Language of document : ECLI:EU:T:2009:252

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

8 juillet 2009 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale ESTER‑E – Marque communautaire figurative antérieure ESTEVE – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑230/07,

Laboratorios Del Dr. Esteve, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par MK. Manhaeve, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

The Ester C Company, établie à Prescott, Arizona (États‑Unis), représentée initialement par M. R. Bird, solicitor, puis par Me H. Wistam, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 17 avril 2007 (affaire R 737/2006‑2), relative à une procédure d’opposition entre Laboratorios Del Dr. Esteve, SA et The Ester C Company,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. K. O’Higgins, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 juillet 2007,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 1er octobre 2007,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 26 septembre 2007,

à la suite de l’audience du 26 novembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 mai 2003, l’intervenante, The Ester C Company, a présenté une demande d’enregistrement d’une marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ESTER‑E.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Cosmétiques » ;

–        classe 5 : « Suppléments en vitamines et en minéraux ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 12/2004, du 22 mars 2004.

5        Le 18 juin 2004, la requérante, Laboratorios Del Dr. Esteve, SA, a formé une opposition à l’encontre de l’enregistrement demandé, en se fondant sur les enregistrements antérieurs suivants :

–        la marque communautaire figurative n° 1701523 (ci-après la « marque communautaire antérieure »), représentée ci-après,

Image not found

déposée le 9 juin 2000 et enregistrée le 28 juin 2001 pour les produits suivants :

–        classe 1 : « Produits chimiques destinés à l’industrie, aux sciences, à la photographie, ainsi qu’à l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture ; résines artificielles à l’état brut, matières plastiques à l’état brut ; engrais pour les terres ; compositions extinctrices ; préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; produits chimiques destinés à conserver les aliments ; matières tannantes ; adhésifs (matières collantes) destinés à l’industrie » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical ; aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles, fongicides, herbicides » ;

–        classe 42 : « Services médicaux et pharmaceutiques, recherche scientifique » 

–        la marque espagnole figurative n° 2062829, représentée ci-après,

Image not found

enregistrée le 20 février 1998 pour les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires ; produits hygiéniques pour la médecine ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » ;

–        la marque espagnole verbale n° 160118 ESTEVE-LABORATORIO DEL DR. ESTEVE S.A., enregistrée le 4 octobre 1945 pour les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ».

6        L’opposition visait tous les produits couverts par les enregistrements antérieurs et était formée à l’encontre des produits désignés par la marque demandée relevant de la classe 5. Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était le risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

7        Par décision du 27 mars 2006, la division d’opposition a accueilli l’opposition de la requérante et a rejeté la marque demandée pour les produits contestés relevant de la classe 5, à savoir les « suppléments en vitamines et en minéraux », du fait de leur similitude avec les produits couverts par la marque communautaire antérieure.

8        Le 29 mai 2006, l’intervenante a formé un recours, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 [devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 17 avril 2007 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté l’opposition dans sa totalité, au motif que les différences conceptuelles entre la marque demandée et la marque communautaire antérieure neutralisaient leurs similitudes visuelle et phonétique, excluant ainsi tout risque de confusion.

 Procédure et conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner conjointement et solidairement l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

14      Concernant le public pertinent, la requérante estime que les produits en cause sont destinés à être vendus au grand public, soit des consommateurs moyens censés être raisonnablement attentifs et avisés. Il n’y aurait donc aucune raison de supposer, comme la chambre de recours l’a fait, que le degré d’attention du consommateur est « plutôt soutenu ».

15       Selon l’OHMI, le public pertinent se compose des consommateurs dans l’ensemble de l’Union européenne et englobe à la fois les professionnels de la santé (médecins et pharmaciens) et les consommateurs finaux, les deux catégories ayant un niveau d’attention élevé, puisque les produits en question sont les produits pharmaceutiques.

16      L’intervenante soutient les arguments de l’OHMI, en ajoutant que le public pertinent fera également preuve d’une attention élevée en ce qui concerne les aliments pour bébés.

17      S’agissant des produits en cause, la requérante considère que, compte tenu de leur finalité, de leur destination, et de leurs canaux de distribution communs, ainsi que du fait que les « suppléments en vitamines et en minéraux » sont inclus dans les catégories générales « produits pharmaceutiques », « substances diététiques à usage médical » et « aliments pour bébés », relevant de la classe 5 et désignés par la marque communautaire antérieure, lesdits produits peuvent être considérés comme identiques. Elle soutient également que les produits couverts par les deux marques peuvent être complémentaires ou concurrents, et déduit de tout ce qui précède que les produits en question sont identiques, ou du moins largement similaires.

18      L’OHMI note que la chambre de recours a considéré que les « substances diététiques à usage médical » désignées par la marque communautaire antérieure et les « suppléments en vitamines et en minéraux » visés par la marque demandée étaient similaires. Ce point ne serait pas contesté par la requérante.

19      Lors de l’audience, en précisant la position présentée dans son mémoire en réponse, l’intervenante a relevé que les produits en cause n’étaient pas particulièrement similaires et que, par conséquent, il s’agissait d’une question de degré de similitude entre les produits.

20      En ce qui concerne la comparaison des signes, et, en particulier, s’agissant des similitudes visuelles, la requérante souligne que cinq des six lettres des signes sont identiques et sont utilisées dans le même ordre, la cinquième lettre de la marque communautaire antérieure étant un « v » alors que, pour la marque demandée, il s’agit d’un « r » suivi d’un trait d’union. L’élément figuratif de la marque communautaire antérieure consisterait dans l’usage d’une police légèrement fantaisiste et dans le fait que le « e » initial contiendrait deux lignes ondulées en son milieu. Ces éléments graphiques seraient néanmoins assez courants et pourraient tout au plus être considérés comme figuratifs. Ils ne conféreraient dès lors pas un caractère particulièrement distinctif à cette marque. La requérante en conclut que la similitude visuelle entre les marques en cause est très élevée.

21      L’OHMI estime que la structure des signes est très différente, entraînant une configuration visuelle distincte : la marque communautaire antérieure se compose d’un seul mot tandis que le signe demandé est constitué de deux éléments séparés. La stylisation de la lettre « e » dans la marque communautaire antérieure est un élément qui renforce la différentiation visuelle.

22      L’intervenante considère également que la stylisation de la marque communautaire antérieure réduit fortement la similitude visuelle avec la marque demandée. Elle conclut que la structure et la forme globale des deux marques et l’impression visuelle qu’elles produisent sont tout à fait distinctes.

23      Concernant la comparaison phonétique des signes, la requérante considère que les marques sont phonétiquement largement similaires. L’OHMI, comme la chambre de recours dans la décision attaquée, reconnaît que, phonétiquement, les signes sont similaires.

24      Cette position est contestée par l’intervenante, qui allègue que, en raison de la présence du trait d’union, la marque demandée est nécessairement prononcée en deux composantes séparées, une seconde intonation tombant ainsi sur la dernière composante, « e ».

25      Sur le plan conceptuel, la requérante considère, en substance, qu’il n’est pas possible de comparer les deux marques. La chambre de recours aurait insuffisamment tenu compte du fait que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. Ainsi il n’y aurait aucune raison de supposer que le consommateur moyen limiterait spontanément son appréciation de la marque demandée à la composante « ester » en la considérant comme un prénom féminin.

26      L’OHMI soutient que les consommateurs reconnaîtraient la marque demandée soit comme une notion chimique, pour les consommateurs professionnels, soit, malgré quelques variantes orthographiques, comme un prénom biblique. L’ajout de l’élément « -e » permettrait de faire clairement la distinction entre les marques et induirait un autre élément de différentiation conceptuelle, puisque cette lettre serait vraisemblablement interprétée comme faisant référence à la vitamine E ou à un substitut de ce type de vitamine. Le mot « esteve » serait au contraire considéré, en dehors de l’Espagne, comme un terme fantaisiste, dépourvu de signification, qui ne ferait pas référence à une vitamine et qui ne serait associé ni à un composé chimique ni à un prénom féminin.

27      En conséquence, selon l’OHMI, les signes seraient globalement différents sur le plan conceptuel. Ces différences conceptuelles, associées aux différences visuelles découlant de la structure des signes, seraient telles qu’elles neutraliseraient, au moins dans une certaine mesure, l’effet des similitudes phonétiques.

28      L’intervenante partage l’avis de l’OHMI.

29      En ce qui concerne l’appréciation du risque de confusion, la requérante constate que, étant donné que la marque communautaire antérieure et la marque demandée sont très similaires d’un point de vue visuel et d’un point de vue phonétique, qu’aucune comparaison conceptuelle pertinente ne peut être effectuée et que les produits désignés par les marques litigieuses sont identiques ou, du moins, largement similaires, un risque de confusion existe entre les deux marques.

30      L’OHMI soutient que la chambre de recours était fondée, en droit, à juger que le public pertinent professionnel et non professionnel de toute la Communauté, très attentif, ne devrait pas être amené à croire que les produits en question proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, du fait des différences visuelles et surtout conceptuelles observées entre les deux signes en conflit, et cela malgré la nature similaire des produits couverts par ces deux signes et la présence de la succession commune des lettres « e », « s », « t », « e » et « e ».

31      L’OHMI estime également que l’argument de la requérante selon lequel la différence conceptuelle serait imperceptible pour le public pertinent lorsque les signes sont prononcés ne peut remettre en cause sa conclusion, puisque il n’a été ni invoqué ni démontré que l’achat des produits en question se faisait principalement oralement, l’impact visuel pouvant par ailleurs être plus important dans la mesure où ces produits ne sont pas toujours soumis à prescription et se trouvent normalement en libre-service dans les pharmacies ou les boutiques spécialisées qui les vendent.

32      L’intervenante estime qu’il n’existe aucun risque de confusion quant à l’origine des produits en cause.

 Appréciation du Tribunal

33      À titre liminaire, il y a lieu de noter que c’est à juste titre que la chambre de recours de l’OHMI a constaté, au point 32 de la décision attaquée, qu’elle pouvait se limiter à prendre en compte, aux fins de l’analyse du risque de confusion, la marque communautaire antérieure. Les deux enregistrements espagnols antérieurs sur lesquels l’opposition était également fondée couvrent en effet les mêmes produits que ceux relevant de la classe 5 désignés par la marque communautaire antérieure. En outre, la marque espagnole protégée par l’enregistrement n° 2062829 est identique à la marque communautaire antérieure. En ce qui concerne l’enregistrement espagnol n° 160118, l’ajout de l’élément « -laboratorio del dr. esteve s.a. » permet de considérer que, à tout le moins, ce signe ne présente pas avec la marque demandée un degré de similitude supérieur à celui présenté par la marque communautaire antérieure. De surcroît, le public pertinent serait défini dans les mêmes termes si l’analyse de l’existence du risque de confusion prenait en compte les deux marques nationales antérieures. Pour ces raisons, un examen séparé de ces marques antérieures ne serait pas susceptible de modifier la conclusion relative à l’existence d’un risque de confusion.

 Sur le public pertinent

34      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

35      La marque antérieure étant une marque communautaire, le public pertinent se compose des consommateurs dans l’ensemble de l’Union européenne.

36      En l’espèce, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que, au vu de la nature des produits concernés, à savoir des suppléments alimentaires, le niveau d’attention du consommateur serait plutôt élevé. Il ressort en effet de la jurisprudence que le niveau d’attention du public pertinent pour des vitamines, compléments alimentaires, préparations à base de plantes, préparations médicales et pharmaceutiques est supérieur à la moyenne en raison du fait que les consommateurs s’intéressant à ce type de produits prennent un soin particulier de leur santé, de sorte qu’ils sont moins susceptibles de confondre les diverses versions desdits produits [arrêt du 5 avril 2006, Madaus/OHMI – Optima Healthcare (ECHINAID), T‑202/04, Rec. p. II‑1115, point 33].

37      En outre, concernant la différenciation du public invoquée par l’OHMI, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque les produits en cause sont des médicaments, le public pertinent est constitué, d’une part, des professionnels de la médecine et, d’autre part, des patients en tant que consommateurs finaux desdits produits [arrêts du Tribunal du 13 février 2008, Sanofi-Aventis/OHMI – GD Searle (ATURION), T‑146/06, non publié au Recueil, point 25, et du 21 octobre 2008, Aventis Pharma/OHMI – Nycomed (PRAZOL), T‑95/07, non publié au Recueil, point 27].

38      Il convient à cet égard de relever que les produits en cause dans la présente affaire sont des suppléments en vitamines et en minéraux. La requérante ne remet pas en cause l’avis exprimé par l’OHMI ainsi que par l’intervenante, selon lequel, même si ses produits sont normalement vendus sans ordonnance, ils peuvent être prescrits par un médecin dans le cadre d’un traitement thérapeutique.

39      Par conséquent, le public pertinent englobe en l’espèce à la fois les professionnels de la santé (médecins et pharmaciens) et les consommateurs finaux, dont le niveau d’attention sera élevé.

 Sur la comparaison des produits

40      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude des produits, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [arrêts du Tribunal du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI – Granjas Castelló (CASTILLO), T‑85/02, Rec. p. II‑4835, point 32, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 33]. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [arrêt du Tribunal du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec. p. II‑1401, point 53].

41      En l’espèce, c’est à juste titre que la chambre de recours, à l’image de la division d’opposition, a considéré que les « suppléments en vitamines et en minéraux » relevant de la classe 5, visés par la marque demandée, et les « substances diététiques à usage médical » relevant de la même classe et couverts par la marque communautaire antérieure étaient similaires. Les parties ne contestent pas que les produits en cause sont de même nature, ont la même destination, et sont commercialisés par l’intermédiaire des mêmes canaux.

 Sur la comparaison des signes

42      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI − Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

43      Concernant la comparaison des signes sur le plan visuel, comme le note à juste titre la requérante, une similitude existe entre la marque communautaire antérieure et la marque demandée. Les deux marques comportent six lettres, dont cinq sont identiques et sont utilisées dans le même ordre. La différence orthographique se trouve dans la cinquième lettre, à savoir « v » dans la marque communautaire antérieure et « r », suivie par un trait d’union, dans la marque demandée.

44      Il y a lieu également de constater que la marque communautaire antérieure se compose d’un élément figuratif, l’élément « esteve » étant écrit en caractères gras dans une police légèrement fantaisiste, avec la particularité que le trait horizontal intermédiaire du premier « e » est formé de deux lignes sinueuses parallèles.

45      La marque verbale demandée ESTER-E est constituée de trois éléments : le mot « ester », le trait d’union ainsi que la lettre « e ». Nonobstant l’enchaînement presque identique des lettres dans les deux signes, les différences résultant de la police spéciale et de l’utilisation d’éléments décoratifs dans la marque communautaire antérieure atténuent de manière significative leur similitude. En outre, il est peu probable que la structure de la marque demandée, inhabituelle en raison de la présence du trait d’union, échappe à l’attention du consommateur.

46      Par conséquent, il y a lieu de constater que les deux marques sont caractérisées par une certaine similitude visuelle, qui n’est pas, néanmoins, élevée.

47      Sur le plan phonétique, il y a lieu de constater que, selon la requérante et l’OHMI, les deux marques sont similaires sur le plan phonétique.

48      Concernant l’argument de l’intervenante selon lequel, en raison de la présence du trait d’union, la marque demandée sera nécessairement prononcée en deux composantes séparées, une seconde intonation tombant ainsi sur la dernière composante, à savoir « e », il y a lieu de constater qu’il est peu probable que les consommateurs fassent un effort spécial pour prendre en compte l’impact sur la prononciation du trait d’union. Même s’ils divisent la marque demandée en deux parties indépendantes, il est impossible de prévoir l’importance de cette division et l’intensité de l’intonation qui tombera sur la dernière lettre. Par conséquent, il y a lieu de constater que la présence du trait d’union contribue moins à différencier les marques en question sur le plan phonétique que sur le plan visuel. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que les deux marques étaient similaires sur le plan phonétique.

49      Sur le plan conceptuel, il convient tout d’abord de constater que le mot « esteve » n’a pas de signification dans d’autres langues communautaires que l’espagnol, où il constitue un nom de famille.

50      Concernant la marque demandée ESTER-E, il ressort de la jurisprudence que, bien que le consommateur moyen perçoive normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît (arrêt RESPICUR, point 57, 34 supra, et la jurisprudence citée).

51      En l’espèce, la chambre de recours, au point 25 de la décision attaquée, a constaté à juste titre que le mot « ester » jouait un rôle indépendant dans la marque demandée.

52      Il convient en effet de constater qu’il existe deux associations immédiates que ce mot est censé créer dans l’esprit du public pertinent.

53      En premier lieu, il revêt un sens lié au domaine de la chimie, puisque l’ester est un composé chimique, organique, comparable à un sel minéral, formé par réaction d’un acide avec un alcool ou un phénol, avec élimination d’eau.

54      En second lieu, pour les consommateurs qui ne connaissent pas sa signification spécifique dans le domaine de la chimie, ce mot pourrait évoquer un prénom féminin bien connu, qui, avec de légères différences, existe dans toutes les langues communautaires. Ces différences orthographiques n’auraient pas d’impact décisif sur la capacité des consommateurs à reconnaître le mot « ester » comme un prénom féminin, compte tenu en particulier de son renom provenant de son origine biblique ainsi que du fait que les consommateurs communautaires profitant du marché intérieur des Communautés sont habitués à voir et à reconnaître dans les marques communautaires des mots de provenance étrangère.

55      Concernant l’argument de la requérante selon lequel les consommateurs ne reconnaîtront pas un prénom féminin en relation avec des suppléments en vitamines et en minéraux, il y a lieu d’observer qu’il est dénué de pertinence. La nature du produit concerné n’influencerait pas la compréhension et la perception du mot le désignant. Or, bien au contraire, les consommateurs percevant le mot « ester » comme un prénom féminin, pourraient croire que le produit qu’il désigne est, en fait, adressé principalement aux femmes.

56      En conséquence, il y a lieu de constater que la marque antérieure et la marque demandée sont très différentes sur le plan conceptuel.

 Sur le risque de confusion

57      Il convient d’observer que des différences conceptuelles peuvent, dans certaines circonstances, neutraliser dans une large mesure les similitudes visuelles et phonétiques existant entre des marques. Une telle neutralisation requiert, toutefois, qu’au moins une des marques en cause ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public soit susceptible de la saisir immédiatement, et que l’autre marque n’ait pas une telle signification ou qu’elle ait une signification entièrement différente [arrêt du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 93, et la jurisprudence citée].

58      Comme il a été démontré ci-dessus, l’élément verbal « ester » possède deux significations alternatives et distinctives, qui sont de nature à être saisies par le public pertinent.

59      En outre, concernant le degré de similitude phonétique entre les signes, il y a lieu de relever qu’il revêt moins d’importance en raison de la manière dont les produits en cause sont offerts à la vente (arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec. p. I‑7333, points 35 à 37). Comme l’indique à juste titre l’OHMI, il n’a été ni invoqué ni démontré que l’achat des produits en question se faisait principalement oralement. Ainsi, ces produits ne sont pas toujours soumis à prescription et se trouvent normalement en libre-service dans les pharmacies ou les magasins qui les vendent. Le consommateur concerné examinera par conséquent les marques visuellement pendant l’acte d’achat. Dès lors, l’argument de la requérante, selon lequel la différence conceptuelle entre les signes serait imperceptible pour le public pertinent lorsque ceux-ci sont prononcés, n’est pas pertinent en l’espèce.

60      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que le public pertinent professionnel et non professionnel, manifestant un degré d’attention élevé, ne devrait pas être amené à croire que les produits en question proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, au vu de l’absence de similitude, sur le plan conceptuel, entre les deux signes, ainsi que de certaines différences entre ceux-ci sur le plan visuel.

61      Par conséquent, il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en question et l’unique moyen de la requérante doit dès lors être rejeté.

62      En conséquence, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Laboratorios Del Dr. Esteve, SA est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.