Ainsi que le rappelle le deuxième considérant dudit règlement, le droit d’accès du public aux documents des institutions se rattache au caractère démocratique de ces dernières (voir arrêt de la Cour du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, Rec. p. I‑6237, point 72, et la jurisprudence citée).

20      À cette fin, le règlement n° 1049/2001 vise, comme l’indiquent son quatrième considérant et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (voir arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 19 supra, point 73, et la jurisprudence citée).

21      Certes, ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Plus spécifiquement, et en conformité avec son onzième considérant, ledit règlement prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (voir arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 19 supra, point 74, et la jurisprudence citée).

22      Néanmoins, dès lors que de telles exceptions dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (voir arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 19 supra, point 75, et la jurisprudence citée).

23      Ainsi, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, d’expliquer comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 que cette institution invoque. En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 19 supra, point 76, et la jurisprudence citée).

24      Il est toutefois loisible à cette institution de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêt de la Cour du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, non encore publié au Recueil, point 116, et la jurisprudence citée).

25      De telles présomptions générales sont applicables, en matière de procédure de contrôle des opérations de concentration entre entreprises, en raison du fait que la réglementation qui régit cette procédure prévoit également des règles strictes quant au traitement des informations obtenues ou établies dans le cadre d’une telle procédure (arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 24 supra, point 118).

26      Il importe enfin de souligner que les présomptions générales susvisées n’excluent pas la possibilité de démontrer qu’un document donné dont la divulgation est demandée n’est pas couvert par ces présomptions ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ce document en vertu de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 24 supra, point 126).

27      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner l’argumentation du requérant.

28      En l’espèce, la Commission a relevé que le document demandé contenait des avis destinés à l’utilisation interne de sa DG « Entreprises et industrie » concernant le projet de communication des griefs devant être adressée à Deutsche Börse et à NYSE Euronext, conformément à l’article 18 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1). D’après la décision attaquée, ces avis font partie des délibérations et des consultations préliminaires dans le contexte de l’adoption de la décision C (2012) 440 final de la Commission, du 1er février 2012, déclarant une concentration incompatible avec le marché commun et l’accord EEE (affaire COMP/M.6166 – Deutsche Börse/NYSE Euronext).

29      À cet égard, il importe de souligner qu’un recours ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 404 (affaire T‑175/12, Deutsche Börse/Commission) était pendant devant le Tribunal lorsque la demande d’accès au document demandé a été examinée et la décision attaquée adoptée.

30      Dans une situation telle que celle de la présente espèce, où la Commission pourrait, en fonction de l’issue de la procédure juridictionnelle évoquée au point 29 ci-dessus, être amenée à reprendre ses activités aux fins de l’adoption éventuelle d’une nouvelle décision relative à l’opération de concentration en cause, il convient d’admettre l’existence d’une présomption générale selon laquelle l’obligation qui lui serait faite de divulguer, au cours de cette procédure, un document interne tel que le document demandé porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution (voir, en ce sens, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 24 supra, point 130).

31      Il importe encore de souligner que les limitations à l’application du principe de transparence au regard de l’activité juridictionnelle poursuivent la finalité de garantir que le droit d’accès aux documents des institutions soit exercé sans porter préjudice à la protection des procédures juridictionnelles. La protection de ces procédures implique que soit assuré le respect des principes de l’égalité des armes ainsi que de la bonne administration de la justice. L’accès aux documents par une partie serait susceptible de fausser l’équilibre indispensable entre les parties à un litige, équilibre qui est à la base du principe de l’égalité des armes, dans la mesure où seule l’institution concernée par une demande d’accès à des documents et non pas l’ensemble des parties à la procédure serait soumise à l’obligation de divulgation (arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 24 supra, point 132).

32      Il s’ensuit que la Commission était en droit de considérer que le document demandé était couvert par l’exception relative à la protection du processus décisionnel, prévue par l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, sans procéder à son examen concret et individuel.

33      Aucun des arguments du requérant ne permet de remettre en cause cette appréciation.

34      À cet égard, il convient, à titre liminaire, d’écarter comme étant dénué de pertinence l’argument du requérant selon lequel la procédure de contrôle du projet de concentration en cause a été « clôturée », de sorte que la divulgation du document demandé ne peut plus mettre en péril le processus décisionnel de la Commission.

35      En effet, le requérant se fonde, à cet égard, sur l’arrêt de la Cour du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding (C‑477/10 P, non encore publié au Recueil, point 17). Or, force est de constater que l’appréciation de la Cour qui figure dans ledit arrêt et qui est évoquée par le requérant concerne l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête, prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, et non l’exception relative à la protection du processus décisionnel, prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, de ce règlement, laquelle est en cause en l’espèce.

36      En tout état de cause, la circonstance que la procédure en cause a été « clôturée » ne permet pas, à elle seule, de considérer que la divulgation du document n’était plus de nature à porter gravement atteinte au processus décisionnel de la Commission. En effet, l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 vise précisément à ce que, même après que la décision a été prise, l’exception relative à la protection du processus décisionnel puisse s’appliquer à certains documents, en l’occurrence ceux contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée. Or, en l’espèce, le requérant n’a pas contesté l’appréciation de la Commission selon laquelle le document demandé contenait des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires. Il s’ensuit que l’exception en cause pouvait être invoquée, même si la procédure en cause était clôturée.

37      Ensuite, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel les parties à la concentration ont mis un terme à leur projet, force est de constater qu’il ne permet pas de remettre en cause le constat selon lequel la Commission pourrait, en fonction de l’issue de la procédure juridictionnelle dans l’affaire T-175/12, être amenée à reprendre ses activités aux fins de l’adoption éventuelle d’une nouvelle décision relative à l’opération de concentration en cause. En effet, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 10, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement n° 139/2004, lorsque le juge de l’Union européenne rend un arrêt qui annule en tout ou en partie une décision de la Commission qui fait l’objet d’un délai fixé par cet article, cette dernière réexamine la concentration en vue d’adopter une décision en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement. Cette disposition ne distingue pas selon que le projet de concentration a ou non été abandonné par les parties à la concentration à la suite de la décision de la Commission. Il s’ensuit que, si, ainsi qu’il ressort en substance du dossier, le projet de concentration semble être devenu caduc à la suite de la décision négative de la Commission, il n’en demeure pas moins que, en cas d’annulation de ladite décision, la Commission devrait, conformément au règlement n° 139/2004, réexaminer l’opération de concentration en cause, et donc reprendre ses activités aux fins de l’adoption d’une nouvelle décision relative à ladite opération.

38      Par ailleurs, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel, étant donné que les parties à la concentration ont mis fin à leur projet, elles devraient conclure un nouvel accord si elles souhaitaient poursuivre ledit projet, lequel constituerait un nouveau projet, différent du projet initial, devant faire l’objet d’un nouvel examen, il doit être relevé qu’il n’est pas en mesure de remettre en cause les considérations précédentes. En effet, à supposer que les parties à la concentration puissent être amenées à soumettre un nouveau projet de fusion, cela ne saurait remettre en cause le fait que la Commission devrait réexaminer la concentration initialement notifiée, conformément à l’article 10, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement n° 139/2004. Il découle d’ailleurs du troisième alinéa de cet article que, à la suite d’un arrêt annulant une décision de la Commission, les parties notifiantes doivent soumettre une nouvelle notification ou compléter la notification originale si la notification originale est devenue incomplète à cause de changements des conditions du marché ou des faits présentés dans la notification. C’est donc à tort que le requérant cherche à distinguer la présente affaire de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 24 supra, au motif que, dans cette dernière affaire, la Commission aurait dû procéder à un nouvel examen sans que les parties ne concluent un nouvel accord, contrairement au cas d’espèce.

39      Enfin, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la divulgation n’aurait aucun effet sur un éventuel nouveau contrôle de l’opération de concentration, en raison notamment de l’évolution du secteur en cause, il doit être relevé que l’article 10, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement n° 139/2004 prévoit explicitement que, à la suite d’un arrêt annulant une décision de la Commission, la concentration est réexaminée à la lumière des conditions prévalant alors sur le marché. De plus, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 38 ci-dessus, si la notification originale devait être considérée comme incomplète à cause de changements des conditions du marché ou des faits présentés dans la notification, les parties à la concentration devraient soumettre une nouvelle notification ou compléter la notification originale, conformément à l’article 10, paragraphe 5, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004. Enfin, à supposer même que, en raison des changements intervenus, le document demandé n’ait aucune influence sur un éventuel nouveau contrôle de la concentration, cela ne saurait remettre en cause sa nature de document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de la Commission, au titre de laquelle il bénéficie d’une protection au titre de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001.

40      Quant à l’allégation du requérant selon laquelle, en violation de l’obligation de motivation, la décision attaquée n’expose aucun effet précis que la divulgation du document demandé aurait sur le processus décisionnel de la Commission, il suffit de relever que, eu égard à la présomption évoquée au point 30 ci-dessus, la Commission n’avait pas à faire spécifiquement mention de tels effets et que, en tout état de cause, la décision attaquée expose à suffisance de droit, dans sa section 4, les raisons pour lesquelles la Commission considère que le document demandé relève de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001.

41      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être écarté.

 Sur le troisième moyen, relatif à l’accès partiel

42      Le requérant considère que la Commission n’a pas examiné la possibilité d’un accès partiel au document demandé. À cet égard, il relève, d’une part, que la décision attaquée procède à une application erronée de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 et, d’autre part, que la motivation de ladite décision est, à cet égard, insuffisante.

43      À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de l’allégation du requérant selon laquelle la décision attaquée serait insuffisamment motivée, il suffit de constater qu’il ressort de la section 6 de ladite décision que la Commission a examiné la possibilité d’octroyer un accès partiel au document en cause, mais qu’elle a cependant relevé qu’il découlait des sections 4 et 5 de la même décision que ledit document était entièrement couvert par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 et, de plus, qu’il était partiellement couvert par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du même règlement. Il s’ensuit que, lue dans son ensemble, la décision attaquée est motivée à suffisance de droit.

44      S’agissant, en second lieu, du bien-fondé de l’appréciation de la Commission, il convient de rappeler que, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

45      Il convient en outre de relever que la présomption générale visée au point 30 du présent arrêt signifie que le document couvert par celle-ci échappe à l’obligation d’une divulgation, intégrale ou partielle, de son contenu (voir, en ce sens, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 24 supra, point 133).

46      Or, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen, le requérant n’a pas été en mesure de remettre en cause ladite présomption, en sorte que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a estimé que le document demandé était entièrement couvert par l’exception relative à la protection du processus décisionnel, prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, et a refusé d’octroyer un accès partiel à ce document.

47      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, relatif à l’existence d’un intérêt public supérieur

48      Le requérant considère que la Commission n’a pas correctement examiné l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document demandé. À cet égard, il fait valoir que la décision attaquée, premièrement, est contraire au principe de non-discrimination, deuxièmement, présente de manière erronée l’intérêt allégué et, troisièmement, procède à une application erronée de l’arrêt de la Cour du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, Rec. p. I‑5885).

49      À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l’article 4, paragraphes 2, dernière phrase, et 3 du règlement n° 1049/2001, seul un intérêt public supérieur est susceptible de primer la nécessité de protéger les intérêts visés aux paragraphes 2 et 3 de cet article.

50      Lorsque l’institution concernée considère que la divulgation d’un document porterait atteinte à la protection du processus décisionnel, prévue à l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001, il lui incombe de vérifier qu’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant cette divulgation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, Rec. p. I‑4723, point 44).

51      Dans ce contexte, il incombe à cette institution de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général tenant à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement n° 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Suède et Turco/Conseil, point 50 supra, point 45).

52      Il convient enfin de rappeler que les présomptions générales, telles que celle évoquée au point 30 ci-dessus, n’excluent pas la possibilité de démontrer qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation d’un document, en vertu de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 24 supra, point 126).

53      En l’espèce, la Commission a estimé, dans la décision attaquée, qu’aucun intérêt public supérieur n’était susceptible de primer la nécessité de protéger le processus décisionnel.

54      Aucun des arguments avancés par le requérant ne permet de remettre en cause cette appréciation.

55      En effet, s’agissant, premièrement, du principe de non-discrimination, il doit être relevé que le requérant part de la prémisse erronée selon laquelle la Commission aurait autorisé la divulgation du document demandé à un journaliste. Or, la Commission conteste avoir donné accès audit document à un journaliste et soutient que la référence à ce document dans un article de presse résulte d’une fuite. À cet égard, il doit être relevé que le requérant n’avance aucun élément permettant de démontrer que le document demandé aurait été divulgué au public à la suite d’une demande régulière, et non à la suite d’une fuite, comme le soutient la Commission. Dans ce contexte, il doit être noté qu’il ne saurait être inféré de la circonstance que la Commission procède à une enquête interne que celle-ci ignore si elle a autorisé la divulgation du document en cause, comme le soutient le requérant, une telle enquête ayant pour objet de connaître les circonstances de la fuite alléguée. Or, la divulgation non autorisée d’un document ne peut avoir pour conséquence de rendre accessible au public un document couvert par une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001. Le requérant ne saurait donc valablement invoquer le principe de non-discrimination. Au surplus, il doit être relevé que, en l’espèce, aucun élément ne permet de considérer qu’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document demandé découlerait de ce principe.

56      S’agissant, deuxièmement, de l’argument selon lequel la décision attaquée présente de manière erronée l’intérêt allégué, il doit être relevé que la Commission a constaté que le requérant avait prétendu que la divulgation du document demandé garantirait à son client un procès équitable et a considéré qu’il faisait valoir un intérêt privé et non un intérêt public.

57      Le requérant rétorque, à cet égard, avoir précisé que sa demande était faite avec l’accord de son client, la partie requérante dans l’affaire T‑175/12, et qu’il faisait partie de l’équipe en charge du recours dans ladite affaire. Selon lui, le simple fait qu’il exerce les droits que lui confère le règlement n° 1049/2001 n’implique pas que sa demande relève d’un intérêt privé.

58      À cet égard, d’une part, force est de constater que, compte tenu du principe général d’accès aux documents tel que consacré à l’article 255 CE et des considérants 1 et 2 dudit règlement, un intérêt public supérieur justifiant la divulgation doit avoir un caractère objectif et général et ne saurait être confondu avec des intérêts particuliers ou privés, par exemple, relatifs à la poursuite d’un recours contre les institutions de l’Union, de tels intérêts particuliers ou privés ne constituant pas un élément pertinent dans le cadre de la mise en balance des intérêts prévue par l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, de ce règlement.

59      D’autre part, il ressort d’une jurisprudence bien établie que, à supposer même que les documents demandés s’avèrent nécessaires à la défense d’un requérant dans le cadre du recours en annulation, question qui relève de l’examen de ce recours, cette circonstance n’est pas pertinente pour apprécier la balance des intérêts publics (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429, point 55, et ordonnance du Tribunal du 8 juin 2005, SIMSA/Commission, T‑287/03, non publiée au Recueil, point 34).

60      Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel il existerait un intérêt public à la divulgation du fait qu’il existerait des raisons de craindre que certains services de la Commission ont préjugé l’issue de l’affaire COMP/M.6166, il suffit de relever que, ainsi que le requérant l’indique lui-même, c’est dans le contexte de l’affaire T-175/12 qu’il conviendra d’examiner cette question, qui, de surcroît, ne saurait, en soit, justifier un intérêt public supérieur, ayant un caractère objectif et général.

61      C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a estimé que l’intérêt dont le requérant se prévalait était un intérêt privé et non un intérêt public.

62      S’agissant, troisièmement, de l’argument selon lequel la décision attaqué procède à une application erronée de l’arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 48 supra, le requérant avance, dans ce cadre, que la situation en cause en l’espèce diffère de celle ayant conduit à cet arrêt et que la considération qui en découle, selon laquelle l’intérêt public en matière législative est plus important qu’en matière administrative, n’a pas à s’appliquer.

63      Force est de constater que cet argument est inopérant. En effet, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, le requérant n’a pas été en mesure de démontrer que le document demandé n’était pas couvert par l’exception relative à la protection du processus décisionnel et qu’il existait un intérêt supérieur justifiant la divulgation du document demandé, de sorte que la question de savoir si l’intérêt public en matière législative est ou non plus important qu’en matière administrative est sans influence en l’espèce.

64      En tout état de cause, cet argument n’est pas fondé. En effet, contrairement à ce que soutient le requérant, c’est sans commettre d’erreur que la Commission s’est référée, dans la décision attaquée, à l’arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 48 supra, en relevant qu’il en découlait que l’intérêt public à la transparence n’a pas le même poids en matière législative qu’en matière administrative. Il ressort en effet, en substance, de cet arrêt que, dans les cas où les institutions communautaires agissent en qualité de législateur, un accès plus large aux documents doit être autorisé en application du sixième considérant du règlement nº 1049/2001, à la différence des documents s’inscrivant dans le cadre des fonctions administratives spécifiquement attribuées auxdites institutions (voir, en ce sens, arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 48 supra, point 60). Or, en l’espèce, le document en cause ne s’inscrit pas dans le cadre de fonctions législatives mais administratives, comme le reconnaît d’ailleurs le requérant. En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, la situation en cause en l’espèce concerne, comme dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 48 supra, l’articulation entre différents régimes, en l’occurrence celui issu du règlement n° 139/2004 et celui découlant du règlement n° 1049/2001. Enfin, s’agissant du fait que les considérations figurant dans l’arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 48 supra, concernent l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001, il suffit de relever que la Cour a confirmé la possibilité d’établir des présomptions générales de non-divulgation s’agissant de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 (arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 24 supra, point 130).

65      Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté.

66      Il découle de l’examen des premier, troisième et quatrième moyens que c’est à bon droit que la Commission a considéré que le document demandé était entièrement couvert par l’exception relative à la protection du processus décisionnel prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 et que le requérant n’a pas démontré l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ce document.

67      Il convient donc de rejeter le recours, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le deuxième moyen, lequel vise à contester que le document demandé était partiellement couvert par l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers, visée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du même règlement.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Jürgen Beninca est condamné aux dépens.

Papasavvas

Dehousse

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2013.

Signatures


** Langue de procédure : l’anglais.