Language of document : ECLI:EU:T:2013:674

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

18 décembre 2013 *

« Référé – Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services de sécurité et de réception auprès des ‘Maisons de l’Union européenne’ à Rome et à Milan – Attribution du marché à un autre soumissionnaire – Demande de sursis à exécution – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑579/13 R,

Istituto di Vigilanza dell’Urbe SpA, établi à Rome (Italie), représenté par Mes D. Dodaro et S. Cianciullo, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. Moro et M. L. Cappelletti, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision d’adjudication adoptée le 27 août 2013 par la Commission et portant sur un marché public relatif à des services de sécurité et d’accueil auprès des « Maisons de l’Union européenne » à Rome et à Milan (Italie),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente


* Langue de procédure : l’italien.

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Ainsi qu’il ressort de la demande en référé, la représentation de la Commission européenne en Italie a lancé, en mai 2013, un appel d’offres interinstitutionnel portant sur des services de sécurité et d’accueil auprès des « Maisons de l’Union européenne » à Rome (Italie) et à Milan (Italie). Le requérant, l’Istituto di Vigilanza dell’Urbe SpA, qui était l’attributaire précédent du marché relatif auxdits services, a répondu à l’appel d’offres. Par décision du 27 août 2013, communiquée au requérant le 28 août 2013, la Commission a attribué le nouveau marché à un autre soumissionnaire (ci-après la « décision attaquée »), alors que l’offre du requérant a été rejetée.

2        Le requérant est d’avis que le personnel qu’il avait employé en tant qu’entreprise sortante auprès de la « Maison de l’Union européenne » de Rome (cinq gardes assermentés) aurait, conformément aux règles de l’appel d’offres, dû être repris par le soumissionnaire retenu. Or, en dépit de ses demandes en ce sens, réitérées même devant les autorités nationales compétentes, le soumissionnaire retenu aurait refusé de procéder à la reprise dudit personnel. Selon le requérant, ce refus constitue la preuve de ce que le soumissionnaire retenu n’a pas respecté les règles de l’appel d’offres en matière de reprise du personnel, ce qui lui aurait permis d’offrir des conditions économiques illégalement plus avantageuses que celles des autres soumissionnaires et d’obtenir ainsi l’adjudication du marché en cause.

3        Dans ces circonstances, par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 novembre 2013, le requérant a introduit un recours visant, en substance, à obtenir l’annulation de la décision attaquée et à faire condamner la Commission à réparer le préjudice subi. À l’appui de son recours, il fait valoir, notamment, que l’offre retenue l’a été en violation des règles de l’appel d’offres et du principe qui exige l’égalité de traitement de tous les soumissionnaires.

4        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de la décision attaquée et de tout acte préalable, connexe ou conséquent, dont le contrat conclu avec le soumissionnaire retenu.

5        Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 29 novembre 2013, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, la rejeter, en tout état de cause, comme non fondée ;

–        réserver les dépens.

 En droit

6        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal.

7        Dès lors que le non-respect du règlement de procédure constitue une fin de non-recevoir d’ordre public, il appartient au juge des référés d’examiner d’office, in limine litis, si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (voir ordonnance du président du Tribunal du 29 juillet 2010, Cross Czech/Commission, T‑252/10 R, non publiée au Recueil, point 7, et la jurisprudence citée).

8        En vertu de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnances du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30, et du 12 mai 2010, Torresan/OHMI, C‑5/10 P‑R, non publiée au Recueil, points 14 et 15].

9        En outre, en vertu de l’article 104, paragraphe 3, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la demande en référé doit notamment être présentée par acte séparé, indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

10      Il découle d’une lecture combinée de ces dispositions du règlement de procédure qu’une demande relative à des mesures provisoires doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une telle demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la demande en référé, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci [voir ordonnance Cross Czech/Commission, précitée, point 10, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 13].

11      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient de vérifier si la demande en référé est recevable en ce qu’elle contient un exposé suffisamment précis des éléments permettant l’examen de la condition relative à l’urgence. Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur cette question de recevabilité, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

12      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires, étant précisé qu’un préjudice de caractère purement financier n’est normalement pas irréparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure, à moins qu’il apparaisse que, en l’absence de ces mesures, ladite partie se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure principale (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 16 novembre 2007, Dimos Peramatos/Commission, T‑312/07 R, non publiée au Recueil, points 34 et 35, et la jurisprudence citée).

13      Pour pouvoir apprécier si le préjudice allégué présente un caractère grave et irréparable, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation financière de la partie qui sollicite les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 20 avril 2012, Fabricela/Commission, C‑507/11 P(R), non publiée au Recueil, point 35, et du Tribunal du 27 avril 2010, Parlement/U, T‑103/10 P(R), non publiée au Recueil, points 37 et 39].

14      En l’espèce, le requérant se limite à affirmer, dans la demande en référé, ce qui suit :

« Le requérant est l’attributaire précédent des services objet du marché public, après avoir succédé en avril 2013 à certaines entreprises – dont [le soumissionnaire retenu] – dont il a dû embaucher le personnel (à l’époque la reprise du personnel concernait trois gardes assermentés, dont une était employée précisément par [le soumissionnaire retenu]).

Le requérant a un intérêt à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision d’adjudication en faveur [du soumissionnaire retenu], en attendant la décision du Tribunal, dans la mesure où, si l’attribution à l’adjudicataire se poursuivait même en l’absence de reprise du personnel, le requérant se retrouverait exposé au préjudice grave et imminent de devoir maintenir au sein de son personnel cinq personnes qui n’auraient pas, en ce moment, d’autre affectation, ou bien les licencier. »

15      Il ressort de ces allégations que le requérant, loin de dénoncer le préjudice qu’il subirait en raison du rejet de son offre, se plaint uniquement du préjudice causé par son obligation d’employer et de rémunérer cinq personnes. Or, force est de constater qu’il s’est abstenu de fournir une image fidèle et globale de sa situation financière. Par conséquent, le juge des référés n’est pas en mesure d’apprécier, à la lecture de la demande en référé, si le préjudice allégué peut être qualifié de grave, en ce que l’obligation de rémunérer les cinq employés dépasserait la puissance financière du requérant. Par ailleurs, aucune pièce n’a été jointe à la demande en référé qui indiquerait l’impact d’un rejet de cette dernière sur la situation financière du requérant. Enfin, on voit mal comment le fait pour le requérant de devoir licencier les cinq employés en cause pourrait lui causer un préjudice financier grave.

16      De plus, le requérant a omis de se prononcer sur le caractère irréparable du préjudice financier allégué. Notamment, il n’a pas exposé ce qui l’empêcherait, en cas d’annulation de la décision attaquée, d’obtenir une compensation financière ultérieure par la voie d’un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE, la seule possibilité de former un tel recours étant suffisante pour attester du caractère en principe réparable d’un tel préjudice (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 31 août 2010, Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑299/10 R, non publiée au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée).

17      Il s’ensuit que la demande en référé doit être rejetée comme irrecevable.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 18 décembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger