Language of document : ECLI:EU:F:2006:49

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L'UNION EUROPÉENNE (première chambre)

20 juin 2006 (*)

« Incidents de procédure – Retrait de document – Avis du service juridique du Conseil »

- 3037 -

Dans l'affaire F‑105/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Dieter Wils, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Altrier (Luxembourg), représenté par Mes G. Vandersanden et C. Ronzi, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. J. F. de Wachter et M. Mustapha Pacha, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par

Conseil de l'Union européenne, représenté par Mmes M. Arpio Santacruz et M. Simm, en qualité d'agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1       Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 21 octobre 2005 par voie électronique (le dépôt de l'original étant intervenu le 28 octobre suivant), le requérant demande l'annulation de son bulletin de salaire du mois de janvier 2005 – avec effet rétroactif au 1er juillet 2004 –, dans la mesure où, en application du nouveau statut des fonctionnaires des Communautés européennes, ce bulletin porte augmentation du taux de contribution au régime de pensions à 9,75 %.

2       Le présent recours a été initialement enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑399/05.

3       Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé l’affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous le numéro F‑105/05.

4       En annexe A-32 de sa requête, le requérant a produit un avis du service juridique du Conseil de l'Union européenne, daté du 10 avril 2003, référencé sous la cote « 8384/03 LIMITE », et portant sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après « l'avis du service juridique du 10 avril 2003 »).

5       Par acte parvenu au greffe du Tribunal de première instance le 1er décembre 2005, le Conseil de l'Union européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Parlement. Par ordonnance du 22 février 2006, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention.

6       Par acte séparé, parvenu au greffe du Tribunal le 3 avril 2006, le Conseil a soulevé une exception au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l'article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier. Par cet acte, le Conseil demande au Tribunal que l'avis du service juridique du 10 avril 2003 soit retiré du dossier de la présente affaire.

7       Au soutien de cette demande, le Conseil souligne qu'il n'a jamais, conformément aux dispositions applicables en la matière et notamment à celles du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), autorisé le requérant à avoir accès à ce document, ni à le citer ou à le produire en justice. A cet égard, le Conseil rappelle que les avis de son service juridique sont des documents réservés à un usage exclusivement interne et qu'une diffusion à l'extérieur de ces documents serait préjudiciable au bon fonctionnement de l'institution.

8       Par observations transmises au greffe du Tribunal le 18 avril 2006, le Parlement s'est rallié aux arguments du Conseil.

9       Par observations transmises au greffe du Tribunal le 28 avril 2006, le requérant a fait valoir que l'avis du service juridique du 10 avril 2003 est un document qui circulait parmi les acteurs du processus de négociation pour l'adoption du nouveau statut. Dans ces conditions, il n'avait pas à demander une autorisation pour accéder à ce document et pour le produire devant le Tribunal. En outre, dans la mesure où le requérant était déjà en possession du document, les règles relatives à l'accès aux documents ne seraient pas pertinentes en l'espèce. Dans ces conditions, le requérant considère que la demande de retrait de l'avis du service juridique du 10 avril 2003 doit être rejetée.

10     A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le Tribunal déciderait de retirer du dossier l'avis du service juridique du 10 avril 2003, et étant donné que, selon lui, ce document est utile et nécessaire pour l'éclaircissement des débats, le requérant invite le Tribunal à ordonner au Conseil, en tant que mesure d'organisation de la procédure, de produire cette pièce.

11     Selon une jurisprudence constante, il serait contraire à l’intérêt public qui veut que les institutions puissent bénéficier des avis de leur service juridique, donnés en toute indépendance, d’admettre que de tels documents internes puissent être produits par des personnes autres que les services à la demande desquels ils ont été établis dans un litige devant le Tribunal sans que leur production ait été autorisée par l’institution concernée ou ordonnée par la juridiction (voir ordonnance de la Cour du 23 octobre 2002, Autriche/Conseil, C‑445/00, Rec. p. I‑9151, point 12 ; arrêt du Tribunal de première instance du 8 novembre 2000, Ghignone e.a./Conseil, T‑44/97, RecFP p. I‑A‑223 et II‑1023, point 48 , et ordonnance du Tribunal de première instance du 10 janvier 2005, Gollnisch e.a./Parlement, T‑357/03, Rec. p. II‑4, point 34).

12     Or, en l’espèce, il est constant que le Conseil n'a à aucun moment autorisé le requérant à avoir accès à l'avis du service juridique du 10 avril 2003.

13     En outre, si le requérant allègue que cet avis « circulait parmi les acteurs du processus de négociation pour l'adoption du nouveau statut », cette circonstance, qui n'est assortie d'aucune précision ni élément permettant d'établir que le Conseil aurait officiellement consenti à l'utilisation de cet avis par des tiers, n'est pas de nature à conduire à la conclusion que le Conseil avait donné un caractère public à ce document et que le requérant aurait donc pu accéder régulièrement à celui-ci.

14     Quant à la demande formulée par le requérant tendant à ce que le Tribunal ordonne au Conseil la production de l'avis du service juridique du 10 avril 2003, il convient de rappeler que l'article 64, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, permet au Tribunal de demander la production de documents ou de toute pièce relative à l'affaire.

15     Toutefois, il suffit de constater que, outre son caractère confidentiel, l'avis du service juridique du 10 avril 2003 ne présente pas d'intérêt pour la solution du présent litige. Le requérant n'a d'ailleurs avancé aucun argument précis en ce sens. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner la production dudit avis (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 30 septembre 2003, Sony Computer Entertainment Europe/Commission, T‑243/01, Rec. p. II‑4189, point 139).

16     La demande de production de l'avis du service juridique du 10 avril 2003 doit donc être rejetée.

17     Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande du Conseil et d’écarter cet avis du dossier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

ordonne :

1)      L'avis du service juridique du Conseil de l'Union européenne du 10 avril 2003, produit par le requérant en annexe A-32 de la requête, est retiré du dossier de l'affaire.

2)      La demande de production de l'avis du service juridique du Conseil de l'Union européenne du 10 avril 2003 est rejetée.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 20 juin 2006.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.