Language of document : ECLI:EU:T:2009:292

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

27 août 2009 (*)

« Responsabilité non contractuelle – FED – Conditions d’octroi et de contrôle de crédits pour un projet d’exploitation agricole au Sénégal – Prescription – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑367/08,

Michel Abouchar, demeurant à Dakar (Sénégal), représenté par Mes B. Dubreuil-Basire et J.-J. Lorang, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. A. Bordes et Mme E. Cujo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours en indemnité visant à obtenir la réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi par le requérant en raison de prétendues fautes de la Commission et de ses agents inhérentes aux conditions d’octroi et de contrôle des crédits financés par le Fonds européen de développement (FED) pour son projet d’exploitation agricole au Sénégal,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de Mme V. Tiili (rapporteur), président, M. F. Dehousse et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le Fonds européen de développement (FED) a été établi pour financer la coopération avec les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d’abord par le biais d’une annexe au traité CEE, puis par des accords internes entre États membres réunis au sein du Conseil de l’Union européenne. À ce jour, il y a eu dix FED successifs correspondant, en ce qui concerne les huit premiers, à la durée des divers accords et conventions par lesquels la Communauté européenne et ses États membres ont établi ce partenariat spécial avec les États ACP.

2        Les contrats financés au titre des sixième et septième FED relèvent, respectivement, de la troisième convention ACP-CEE, signée à Lomé le 8 décembre 1984 (JO 1986, L 86, p. 3), et de la quatrième convention ACP-CEE, signée à Lomé le 15 décembre 1989 (JO 1991, L 229, p. 3, ci-après la « convention de Lomé IV »).

3        Les 9 octobre 1987 et 29 octobre 1990, la Communauté économique européenne, représentée par la Commission des Communautés européennes, d’une part, et la République du Sénégal, d’autre part, ont respectivement conclu, dans le cadre du sixième FED et conformément à la troisième convention ACP-CEE, citée au point 2 ci-dessus, la convention de financement 4050/SE/P, concernant le projet intitulé « Programme d’appui au développement de la région de Podor [(Sénégal)] », et la convention de financement 4346/SE, concernant le projet intitulé « Appui à la réinsertion des rapatriés provenant de Mauritanie ».

4        Les 13 avril 1989 et 6 décembre 1990, l’administration sénégalaise représentée par la « cellule ‘Après-barrages’ », d’une part, et le Groupement de recherche et d’échanges technologiques, d’autre part, ont conclu deux contrats d’assistance technique visant à ce que ce dernier fournisse l’assistance technique nécessaire dans le cadre de chacune des conventions de financement visées au point 3 ci-dessus.

5        Le 9 juillet 1993, la Communauté économique européenne, représentée par la Commission, d’une part, et la République du Sénégal, d’autre part, ont conclu, dans le cadre du septième FED et conformément à la convention de Lomé IV, la convention de financement 5189/SE, concernant le projet intitulé « Programme de développement de la Région de Saint-Louis ».

6        Le 23 novembre 1993, la « cellule ‘Après-barrages’ », d’une part, et AXE-Création d’entreprises (ci-après « AXE »), d’autre part, ont conclu un contrat d’assistance technique dans le cadre de la convention de financement 5189/SE. AXE était précédemment intervenue dans le cadre des deux premiers contrats d’assistance technique, visés au point 4 ci-dessus, en qualité de sous-traitant du Groupement de recherche et d’échanges technologiques. L’annexe A du contrat d’assistance technique du 23 novembre 1993 expose notamment ce qui suit :

« […] la cellule PME à Podor a été mise en place en juillet 1989 [dans le cadre de la première convention de financement et conformément au premier contrat d’assistance technique]. Les activités du projet sont guidées par un comité de pilotage. […] Les dossiers de crédit, étudiés par la cellule PME à Podor, sont présentés pour avis par le chef du projet au comité de crédit […]

En janvier 1990, un projet d’appui à la création de PME pour la réinsertion économique des rapatriés de Mauritanie […] a été ouvert à Saint-Louis. Les méthodes de travail de ce projet étaient sensiblement les mêmes que pour le projet PME à Podor. Lors de la mise en œuvre de la deuxième phase du projet Saint-Louis […] en janvier 1991 [dans le cadre de la deuxième convention de financement et conformément au deuxième contrat d’assistance technique], les deux projets ont été fusionnés et le chef du projet PME à Podor est devenu responsable de la supervision de deux ‘antennes’ du projet PME : Saint-Louis et Podor. […] »

7        Dans le courant des années 1992 et 1993, le requérant, M. Michel Abouchar, a introduit auprès de M. G., le chef du projet PME qui était employé par AXE, des demandes de crédit pour un montant total de 219 000 000 francs CFA (BCEAO) (XOF), liées au financement de son projet d’exploitation agricole au Sénégal. Ces demandes de crédit étaient faites au nom de six groupements d’intérêts économiques (ci-après les « six GIE ») que le requérant avait créés à cette fin et pour lesquels il disposait d’une procuration pour les représenter.

8        Dans le courant de l’année 1993, les demandes de crédit présentées par chacun des six GIE, représentés par le requérant pour son projet d’exploitation agricole, ont été acceptées par la cellule de crédit des petites et moyennes entreprises (ci-après la « cellule PME ») pour un montant total de 136 547 000 XOF, qui lui ont été versés.

9        Dans le cadre de deux audits comptables réalisés en décembre 1994 et en janvier 1995, des sociétés d’expertise comptable ont fait état de fautes graves commises par AXE et par M. G. consistant dans des fautes de gestion, dans l’octroi de financements fictifs ainsi que dans le détournement de financements par le biais de prête-noms au profit notamment du requérant.

10      Selon le procès-verbal d’enquête transmis par le commissaire de police principal au procureur de la République près le tribunal régional de Dakar (Sénégal) du 21 juin 1995, les autorités sénégalaises ont déposé le 29 mars 1995 une plainte en raison des « irrégularités et des malversations » commises par AXE et par M. G. Dans le cadre de cette plainte, le requérant a été interrogé par les services dudit commissaire. Le procès-verbal d’enquête expose notamment ce qui suit :

« [M. Abouchar] reconnaît avoir déposé [à la cellule PME], une demande de financement pour une exploitation agricole maraîchère, d’un montant de 219 000 000 [XOF] au nom du GIE Dakar-Bango. D’après [le requérant], le chef du projet [PME, M. G.,] lui a signifié que les financements octroyés ne peuvent excéder le montant de 30 000 000 [XOF]. Il lui aurait alors suggéré de constituer plusieurs GIE en vue d’obtenir la globalité de la somme sollicitée.

[…]

Après avoir introduit les six dossiers, [M. Abouchar] a déclaré avoir obtenu, finalement, la somme de 136 547 000 [XOF…] qu’il a utilisée pour le compte unique de son ‘GIE Dakar-Bango’. Il a reconnu que les autres [GIE] n’ont jamais existé. »

11      Le 11 juillet 1995, le procureur de la République près le tribunal régional de Dakar a, dans son réquisitoire introductif adressé au doyen des juges d’instruction, demandé, notamment, d’une part, de délivrer un mandat d’arrêt à l’égard de M. G. en raison notamment des « présomptions graves de complicité d’escroquerie portant sur des deniers publics pour un montant non encore déterminé » et, d’autre part, un mandat de dépôt contre le requérant pour « faux en écriture privée ou de commerce, usage de faux, escroquerie portant sur des deniers publics pour 136 547 000 [XOF] ».

12      Le 14 août 1995, le doyen des juges d’instruction a rendu une ordonnance dans laquelle il estimait notamment que, si le requérant avait « intégralement affecté les fonds qu’il a recueillis à leur destination convenue » et qu’il n’avait donc pas cherché à « s’approprier ou [à] disposer des fonds reçus indûment », il n’en demeurerait toutefois pas moins qu’il aurait obtenu ces crédits « en faisant de fausses déclarations sur l’existence de six (6) GIE qu’il aurait créés en fournissant de faux renseignements et de fausses attestations, notamment les procurations qu’il prétend tenir des membres desdits GIE ». Dans ladite ordonnance, il rejette en conséquence la requête aux fins de non-lieu déposée par le requérant, requalifie le délit d’escroquerie portant sur des deniers publics en délit de détournement de prêts consentis par l’État et ordonne la saisie conservatoire des biens du requérant.

13      Par jugement du 29 avril 1999, d’une part, le tribunal régional hors classe de Dakar dans sa formation pour les affaires correctionnelles (ci-après le « tribunal correctionnel de Dakar ») a notamment reconnu M. G. coupable d’« escroquerie aux deniers publics » et l’a condamné à une peine de sept ans d’emprisonnement ferme et à 2 000 000 XOF d’amende ainsi qu’à 3 046 849 455 XOF à titre de dommages et intérêts au bénéfice de la République du Sénégal. AXE a été reconnue civilement responsable des agissements de M. G. Par ailleurs, M. D., chef du service juridique du projet PME, qui était également poursuivi notamment pour faux en écriture privée, a été quant à lui relaxé. D’autre part, le tribunal correctionnel de Dakar a déclaré le requérant coupable de détournement de prêts et l’a condamné à une peine d’un an d’emprisonnement ferme ainsi qu’au paiement d’une somme de 189 578 472 XOF à titre de dommages et intérêts.

14      Par arrêt du 8 septembre 2003, la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Dakar (ci-après la « cour d’appel de Dakar ») a, dans le cadre de l’appel interjeté notamment par le requérant et AXE contre le jugement du tribunal correctionnel de Dakar du 29 avril 1999, confirmé qu’AXE était civilement responsable des agissements de M. G. En revanche, elle a relaxé purement et simplement le requérant. À cet égard, il est indiqué dans les motifs dudit arrêt « qu’il ne résulte pas du dossier, notamment du rapport d’expertise [ordonné par la cour d’appel de Dakar], que [le requérant] a détourné le prêt qui lui a été accordé et qu’il a commis un faux en créant des titres fictifs ». Aucun pourvoi n’a été introduit contre cet arrêt.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 septembre 2008, le requérant a introduit le présent recours.

16      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que les agents de la Commission, dont le FED dépend, ont commis des fautes délictuelles dans l’exercice de leurs fonctions ;

–        constater que la Commission, dont le FED dépend, a violé l’article 155 du traité CE (devenu article 211 CE), l’article 311 de la convention de Lomé IV et les principes généraux de bonne administration, de sollicitude et de protection de la confiance légitime ;

–        constater que ces fautes lui ont causé un préjudice direct et condamner la Commission, dont le FED dépend, à lui payer, toutes causes de préjudices confondues, la somme de « 4 500 000 euros » à titre de dommages-intérêts ;

–        condamner la Commission, dont le FED dépend, à lui payer la somme de 100 000 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a dû exposer ;

–        condamner la Commission, dont le FED dépend, aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

18      Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

19      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

20      Par le présent recours, le requérant demande, en substance, une indemnisation d’un montant total de « 4 500 000 euros » en raison du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi dans le cadre des crédits financés par le FED qui lui ont été octroyés pour son projet d’exploitation agricole au Sénégal. Ces préjudices résulteraient des fautes commises, d’une part, par la Commission et, d’autre part, par MM. G. et D. En effet, selon le requérant, les agissements fautifs de MM. G. et D. (ci-après les « prétendus agents de la Commission ») engagent la responsabilité de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE dans la mesure où ils agissaient au nom et pour le compte du FED, dont la Commission assume la responsabilité.

21      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que le présent recours est tardif et, partant, qu’il est irrecevable.

22      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon l’article 46 du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, les actions contre les Communautés en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu. La prescription est interrompue soit par la requête formée devant la Cour, soit par la demande préalable que la victime peut adresser à l’institution compétente des Communautés.

23      De plus, il résulte d’une jurisprudence constante que ce délai de prescription commence à courir lorsque sont réunies toutes les conditions auxquelles se trouve subordonnée l’obligation de réparation, et, notamment, lorsque le dommage à réparer s’est concrétisé. Dans les contentieux nés, comme en l’espèce, d’actes individuels, le délai de prescription commence à courir lorsque ces actes ont produit leurs effets à l’égard des personnes qu’ils visent [arrêt de la Cour du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, Rec. p. I‑2941, points 29 et 30, et ordonnance du Tribunal du 1er avril 2009, Perry/Commission, T‑280/08, non publiée au Recueil, point 36].

24      En outre, la condition relative à l’existence d’un préjudice certain est remplie dès lors que le préjudice est imminent et prévisible avec une certitude suffisante, même s’il ne peut pas encore être chiffré avec précision (arrêt de la Cour du 14 janvier 1987, Zuckerfabrik Bedburg e.a./Conseil et Commission, 281/84, Rec. p. 49, point 14, et ordonnance du Tribunal du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03, Rec. p. II‑5839, point 106).

25      Enfin, la prescription ne peut courir qu’à partir du moment où le préjudice pécuniaire s’est effectivement réalisé [arrêt Holcim (Deutschland)/Commission, point 23 supra, point 33, et ordonnance Perry/Commission, point 23 supra, point 36].

26      Il convient donc d’examiner si, en l’espèce, la prescription a commencé à courir avant le 5 septembre 2003, soit cinq ans avant l’introduction de la requête.

27      S’agissant des fautes que la Commission aurait commises, le requérant fait valoir, d’une part, que les prétendus agents de la Commission ont commis des fautes délictuelles, qui sont à l’origine des poursuites pénales dont il a fait l’objet, et, d’autre part, qu’elle a violé ses obligations de contrôle et de surveillance des fonds octroyés par le FED résultant de l’article 211 CE, des articles 311 et 317 de la convention de Lomé IV, des règlements financiers conclus dans le cadre des sixième et septième FED, ainsi que les principes de bonne administration, de sollicitude et de protection de la confiance légitime. Or, il suffit de constater à cet égard que, comme le reconnaît expressément le requérant dans ses écritures, l’ensemble de ces prétendues fautes ont été commises en 1995 au plus tard. Par ailleurs, lesdites fautes étaient nécessairement connues du requérant dès cette époque, dès lors qu’il a lui-même fait l’objet de poursuites pénales visant à déterminer sa propre responsabilité dans le cadre des faits délictueux que les prétendus agents de la Commission avaient commis.

28      S’agissant des préjudices pour lesquels il demande une indemnisation d’un montant total de « 4 500 000 euros », le requérant distingue deux catégories de préjudice dont il aurait souffert.

29      En premier lieu, le requérant fait valoir, en substance, qu’il a subi un double préjudice matériel. Son premier préjudice matériel qu’il évalue à un montant de 2 000 000 euros résulterait du fait que, à la suite de la saisie conservatoire de ses biens, il a été dans l’incapacité de rembourser le prêt qu’il avait contracté auprès de la cellule PME et de recouvrer le montant de certains des investissements qu’il prétendait avoir engagés dans son exploitation agricole. Son second préjudice matériel, qu’il évalue également à 2 000 000 euros, consisterait dans le manque à gagner résultant de la cessation brutale de son exploitation agricole à la suite de la saisie conservatoire de ses biens. Afin de justifier le montant de sa demande d’indemnisation à cet égard, le requérant s’appuie sur les chiffres prévisionnels des cinq premières années d’exploitation de son activité figurant dans le rapport de projet d’exploitation réalisé en juillet 1993, qu’il joint à ses écritures.

30      À cet égard, il y a lieu de constater que le double préjudice matériel que le requérant invoque était certain et quantifiable dès 1995. En effet, comme le requérant l’allègue lui-même, c’est à compter de la saisie conservatoire de ses biens en 1995 qu’il se serait retrouvé dans l’incapacité de rembourser son prêt financé par le FED, de recouvrer ses investissements et de poursuivre son activité d’exploitation agricole entraînant ainsi un éventuel manque à gagner qu’il évalue sur la base de chiffres qui étaient disponibles dès 1993.

31      En second lieu, le requérant soutient qu’il a subi un préjudice moral qu’il évalue à un montant de 1 500 000 euros. Ce préjudice moral résulterait de la durée des poursuites pénales engagées à son égard, qui n’ont pris fin qu’en 2003, de sa mise en détention provisoire du 13 juillet au 14 août 1995 et du fait que sa réputation et son honneur d’honnête entrepreneur ont en conséquence été mis en cause, notamment dans des articles de presse publiés en 1995. De plus, ces facteurs auraient eu des répercussions directes sur sa vie familiale et l’auraient conduit à divorcer.

32      Premièrement, dans la mesure où le requérant allègue avoir souffert des mesures pénales prises à son égard, telles que sa mise en détention provisoire, et des conséquences résultant de ces mesures sur sa réputation, son honneur et son bien-être familial, il y a lieu de relever, d’une part, que les mesures pénales susceptibles de lui avoir causé un préjudice ont toutes été matérialisées au plus tard au jour de sa condamnation par le tribunal correctionnel de Dakar en 1999. D’autre part, le requérant n’allègue ni n’établit que les conséquences de ces mesures pénales se seraient matérialisées postérieurement à cette date. Partant, il y a lieu de constater que ce prétendu préjudice moral était certain, quantifiable et connu de lui au plus tard avant la fin de 1999.

33      Deuxièmement, dans la mesure où le requérant affirme avoir subi un préjudice résultant de la durée de la procédure pénale engagée à son égard de 1995 à 2003, il y a lieu de constater qu’il n’établit pas les raisons pour lesquelles la procédure pénale, courant à compter de la date de sa propre décision de faire appel du jugement du tribunal correctionnel de Dakar rendu en 1999 jusqu’au prononcé de l’arrêt de la cour d’appel de Dakar en 2003, lui aurait causé un quelconque préjudice moral. Or, il est constant que ladite procédure d’appel lui a permis d’être relaxé des délits dont il avait été reconnu coupable par le tribunal correctionnel de Dakar en 1999. Dès lors, la durée de la procédure pénale entreprise contre le requérant ne saurait être considérée comme lui ayant causé un préjudice après 1999.

34      À titre surabondant, il y a lieu de relever que l’éventuel préjudice du requérant qui résulterait de la durée de la procédure pénale de 1995 à 2003 est imputable aux seules autorités sénégalaises qui ont mené ladite procédure et non à la Commission ou aux prétendus agents de la Commission, dont les agissements fautifs invoqués par le requérant sont sans rapport avec la durée de ladite procédure pénale. Dès lors, la demande d’indemnisation du requérant à cet égard est, en toute hypothèse, manifestement dénuée de tout fondement.

35      À la lumière des constatations opérées aux points 27 à 34 ci-dessus, les prétendus préjudices matériel et moral que le requérant invoque étaient donc, à les supposer avérés, certains et quantifiables avant la fin de l’année 1999 et étaient connus de lui au plus tard à cette époque.

36      Partant, le délai de la prescription quinquennale a commencé à courir au plus tard à la fin de l’année 1999.

37      Les arguments soulevés par le requérant ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

38      Premièrement, il convient de rejeter comme non fondé l’argument selon lequel le point de départ du délai de prescription est le jour où la cour d’appel de Dakar a rendu son arrêt, dans la mesure où c’est à cette date que le requérant a été relaxé des délits qui lui étaient reprochés. En effet, d’une part, le fait que la cour d’appel de Dakar n’a relaxé le requérant qu’en 2003 est sans influence sur la conclusion exposée au point 36 ci-dessus selon laquelle il avait tout loisir d’introduire son recours en indemnisation à compter de la fin de l’année 1999 au plus tard. D’autre part, et en toute hypothèse, le requérant ne saurait valablement prétendre que l’arrêt de la cour d’appel de Dakar constitue le fait générateur de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, sauf à considérer que c’est sa relaxe qui est à l’origine des préjudices invoqués, ce que ne prétend nullement le requérant.

39      Deuxièmement, concernant l’argument selon lequel ce n’est qu’à compter de la date de l’arrêt de la cour d’appel de Dakar que les agissements fautifs des prétendus agents de la Commission ont été « établi » de manière définitive, il y a lieu de le rejeter comme non fondé. Tout d’abord, il convient de constater que l’arrêt de la cour d’appel de Dakar ne se rapporte pas aux faits reprochés à MM. G. et D. En effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers aient fait appel du jugement du tribunal correctionnel de Dakar. Ensuite, outre le fait que, comme il a été exposé au point 27 ci-dessus, le requérant avait nécessairement connaissance dès 1995 des fautes qu’il invoque, il ressort de la jurisprudence que la thèse selon laquelle le délai de prescription ne commencerait à courir qu’à compter du moment où la victime a une connaissance précise et circonstanciée des faits de la cause est erronée, la connaissance des faits ne figurant pas au nombre des éléments qui doivent être réunis pour faire courir le délai de prescription (ordonnance de la Cour du 18 juillet 2002, Autosalone Ispra dei Fratelli Rossi/Commission, C‑136/01 P, Rec. p. I‑6565 point 31 ; ordonnances du Tribunal du 14 septembre 2005, Ehcon/Commission, T‑140/04, Rec. p. II‑3287, point 58, et du 10 avril 2008, 2K-Teint e.a./Commission et BEI, T‑336/06, non publiée au Recueil, point 98). Enfin, et en toute hypothèse, il est indifférent, pour le déclenchement du délai de prescription, que le comportement illégal de la Communauté ait été constaté par une décision de justice [voir, en ce sens, arrêt Holcim (Deutschland)/Commission, point 23 supra, point 31, et ordonnance Perry/Commission, point 23 supra, point 54].

40      Troisièmement, il convient de rejeter comme non fondé l’argument selon lequel la prescription aurait été interrompue par la saisine des juridictions sénégalaises dans la mesure où seules ces juridictions étaient compétentes pour juger de l’illégalité des faits reprochés aux prétendus agents de la Commission. En effet, il suffit de relever à cet égard que, conformément à la jurisprudence, il ressort du libellé même de l’article 46 du statut de la Cour qu’un recours intenté devant une juridiction nationale ne saurait constituer un acte interruptif de la prescription de l’action en indemnité au titre de l’article 235 CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 juillet 2008, Commission/Cantina sociale di Dolianova e.a., C‑51/05 P, non encore publié au Recueil, point 69, et la jurisprudence citée, et du 11 juin 2009, Transports Schiocchet – Excursions/Commission, C‑335/08 P, non encore publié au Recueil, point 30).

41      Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours en responsabilité non contractuelle est prescrit dès lors qu’il a été introduit plus de cinq ans après la survenance des faits qui y ont donné lieu, au sens de l’article 46 du statut de la Cour.

42      Par ailleurs, concernant la demande du requérant relative au paiement d’une somme de 100 000 euros au titre « des frais irrépétibles » qu’il aurait engagés, il convient de relever qu’une telle demande n’est étayée par aucun élément de fait et de droit, tel que requis par l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, permettant au Tribunal de statuer sur une telle demande. En outre, d’une part, à supposer que ces frais aient été exposés par le requérant aux fins de la présente procédure, leur engagement ne saurait être considéré comme un préjudice distinct de la charge des dépens de l’instance (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission, T‑48/05, non encore publié au Recueil, point 415, et la jurisprudence citée). D’autre part, à supposer que ces frais correspondent aux éventuels frais engagés devant les juridictions sénégalaises, ils ne sauraient être pris en compte, la question du remboursement des frais engagés au niveau national ne relevant pas de la compétence des juridictions communautaires (voir, en ce sens, arrêt Franchet et Byk/Commission, précité, point 417).

43      Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent recours comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      M. Michel Abouchar est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 27 août 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      V. Tiili


* Langue de procédure : le français.