Language of document : ECLI:EU:T:2006:157

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 juin 2006(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque figurative consistant en la représentation d’une peau de vache en noir et blanc – Marque figurative nationale antérieure constituée pour partie de la représentation d’une peau de vache en noir et blanc – Caractère distinctif de l’élément d’une marque – Absence de risque de confusion – Rejet de l’opposition – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T-153/03,

Inex SA, établie à Bavegem (Belgique), représentée par Me T. van Innis, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par MM. U. Pfleghar et G. Schneider, puis par MM. Schneider et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), intervenant devant le Tribunal, étant

Robert Wiseman & Sons Ltd, établie à Glasgow (Royaume-Uni), représentée par Me A. Roughton, barrister,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 4 février 2003 (affaire R 106/2001-2), relative à une procédure d’opposition entre Inex SA et Robert Wiseman & Sons Ltd,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 avril 2003,

vu les mémoires en réponse de l’intervenante et de l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) déposés au greffe du Tribunal respectivement les 4 et 12 septembre 2003,

à la suite de l’audience du 7 septembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er avril 1996, l’intervenante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’« Office »), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 32 et 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Lait, boissons lactées, produits laitiers, crème et yaourt » ;

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 39 : « Collecte, livraison, distribution et transport de marchandises par route ».

4        Le 27 octobre 1997, la demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 25/97.

5        Le 22 janvier 1998, la requérante a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de cette demande de marque communautaire, en invoquant l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

6        L’opposition était fondée sur la marque figurative antérieure n° 580 538, enregistrée dans les pays du Benelux le 17 octobre 1995 pour des produits relevant des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice et reproduite ci-après :

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7        L’opposition portait sur une partie des produits couverts par la marque antérieure, à savoir les « Lait et produits laitiers », et était dirigée à l’encontre des produits « Lait, boissons lactées et produits laitiers » visés par la demande de marque. En réponse aux observations de l’intervenante, la requérante a précisé que l’opposition était dirigée contre l’ensemble des produits de la classe 29 désignés dans la demande de marque, y compris les « crèmes et yaourts ».

8        Par décision du 29 novembre 2000, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif que les signes en cause étaient suffisamment dissemblables pour ne pas donner lieu à un risque de confusion.

9        Le 22 janvier 2001, la requérante a formé un recours auprès de l’Office, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 4 février 2003 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’Office a rejeté le recours. La chambre de recours a indiqué qu’il existait de fortes différences visuelles entre les marques en cause. Elle a toutefois considéré que les marques litigieuses présentaient une similitude conceptuelle, en ce qu’elles évoquaient toutes deux l’idée d’une vache. Cependant, en raison du fait que cette similitude portait sur un élément peu distinctif pour les produits en cause, celle-ci n’a pas été considérée comme suffisante pour permettre de conclure à l’existence d’un risque de confusion. Ainsi, malgré le fait que les deux marques désignaient des produits identiques, la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’Office aux dépens.

12      L’Office conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens de la partie intervenante.

 En droit

14      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

15      La requérante fait valoir que la chambre de recours a méconnu la règle de l’interdépendance entre la similitude des marques et celle des produits et services, dégagée dans les arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, Rec. p. I‑5507), et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer (C‑342/97, Rec. p. I‑3819), selon laquelle un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques en conflit, et inversement.

16      Par ailleurs, la chambre de recours aurait méconnu la règle selon laquelle l’appréciation globale de la similitude des signes en cause doit se fonder sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, eu égard à leurs éléments distinctifs et dominants, et à la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des marques, dont il ne retiendrait qu’une image imparfaite. La requérante soutient, à cet égard, que la chambre de recours aurait dû relever que le risque de confusion entre les signes en cause était augmenté par le fait que les produits concernés s’adressaient au grand public.

17      La requérante fait valoir, en outre, que la chambre de recours s’est contredite, d’une part, en constatant que l’aspect figuratif de la marque demandée, représentant une peau de vache, était identique à l’élément dominant de la marque antérieure et, d’autre part, en considérant que les marques en cause présentaient de fortes différences visuelles. La chambre de recours aurait dû, selon la requérante, relever l’existence d’une similitude visuelle entre ces deux marques, l’une étant exclusivement constituée de l’élément dominant de l’autre.

18      La requérante soutient, enfin, que l’élément dominant de la marque antérieure est nécessairement distinctif, du fait que l’une des marques en est exclusivement constituée. À cet égard, dans les pays du Benelux, l’élément dominant de la marque antérieure serait distinctif, dès lors que son emballage est le seul, dans ces pays, à porter la représentation d’une peau de vache en noir et blanc comme élément dominant. En réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, ainsi que lors de l’audience, la requérante a précisé que, dans la mesure où la partie intervenante ne contestait pas que la marque antérieure était la seule, dans les pays du Benelux, à utiliser le dessin d’une peau de vache comme élément dominant, celle-ci a implicitement admis que cet élément était distinctif. Le Tribunal violerait le principe dispositif s’il devait mettre en doute cette constatation. La requérante souligne également que l’élément dominant de sa marque ne peut être que distinctif, eu égard au caractère très concurrentiel du marché.

19      L’Office et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, on entend par « marques antérieures » les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

21      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 23, et du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 37].

22      Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, point 50].

23      Cette appréciation globale tient compte, notamment, de la connaissance de la marque sur le marché, ainsi que du degré de similitude des marques et des produits ou des services désignés. À cet égard, elle implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts Canon, précité, point 17, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19).

24      En outre, la perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

25      En l’espèce, la similitude des produits désignés par les marques en cause n’est pas contestée par les parties. Seule est débattue la question de savoir si c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les marques en cause étaient suffisamment dissemblables pour ne pas donner lieu à un risque de confusion.

 Sur la similitude des signes

26      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

27      Il est par ailleurs de jurisprudence constante que peuvent être considérées comme étant similaires une marque complexe et une autre marque, identique ou présentant une similitude avec l’un des composants de la marque complexe, lorsque celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêts du Tribunal MATRATZEN, précité, point 33, et du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, non encore publié au Recueil, point 44]. Cependant, cette approche ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et de le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer une telle comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble (arrêt MATRATZEN, précité, point 34).

28      En l’espèce, sont en cause, d’une part, une marque constituée d’un élément unique qui, compte tenu des produits qu’elle désigne, sera perçue comme la représentation d’une peau de vache et, d’autre part, une marque antérieure complexe, constituée d’éléments figuratifs et verbaux. Les éléments figuratifs de la marque antérieure sont constitués de la représentation d’une peau de vache en noir et blanc recouvrant l’emballage, d’une herbe stylisée au bas du carton, d’une ferme avec une petite grange rouge dans la partie supérieure du carton ainsi que du code barres standardisé près du bas du carton. Les éléments verbaux de la marque antérieure sont les termes « inex », « halfvolle melk » et l’abréviation « UHT – e 1L ».

29      Dès lors que la similitude phonétique des marques en conflit n’est pas mise en cause en l’espèce, seules les similitudes visuelles et conceptuelles seront examinées.

–       Sur la similitude visuelle

30      Il y a lieu de constater, tout d’abord, que le motif devant être perçu comme une peau de vache constitue le seul élément de la marque demandée.

31      S’agissant de la marque antérieure, le motif de peau de vache recouvre entièrement l’emballage du produit et domine l’impression visuelle produite par la marque, ainsi que la chambre de recours l’a constaté au point 21 de la décision attaquée. Ce motif constitue en effet un élément frappant de la marque antérieure.

32      À cet égard, l’argument de l’Office, selon lequel le caractère distinctif faible du motif de peau de vache fait obstacle à ce que celui-ci puisse être considéré comme un élément dominant ne saurait être retenu en toutes circonstances. S’il est de jurisprudence constante que, en règle générale, le public ne considérera pas un élément descriptif faisant partie d’une marque complexe comme l’élément distinctif et dominant dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêts du Tribunal BUDMEN, précité, point 53, et du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, non encore publié au Recueil, point 34], le caractère distinctif faible d’un élément d’une marque complexe n’implique pas nécessairement que celui-ci ne saurait constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, Rec. p. II-2907, point 20].

33      Il convient néanmoins de relever que, la comparaison entre des marques devant être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, du caractère distinctif de leurs éléments par rapport aux produits ou services concernés, il ne suffit pas, pour qu’une similitude entre des marques soit admise, qu’un élément qui s’impose dans l’impression visuelle d’un signe complexe et l’élément unique de l’autre signe soient identiques ou similaires. En revanche, il convient de conclure à une similitude lorsque, considérée dans son ensemble, l’impression produite par une marque complexe est dominée par l’un de ses éléments de telle manière que les autres composants de cette marque apparaissent négligeables dans l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, eu égard aux produits ou services désignés.

34      En l’occurrence, si le motif de peau de vache constitue un élément qui s’impose dans l’impression visuelle de la marque antérieure, force est néanmoins de constater que celui-ci ne jouit, en l’espèce, que d’un caractère distinctif faible.

35      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou services pour lesquels la marque a été enregistrée (voir, par analogie, arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, points 22 et 23).

36      Or, en l’espèce, il y a lieu de relever que, eu égard aux produits concernés, le motif de peau de vache ne saurait être considéré comme étant pourvu d’un caractère distinctif prononcé, cet élément étant fortement allusif des produits en cause. En effet, ce motif fait référence à l’idée d’une vache, un animal connu pour sa production de lait, et constitue un élément peu imaginaire pour désigner le lait et les produits laitiers.

37      À cet égard, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, dans les pays du Benelux, cet élément de la marque antérieure serait distinctif, en raison du fait que cette marque est la seule, dans ces pays, à présenter une peau de vache en noir et blanc comme élément dominant. En effet, cette circonstance n’est pas de nature à modifier la constatation visée au point précédent concernant le caractère faiblement distinctif du motif de peau de vache. Par ailleurs, dans la mesure où cet argument tendrait à soutenir que le motif de peau de vache de la marque antérieure est pourvu d’un caractère distinctif prononcé en raison d’une éventuelle notoriété de cette marque dans les pays du Benelux, le Tribunal relève que la requérante n’a avancé aucun élément établissant que ladite marque bénéficie d’une telle notoriété auprès du public.

38      Il convient, en outre, de rejeter l’argument de la requérante selon lequel toute mise en doute du caractère distinctif de ce motif de peau de vache violerait le principe dispositif. L’absence de contestation de la part de l’intervenante de l’allégation selon laquelle la marque antérieure serait la seule, dans les pays du Benelux, à arborer ce motif de façon dominante ne saurait permettre de considérer que l’intervenante admet que cet élément est particulièrement distinctif. En effet, ainsi qu’il a été considéré au point précédent, la circonstance alléguée par la requérante selon laquelle la marque antérieure serait la seule, dans les pays du Benelux, à arborer le motif de peau de vache comme élément dominant n’est, en soi, aucunement de nature à conférer un caractère particulièrement distinctif à cet élément.

39      Il n’y a pas lieu, non plus, de retenir l’argument de la requérante selon lequel le motif de peau de vache contenu dans sa marque est distinctif en raison du fait que le marché des produits en cause est très concurrentiel. En effet, la requérante n’avance aucun élément permettant de considérer que cette circonstance serait, en soi, de nature à conférer un caractère particulièrement distinctif à la représentation de peau de vache de la marque antérieure.

40      Enfin, dans la mesure où la requérante tend à faire valoir que le motif de peau de vache de la marque antérieure revêt un caractère distinctif eu égard au fait que la marque demandée, qui est exclusivement constituée de ce motif, a été acceptée à l’enregistrement par l’Office, il convient d’observer qu’il n’est pas contesté que les marques en cause ne sont pas dépourvues de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et qu’elles peuvent, dès lors, faire l’objet d’un enregistrement. En l’espèce, l’analyse du caractère distinctif des signes en cause ne se situe pas dans le cadre de l’appréciation des motifs absolus de refus, mais dans celui de l’appréciation globale du risque de confusion. Il ne s’agit donc pas, ainsi que le relève à juste titre l’Office, de déterminer si les motifs de peaux de vache sont dépourvus de tout caractère distinctif, mais d’apprécier le caractère distinctif de ces motifs par rapport aux produits en cause, aux fins de déterminer s’il existe auprès du public concerné un risque de confusion entre les marques litigieuses, considérées chacune dans leur ensemble.

41      S’agissant de la comparaison visuelle des marques en conflit, celle-ci révèle que l’impression d’ensemble produite par chacune des marques diffère dans une mesure importante. En effet, alors que la marque demandée n’est constituée que d’une représentation devant être perçue, compte tenu des produits désignés, comme une peau de vache, la marque antérieure se compose, ainsi que l’observe l’Office, de nombreux éléments figuratifs et verbaux autres que la seule représentation d’une peau de vache, qui participent dans une mesure importante à l’impression d’ensemble du signe. Parmi ceux-ci, il convient notamment de relever la présence de l’herbe stylisée au bas du carton, de l’image d’une ferme avec une petite grange rouge près de la partie supérieure de celui-ci et de l’élément verbal « inex ». Ainsi que le relève l’Office, ce dernier élément est un mot dépourvu de signification manifeste, auquel il convient de reconnaître un caractère distinctif de loin plus élevé qu’au motif de peau de vache. L’élément verbal « inex » participant de manière déterminante à l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure, sa présence ne permet pas de considérer que le motif de peau de vache de la marque antérieure est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public garde en mémoire.

42      Par ailleurs, il y a lieu de constater que le motif faisant l’objet de la demande de marque est constitué d’un dessin différent de celui du motif de peau de vache de la marque antérieure. Il ressort en effet de la décision attaquée que la marque demandée ne constitue pas une représentation entièrement claire de peau de vache, la chambre de recours ayant considéré que celle-ci sera perçue comme la représentation d’une peau de vache en raison des produits qu’elle désigne.

43      Pour cette même raison, il convient également de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’Office se serait contredit, d’une part, en constatant que la marque contre laquelle est dirigée l’opposition est identique à l’élément dominant de la marque antérieure et, d’autre part, en considérant que les marques litigieuses présentent de fortes différences. D’une part, ainsi qu’il a été observé au point précédent, la décision attaquée ne constate pas d’identité entre le motif de la marque demandée et celui de la marque antérieure. D’autre part, ainsi qu’il a été relevé au point 33 ci-dessus, la comparaison entre les marques étant fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, du caractère distinctif de leurs éléments par rapport aux produits ou services concernés, il ne suffit pas, pour qu’une similitude soit admise, qu’un élément qui s’impose dans l’impression visuelle d’un signe complexe soit identique ou présente une similitude avec l’élément unique d’un autre signe.

44      Il convient dès lors de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les marques en cause présentaient de fortes différences visuelles.

–       Sur la similitude conceptuelle

45      Il convient de constater, ainsi que la chambre de recours l’a relevé, qu’il existe une similitude conceptuelle entre les marques en cause, en raison du fait que celles-ci évoquent l’idée d’une vache connue pour sa production de lait. Il y a néanmoins lieu de relever, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 36 ci-dessus, que cette idée n’est, compte tenu des produits en cause, pourvu que d’un caractère distinctif faible. Or, lorsque la marque antérieure ne jouit pas d’une notoriété particulière et consiste en une image présentant peu d’éléments imaginaires, la simple similitude conceptuelle entre les marques ne suffit pas pour créer un risque de confusion (arrêt SABEL, précité, point 25).

46      C’est, dès lors, à bon droit que la chambre de recours a considéré que l’existence d’une similitude conceptuelle entre les marques litigieuses n’était pas susceptible, en l’espèce, de conduire à un risque de confusion.

 Appréciation globale du risque de confusion

47      Il résulte de ce qui précède que, bien que le motif de peau de vache s’impose dans l’impression visuelle et conceptuelle produite par la marque antérieure, les différences visuelles importantes entre les signes litigieux, d’une part, et le caractère faiblement distinctif du motif de peau de vache en l’espèce, d’autre part, ne permettent pas d’aboutir à la conclusion d’un risque de confusion entre les marques litigieuses.

48      Par ailleurs, il y a lieu de retenir que la chambre de recours n’a pas omis de tenir compte de l’interdépendance entre les facteurs à prendre en considération. En effet, ni la présence de fortes différences visuelles entre les marques en cause ni le caractère, en l’espèce, faiblement distinctif du motif de peau de vache, ne sauraient être compensés par l’identité des produits.

49      En outre, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dû relever que le risque de confusion est augmenté par le fait que les produits en cause s’adressent au grand public doit également être rejeté. La circonstance selon laquelle les consommateurs aient un degré d’attention relativement peu élevé ne permet pas, en l’absence de similitudes suffisantes entre les marques en cause, et compte tenu du caractère faiblement distinctif du motif de peau de vache eu égard aux produits concernés, de conclure à l’existence d’un risque de confusion.

50      Dès lors, il convient de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que l’appréciation globale des signes en conflit ne donnait pas lieu à un risque de confusion.

51      Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’Office et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juin 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’anglais.