Language of document : ECLI:EU:T:2007:272

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 septembre 2007 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire tridimensionnelle – Forme d’un paquet de cigarettes – Refus d’enregistrement – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 40/94 »

Dans l’affaire T‑140/06,

Philip Morris Products SA, établie à Neuchâtel (Suisse), représentée par Mes T. van Innis et C. Moreau, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Rassat, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 24 février 2006 (affaire R 0075/2005‑4), concernant l’enregistrement de la forme d’un paquet de cigarettes comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mai 2006,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 29 août 2006,

à la suite de l’audience du 17 avril 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 mai 2002, la requérante a demandé, en vertu du règlement (CE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, l’enregistrement d’une marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé consiste en la forme tridimensionnelle reproduite ci-après :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, à la suite d’une limitation, à la description suivante : « Cigarettes ».

4        Par décision du 24 novembre 2004, l’examinateur a informé la requérante que sa demande d’enregistrement était refusée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94. En substance, l’examinateur a considéré que la marque demandée, en tant que forme d’emballage de cigarettes, était dépourvue de caractère distinctif pour les produits en question.

5        La requérante a formé un recours contre la décision de l’examinateur, en vertu de l’article 59 du règlement nº 40/94.

6        Par décision du 24 février 2006 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En substance, la chambre de recours a considéré que la marque demandée, prise dans son ensemble, n’avait pas le caractère distinctif requis et ne pouvait remplir la fonction essentielle d’une marque consistant en l’indication de l’origine commerciale du produit.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, nommer un expert ou un collège d’experts ayant pour mission d’éclairer le Tribunal au sujet du caractère distinctif de la marque demandée et dire pour droit que l’OHMI sera tenu d’avancer les frais afférents à l’accomplissement de cette mission ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        Au soutien de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 4 et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94. Ce moyen se subdivise en deux branches. Dans la première branche, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir fondé son appréciation sur un préjugé défavorable à la catégorie de marques dont relève la marque demandée. Dans la seconde branche, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir dénaturé les faits de l’espèce.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de la violation de l’article 4 et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, en raison du préjugé défavorable à la catégorie de marques dont relève la marque demandée

 Arguments des parties

10      La requérante souligne que l’article 4 du règlement nº 40/94 contient une liste de signes susceptibles de constituer une marque s’ils sont propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises, c’est‑à‑dire à remplir la fonction d’origine de la marque (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, Nichols, C‑404/02, Rec. p. I‑8499, point 22). Cette liste viserait expressément les « formes d’emballage ».

11      La requérante précise que, au sens de l’article 4 du règlement nº 40/94, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié par rapport, d’une part, aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, à la perception du public concerné (arrêt Nichols, point 10 supra, point 23).

12      Par ailleurs, la requérante fait valoir que les critères d’appréciation du caractère distinctif de marques constituées de la forme d’un emballage sont les mêmes que ceux applicables aux autres catégories de marques (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec. p. I‑5475, points 47 et 48, et Nichols, point 10 supra, point 24). Il en résulterait une interdiction de tout préjugé défavorable à la catégorie de marques dont relève le signe en cause.

13      En l’espèce, la chambre de recours aurait erronément considéré que le consommateur moyen n’avait pas l’habitude de présumer l’origine des produits à partir de la forme de leur emballage (point 15 de la décision attaquée) et suggéré que la perception de la forme d’un emballage nécessiterait une « analyse minutieuse » (point 16 de la décision attaquée).

14      Par ailleurs, selon la requérante, même en admettant que cette dernière approche est correcte, cela ne saurait justifier la considération qu’une telle marque est, a priori, dépourvue de caractère distinctif (arrêt Nichols, point 10 supra, point 29).

15      Plus particulièrement, en l’espèce, la chambre de recours aurait négligé trois éléments d’ordre factuel pertinents.

16      Premièrement, le consommateur moyen serait pleinement capable de percevoir la forme d’un emballage comme une indication de l’origine commerciale des produits emballés, dès lors que ladite forme présente des caractéristiques suffisantes pour retenir son attention [arrêt du Tribunal du 24 novembre 2004, Henkel/OHMI (Forme d’un flacon blanc et transparent), T‑393/02, Rec. p. II‑4115, point 34].

17      Deuxièmement, la forme de l’emballage d’un produit serait mieux perçue et mémorisée par le consommateur moyen que les signes verbaux ou emblématiques, d’autant plus que sa perception serait tant d’ordre visuel que tactile.

18      Troisièmement, la forme non usuelle d’un emballage serait d’autant plus apte à remplir sa fonction d’indication de provenance lorsque, comme en l’espèce, il est acquis que le public concerné n’est familiarisé qu’avec une seule forme usuelle d’emballage des produits concernés provenant de plusieurs entreprises (voir, en ce sens, arrêt Forme d’un flacon blanc et transparent, point 16 supra, points 31 et 40).

19      Ces éléments d’ordre factuel auraient été confirmés scientifiquement. À cet égard, la requérante invoque une série d’articles sur les phénomènes de la perception humaine. À supposer que le Tribunal ait néanmoins des doutes quant à ces affirmations factuelles, il conviendrait, selon la requérante, de nommer un expert ou un collège d’experts ayant pour mission de se prononcer sur leur véracité.

20      L’OHMI soutient que la décision attaquée n’est nullement entachée des irrégularités invoquées par la requérante. En l’espèce, la chambre de recours n’aurait pas fondé son appréciation sur un préjugé, mais aurait correctement apprécié le caractère distinctif de la marque en cause eu égard à l’aspect du produit représenté.

 Appréciation du Tribunal

21      À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 4 du règlement nº 40/94, la forme du conditionnement d’un produit peut constituer une marque communautaire, à condition qu’elle soit propre à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. En outre, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

22      Il convient de rappeler également que, selon la jurisprudence, les signes visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 sont incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service, afin de permettre au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, Rec. p. II‑705, point 26 ; du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, Rec. p. II‑4881, point 19, et du 30 avril 2003, Axions et Belce/OHMI (Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré), T‑324/01 et T‑110/02, Rec. p. II‑1897, point 29].

23      En outre, le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 35, et la jurisprudence citée, et du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 25 ; arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 19].

24      En l’espèce, et comme l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours au point 13 de la décision attaquée, les produits visés par la marque demandée, à savoir les cigarettes, sont des produits de consommation courante destinés à l’ensemble des consommateurs. Dès lors, le public concerné est composé de tous les consommateurs finaux dans l’ensemble de l’Union européenne. Il y a donc lieu d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en tenant compte de l’attente présumée d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C‑210/96, Rec. p. I‑4657, point 31 ; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 34).

25      La requérante soutient que la chambre de recours a fait preuve d’un préjugé défavorable à l’encontre de la catégorie de marques dont relève le signe en cause lorsqu’elle a considéré que le consommateur moyen n’avait pas l’habitude de présumer l’origine des produits à partir de la forme de leur emballage (point 15 de la décision attaquée).

26      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif de marques constituées de la forme d’un emballage sont les mêmes que ceux applicables aux autres catégories de marques [arrêt de la Cour du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 30 ; arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Image d’un produit détergent), T‑30/00, Rec. p. II‑2663, point 48, et du 7 février 2002, Mag Instrument/OHMI (Forme de lampes de poche), T‑88/00, Rec. p. II‑467, point 32 ; voir également, par analogie, arrêt Philips, point 12 supra, point 48 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Nichols, point 10 supra, point 24]. En outre, dans l’analyse du caractère distinctif d’une marque, il y a lieu d’analyser l’impression d’ensemble produite par celle-ci [voir arrêt du Tribunal du 3 décembre 2003, Nestlé Waters France/OHMI (Forme d’une bouteille), T‑305/02, Rec. p. II‑5207, point 39, et la jurisprudence citée].

27      Par ailleurs, dans l’application des critères d’appréciation, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par la forme de l’emballage du produit lui‑même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne [arrêt Deutsche SiSi-Werke/OHMI, point 23 supra, point 28 ; arrêts du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 45, et Forme d’une bouteille de bière, point 23 supra, point 23 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, Rec. p. I‑3793, point 65].

28      Il convient de relever que la chambre de recours s’est fondée, à juste titre, sur la jurisprudence rappelée aux points précédents. Elle a également considéré, conformément à une jurisprudence constante, que les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément verbal ou figuratif (arrêts de la Cour du 12 février 2004, Henkel, C‑218/01, Rec. p. I‑1725, point 52, et Henkel/OHMI, point 23 supra, point 38).

29      Il convient d’ajouter que cette appréciation de la chambre de recours n’est pas incompatible avec la circonstance, invoquée par la requérante (voir point 16 ci‑dessus), selon laquelle le consommateur moyen est pleinement apte à percevoir la forme de l’emballage d’un produit comme une indication de son origine commerciale, dès lors que ladite forme présente des caractéristiques suffisantes pour retenir son attention. Par ailleurs, il convient de souligner que cette considération, rappelée par la requérante, a été formulée par le Tribunal dans l’arrêt Forme d’un flacon blanc et transparent, point 16 supra (point 34), eu égard aux particularités du marché des produits de lavage et de nettoyage.

30      Doit également être rejeté l’argument de la requérante, tiré du point 16 de la décision attaquée, selon lequel la chambre de recours aurait fait preuve d’un préjugé défavorable à l’encontre de la catégorie de marques dont relève le signe en cause en suggérant que la perception de la forme d’un emballage nécessiterait une « analyse minutieuse ».

31      Il ressort en effet de la phrase en cause, lue en son entier et dans son contexte (« il y a lieu de relever que le consommateur moyen ne soumet pas la forme des paquets de cigarettes à une analyse minutieuse, mais ne leur accorde qu’une attention brève »), que la chambre de recours n’a pas considéré que la perception de la forme d’un emballage nécessitait une analyse minutieuse, mais que, dans le cas spécifique des paquets de cigarettes, le consommateur moyen prêtait peu d’attention à leur forme.

32      À cet égard, il y a lieu de rappeler que lorsque la chambre de recours conclut à l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée, elle peut fonder son analyse sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise par la commercialisation de produits de large consommation, lesquels sont susceptibles d’être connus de toute personne et notamment des consommateurs de ces produits [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, point 29]. Dans un tel cas, la chambre de recours n’est pas obligée de présenter des exemples d’une telle expérience pratique.

33      C’est sur cette expérience pratique que s’est appuyée la chambre de recours lorsqu’elle a constaté, au point 16 de la décision attaquée, que le consommateur moyen ne soumet pas la forme des paquets de cigarettes à une analyse minutieuse, mais ne leur accorde qu’une attention brève.

34      Par ailleurs, et ainsi qu’il a été constaté invariablement dans la jurisprudence, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément verbal ou figuratif, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts de la Cour Henkel/OHMI, point 23 supra, point 38 ; Mag Instrument/OHMI, point 26 supra, point 30, et Deutsche SiSi-Werke/OHMI, point 23 supra, point 28). Il convient effectivement de reconnaître, ainsi que l’a fait observer l’OHMI à l’audience, que, en l’espèce, l’attention du consommateur se focalisera sur les éléments verbaux et figuratifs situés sur le paquet et non sur la forme même de celui-ci.

35      Il convient également de rappeler, ainsi qu’il a été relevé par l’OHMI, qu’il est de jurisprudence constante que dans la mesure où la requérante se prévaut du caractère distinctif de la marque demandée, en dépit de l’analyse de la chambre de recours fondée sur l’expérience susvisée, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée d’un caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage, étant donné qu’elle est bien mieux à même de le faire au vu de sa connaissance approfondie du marché (arrêt Tablette ovoïde, point 27 supra, point 48).

36      Or, en l’espèce, au cours de la procédure devant l’OHMI, la requérante n’a fourni aucune indication concrète et étayée de nature à établir que les consommateurs accordent une attention particulière à la forme de l’emballage des produits en cause, en faisant abstraction de tout élément verbal ou figuratif.

37      Compte tenu de ce qui précède, la première branche du moyen unique invoqué par la requérante doit être rejetée comme non fondée, sans qu’il soit besoin de recourir à la mesure d’expertise sollicitée à titre subsidiaire par la requérante.

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée de la violation de l’article 4 et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, en raison d’une dénaturation des faits de l’espèce

 Arguments des parties

38      En substance, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir dénaturé les faits en prétendant que, dans la perception du public concerné, la forme en cause se présenterait comme, ou serait assimilable à, la seule forme usuelle d’un paquet de cigarettes, à savoir celle d’un parallélépipède rectangle.

39      La chambre de recours aurait admis, à juste titre selon la requérante, qu’il n’existe qu’un paquet de cigarettes standard, à savoir un paquet dont la forme est celle d’une boîte rectangulaire dont les angles sont pointus (point 17 de la décision attaquée). Selon la requérante, il en résulte que la chambre de recours aurait reconnu que le public n’est familiarisé qu’avec une seule forme standard de paquet de cigarettes. La chambre de recours aurait pourtant prétendu que la forme de la marque demandée se présente comme une simple ou une légère variation par rapport au modèle standard (point 18 de la décision attaquée), alors que, selon la requérante, l’impression d’ensemble dégagée par la forme en cause est fondamentalement différente de celle que dégage la forme usuelle.

40      Par ailleurs, la constatation de la chambre de recours selon laquelle la forme en cause se confond avec un parallélépipède rectangle serait une dénaturation des faits. En effet, la forme en cause serait nettement différente de la forme standard, en ce que la première est celle d’un tronc de cylindre dont les bases sont constituées, chacune, de deux demi‑cercles complémentaires dont les extrémités sont reliées entre elles par des segments de droites de longueur inférieure à celle des demi‑cercles, ce qui donnerait à cette forme atypique une impression d’ensemble dans laquelle les lignes courbes dominent, par opposition à l’impression d’ensemble de la forme standard dans laquelle les lignes droites dominent.

41      La requérante ajoute que, s’il est exact que cette impression d’ensemble est également celle que laissent les paquets de cigarettes dont il apparaît à l’analyse minutieuse que les quatre arêtes longitudinales sont légèrement arrondies, on ne pourrait en tirer de conséquence sur le caractère distinctif de la forme en cause, comme l’a fait la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée.

42      Enfin, la requérante soutient que le signe en cause ne peut pas être considéré comme l’image venant naturellement à l’esprit de la représentation typique d’un paquet de cigarettes [arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T‑128/01, Rec. p. II‑701, point 47] et qu’il est manifestement capable d’influer sur la mémoire du public ciblé en tant qu’indication d’origine commerciale (arrêt Calandre, précité, point 48). De plus, la forme en cause serait de nature à retenir l’attention du public concerné, elle serait véritablement spécifique et ne saurait être considérée comme tout à fait commune à tous les produits en cause (arrêt Forme d’un flacon blanc et transparent, point 16 supra, point 40). Il s’ensuit, selon la requérante, que la forme en cause présente le minimum de caractère distinctif requis.

43      À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que, à supposer que le Tribunal ait des doutes quant à l’aptitude requise du signe en cause à constituer une marque, il conviendrait de nommer un expert ou un collège d’experts ayant pour mission de l’éclairer sur cette aptitude.

44      Selon l’OHMI, la décision attaquée n’est nullement entachée des irrégularités invoquées par la requérante et la chambre de recours aurait correctement apprécié le caractère distinctif de la marque en cause.

45      Par ailleurs, la chambre de recours aurait suffisamment motivé et prouvé l’existence d’éléments concrets permettant de conclure que le signe en cause n’est qu’une variante habituelle, dans le commerce, pour la présentation des produits concernés.

46      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours n’affirmerait pas qu’il n’existe qu’un paquet de cigarettes standard. La décision attaquée aurait relevé que l’apparence générale ordinaire des paquets de cigarettes est celle d’une boîte rectangulaire dont les angles sont marqués, mais que cette forme standard varie dans ses dimensions et ses présentations, selon, notamment, la taille des cigarettes (plus ou moins longues ou fines), leur nombre (5, 10, 20 ou 25) et leur présentation dans le paquet, et selon qu’il s’agit d’un paquet dur ou d’un paquet souple.

47      Selon l’OHMI, c’est donc à juste titre que la décision attaquée conclut que la forme demandée sera susceptible d’être perçue par le consommateur comme une indication de la nature des produits en cause et non comme une indication de leur origine.

48      Par conséquent, selon l’OHMI, le consommateur moyen ne peut, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, percevoir le paquet en cause autrement que comme une simple variante des formes employées par les concurrents de la requérante (point 19 de la décision attaquée).

49      Il en irait d’autant plus ainsi que la représentation fournie est stylisée à l’extrême, alors que, premièrement, la forme demandée ne comporterait ni détail ni couleur particulière qui permettraient d’apprécier le matériau dont elle est constituée et que, deuxièmement, cette forme serait également d’une simplicité telle qu’elle ne comporte aucune ouverture ni en son sommet comme les paquets souples, ni frontale comme les paquets durs.

 Appréciation du Tribunal

50      En premier lieu, il convient de relever que, contrairement à ce qui a été allégué par la requérante au point 39 ci-dessus, la chambre de recours a considéré que le public était familiarisé avec plus d’une forme d’emballage de cigarettes.

51      À cet égard, il y a lieu de constater que, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que la forme sollicitée était assez proche de la forme standard des paquets de cigarettes.

52      Au point 18 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les angles arrondis de la marque demandée ne suffisaient pas à lui conférer un caractère distinctif, puisqu’ils apparaissaient comme une variation du modèle standard et que, dans le secteur pertinent, les consommateurs avaient l’habitude de voir des paquets de cigarettes soit durs, soit souples, les premiers ayant des arêtes droites et prononcées, tandis que les seconds avaient des arêtes traditionnellement moins prononcées, plus lisses, apparaissant partant comme étant légèrement courbées.

53      De plus, au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a précisé que le fait qu’il n’y avait aucune forme similaire sur le marché était sans pertinence, puisque cela n’affectait pas l’absence de caractère distinctif de l’ensemble de la marque, dans la mesure où les éléments qui sont présents dans la marque demandée ne sont que des simples variations stylistiques de la forme générale des emballages utilisés pour les produits visés par la demande d’enregistrement. Ainsi, la chambre de recours a considéré que la marque demandée, vue dans son ensemble, ne se différenciait pas matériellement des formes ordinaires des produits concernés.

54      Par ailleurs, la chambre de recours a précisé que les consommateurs avaient l’habitude de voir des paquets de cigarettes soit durs, soit souples et que, par conséquent, il était probable que les consommateurs pertinents perçoivent les quatre arêtes verticales courbées, caractérisant la forme demandée, comme étant normales dans le commerce (point 18 de la décision attaquée).

55      Il ressort donc des points 17 à 19 et de l’utilisation des expressions « la forme standard des paquets de cigarettes », « une variation du modèle standard », « la forme commune des emballages » et « la forme générale des emballages » que la décision attaquée doit être comprise en ce sens que la chambre de recours a considéré qu’il existait effectivement une forme standard de paquets de cigarettes, à savoir celle d’une boîte rectangulaire avec des arêtes droites et prononcées, mais dont il existait plusieurs variations, telle celle d’un paquet souple avec des arêtes moins prononcées et celle d’une boîte rectangulaire dont les arêtes longitudinales sont biseautées, se trouvant toutes deux habituellement dans le commerce.

56      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré de manière erronée que la forme en cause se confondait avec celle d’un parallélépipède rectangle (point 17 de la décision attaquée).

57      À cet égard, le Tribunal relève que la chambre de recours fait référence à la forme d’un parallélépipède rectangle à deux reprises, au point 17 de la décision attaquée, lorsqu’elle relève, premièrement, que « en effet, les deux formes [la forme de la marque demandée et la forme standard des paquets de cigarettes] ont en commun leur forme générale (parallélépipède rectangle) et leur aspect (plat) aux deux extrémités » et, deuxièmement, que « l’impression d’ensemble dégagée par la forme en cause est celle d’un parallélépipède rectangle debout ».

58      Il convient de préciser qu’un parallélépipède est un hexaèdre dont les faces sont des parallélogrammes, les faces opposées étant parallèles et de même taille.

59      L’examen attentif des images contenues dans la demande d’enregistrement (voir point 2 ci-dessus) permet de constater que la marque demandée est constituée d’une forme tridimensionnelle dont la surface verticale comporte deux faces planes, l’une constituant la partie avant de la forme et l’autre constituant la partie arrière de celle-ci, ces deux faces planes étant reliées entre elles par deux faces latérales courbées, situées respectivement à droite et à gauche des deux faces planes, le tout étant fermé aux deux extrémités (haut et bas) par deux surfaces horizontales planes qui sont reliées au corps du paquet par des arêtes marquées. Il y a également lieu de relever qu’il n’y a pas d’arêtes longitudinales entre les deux faces planes verticales et les faces latérales courbées, la surface verticale du paquet apparaissant ainsi comme continue.

60      S’il est vrai qu’il ressort de l’image représentant une perspective latérale, figurant dans la demande d’enregistrement (voir point 2 ci-dessus, dernière image à droite), et d’une perspective exclusivement frontale du paquet, que la forme qui se dégage de ce dernier est rectangulaire, il est néanmoins erroné, au vu des autres images figurant dans la demande d’enregistrement, de décrire la forme demandée comme étant un parallélépipède rectangle, puisque les caractéristiques fondamentales de celui-ci ne sont pas toutes présentes dans la forme en cause. En effet, les faces situées à droite et à gauche des deux faces planes verticales du paquet apparaissent comme étant entièrement courbées et, bien que de même taille, elles ne sont pas parallèles. Par conséquent, la forme en cause ne peut pas être décrite comme étant un parallélépipède rectangle.

61      Par ailleurs, l’impression d’ensemble qui se dégage de la forme en cause est elle aussi influencée par le fait que les deux faces latérales, à droite et à gauche des deux faces planes verticales, présentent chacune une forme entièrement courbée et non plane. Il en résulte que l’impression d’ensemble produite par la forme en cause n’est pas non plus celle d’un parallélépipède rectangle.

62      Il résulte des considérations qui précèdent que la chambre de recours a procédé à une appréciation de fait erronée en concluant, au point 17 de la décision attaquée, que la forme générale de la marque demandée ainsi que l’impression d’ensemble en résultant étaient celle d’un parallélépipède rectangle.

63      Cependant, il y a lieu de vérifier si ladite erreur justifie l’annulation de la décision attaquée. Il convient pour ce faire d’examiner le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours relative au caractère distinctif de la marque demandée. À cet égard, il y a lieu de rappeler que dans l’application des critères d’appréciation du caractère distinctif, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (voir point 27 ci‑dessus). En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir point 34 ci-dessus).

64      Par ailleurs, s’agissant des marques tridimensionnelles, plus la forme dont l’enregistrement est demandé se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause ou son emballage, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94. En revanche, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, remplit sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif (arrêts Henkel/OHMI, point 23 supra, point 39 ; Mag Instrument/OHMI, point 26 supra, point 31, et Deutsche SiSi-Werke/OHMI, point 23 supra, point 31 ; voir également, par analogie, arrêt Henkel, point 28 supra, point 49).

65      En l’espèce, bien que la forme de la marque demandée ne corresponde pas à celle de la forme standard des paquets de cigarettes, c’est-à-dire un parallélépipède rectangle, elle est néanmoins proche de cette dernière forme ainsi que de certaines des variations du paquet standard se trouvant habituellement dans le commerce. La seule différence entre la forme demandée et la forme standard réside dans la forme des deux faces latérales. S’agissant de la forme demandée, ces dernières sont entièrement courbées et, ainsi qu’il a été relevé au point 59 ci-dessus, il n’y a pas d’arêtes longitudinales entre ces deux faces courbées et les deux faces planes verticales. S’agissant de la forme standard, les deux faces latérales sont planes et parallèles. Il en résulte que la marque demandée ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur.

66      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, aux points 17 à 19 de la décision attaquée, que la marque demandée ressemblait de manière trop évidente à la forme la plus courante de ce produit et que, prise dans son ensemble, la marque demandée ne réussissait pas à se différencier substantiellement des formes ordinaires des produits concernés.

67      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante concernant la perception tactile des paquets de cigarettes par le consommateur. Ainsi que l’OHMI l’a relevé lors de l’audience, il résulte des modalités de vente des cigarettes au détail que, en pratique, le consommateur n’a pas la possibilité de toucher le paquet avant l’achat de celui-ci. En effet, les paquets de cigarettes sont normalement vendus individuellement dans des bureaux de tabac et dans des distributeurs automatiques. Il résulte notamment des restrictions d’âge sur la vente des cigarettes que, dans le cas des bureaux de tabac, les paquets de cigarettes sont normalement présentés à une certaine distance du consommateur qui doit sélectionner le paquet de cigarettes sans le toucher et qui le reçoit ensuite directement du buraliste lorsqu’il effectue son paiement. Dans le cas des distributeurs automatiques, le consommateur reçoit son paquet directement de la machine après l’avoir sélectionné et avoir inséré sa monnaie.

68      Quant aux allégations relatives à la perception visuelle des paquets en cause, l’OHMI a relevé à l’audience que les consommateurs ont peu de possibilités, voire aucune, d’analyser la forme des paquets de cigarettes avant de les acquérir. Dans le cas des bureaux de tabac et des distributeurs automatiques, les paquets de cigarettes sont normalement présentés côte à côte, debout et de face, ce qui rend plus difficile la perception des faces latérales courbées. Cela est d’autant plus le cas dans les bureaux de tabac, où les paquets sont présentés à un endroit inaccessible pour le consommateur, qui doit donc opérer son choix à distance. Par conséquent, il sera en général difficile pour les consommateurs de voir les faces latérales courbées qui distinguent la forme du paquet en cause des autres paquets vendus sur le marché.

69      Il convient également de constater, ainsi qu’il a été relevé au point 34 ci-dessus, que, en l’espèce, l’attention du consommateur se focalisera sur les éléments verbaux et figuratifs situés sur le paquet et non sur la seule forme de celui-ci.

70      En tout état de cause, même dans l’hypothèse où les faces latérales courbées retiendraient l’attention du consommateur, celui-ci ne les percevrait pas d’emblée comme une indication de l’origine commerciale. Ainsi que l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée, et ainsi qu’il résulte des considérations du point 65 ci-dessus, l’effet de la marque demandée serait au contraire de fournir au consommateur une indication quant à la nature du produit.

71      Il résulte des considérations qui précèdent, relatives à la perception des consommateurs concernés et à la différence entre la description de la forme de la marque demandée faite par la chambre de recours et la représentation graphique de celle-ci, que l’erreur dans ladite description n’a pas été déterminante quant à l’appréciation par la chambre de recours du caractère distinctif de la marque demandée.

72      À cet égard, selon une jurisprudence constante, si, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, une erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au résultat, l’argumentation fondée sur une telle erreur est inopérante et ne saurait donc suffire à justifier l’annulation de la décision attaquée (voir arrêt du Tribunal du 14 mai 2002, Graphischer Maschinenbau/Commission, T‑126/99, Rec. p. II‑2427, point 49, et la jurisprudence citée).

73      Il résulte des considérations reprises au point 71 ci-dessus que l’erreur commise par la chambre de recours ne saurait justifier l’annulation de la décision attaquée.

74      Compte tenu de ce qui précède, la deuxième branche du moyen unique invoqué par la requérante doit être rejetée, sans qu’il soit besoin de recourir à la mesure d’expertise sollicitée à titre subsidiaire par la requérante.

75      Partant, le recours doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur les dépens

76      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Philip Morris Products SA est condamnée aux dépens.

Pirrung

       Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


* Langue de procédure : le français.