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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

15 avril 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative FLOW FILTER – Motifs absolus de refus – Caractère distinctif – Absence de caractère descriptif – Absence de caractère usuel – Article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), du règlement (UE) 2017/1001 – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑20/23,

Japan Tobacco, Inc., établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes J. L. Gracia Albero et E. Cebollero González, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Dunhill Tobacco of London Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Mes I. Fowler, I. Junkar et B. Worbes, avocats,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. P. Zilgalvis et Mme E. Tichy‑Fisslberger, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phrase écrite de la procédure,

vu l’ordonnance du 21 novembre 2023, Japan Tobacco/EUIPO – Dunhill Tobacco of London (FLOW FILTER) (T‑20/23, non publiée, EU:T:2023:753), par laquelle le Tribunal a rejeté le recours incident de l’intervenante comme étant irrecevable,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Japan Tobacco, Inc., demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 octobre 2022 (affaire R 1774/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 12 mai 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée, le 18 décembre 2018, par l’intervenante, Dunhill Tobacco of London Ltd, pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « cigarettes ; tabac brut ou manufacturé ; tabac à rouler ; tabac à pipe ; produits du tabac ; succédanés du tabac (non à usage médical) ; cigares ; cigarillos ; briquets pour cigarettes ; briquets pour cigares ; allumettes ; articles pour fumeurs ; papier à cigarettes ; tubes à cigarettes ; filtres pour cigarettes ; appareils de poche pour rouler les cigarettes ; machines à main pour injecter du tabac dans des tubes en papier ; cigarettes électroniques ; liquides pour cigarettes électroniques ; produits du tabac destinés à être chauffés ».

4        La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d) dudit règlement.

5        Le 15 septembre 2021, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

6        Le 15 octobre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif qu’il n’était pas prouvé que la marque contestée avait été enregistrée en violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d) dudit règlement.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens de la présente procédure et l’intervenante aux dépens de la procédure devant la division d’annulation et devant la chambre de recours.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours :

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

10      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

12      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

13      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, le deuxième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, le troisième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du même règlement.

14      À titre liminaire, conformément à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, notamment sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsqu’elle a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 dudit règlement.

15      Une marque de l’Union européenne est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. La marque contestée bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement. Dans ces circonstances, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause la validité de la marque contestée [voir arrêt du 23 septembre 2020, Clouds Sky/EUIPO – The Cloud Networks (Wi-Fi Powered by The Cloud), T‑738/19, non publié, EU:T:2020:441, point 36 et jurisprudence citée].

16      Chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est indépendant des autres et exige un examen séparé (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 45 et jurisprudence citée).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001

17      La requérante estime, en substance, que la chambre de recours a erronément conclu, dans la décision attaquée, que la marque contestée n’était pas descriptive des produits couverts par celle-ci au moment du dépôt de la demande d’enregistrement en cause.

18      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette allégation de la requérante.

19      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2 du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

20      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou les indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir arrêt du 23 septembre 2020, Wi-Fi Powered by The Cloud, T‑738/19, non publié, EU:T:2020:441, point 30 et jurisprudence citée).

21      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut que celui-ci présente avec les produits ou les services en cause un lien suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou de ces services ou de l’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 23 septembre 2020, Wi-Fi Powered by The Cloud, T‑738/19, non publié, EU:T:2020:441, point 31 et jurisprudence citée).

22      Dès lors, le caractère descriptif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 23 septembre 2020, Wi-Fi Powered by The Cloud, T‑738/19, non publié, EU:T:2020:441, point 32 et jurisprudence citée).

23      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le présent moyen.

 Sur le public pertinent

24      Il y a lieu de constater que la chambre de recours a considéré à juste titre, au point 42 de la décision attaquée, que le public pertinent était constitué, eu égard aux produits en cause, du grand public composé des fumeurs, dont le niveau d’attention était élevé en raison de leur fidélité à la marque.

25      Par ailleurs, dans la mesure où la marque contestée est composée de termes anglais, la chambre de recours a considéré à juste titre, au point 40 de la décision attaquée, que l’appréciation de son caractère descriptif devait s’effectuer au regard de la partie anglophone de l’Union, à savoir l’Irlande et Malte, où l’anglais est une langue officielle. Elle a également ajouté qu’il convenait de garder à l’esprit que dans les pays scandinaves, aux Pays-Bas et en Finlande, une compréhension de base de l’anglais était un fait notoire. Ce constat valait aussi pour Chypre, selon la chambre de recours, où l’anglais était la seule langue officielle jusqu’en 1960, laquelle continue d’être parlée par une partie importante de sa population. En outre, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, il suffit qu’un motif de refus existe dans une partie de l’Union. Ainsi, l’approche de la chambre de recours consistant à concentrer son appréciation sur la partie anglophone de l’Union, qui est la plus à même de reconnaitre les mots composant l’élément verbal de la marque contestée, ne saurait être critiquée.

26      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont, d’ailleurs, pas contestées par la requérante.

 Sur le caractère descriptif de la marque contestée

27      Premièrement, la requérante soutient que la chambre de recours a considéré à tort que les décisions du 7 décembre 2020, n° 43623 C, du 25 novembre 2020, n° 43644 C et du 19 novembre 2020, n° 43624 C, de la division d’annulation de l’EUIPO n’étaient pas applicables. Deuxièmement, selon la requérante, la chambre de recours a considéré à tort que les éléments de preuve produits en pièce jointe no 2 du dossier n’étaient pas suffisants pour conclure que l’élément figuratif de la marque contestée présentait un caractère descriptif à la date du dépôt de ladite marque. Or, ces éléments de preuve montreraient que l’intersection incluse dans ledit élément figuratif représenterait deux des finitions de filtre les plus courantes sur le marché. Troisièmement, la chambre de recours a considéré à tort que ladite marque, prise dans son ensemble, n’était pas descriptive des caractéristiques des produits en cause à la date de son dépôt. En effet, les éléments verbaux « flow filter » de la marque contestée « amèneraient clairement les consommateurs à […] percevoir [son élément figuratif] comme une image descriptive d’un filtre à section transversale ».

28      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

29      À titre liminaire, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 44 de la décision attaquée, que la marque contestée est composée, en substance, des éléments verbaux « flow » et « filter », écrits en lettres majuscules, et d’un élément figuratif, de couleur gris-bleu, constitué de deux lignes circulaires, au milieu desquelles se trouve un élément graphique correspondant à une lettre minuscule « f » stylisée. Cet élément graphique occupe une grande partie de la marque contestée et est d’une plus grande taille que les éléments verbaux.

–       Sur l’appréciation erronée des décisions antérieures de l’EUIPO

30      À cet égard, il suffit de rappeler que, d’une part, les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre en vertu du règlement 2017/1001 relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

31      D’autre part, l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, y compris les principes d’égalité de traitement et de bonne administration. Eu égard auxdits principes, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions qu’il a déjà adoptées sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes devant être conciliée avec le respect du principe de légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 77).

32      Il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 49 de la décision attaquée, que les situations factuelles des affaires ayant donné lieu aux décisions de l’EUIPO invoquées par la requérante sont différentes de celle du cas d’espèce, étant donné que, dans ces décisions, l’élément figuratif des marques concernées ne présentait pas la même complexité que l’élément figuratif de la marque contestée. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, l’élément figuratif de ces marques représentait une forme géométrique circulaire simple, alors que l’élément figuratif de la marque contestée correspond, ainsi qu’il a été relevé au point 29 ci-dessus, à deux lignes circulaires, au milieu desquelles se trouve un élément graphique représentant une lettre minuscule « f » stylisée. En outre, contrairement aux éléments figuratifs des marques concernées, l’élément figuratif de la marque contestée occupe une grande partie de celle-ci et est d’une plus grande taille que les éléments verbaux la composant.

33      Il s’ensuit que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que le caractère descriptif de la marque contestée ne saurait être démontré par ces décisions.

–       Sur l’appréciation erronée du caractère descriptif de l’élément figuratif de la marque contestée

34      Au soutien de son allégation quant au caractère descriptif de l’élément figuratif de la marque contestée, la requérante a produit des captures d’écran de filtres pour cigarettes tirées de sites Internet.

35      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré, en substance, au point 52 de la décision attaquée, que les images produites ne décrivaient aucune caractéristique objective, inhérente, intrinsèque ou permanente d’un produit du tabac.

36      À cet égard, il convient de rappeler que la procédure de nullité a pour objet, notamment, de permettre à l’EUIPO de revoir la validité de l’enregistrement d’une marque et d’adopter une position qu’il aurait dû, le cas échéant, adopter d’office au cours de la procédure d’enregistrement, conformément à l’article 42, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 [arrêt du 30 mai 2013, ultra air/OHMI – Donaldson Filtration Deutschland (ultrafilter international), T‑396/11, EU:T:2013:284, point 20].

37      Or, si la plupart des captures d’écran produites montrent des filtres pour cigarettes de forme circulaire et contenant une ligne transversale à des dates postérieures à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, intervenue le 18 décembre 2018 (ci-après « la date pertinente »), aucune ne montre un élément graphique correspondant à une lettre minuscule « f » stylisée comme dans la marque contestée.

38      Dans ces conditions, la chambre de recours a relevé à juste titre, au point 52 de la décision attaquée, que les éléments de preuve présentés ne contenaient aucune image d’un bout de filtre comportant un élément circulaire spécifique avec la lettre minuscule « f » stylisée qui coupe le cercle intérieur et se fond avec le cercle extérieur, comme dans la marque contestée.

39      Par ailleurs, ainsi que le souligne à juste titre l’EUIPO, les captures d’écran présentées par la requérante sont toutes postérieures à la date pertinente. Elles sont, en effet, datées de décembre 2020, de février 2021 et de janvier 2022.

40      Dans ces circonstances, même à supposer, comme l’affirme la requérante, que, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, l’élément figuratif de la marque contestée était la représentation descriptive d’un filtre à cigarette et que le public pertinent l’aurait immédiatement, et sans autre réflexion, perçu ainsi, une telle affirmation ne peut pas être considérée comme ayant été dûment prouvée sur la base des éléments de preuve présentés.

41      Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, l’existence d’un rapport suffisamment direct et concret entre son élément figuratif et les produits pour lesquels la marque avait été enregistrée, qui était de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou d’une de leurs caractéristiques au sens de la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus.

 Sur l’appréciation erronée du caractère descriptif de la marque contestée

42      En l’espèce, il convient de relever d’emblée que le caractère descriptif de la marque contestée, alléguée par la requérante, repose sur son élément figuratif et sa représentation descriptive d’un filtre à cigarette. La requérante soutient, en effet, dans ses écritures, que les éléments verbaux « flow filter » de ladite marque dissiperaient toute ambiguïté quant à la perception descriptive de l’élément figuratif et amèneraient clairement les consommateurs à percevoir cet élément comme l’image descriptive d’un filtre à section transversale.

43      Cependant, il a été relevé aux points 40 à 41 ci-dessus que les éléments de preuve présentés par la requérante ne permettaient pas de démontrer que l’élément figuratif de la marque contestée était, à la date du dépôt de sa demande d’enregistrement, la représentation descriptive d’un filtre à cigarette et qu’il serait immédiatement, et sans autre réflexion, perçu comme telle par le public pertinent.

44      Dans ces circonstances, dès lors que la preuve du caractère descriptif de l’élément figuratif de la marque contestée n’a pas été rapportée et que le caractère descriptif allégué de la marque contestée reposait sur son élément figuratif, la requérante ne saurait valablement reprocher à la chambre de recours d’avoir considéré que les éléments de preuve produits ne permettaient pas d’établir le caractère descriptif de ladite marque, à la date du dépôt de sa demande, en ce qui concerne en particulier son élément figuratif.

45      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les preuves présentées par la requérante ne permettaient pas de constater le caractère descriptif allégué de la marque contestée dans son ensemble à la date du dépôt de sa demande d’enregistrement et que, par conséquent, elle ne pouvait pas être considérée comme tombant sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

46      Le premier moyen doit donc être écarté comme manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

47      La requérante soutient, en substance, que, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, l’élément figuratif de la marque contestée n’est pas distinctif. D’une part, ainsi qu’il ressort des éléments de preuve produits, il serait perçu par le public pertinent comme la représentation descriptive d’un filtre à cigarette. D’autre part, compte tenu de son caractère banal ou purement décoratif, il ne serait pas de nature à détourner l’attention du public pertinent du message clair et descriptif transmis par les éléments verbaux de ladite marque.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

49      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause la validité de la marque contestée.

50      D’une part, il a été conclu au point 41 ci-dessus que les éléments de preuve présentés par la requérante ne permettaient pas de démontrer que l’élément figuratif de la marque contestée était, à la date du dépôt de sa demande d’enregistrement, la représentation descriptive d’un filtre à cigarette et qu’il serait immédiatement, et sans autre réflexion, perçu comme telle par le public pertinent.

51      Dans ces conditions, dans la mesure où le caractère descriptif de l’élément figuratif de la marque contestée n’a pas été dûment démontré par la requérante, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours n’a pas constaté l’absence de caractère distinctif de l’élément figuratif en raison de son caractère descriptif.

52      D’autre part, bien que la requérante allègue le caractère banal de l’élément figuratif de la marque contestée dans le secteur des produits concernés à la date pertinente, il a été relevé au point 37 ci-dessus que si la plupart des éléments de preuve produits montraient des filtres pour cigarettes de forme circulaire et contenant une ligne transversale à des dates postérieures à la date pertinente, aucun ne montrait, en tout état de cause, un élément graphique correspondant à une lettre minuscule « f » stylisée comme dans ladite marque.

53      Par ailleurs, pour autant que la requérante soutient que l’élément figuratif de la marque contestée aurait dû être considéré par la chambre de recours comme ne possédant pas un caractère distinctif intrinsèque suffisant pour détourner l’attention du public pertinent du message clair et descriptif transmis par les éléments verbaux de ladite marque, il convient de rappeler, à cet égard, que, contrairement à ce qu’elle semble suggérer, l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne n’est pas subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services protégés par celle-ci et de les distinguer de ceux d’autres entreprises (arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, EU:C:2004:532, point 41). En particulier, un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 [voir ordonnance du 12 février 2021, sprd.net/EUIPO – Shirtlabor (I love), T‑19/20, non publiée, EU:T:2021:89, point 27 et jurisprudence citée].

54      En l’occurrence, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours aux points 65 et 66 de la décision attaquée, que l’élément figuratif de la marque contestée, qui consiste en une lettre minuscule « f » stylisée au milieu de deux lignes circulaires, sur un fond gris-bleu, s’écarte sensiblement de la forme géométrique simple et basique d’un cercle ou de la manière dont des lettres uniques sont généralement présentées. La lettre minuscule « f », au milieu de ces deux lignes circulaires, présente une stylisation suffisamment fantaisiste et originale, conférant à cet élément un degré minimum de caractère distinctif pour remplir la fonction de marque.

55      L’élément figuratif de la marque contestée est également visuellement frappant, en raison de sa grande taille et de son positionnement au début de ladite marque. Il occupe une grande partie de cette marque et est d’une plus grande taille que les éléments verbaux.

56      Par suite, compte tenu de sa stylisation et de sa position substantielle dans la marque contestée, l’élément figuratif de ladite marque est susceptible de détourner l’attention du public pertinent des éléments verbaux la composant, si bien qu’elle est dans son ensemble distinctive.

57      Cette conclusion ne saurait être infirmée par la jurisprudence invoquée par la requérante selon laquelle plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif [voir arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 39 et jurisprudence citée, et du 11 juin 2009, Baldesberger/OHMI (Forme d’une pincette), T‑78/08, non publié, EU:T:2009:199, point 24 et jurisprudence citée]. À cet égard, il suffit de rappeler qu’il a été relevé au point 37 ci-dessus que les éléments de preuve produits par la requérante ne permettaient pas de démontrer que, à la date pertinente, l’élément figuratif de la marque contestée était banal dans le secteur des produits concernés.

58      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les preuves présentées par la requérante ne permettaient pas de constater l’absence alléguée de caractère distinctif de la marque contestée dans son ensemble à la date du dépôt de sa demande d’enregistrement et que, par conséquent, elle ne pouvait pas être considérée comme tombant sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

59      Le deuxième moyen doit donc être écarté comme manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement 2017/1001

60      La requérante soutient, en substance, que la marque contestée était exclusivement composée, à la date du dépôt de sa demande d’enregistrement, d’éléments qui étaient devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce dans le secteur des produits concernés.

61      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

62      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement 2017/1001 s’oppose à l’enregistrement des marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce.

63      Cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose à l’enregistrement d’une marque que lorsque les signes ou les indications dont cette marque est exclusivement composée sont devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits ou les services pour lesquels ladite marque est présentée à l’enregistrement [voir arrêt du 16 mars 2006, Telefon & Buch/OHMI – Herold Business Data (WEISSE SEITEN), T‑322/03, EU:T:2006:87, point 49 et jurisprudence citée].

64      Ainsi, des signes ou des indications composant une marque qui sont devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits ou les services visés par cette marque ne sont pas propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises et ne remplissent donc pas la fonction essentielle de ladite marque (voir arrêt du 16 mars 2006, WEISSE SEITEN, T‑322/03, EU:T:2006:87, point 52 et jurisprudence citée).

65      Le caractère usuel d’une marque ne peut être apprécié que par rapport, d’une part, aux produits ou aux services visés par la marque, même si la disposition en cause ne fait pas une référence explicite à ceux-ci, et, d’autre part, à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 16 mars 2006, WEISSE SEITEN, T‑322/03, EU:T:2006:87, point 49 et jurisprudence citée).

66      Il y a également lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause la validité de la marque contestée.

67      En l’espèce, il a été considéré, au point 56 ci-dessus, que l’élément figuratif de la marque contestée était susceptible, compte tenu de sa stylisation et de sa position substantielle dans ladite marque, de détourner l’attention du public pertinent de ses éléments verbaux, si bien que la même marque était, dans son ensemble, distinctive.

68      Il a été relevé au point 37 ci-dessus que si la plupart des éléments de preuve produits par la requérante montraient des filtres pour cigarettes de forme circulaire et contenant une ligne transversale à des dates postérieures à la date pertinente, aucun ne montrait, en tout état de cause, un élément graphique correspondant à une lettre minuscule « f » stylisée, comme dans la marque contestée.

69      Il s’ensuit que, bien que la requérante allègue le caractère usuel de la marque contestée dans son ensemble à la date du dépôt de sa demande d’enregistrement, il convient de relever qu’elle n’a pas démontré que cette marque était, à cette date, exclusivement composée d’éléments devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits pour lesquels elle avait été enregistrée.

70      Dans ces circonstances, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les preuves présentées par la requérante ne permettaient pas de constater le caractère usuel allégué de la marque contestée dans son ensemble à la date du dépôt de sa demande d’enregistrement et que, par conséquent, elle ne pouvait pas être considérée comme tombant sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement 2017/1001.

71      Le troisième moyen doit donc être écarté comme manifestement non fondé.

72      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

74      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière.

75      En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas d’audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Japan Tobacco, Inc. supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Dunhill Tobacco of London Ltd.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 15 avril 2024.

Le greffier

 

La présidente

V. Di Bucci

 

M. J. Costeira


*      Langue de procédure : l’anglais.