Language of document : ECLI:EU:T:2017:666

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

26 septembre 2017 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen des phosphates pour l’alimentation animale – Amende infligée solidairement au terme d’une procédure de transaction – Paiement échelonné – Décision imposant la constitution d’une garantie bancaire auprès d’une banque disposant d’une notation financière “AA” à long terme – Recours en annulation – Acte attaquable – Recevabilité – Obligation de motivation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑564/10 RENV,

Quimitécnica.com – Comércio e Indústria Química, SA, établie à Lordelo (Portugal),

José de Mello – Sociedade Gestora de Participações Sociais, SA, établie à Lisbonne (Portugal),

représentées par Me J. Calheiros, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et B. Mongin, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Marques Mendes et A. Dias Henriques, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision prétendument contenue dans la lettre du comptable de la Commission du 8 octobre 2010 relative au paiement des amendesinfligées aux requérantes pour violation des règles de concurrence par la décision C(2010) 5004 final de la Commission, du 20 juillet 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38.886 – Phosphates pour l’alimentation animale), dans la mesure où ladite lettre impose la constitution d’une garantie auprès d’une banque ayant reçu une notation financière « AA » à long terme comme condition d’accès à la demande des requérantes visant à obtenir des délais supplémentaires pour le paiement de l’amende qui leur a été infligée solidairement,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 mars 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et cadre juridique

1        Par décision C(2010) 5004 final, du 20 juillet 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38.866 – Phosphates pour l’alimentation animale) (ci-après la « décision de base »), la Commission européenne a constaté que les requérantes, Quimitécnica.com – Comércio e Indústria Química, SA et José de Mello – Sociedade Gestora de Participações Sociais, SA (ci-après « JMS »), avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à une ententeavec cinq autres groupes d’entreprises sur le marché des phosphates pour l’alimentation animale. La décision de base a été signifiée aux requérantes le 23 juillet 2010.

2        Pour cette infraction, la Commission a, à l’article 2 de la décision de base, infligé à JMS, d’une part, à titre individuel, une amende d’un montant de 1 044 095 euros et, d’autre part, aux requérantes, solidairement, une amende d’un montant de 1 750 905 euros.

3        L’article 2 de la décision de base précisait que les amendes infligées aux requérantes devaient être versées sur le compte de la Commission au plus tard trois mois après la notification de cette décision, sauf dans le cas où elles introduiraient un recours, ce qui leur permettrait soit de déposer une garantie bancaire acceptée par le comptable de la Commission, soit d’effectuer un paiement provisoire. En outre, il y était énoncé que les amendes infligées aux requérantes porteraient intérêt à compter de l’expiration de ce délai, au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE), majoré de 3,5 points de pourcentage.

4        Les requérantes n’ont pas introduit de recours contre la décision de base.

5        Par lettre du 3 septembre 2010, les requérantes ont, en se référant à l’article 85 du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 357, p. 1), tel que modifié, demandé au comptable de la Commission de leur accorder des délais supplémentaires pour le paiement de l’amende solidaire. Les requérantes ont également proposé de constituer une garantie bancaire, auprès de la Banco Commercial Português, SA (ci-après la « BCP »), pour couvrir le montant de la dette non encore recouvrée tant en principal qu’en intérêts.

6        Les articles 85 et 86 du règlement n° 2342/2002 disposent ce qui suit :

« Article 85

[...]

Des délais supplémentaires pour le paiement ne peuvent être accordés, par le comptable, en liaison avec l’ordonnateur compétent, que sur demande écrite dûment motivée du débiteur et à la double condition suivante :

a)      que le débiteur s’engage au paiement d’intérêts au taux prévu à l’article 86 pour toute la période du délai accordé à compter de la date limite visée à l’article 78, paragraphe 3, [sous] b) ;

b)      qu’il constitue, afin de protéger les droits des Communautés, une garantie financière acceptée par le comptable de l’institution, couvrant la dette non encore recouvrée tant en principal qu’en intérêts.

La garantie visée au premier alinéa, [sous] b), peut être remplacée par une caution personnelle et solidaire d’un tiers agréée par le comptable de l’institution.

[…]

Article 86

[...]

1.      Sans préjudice des dispositions spécifiques découlant de l’application de la réglementation sectorielle, toute créance non remboursée à la date limite visée à l’article 78, paragraphe 3, [sous] b), porte intérêt conformément aux paragraphes 2 et 3 du présent article.

2.      Le taux d’intérêt pour les créances non remboursées à la date limite visée à l’article 78, paragraphe 3, [sous] b), est le taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement tel que publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C, en vigueur le premier jour de calendrier du mois de la date limite, majoré de :

a)      sept points de pourcentage lorsque la créance a pour fait générateur un marché public de fournitures et de services visés au titre V ;

b)      trois points et demi de pourcentage dans tous les autres cas.

3.      Le montant des intérêts est calculé à partir du jour de calendrier suivant la date limite visée à l’article 78, paragraphe 3, [sous] b), et indiquée dans la note de débit, jusqu’au jour de calendrier du remboursement intégral de la dette.

4.      Tout paiement partiel est imputé d’abord sur les intérêts de retard, déterminés selon les dispositions des paragraphes 2 et 3.

5.      Dans le cas des amendes, lorsque le débiteur constitue une garantie financière acceptée par le comptable en lieu et place d’un paiement provisoire, le taux d’intérêt applicable à compter de la date limite visée à l’article 78, paragraphe 3, [sous] b), est le taux visé au paragraphe 2 du présent article, majoré seulement d’un point et demi de pourcentage. »

7        Par lettre du 8 octobre 2010, le comptable de la Commission a répondu à la demande des requérantes et les a informées que le paiement de la dette correspondant à l’amende solidaire pourrait s’effectuer en trois tranches, la première tranche devant être versée avant le 25 octobre 2010, la deuxième avant le 25 octobre 2011 et la troisième avant le 25 octobre 2012, à la condition que les requérantes constituent une garantie bancaire auprès d’une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme (ci-après l’« acte attaqué »). À cet égard, le comptable de la Commission a constaté que la garantie bancaire proposée par les requérantes dans leur lettre du 3 septembre 2010 émanait d’une banque, la BCP, qui ne bénéficiait pas d’une telle notation.

8        Par lettre du 22 octobre 2010, les requérantes ont informé le comptable de la Commission que la somme correspondant au montant de l’amende individuelle due par JMS ainsi qu’à la première tranche du montant de l’amende solidaire due par elles avait été transférée sur le compte de la Commission. Elles ont toutefois indiqué ne pas avoir obtenu une garantie bancaire émise par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme.

9        Par lettre du 27 octobre 2010, adressée aux requérantes, le comptable de la Commission a maintenu l’exigence de constitution d’une garantie bancaire émise par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme comme condition du non-recouvrement immédiat de leur amende solidaire.

10      Conformément à l’échéancier établi par le comptable de la Commission dans l’acte attaqué, mais sans avoir fourni de garantie bancaire émise par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme, les requérantes ont payé la deuxième tranche de l’amende solidaire, le 25 octobre 2011, et la troisième et dernière tranche de cette même amende, le 25 octobre 2012.

11      Le 30 octobre 2012, la Commission a adressé aux requérantes une lettre confirmant l’encaissement des trois tranches de l’amende solidaire. Elle a également indiqué aux requérantes que, dans la mesure où celles-ci n’avaient pas fourni de garantie bancaire émise par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme, le taux d’intérêt applicable à l’amende solidaire était de 4,5 %, de sorte qu’il restait un montant d’intérêts de 36 357,83 euros à régler. Les requérantes ont acquitté, le 27 août 2014, le solde du montant des intérêts.

 Procédure devant le Tribunal avant renvoi et devant la Cour

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2010, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de l’acte attaqué.

13      D’une part, la Commission a fait valoir que le recours en annulation introduit par les requérantes était devenu sans objet, de telle sorte qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur celui-ci. D’autre part, elle a excipé de l’irrecevabilité de ce recours, au motif que l’acte attaqué ne constituait pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE.

14      Par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 28 septembre 2011, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

15      Par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 8 novembre 2013, la demande de non-lieu à statuer a également été jointe au fond.

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 6 décembre 2013.

17      Par arrêt du 26 juin 2014, Quimitécnica.com et de Mello/Commission (T‑564/10, non publié, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2014:583), le Tribunal, sans avoir préalablement examiné l’exception d’irrecevabilité, a rejeté le recours au fond.

18      Aux points 59 à 61 de l’arrêt initial, le Tribunal a constaté que la Commission disposait d’un large pouvoir d’appréciation en vertu de l’article 85 du règlement n° 2342/2002, notamment lors de la détermination du type de garantie bancaire susceptible d’être acceptée, et que le Tribunal devait se limiter, dans son contrôle du principe de proportionnalité, à un examen consistant à vérifier si l’application dudit article par la Commission était manifestement inappropriée par rapport aux objectifs recherchés, à savoir de garantir que l’Union européenne ne subirait aucun coût ou risque en raison des délais de paiement supplémentaires accordés. Il en a conclu que l’exigence que la garantie bancaire fût fournie par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme n’était pas manifestement inappropriée pour atteindre les objectifs poursuivis et, par conséquent, ne pouvait être considérée comme contraire au principe de proportionnalité.

19      Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 septembre 2014, les requérantes ont formé un pourvoi contre l’arrêt initial, en vertu de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

20      Par arrêt du 28 janvier 2016, Quimitécnica.com et de Mello/Commission (C‑415/14 P, non publié, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2016:58), la Cour a annulé l’arrêt initial, renvoyé l’affaire devant le Tribunal et réservé les dépens.

21      Afin de se prononcer sur la demande, formulée par la Commission, de non-lieu à statuer sur le pourvoi, la Cour a cherché à savoir si les requérantes avaient un intérêt à obtenir l’annulation de l’arrêt initial.

22      À cet égard, elle a constaté, au point 38 de l’arrêt sur pourvoi, que les requérantes avaient conservé un intérêt à obtenir l’annulation de l’acte attaqué, en ce que l’exigence imposée dans cet acte, par le comptable de la Commission, de constituer une garantie bancaire émise par une banque ayant reçu la notation financière « AA » à long terme pour garantir le paiement échelonné de l’amende solidaire, en tant que condition pour pouvoir bénéficier du taux d’intérêt favorable prévu à l’article 86, paragraphe 5, du règlement n° 2342/2002, avait privé les requérantes du bénéfice de ce taux.

23      Ainsi, la Cour en a conclu que le pourvoi n’était pas dépourvu d’objet et qu’il y avait lieu d’écarter la demande de non-lieu à statuer de la Commission.

24      Dans le cadre de l’examen au fond du pourvoi, la Cour a relevé, aux points 53 et 54 de l’arrêt sur pourvoi, qu’« il ne ressort[ait pas] de l’exposé des faits à l’origine du litige […] [dans l’arrêt initial] que le Tribunal a[vait] effectivement vérifié et apprécié les éléments factuels relatifs aux échanges d’information intervenus entre les requérantes et la Commission, aux fins de se prononcer sur l’argumentation soutenue tant par les requérantes que par la Commission », que, « [d]ans ces conditions, il convenait de constater que le Tribunal ne s’[étai]t pas prononcé sur l’argumentation développée par les parties en première instance relative à leurs contacts et à la justification de la nécessité d’une notation “AA” à long terme » et qu’« [i]l a[vait], de ce fait, entaché son arrêt d’une insuffisance de motivation, qui ne permet[tait] pas à la Cour d’exercer son contrôle dans le cadre du pourvoi ».

25      La Cour a rappelé qu’elle pouvait, conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci était en état d’être jugé, mais a constaté que tel n’était pas le cas en l’espèce.

26      Par conséquent, la Cour a considéré qu’il y avait lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

 Procédure devant le Tribunal après renvoi

27      À la suite de l’arrêt sur pourvoi, et conformément à l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, l’affaire a été attribuée à la huitième chambre, par décision du président du Tribunal du 15 février 2016.

28      Conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure, les requérantes et la Commission ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations écrites sur les conséquences à tirer de la décision de la Cour pour la solution du litige, respectivement le24 mars et le 5 avril 2016.

29      Conformément à l’article 217, paragraphe 3, du règlement de procédure, les requérantes et la Commission ont déposé des mémoires complémentaires d’observations écrites au greffe du Tribunal, respectivement le 7 et le 25 juillet 2016.

30      Le 3 octobre 2016, l’affaire a été réattribuée à la première chambre, à laquelle le juge rapporteur a été affecté.

31      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

32      Le 7 février 2017, le Tribunal a posé des questions aux parties dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, au titre de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure.

33      Respectivement le 21 et le 23 février 2017, les requérantes et la Commission ont répondu aux questions du Tribunal.

34      Le 6 mars 2017, le Tribunal a invité les parties, au titre de l’article 89, paragraphe 4, du règlement de procédure, à concentrer leurs plaidoiries sur les questions de la recevabilité du recours et de la justification de la nécessité que la banque fournissant la garantie bénéficiât d’une notation financière « AA » à long terme.

35      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 21 mars 2017.

 Conclusions des parties après renvoi

36      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’acte attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens exposés dans les procédures en première instance et en pourvoi.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours tendant à l’annulation de l’acte attaqué comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens de toutes les instances.

 En droit

 Sur la recevabilité

38      La Commission excipe de l’irrecevabilité du recours, au motif que l’acte attaqué n’est pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE. Le comptable n’aurait fait qu’exécuter la décision de base. Même s’il avait accepté des paiements par tranches, sur le fondement de l’article 85 du règlement n° 2342/2002, cela ne pourrait nuire aux possibilités dont disposerait l’institution pour garantir le recouvrement de l’amende solidaire infligée aux requérantes dans la décision de base.

39      La Commission estime, par ailleurs, que les requérantes n’ont pas d’intérêt à agir en annulation de l’acte attaqué. Elle soutient que, dès lors que la demande de délais de paiement des requérantes a été acceptée, celles-ci ont été placées dans la situation juridique qu’elles souhaitaient. Dans ces circonstances, l’acte attaqué leur aurait donné satisfaction et, par sa nature, ne serait susceptible ni de modifier leur situation juridique ni de leur faire grief.

40      Dans leurs observations portant sur l’exception d’irrecevabilité, les requérantes affirment que l’acte attaqué a affecté leurs intérêts, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique, dans la mesure où il a conditionné l’octroi de délais supplémentaires, selon les modalités prévues aux articles 85 et 86 du règlement n° 2342/2002, à la constitution d’une garantie auprès d’une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme.

41      Les requérantes affirment également que, si l’acte attaqué n’était pas reconnu comme un acte faisant grief et susceptible de faire l’objet d’un recours, il serait impossible d’assurer le contrôle juridictionnel des décisions accordant ou refusant des délais de paiement supplémentaires.

42      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les mesures qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C‑351/15 P, EU:C:2017:27, point 36 et jurisprudence citée).

43      Ainsi, le recours en annulation est, en principe, ouvert à l’encontre d’une mesure par laquelle l’institution concernée fixe, au terme d’une procédure administrative, définitivement sa position (voir arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C‑351/15 P, EU:C:2017:27, point 37 et jurisprudence citée).

44      En outre, il ressort de la jurisprudence que, pour déterminer si un acte est susceptible de faire l’objet d’un recours, il convient de s’attacher à la substance même de cet acte, la forme dans laquelle il a été pris étant, en principe, indifférente à cet égard (voir arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C‑351/15 P, EU:C:2017:27, point 35 et jurisprudence citée).

45      Même si le règlement n° 2342/2002 ne consacre aucun droit pour le débiteur d’obtenir des délais supplémentaires, cela n’exclut pas de reconnaître un caractère attaquable à l’acte attaqué, en ce que celui-ci fixe définitivement la position du comptable de la Commission pour accorder les délais de paiement demandés par les requérantes et pour que ces dernières puissent bénéficier du taux d’intérêt favorable prévu à l’article 86, paragraphe 5, du règlement n° 2342/2002.

46      Ainsi, l’acte attaqué fait notamment grief aux requérantes, en affectant économiquement et juridiquement, de façon caractérisée, leur situation juridique, du fait qu’il conditionne le bénéfice du taux d’intérêt favorable prévu à l’article 86, paragraphe 5, du règlement n° 2342/2002 à la constitution d’une garantie émise par une banque ayant reçu la notation financière « AA » à long terme (arrêt sur pourvoi, point 38).

47      Une telle condition ne peut être considérée comme la simple exécution de l’obligation de payer l’amende solidaire infligée aux requérantes dans la décision de base, dont la légalité n’est pas remise en cause par ces dernières. En effet, elle ne constitue, en réalité, qu’une modalité d’exécution de cette obligation tendant à substituer au paiement de l’intégralité de l’amende dans un délai de trois mois un paiement échelonné de celle-ci, en trois tranches et en appliquant le taux d’intérêt favorable prévu à l’article 86, paragraphe 5, du règlement n° 2342/2002.

48      La circonstance que les requérantes ont payé les intérêts de retard dus au taux majoré, après avoir payé toutes les tranches de l’amende en cause, conformément au plan de paiement établi par le comptable de la Commission, ne saurait les priver de tout intérêt à former un recours en annulation contre l’acte attaqué (voir, par analogie, arrêts du 27 juin 2013, Xeda International et Pace International/Commission, C‑149/12 P, non publié, EU:C:2013:433, points 32 et 33, et du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, points 41 à 46). En effet, il n’est pas exclu que, en cas d’annulation de l’acte attaqué, les requérantes puissent bénéficier du taux d’intérêt favorable prévu à l’article 86, paragraphe 5, du règlement n° 2342/2002 (arrêt sur pourvoi, points 41 et 42).

49      Il convient donc de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

 Sur le fond

50      À l’appui du recours, les requérantes soulèvent deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation et, le second, d’une violation du principe de proportionnalité.

51      La Commission conclut au rejet du recours comme étant, en tout état de cause, non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

52      Les requérantes soutiennent que la Commission a violé l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 296 TFUE.

53      En substance, elles allèguent que, compte tenu du niveau de notation financière exigé, une motivation plus détaillée aurait dû être fournie. En outre, les requérantes observent que l’acte attaqué ne fait aucune référence au droit de l’Union et que l’exigence de motivation s’impose davantage dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.

54      Les requérantes soutiennent également que les contacts qu’elles ont eus avec la Commission ne leur ont pas permis de prendre connaissance des motifs justifiant l’exigence d’une notation financière « AA » à long terme.

55      La Commission conteste, en substance, avoir violé l’obligation de motivation, dans la mesure où l’exigence d’une garantie bancaire émise par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme correspond à une pratique constante. Les motifs du refus de la garantie proposée par les requérantes ressortent du contexte dans lequel l’acte attaqué a été adopté et d’éléments d’information dont les requérantes disposaient au moment de l’introduction du recours.

56      Enfin, la Commission soutient que les requérantes ont eu, à plusieurs occasions, la possibilité de prendre connaissance, auprès de ses services, des motifs justifiant le refus de la garantie qu’elles avaient proposée et l’exigence que la garantie bancaire fût fournie par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme.

57      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard, non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, EU:C:2003:510, point 76 et jurisprudence citée, et du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 43 et jurisprudence citée).

58      Ainsi, dans le cadre des décisions individuelles, l’obligation de motivation a pour but, outre de permettre un contrôle juridictionnel, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (arrêts du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, EU:C:2003:531, point 145 ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 462, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 148).

59      À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 85 du règlement n° 2342/2002, des délais supplémentaires pour le paiement d’une amende ne peuvent être accordés par le comptable, en liaison avec l’ordonnateur compétent, que sur demande écrite dûment motivée du débiteur.

60      L’étendue de l’obligation de motivation de la Commission, en réponse à une demande de délais supplémentaires pour le paiement d’une amende, dépend, avant tout, du contenu de la demande écrite dûment motivée du débiteur et des garanties proposées par ce dernier, conformément à l’article 85 du règlement n° 2342/2002. En effet, la motivation de la décision en cause doit être déterminée en fonction des arguments invoqués devant la Commission (voir, par analogie, ordonnance du 7 février 2012, Total et Elf Aquitaine/Commission, C‑421/11 P, non publiée, EU:C:2012:60, point 59 et jurisprudence citée).

61      Dans l’acte attaqué, le comptable de la Commission s’est borné à indiquer que la banque émettrice de la garantie bancaire devait avoir reçu la notation financière « AA » à long terme et que la garantie proposée par les requérantes émanait d’une banque, à savoir la BCP, qui ne remplissait pas cette condition. Elle ne contient pas de motivation explicite concernant cette exigence, qui justifie le rejet de la garantie proposée par les requérantes.

62      Toutefois, la motivation de la décision litigieuse doit être appréciée en fonction de tous les éléments d’information dont les requérantes disposaient avant d’introduire le présent recours devant le Tribunal (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 25 février 2003, Renco/Conseil, T‑4/01, EU:T:2003:37, point 96 ; du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, non publié, EU:T:2008:324, point 59, et du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, EU:T:2009:163, point 73).

63      À cet égard, l’examen du dossier permet d’établir que les requérantes avaient été mises au courant, par l’article 3 de la décision de base, décrivant les modalités de paiement plus favorables directement accordées à Tessenderlo Chemie NV, par un courrier électronique du 2 août 2010 faisant référence à une note d’information à la Commission du membre de la Commission chargé de la concurrence, M. Joaquin Almunia, du 12 juin 2010 et par les nombreux échanges qu’elles avaient eus avec la direction générale (DG) « Budget », lesquels avaient notamment été résumés dans une lettre du 27 octobre 2010), que l’exigence de garantie émise par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme constituait une pratique habituelle de la Commission pour protéger les intérêts financiers de l’Union.

64      Ainsi, dans sa lettre du 27 octobre 2010, la Commission a expressément justifié l’exigence de notation financière « AA » à long terme par l’obligation de protéger les intérêts financiers de l’Union et la nécessité d’assurer une égalité de traitement dans des situations comparables.

65      Au regard des échanges intervenus entre la Commission et les requérantes, avant et après la transmission de l’acte attaqué, et eu égard au contexte dans lequel cette dernière décision a été adoptée, les requérantes ont pu prendre connaissance des raisons pour lesquelles le comptable de la Commission avait exigé que la banque émettant la garantie bénéficiât d’une notation financière « AA » à long terme.

66      En outre, ces motifs sont suffisants pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle sur la décision attaquée.

67      Par conséquent, la Commission n’a pas violé l’obligation de motivation qui lui incombe et le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

68      Les requérantes allèguent, en substance, que l’exigence, formulée par le comptable de la Commission, d’une garantie émise par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme était disproportionnée par rapport à l’objectif visé, à savoir la protection du droit de l’Union à obtenir le paiement intégral, tant en capital qu’en intérêts, de l’amende solidaire infligée aux requérantes dans la décision de base. Étant donné la situation financière du Portugal, et en dépit de tous leurs efforts, il leur aurait été impossible d’obtenir une garantie émise par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme.

69      Les requérantes soulignent que le « large pouvoir d’appréciation » conféré au comptable de la Commission, en vertu de l’article 85 du règlement n° 2342/2002, ne porte pas sur le caractère acceptable du type ou du contenu de la garantie proposée. Dès lors, le contrôle du Tribunal ne doit pas porter sur le point de savoir si la garantie qu’elles avaient proposée était manifestement disproportionnée pour atteindre les objectifs recherchés, mais si elle était nécessaire pour atteindre lesdits objectifs.

70      Selon la Commission, c’est à juste titre que le Tribunal, dans l’arrêt initial, a appliqué la jurisprudence selon laquelle le contrôle du principe de proportionnalité consiste à déterminer si la condition imposée par le comptable était « manifestement inappropriée » par rapport aux objectifs recherchés. Dans ses observations du 5 avril 2016, elle a précisé que les objectifs poursuivis en l’espèce étaient de garantir le recouvrement intégral de l’amende solidaire infligée aux requérantes dans la décision de base, en cas de défaillance de ces dernières, tout en assurant l’égalité de traitement entre tous les débiteurs demandant, sur le fondement de l’article 85 du règlement n° 2342/2002, des délais pour le paiement d’amendes infligées pour violation des règles de concurrence. Dans sa réponse écrite aux questions du Tribunal, la Commission a soutenu que le comptable de l’institution jouissait d’un pouvoir d’appréciation aux fins de déterminer si la garantie bancaire proposée était ou non acceptable.

71      En l’espèce, l’exigence que la garantie fût constituée auprès d’une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme n’aurait pas été manifestement inappropriée pour protéger les intérêts financiers de l’Union et assurer l’égalité de traitement entre les débiteurs concernés. La Commission a observé que, dans la mesure où elle ne disposait ni des moyens ni des instruments nécessaires pour mesurer la solvabilité des banques, elle devait se référer aux notations financières communiquées par les agences de notation Standard & Poor’s, Fitch ou Moody’s. En réponse aux questions du Tribunal, elle a fait valoir que, en règle générale, le comptable exigeait, dans le cadre de l’application des articles 85 et 85 bis du règlement n° 2342/2002, une garantie octroyée par une banque ayant reçu la notation financière « AA » à long terme par l’une des agences susmentionnées.

72      La Commission soutient que, à la date de l’acte attaqué, plusieurs banques bénéficiaient d’une notation « AA » à long terme au Portugal, dont Banco Santander Totta, et dans d’autres États membres, notamment cinq banques en Espagne. Or, les requérantes n’auraient jamais fourni aucune information quant à un éventuel refus de garantie de la part de banques bénéficiant d’une telle notation, ni démontré qu’il leur aurait été impossible d’obtenir une garantie auprès d’une telle banque.

73      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le pouvoir dont la Commission est investie, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), comprend la faculté de déterminer la date d’exigibilité des amendes et la prise de cours des intérêts de retard, de fixer le taux de ces intérêts et d’arrêter les modalités d’exécution de sa décision en exigeant, le cas échéant, la constitution d’une garantie bancaire couvrant le montant, en principal et en intérêts, des amendes infligées. En l’absence d’un tel pouvoir, l’avantage que les entreprises seraient susceptibles de tirer du paiement tardif des amendes aurait pour effet d’affaiblir les sanctions infligées par la Commission dans le cadre de sa mission consistant à veiller à l’application des règles de concurrence. Ainsi, l’application d’intérêts de retard aux amendes se justifie par la nécessité de décourager les comportements dilatoires, d’éviter que l’effet utile du traité ne soit déjoué par des pratiques mises en œuvre de manière unilatérale par des entreprises tardant à payer les amendes auxquelles elles ont été condamnées et d’exclure que ces dernières soient avantagées par rapport à celles qui s’acquittent du paiement de leurs amendes à l’échéance qui leur a été impartie (voir arrêt du 8 octobre 2008, SGL Carbon/Commission, T‑68/04, EU:T:2008:414, point 143 et jurisprudence citée).

74      Par ailleurs, l’article 85 du règlement n° 2342/2002 dispose que le comptable de l’institution détentrice d’une créance peut accorder au débiteur de celle-ci des délais de paiement supplémentaires à la double condition qu’il s’engage au paiement d’intérêts, au taux prévu à l’article 86 de ce même règlement, pour toute la période du délai accordé et qu’il constitue, afin de protéger les droits de l’Union, une garantie bancaire « acceptée » par le comptable de l’institution, couvrant la créance non encore remboursée, tant en principal qu’en intérêts.

75      Comme la Commission le soutient à bon droit, le comptable de cette institution jouit d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer si la garantie bancaire proposée par le débiteur permet d’assurer le recouvrement intégral de la créance, en éliminant ou en réduisant tout risque de non-remboursement, tout en respectant le principe d’égalité de traitement entre tous les débiteurs demandant des délais pour le paiement de la créance concernée.

76      Dans la mesure où la Commission ne dispose ni des moyens ni des instruments nécessaires pour mesurer la solvabilité des banques, elle est fondée à se référer aux notations financières indépendantes, communément admises, largement utilisées et crédibles, délivrées par les agences de notation Standard & Poor’s, Fitch ou Moody’s.

77      Il y a lieu de rappeler que l’exigence d’une garantie bancaire ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire afin de protéger les droits de l’Union, en tenant compte des circonstances particulières de l’espèce.

78      La notation financière « AA » à long terme, qui, ainsi qu’il ressort des documents versés au dossier par la Commission, est généralement exigée par le comptable de l’institution, correspond, selon ces mêmes documents, à une notation élevée, témoignant d’une très forte capacité de la personne concernée à respecter ses engagements financiers. Sans correspondre à la notation la plus élevée, à savoir la notation « AAA », réservée à certaines dettes souveraines et dont seules très peu de banques bénéficient, la notation « AA » assure, en principe, à l’Union le recouvrement intégral de la créance concernée, malgré l’octroi de délais de paiement. Un niveau équivalent de garantie ne serait pas atteint par une simple notation « A », laquelle équivaut certes à une forte capacité de la personne concernée à respecter ses engagements financiers, mais avec une sensibilité aux aléas économiques et aux changements de conditions conjoncturelles.

79      Ainsi, en général, l’exigence d’une notation financière « AA » à long terme ne peut pas être considérée comme manifestement disproportionnée pour atteindre les objectifs poursuivis par la réglementation applicable. Le comptable est toutefois dans l’obligation de tenir compte des circonstances particulières de l’espèce.

80      En outre, il y a lieu de tenir compte de ce que les requérantes n’ont pas indiqué, dans leur demande écrite adressée au comptable de la Commission, en quoi l’exigence qu’elles fournissent une garantie octroyée par une banque bénéficiant d’une notation « AA » à long terme aurait été disproportionnée dans les circonstances particulières de l’espèce.

81      En particulier, elles n’ont fourni aucun élément établissant un refus de garantie qui leur aurait été opposé par l’une des deux banques bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme qu’elles avaient contactées, à savoir Barclays Bank et Banco Santander Totta, ni, le cas échéant, les raisons de ce refus.

82      Dans un tel cas, le comptable de la Commission n’était pas tenu d’évaluer dans quelle mesure les requérantes étaient en présence de circonstances exceptionnelles, liées à la crise financière, qui auraient pu faire obstacle à ce qu’elles obtiennent une garantie auprès d’une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme.

83      En traitant la demande des requérantes, le comptable de la Commission n’a pas dérogé aux règles qui étaient appliquées, de la même manière, à tous les débiteurs demandant des délais de paiement, notamment, à Tessenderlo Chemie, société à laquelle une amende avait également été infligée dans la décision de base et qui avait été en mesure de fournir une garantie émanant d’une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme.

84      Il résulte de ce qui précède que le refus par le comptable de la Commission d’accepter la garantie proposée par les requérantes et le maintien par celui-ci de l’exigence que la garantie fût fournie par une banque bénéficiant d’une notation financière « AA » à long terme n’étaient pas manifestement disproportionnés, dans les circonstances de l’espèce, par rapport à l’objectif d’assurer le recouvrement intégral de l’amende solidaire infligée aux requérantes, tout en respectant le principe d’égalité de traitement entre toutes les entreprises demandant des délais pour le paiement de telles amendes.

85      Il s’ensuit que le second moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, et, partant, le recours dans sa totalité doivent être rejetés.

 Sur les dépens

86      Dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a réservé les dépens. Il appartient donc au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant le Tribunal et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour, conformément à l’article 219 du règlement de procédure.

87      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

88      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

89      La Commission ayant succombé dans la procédure de pourvoi devant la Cour, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les requérantes, liés à cette procédure ainsi qu’à la procédure devant le Tribunal antérieure au pourvoi.

90      Les requérantes et la Commission ayant succombé respectivement sur le fond et sur la recevabilité dans la procédure de renvoi devant le Tribunal, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens liés à cette procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      L’exception d’irrecevabilité est rejetée.

2)      Le recours est rejeté.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Quimitécnica.com – Comércio e Indústria Química, SA et José de Mello – Sociedade Gestora de Participações Sociais, SA afférents à la procédure de pourvoi devant la Cour ainsi qu’à la procédure devant le Tribunal antérieure au pourvoi.


4)      Quimitécnica.com – Comércio e Indústria Química, José de Mello – Sociedade Gestora de Participações Sociais et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens afférents à la procédure de renvoi devant le Tribunal

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 septembre 2017.

Signatures


*      Langues de procédure : le portugais.