Language of document : ECLI:EU:T:2013:40

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

29 janvier 2013(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire tridimensionnelle – Carrelette manuelle – Motif absolu de refus − Absence de caractère distinctif − Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 − Absence de caractère distinctif acquis par l’usage − Article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 − Obligation de motivation − Articles 75 et 76 du règlement n° 207/2009 − Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑25/11,

Germans Boada, SA, établie à Rubí (Espagne), représentée par MJ. Carbonell Callicó, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 28 octobre 2010 (affaire R 771/2010‑1), concernant une demande d’enregistrement du signe tridimensionnel représentant une carrelette manuelle comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse et J. Schwarcz (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 21 mars 2011,

vu la décision du 3 mai 2011 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu la décision du président du Tribunal de modifier la composition de la deuxième chambre du Tribunal aux fins de la présente procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 octobre 2008, la requérante, Germans Boada, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé consiste en le signe tridimensionnel reproduit ci-après, revendiquant les couleurs rouge, grise, bleue et noire :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 8 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, initialement, à la description suivante : « Carrelettes manuelles ».

4        Le 31 octobre 2008, l’examinateur a indiqué à la requérante que la marque demandée ne pouvait être enregistrée, en raison de l’absence du caractère distinctif visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009]. En substance, l’examinateur a considéré que la marque en cause était incapable de remplir la fonction essentielle d’une marque.

5        Le 12 février 2009, après avoir obtenu, précédemment, une prorogation du délai imparti pour réunir et présenter l’ensemble des documents au soutien de ses allégations, la requérante a exposé ses arguments à l’encontre de la position liminaire de l’examinateur.

6        Par décision du 5 mars 2010, l’examinateur a refusé d’enregistrer la marque demandée, au motif qu’elle était dépourvue de caractère distinctif ab initio au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et qu’elle n’avait pas non plus acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement.

7        Le 4 mai 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur. En outre, dans son courrier daté du 28 juin 2010 et portant l’exposé des motifs du recours, la requérante a limité sa demande de marque aux seuls produits suivants : « Carrelettes manuelles pour professionnels ».

8        Par décision du 28 octobre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, tout d’abord, s’agissant de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, que la marque demandée ne présentait pas un caractère distinctif, mais constituait uniquement une simple variante de ce qui était habituel dans le secteur en cause et correspondait, globalement, à une forme dictée par des raisons techniques. Elle était, selon la chambre de recours, dépourvue de réelle originalité et devait être considérée comme banale.

9        Ensuite, s’agissant de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a estimé que la requérante n’avait pas réussi à démontrer que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

10      Enfin, s’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a affirmé que, même si la marque demandée avait été jugée suffisamment distinctive, cela ne signifierait pas qu’elle puisse être enregistrée. En effet, la forme de la carrelette en cause est, selon la chambre de recours, nécessaire pour obtenir un résultat technique, ce qui signifie que les éléments qui la composent sont fonctionnels. Cependant, la chambre de recours a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’examiner cette question, étant donné que la marque demandée ne présentait pas de caractère distinctif intrinsèque et n’avait pas non plus acquis un tel caractère par l’usage.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée, « en raison de la violation du principe d’égalité et de l’article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 207/2009 », et faire droit à la demande d’enregistrement de marque ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée, « pour violation des articles 75 et 76 du règlement n° 207/2009 » ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qui plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante invoque quatre moyens au soutien de son recours. Les premier et deuxième moyens sont tirés de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, du règlement n° 207/2009. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et de l’article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). Le quatrième moyen est tiré de la violation des articles 75 et 76 du règlement n° 207/2009.

 Sur la recevabilité du premier chef de conclusions

14      L’OHMI fait valoir que, conformément à l’article 65, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, la demande de la requérante visant à ce que le Tribunal fasse droit à sa demande d’enregistrement de marque doit être rejetée, étant donné que seuls les moyens dirigés contre la décision de la chambre de recours sont recevables et qu’il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI.

15      À titre liminaire, il convient de constater que le premier chef de conclusions de la requérante consiste en une demande de réformation de la décision attaquée, « en raison de la violation du principe d’égalité et de l’article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 207/2009 », et en une demande de faire droit à sa demande d’enregistrement de marque.

16      À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que le contrôle exercé par le Tribunal conformément à l’article 65 du règlement n° 207/2009 est un contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI et que le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision objet du recours que si, au moment ou celle-ci a été prise, elle était entachée par l’un des motifs d’annulation ou de réformation énoncés à l’article 65, paragraphe 2, de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, non encore publié au Recueil, point 71, et la jurisprudence citée).

17      Il s’ensuit que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas d’avantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt Edwin/OHMI, point 16 supra, point 72).

18      Il y a lieu, ensuite, de rappeler, s’agissant de la partie du premier chef de conclusions visant à ce que le Tribunal fasse droit à la demande d’enregistrement de marque, qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’OHMI une injonction. Il incombe à celui-ci de tirer les conséquences du dispositif et des motifs du présent arrêt [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 décembre 2009, Earle Beauty/OHMI (SUPERSKIN), T‑486/08, non publié au Recueil, point 9, et la jurisprudence citée].

19      À la lumière de ce qui précède, d’une part, conformément à la jurisprudence citée aux points 16 et 17 ci-dessus, il appartient au Tribunal d’apprécier les allégations de la requérante aux fins de juger si la décision attaquée est entachée d’un des motifs d’annulation ou de réformation énoncés à l’article 65, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

20      D’autre part, il ressort du point 18 ci-dessus que la demande de la requérante visant à faire droit à sa demande d’enregistrement de marque est irrecevable.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

21      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

22      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 2010, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI (Forme d’un lapin en chocolat avec ruban rouge), T‑336/08, non publié au Recueil, point 13, et la jurisprudence citée].

23      Le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception que le public pertinent en a (voir arrêt Forme d’un lapin en chocolat avec ruban rouge, point 22 supra, point 14, et la jurisprudence citée).

24      En outre, il y a lieu de rappeler que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer/Klijsen Handel, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26).

25      En l’espèce, il est constant que le signe demandé est constitué par l’apparence du produit visé, à savoir d’une carrelette manuelle.

26      La chambre de recours a considéré, en substance, que la marque demandée ne présentait pas de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

27      Dans la mesure où tant la décision attaquée que l’exposé des allégations de la requérante consacrées, dans la requête, à la disposition susvisée sont subdivisés en deux parties, l’une portant sur le public pertinent et l’autre sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée, le Tribunal considère opportun de suivre cette même structure dans son appréciation de la légalité de la décision attaquée.

 Sur le public pertinent

28      Dans la décision attaquée, la chambre de recours affirme, en substance, que, alors même que la carrelette en cause n’était pas, en principe, destinée à un public très large, mais plutôt à un cercle restreint de consommateurs, il n’était pas possible de limiter ceux-ci aux seuls professionnels, dans la mesure où les amateurs de bricolage pouvaient également l’acheter. S’agissant du degré d’attention du public pertinent lors de l’achat, la chambre de recours considère qu’il serait élevé, étant donné que l’outil en question est d’utilisation moins courante et de valeur plus élevée.

29      La requérante prétend que la limitation des produits désignés par la marque demandée aux seules carrelettes manuelles « pour professionnels » ne fait que refléter la réalité du marché. En effet, elle aurait démontré que l’outil en cause a été conçu pour, et destiné à, un usage par des professionnels. L’OHMI conteste les allégations de la requérante.

30      Tout d’abord, il convient de constater que la requérante admet dans ses écrits d’instance que certaines, au moins, des carrelettes manuelles pour professionnels peuvent être acquises et utilisées par de simples « amateurs » de bricolage, bien qu’elle conteste la pertinence juridique de ce fait dans la détermination du public pertinent.

31      Ensuite, force est de constater qu’il ne ressort pas de la nature même de la carrelette manuelle qu’il conviendrait d’estimer que son utilisation par les « amateurs » de bricolage est purement hypothétique. À cet égard, s’agissant de la référence faite par la requérante au mode d’emploi démontrant une certaine difficulté de maniement de cette machine, de remplacement de ses pièces constitutives ou de démontage, il y a lieu de constater que de tels éléments ne sauraient être jugés suffisants, dans les circonstances de l’espèce, pour considérer que les achats effectués par les amateurs de bricolage sont nécessairement de quantité insignifiante. En effet, il peut être présumé que les « amateurs » de bricolage sont habitués à l’utilisation d’outils d’une technicité élevée, dans la mesure où il est notoire qu’ils sont à même d’exécuter des tâches très complexes, voire d’une certaine dangerosité, telles que la soudure de métaux. Pour ces mêmes raisons, il convient d’écarter comme non fondée l’allégation de la requérante, selon laquelle les bricoleurs préféreraient nécessairement d’autres machines plus automatisées que la sienne, avec des accessoires de mesure et des systèmes de fixation.

32      De même, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la carrelette en cause est désignée sur ses pages Internet comme étant un produit « réservé aux professionnels », il convient de constater qu’elle ne saurait primer l’analyse effectuée au regard de la nature même dudit produit. En effet, il est notoire, notamment dans le secteur de l’outillage, que certains fabricants désignent des produits comme étant « professionnels » aux fins de leur donner un aspect additionnel de qualité, tout en visant les bricoleurs comme public cible. En outre, il ressort du document n° II présenté devant la chambre de recours en tant qu’annexe au mémoire du 28 juin 2010 et cité, ensuite, dans la requête devant le Tribunal que les carrelettes étaient vendues notamment sur deux sites Internet pour bricoleurs (« http://bricowork.opentiandas.com » et « www.bricmania.com »), et ce à des prix qui ne les rendaient pas inaccessibles pour ce public.

33      Enfin, dans la mesure où la requérante se réfère à des témoignages d’utilisateurs habituels de son produit, repris dans le document n° IV présenté devant la chambre de recours en tant qu’annexe à son mémoire du 28 juin 2010 et cité, ensuite, dans la requête devant le Tribunal, il suffit de constater qu’il n’est pas démontré que seuls des professionnels constituaient lesdits utilisateurs. Au contraire, ainsi qu’il ressort de l’information introductive de l’un des deux sites Internet auxquels se réfère la requérante, à savoir du forum « www.johnbridge.com », celui-ci vise également des bricoleurs.

34      Eu égard à ce qui précède, le Tribunal conclut que le public pertinent est également constitué, du moins dans une certaine mesure, de bricoleurs. S’agissant de leur niveau d’attention, sans être aussi élevé que celui des professionnels, il devance cependant celui d’un consommateur de produits de consommation courante, étant donné le degré de précision requis dans le travail avec l’outil en cause. Par conséquent, il y a lieu de constater que la chambre de recours a défini correctement le public pertinent, ainsi que son niveau d’attention.

 Sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée

35      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il peut donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt Forme d’un lapin en chocolat avec ruban rouge, point 22 supra, point 22, et la jurisprudence citée).

36      Dans ces conditions, plus la forme dont l’enregistrement est demandé se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En revanche, une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif (voir arrêt Forme d’un lapin en chocolat avec ruban rouge, point 22 supra, point 23, et la jurisprudence citée). Ainsi, aux fins de considérer une marque tridimensionnelle comme distinctive, il ne faut notamment pas qu’elle apparaisse comme une simple variante des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 31 mai 2006, De Waele/OHMI (Forme d’une saucisse), T‑15/05, Rec. p. II‑1511, point 38, et la jurisprudence citée].

37      En outre, la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale (voir, en ce sens, arrêt Forme d’un lapin en chocolat avec ruban rouge, point 22 supra, point 24, et la jurisprudence citée).

38      Il y a également lieu de rappeler que, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt Forme d’un lapin en chocolat avec ruban rouge, point 22 supra, point 25, et la jurisprudence citée).

39      En l’espèce, dans la décision attaquée, tout d’abord, la chambre de recours affirme, en substance, que l’expérience démontre que le consommateur pertinent n’avait pas pour habitude de déduire l’origine des carrelettes à partir de leur forme. Elle estime qu’en l’absence d’éléments concrets apportés par la requérante et qui seraient de nature à établir l’existence d’une pratique différente dans le secteur concerné, l’argument selon lequel la forme d’une carrelette se prêterait particulièrement bien à une individualisation des produits concernés est également insuffisant. Par conséquent, selon elle, le recours doit être rejeté.

40      Selon la chambre de recours, même si le consommateur pertinent était capable de percevoir une forme de carrelette comme une indication de son origine, pour affirmer que la marque demandée a un caractère distinctif, il serait encore nécessaire de vérifier que la forme en question présente des caractéristiques suffisantes pour attirer l’attention du public.

41      Ensuite, la chambre de recours a apprécié les différents éléments mis en avant par la requérante comme se détachant de l’ensemble de la carrelette manuelle. Elle a considéré, en substance, qu’il s’agissait d’éléments remplissant une fonction plus technique que distinctive, voire de caractéristiques consistant simplement en une combinaison de figures géométriques. Selon la chambre de recours, la carrelette en cause est, dans l’ensemble, d’apparence simple et ordinaire, sans aucun élément verbal ou décoratif, ses caractéristiques ne lui conférant pas de caractère distinctif. Les couleurs utilisées étant, elles aussi, courantes dans le secteur du bâtiment, le signe en cause serait ainsi une simple variante de ce qui se fait dans ledit secteur et correspondrait, globalement, à une forme dictée par des raisons techniques. En conclusion, la chambre de recours a constaté que la marque demandée, formant un dessin banal sans réelle originalité et qui est difficilement mémorisable, ne différait pas significativement des habitudes du secteur.

42      Selon la requérante, l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne s’oppose pas à l’enregistrement d’une marque tridimensionnelle représentant le produit en cause, mais se limite à exiger l’existence d’un caractère distinctif, condition que remplirait la carrelette en cause, comme cela ressortirait de sa comparaison avec d’autres outils similaires présents sur le marché. La requérante évoque, à cet égard, les principales caractéristiques permettant de différencier la carrelette en cause des outils concurrents, qui présenteraient, d’ailleurs, des aspects marqués par la sophistication et la complexité du dessin. Elle souligne également qu’il convient de tenir compte des « limites d’originalité » que peuvent présenter ces types d’outils, tout en avançant, par ailleurs, que ce n’est pas l’originalité qui constitue l’exigence prévue par le règlement n° 207/2009. L’OHMI conteste les allégations de la requérante.

43      À titre liminaire, il convient de constater que la marque demandée se compose, en substance, d’une base et d’une glissière pour la coupe qui y est adjointe, ainsi que de deux leviers pratiquement identiques, l’un servant pour la fixation, l’autre pour la glissière. Aux fins d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’aucun des éléments spécifiquement mis en exergue par la requérante n’avait, en soi, de caractère distinctif, pas plus que ces éléments dans leur ensemble, il convient de partir du principe qu’il ne saurait être, a priori, exclu que la représentation graphique, même fidèle à la réalité, d’une carrelette manuelle puisse avoir un caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T‑128/01, Rec. p. II‑701, points 35 et 36, et la jurisprudence citée].

44      En premier lieu, s’agissant des allégations de la requérante portant sur les « deux leviers pratiquement identiques pour actionner les deux mécanismes utilisés dans le processus de coupe du grès, l’un pour la fixation, l’autre pour la glissière », force est de constater qu’il ressort des photographies qu’elle avait présentées à l’OHMI aux fins d’apprécier le design d’autres outils similaires présents sur le marché, reproduites au point 18 de la requête, qu’au moins une desdites autres carrelettes, à savoir celle représentée sur la première photographie en haut à gauche, comportant les couleurs gris, jaune et rouge, présente un système consistant en deux poignées qui, sans être identique à celui en cause en l’espèce, n’en diffère toutefois pas manifestement et peut être considéré comme étant sa variante. Il convient également de constater que la chambre de recours a fondé ses affirmations en ce même sens non pas sur une connaissance abstraite du marché pertinent, mais bien sur des éléments concrets en sa possession, dans la mesure où il ressort d’une manière suffisamment claire de la structure de la décision attaquée que ses points 18 à 29, relatifs à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, répondent aux allégations de la requérante résumées au point 8, premier tiret, de ladite décision, c’est-à-dire à celles dans le cadre desquelles elle s’était explicitement référée aux exemples d’autres carrelettes présentes sur le marché.

45      En deuxième lieu, s’agissant des allégations de la requérante tirées de ce qui serait la géométrie « caractéristique » des lignes, il convient de constater, d’une part, quant à la vue en perspective de la carrelette qui ferait, selon elle, apparaître un rectangle orange constituant la base et deux triangles dessinés par l’angle que chaque levier forme avec ladite base, qu’il s’agit d’éléments géométriques abstraits que les consommateurs ne remarqueraient probablement pas, étant donné qu’ils perçoivent la forme même des produits sans s’intéresser à décomposer celle-ci en des sous-éléments fantaisistes.

46      D’autre part, quant à la référence de la requérante aux « deux lignes horizontales, deux lignes verticales et deux lignes diagonales » qui se distingueraient dans la marque demandée, force est de constater que ces caractéristiques ne différencient pas non plus suffisamment l’outil en question des outils concurrents, dont certains se présentent également avec un dessin consistant en plusieurs lignes claires horizontales, verticales et diagonales. Ainsi, à titre d’exemple, la carrelette représentée sur la première image du second rang au point 18 de la requête présente des similitudes à cet égard, nonobstant le fait qu’à la place du second levier elle comporte une sorte d’outil dont la fonctionnalité consiste en la fixation de dalles ou de carreaux.

47      En troisième lieu, une même conclusion s’impose en ce qui concerne la « finesse du dessin, consistant, en principe, en des lignes droites pures » qui n’auraient pas d’équivalent sur le marché. En effet, plusieurs outils concurrents présentés sont, eux aussi, en principe composés simplement d’une base sur laquelle se trouvent un levier et un mécanisme de découpage qui ne présente pas une complexité spécifique, c’est-à-dire demeurent d’une sophistication ne dépassant pas manifestement celle de l’outil en cause en l’espèce.

48      De surcroît, la requérante n’a pas non plus apporté d’éléments permettant de considérer que les consommateurs percevraient la combinaison du rouge, du gris, du noir et du bleu sur la carrelette en cause comme renvoyant à une entreprise spécifique ou que la chambre de recours a commis une erreur en constatant que les couleurs utilisées étaient des couleurs courantes dans le secteur du bâtiment. Au contraire, force est de constater qu’ainsi qu’il ressort des représentations d’outils concurrents présentées par la requérante elle-même, lesdites couleurs sont toutes utilisées dans ce domaine, bien que dans d’autres combinaisons qu’en l’espèce.

49      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, dans leur ensemble, les caractéristiques de la marque demandée ne différaient pas significativement des habitudes du secteur et ne donnaient pas non plus un caractère distinctif au signe demandé, celui-ci n’étant qu’une simple variante de ce qui était usuel dans le secteur. Est indifférent, à cet égard, le renvoi de la requérante à de prétendues « limites d’originalité » que peuvent présenter ces types d’outils. D’une part, conformément à la jurisprudence Forme d’un lapin en chocolat avec ruban rouge, point 22 supra, point 24, l’originalité n’est pas un critère pertinent pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque. D’autre part, en tout état de cause, la requérante n’a pas démontré qu’il était impossible, dans le secteur en question, d’adopter une forme de produit divergeant de manière significative de ce qui était habituel. Par ailleurs, à considérer que la requérante ait eu l’intention de tirer certaines analogies par rapport aux principes régissant d’autres domaines connexes tels que celui des dessins et des modèles, notamment au principe de liberté du créateur, force est de constater qu’elle n’a pas suffisamment étayé ses allégations à cet égard.

50      Enfin, la conclusion susvisée portant sur l’absence de caractère distinctif de la marque demandée ne saurait être invalidée par le fait que le public pertinent en l’espèce présente un degré d’attention élevé. En effet, comme l’a souligné, à juste titre, la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée, il ressort de la jurisprudence que la circonstance que le consommateur moyen des produits concernés soit averti et doté d’un degré d’attention élevé ne suffit pas, à elle seule, pour établir qu’il est habitué à voir, dans la forme de ces produits, une indication d’origine. S’il est possible de présumer que ce public sera plus attentif aux différents détails techniques ou esthétiques du produit, cela n’implique pas nécessairement qu’il percevra ceux-ci comme ayant la fonction d’une marque [arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Neumann/OHMI (Forme d’une tête de microphone), T‑358/04, Rec. p. II‑3329, point 46]. Or, en l’espèce, pour les raisons développées aux points 43 à 49 ci-dessus, pas même un public attentif aux détails de la carrelette en cause ne considérerait que ceux‑ci remplissent une telle fonction.

51      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009

52      En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, le motif absolu visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement ne s’oppose pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

53      Ainsi, un signe dépourvu de caractère distinctif intrinsèque qui, en raison de l’usage qui en a été fait antérieurement au dépôt d’une demande visant son enregistrement en tant que marque communautaire, a acquis un tel caractère pour les produits ou services visés par la demande d’enregistrement, est admis à l’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

54      Il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 42, et du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, Rec. p. II‑5959, point 61].

55      Il est également de jurisprudence constante que, pour faire accepter l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie de l’Union où elle en était dépourvue ab initio au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement [voir arrêt Forme d’une bouteille de bière, point 54 supra, point 43, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Glaverbel/OHMI (Texture d’une surface de verre), T‑141/06, non publié au Recueil, point 40].

56      En outre, dans le cas de marques non verbales, comme celle qui est visée en l’espèce, il y a lieu de présumer que l’appréciation de leur caractère distinctif est la même dans toute l’Union, à moins qu’il n’existe des indices concrets en sens contraire. Dès lors qu’en l’espèce il ne ressort pas du dossier que tel soit le cas, il convient de considérer que le motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 existe, à l’égard de la marque demandée, dans toute l’Union. C’est donc dans toute l’Union que cette marque doit avoir acquis un caractère distinctif par l’usage, pour être enregistrable en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement (voir, en ce sens, arrêt Forme d’une bouteille de bière, point 54 supra, point 47).

57      Enfin, il convient de tenir compte, aux fins de l’appréciation, dans un cas d’espèce, de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, de facteurs tels que, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque et l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir. Des moyens de preuves appropriés à cet égard sont, notamment, des déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que des sondages d’opinion (voir, en ce sens, arrêt Forme d’une bouteille de bière, point 54 supra, point 44, et la jurisprudence citée).

58      Au cours de la procédure administrative devant l’OHMI, dans un mémoire en date du 12 février 2009 exposant ses arguments à l’encontre de la position liminaire de l’examinateur, la requérante a effectivement allégué que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’Union et avait produit des preuves au soutien de ses allégations. Des preuves additionnelles avaient été présentées par la requérante dans le cadre de son mémoire, en date du 28 juin 2010, portant l’exposé des motifs de son recours contre la décision de l’examinateur.

59      Les documents produits par la requérante dans la procédure administrative devant l’OHMI sont les suivants :

–        une copie d’une étude de marché visant à déterminer le niveau d’identification de la carrelette en cause, tenant compte du pourcentage de professionnels capables de l’identifier (annexe n° 1 au mémoire du 12 février 2009) ;

–        une copie d’une étude de marché visant à déterminer le niveau d’identification de la carrelette en cause, et tendant à démontrer que ce type d’outil est communément utilisé par un grand pourcentage de professionnels (annexe n° 2 au mémoire susvisé) ;

–        une copie d’une déclaration établie par l’association de la céramique au Royaume-Uni, qui indique que la carrelette en question est le produit phare de l’entreprise de la requérante (annexe n° 3 au mémoire susvisé) ;

–        une copie d’une déclaration établie par l’Asociación Multisectorial de Empresas (association multisectorielle d’entreprises), attestant du caractère distinctif de la marque demandée (annexe n° 4 au mémoire susvisé) ;

–        des copies de déclarations émanant de l’Institut Gaudí de la Construcció, de l’Asociación Profesional de Alicatadores/Soladores, de l’Unión Empresarial del Penedès, de la Petita i Mitjana Empresa de Catalunya, de l’Asociación Española de Fabricantes de Maquinaria de Construcción, Obras Públicas y Minería, de la Confederació Empresarial Comercal de Terrassa, de l’Asociación Polaca de Colocadores, de l’Associação de Empresas de Construção e Obras Públicas e Serviços, et de l’Instituto de Promoción de la Cerámica (annexes n°s 5 à 13 au mémoire susvisé) ;

–        des données sous forme de tableaux et des graphes concernant des ventes en Espagne et « à l’international », portant sur les années 1982 à 2000, ainsi qu’un rapport plus détaillé pour l’année 2000 relatif à la carrelette dont l’enregistrement est demandé (annexe n° 14 au mémoire susvisé) ;

–        des copies de couvertures et de pages de différentes revues présentant la carrelette en question et visant à prouver la reconnaissance et le caractère distinctif dont bénéficierait la marque demandée (annexe n° 15 au mémoire susvisé) ;

–        une copie d’une page illustrée sur laquelle sont représentées les caractéristiques spéciales et « distinctives » de la carrelette en cause (annexe n° 16 au mémoire susvisé) ;

–        des copies de factures émises par l’entreprise de la requérante pour les périodes 1989-1998 et 2004-2008, établies dans différents pays européens, visant à permettre d’apprécier la quantité et le prix des carrelettes commercialisées (annexes n°s 17 à 31 au mémoire susvisé) ;

–        des copies de factures adressées à l’entreprise de la requérante pour les dépenses de publicité engagées en France, au Portugal, au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne et en Pologne, faisant référence notamment à la carrelette en cause ; lesdites factures sont accompagnées de copies d’extraits de revues et de catalogues présentant l’image et les caractéristiques de ladite carrelette (annexes n°s 32 à 37 au mémoire susvisé) ;

–        une copie d’une déclaration établie par le Centro de Formação Profissional da Indústria da Construção Civil e Obras Públicas do Sul (« CENFIC ») du Portugal, relative à la reconnaissance dont bénéficierait la marque en cause (annexe n° 38 au mémoire susvisé) ;

–        une copie des pages web de l’entreprise I., visant à démontrer que les enquêtes présentées auparavant par la requérante avaient été réalisées par « le principal organisme d’études de marché indépendant en Espagne » (annexe n° V au mémoire de la requérante en date du 28 juin 2010) ;

–        plusieurs exemples d’avertissements, rédigés en castillant, à l’intention de toutes personnes susceptibles d’enfreindre les droits de propriété intellectuelle et/ou industrielle de la requérante ; ces documents démontreraient que la requérante tentait de manière active d’empêcher l’utilisation ou la reproduction illicite de ses marques et de ses dessins protégés (annexe n° VI au mémoire susvisé).

60      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, en substance, qu’aux fins d’admettre la marque demandée à l’enregistrement, il appartenait à la requérante de prouver qu’elle avait acquis un caractère distinctif à travers son usage dans toute l’Union, et ce avant le 15 octobre 2008, ce qui n’aurait, toutefois, pas été démontré par les éléments de preuve produits par la requérante, notamment dans la mesure où ils ne couvriraient pas suffisamment de pays du territoire de référence. En outre, dans le cadre de l’analyse concrète desdits éléments de preuve, la chambre de recours a affirmé, premièrement, qu’il n’était pas possible d’apprécier de manière réaliste la présence de la requérante sur les marchés pertinents en raison de l’absence d’indication sur les ventes réalisées par des entreprises concurrentes, deuxièmement, qu’aucune information sur les ventes n’avait été présentée pour les années 1999-2003 et, troisièmement, que les documents présentés ne mettaient pas en évidence l’usage de la carrelette à titre de marque, mais, au contraire, indiquaient plutôt que des marques verbales ou des logos, à savoir RUBÍ, RUBÍ TS et RUBÍ T 30, lui avaient été appliqués. Enfin, la chambre de recours a mis en doute la valeur probante de certains des éléments de preuve présentés.

61      La requérante soutient, en substance, que les éléments de preuve en question démontraient clairement le caractère distinctif acquis par l’usage de la carrelette en cause. En effet, ils faisaient apparaître, selon elle, premièrement, que ladite carrelette présentée telle quelle était identifiée par environ 85 % des personnes sondées en Espagne, en France, au Royaume-Uni et au Portugal comme lui appartenant. Deuxièmement, environ 75 % des personnes sondées l’utiliseraient, ce pourcentage atteignant 89 % au Royaume-Uni. Troisièmement, les ventes de la carrelette auraient dépassé, en 2000, les 32 millions d’euros, avec des chiffres à peine inférieurs pour les années précédentes. Quatrièmement, il ressortirait des documents présentés que ces ventes avaient été effectuées dans tous les pays de l’Union. Cinquièmement, la requérante soutient qu’elle avait investi d’importantes quantités d’argent ces dernières décennies pour faire la publicité de cet outil en Espagne, au Portugal, en France, au Royaume‑Uni, en Italie, en Pologne et dans d’autres pays de l’Union. Sixièmement, douze différentes associations d’entreprises de l’Union auraient confirmé le caractère distinctif, voire même la notoriété, de la carrelette. Ces preuves démontraient, selon la requérante, qu’un pourcentage significatif de consommateurs de toutes tranches d’âge et sur l’ensemble du marché pertinent identifiait l’outil en cause comme étant fabriqué par elle-même, ainsi que, à suffisance, les parts de marché atteintes, l’intensité, l’étendue géographique, la durée de l’usage de la marque dont l’enregistrement est demandé et l’importance des dépenses publicitaires couvrant une partie significative des pays de l’Union.

62      Enfin, la requérante conteste les affirmations de la chambre de recours selon lesquelles, premièrement, le caractère distinctif acquis par l’usage doit être démontré dans l’ensemble de l’Union, deuxièmement, il convient en particulier de tenir compte de l’absence de données sur les ventes pour la période 1999-2003 et, troisièmement, le caractère distinctif de la marque est dû à l’utilisation de la dénomination « rubí ».

63      S’agissant du territoire pertinent, la requérante soutient que l’approche de la chambre de recours n’est pas conciliable avec les critères adoptés dans la jurisprudence portant sur l’application de certains autres articles du règlement sur la marque communautaire, comme l’article 8 de ce dernier, et avec la jurisprudence dans le domaine de la concurrence, dont il ressortirait que le territoire d’un seul État membre est déjà pertinent.

64      S’agissant de l’absence de données sur les ventes pour la période 1999-2003, la requérante fait valoir qu’elle ne saurait diminuer la pertinence des autres preuves présentées.

65      S’agissant de l’affirmation selon laquelle le caractère distinctif de la marque telle qu’utilisée était dû à la dénomination « rubí », elle s’oppose, selon la requérante, à l’essence même du droit des marques, à savoir au droit exclusif d’utiliser les marques enregistrées sur les produits commercialisés par leur titulaire. Il ne saurait être exigé, selon elle, du demandeur d’une marque tridimensionnelle de commercialiser ses produits sans apposer d’autre marque et, partant, dénués de toute protection contre des copies illicites par des tiers, en particulier dans un cas tel celui d’espèce, où l’outil en cause fait l’objet de telles copies partout dans le monde, ce qui l’obligeait à poursuivre les contrefacteurs, comme le démontrerait le document n° VI annexé à son mémoire en date du 28 juin 2010.

66      L’OHMI conteste les allégations de la requérante.

67      À titre liminaire, il convient d’observer que l’argument de la requérante, selon lequel l’approche de la chambre de recours quant au territoire pertinent n’est pas conciliable avec les critères adoptés dans la jurisprudence portant sur l’application de certains autres articles du règlement sur la marque communautaire, notamment avec les arrêts de la Cour du 6 octobre 2009, PAGO International (C‑301/07, Rec. p. I‑9429, points 29 et suivants), et du Tribunal du 6 février 2007, Aktieselskabet af 21. november 2001/OHMI ‑ TDK Kabushiki Kaisha (TDK) (T‑477/04, Rec. p. II‑399, points 56 et suivants) ni, plus généralement, avec la jurisprudence en matière du droit de la concurrence, ne saurait être retenu.

68      En effet, il convient de rappeler que, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, la marque communautaire a un « caractère unitaire », ce qui implique qu’elle « produit les mêmes effets dans l’ensemble de la Communauté ». Il résulte du caractère unitaire de la marque communautaire que, pour être admis à l’enregistrement, un signe doit posséder un caractère distinctif dans l’ensemble de l’Union. C’est ainsi que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec le paragraphe 2 du même article, une marque doit être refusée à l’enregistrement si elle est dépourvue de caractère distinctif dans une partie de l’Union et la partie de l’Union visée au paragraphe 2 de cet article peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, points 81 à 83 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 septembre 2000, CNH Global/OHMI (Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur), T‑378/07, Rec. p. II‑5153, point 45, et la jurisprudence citée].

69      L’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, qui permet l’enregistrement des signes qui ont acquis un caractère distinctif par l’usage, doit être lu à la lumière de cette exigence. Selon la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus, il est nécessaire d’établir l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage sur tout le territoire sur lequel la marque serait dépourvue d’un tel caractère.

70      Contrairement aux affirmations de la requérante, la jurisprudence citée aux points 55, 56 et 68 ci-dessus ne doit pas être confondue avec celle tendant à préciser le sens de l’expression « jouit d’une renommée » dans un État membre ou dans l’Union, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 40, p. 1), et de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94 [devenu l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009], condition qu’une marque enregistrée doit remplir pour bénéficier d’une protection élargie à des produits ou à des services non similaires. Dans ce cas, il ne s’agit pas en effet d’examiner si un signe remplit les conditions pour être enregistré comme marque communautaire dans l’ensemble de l’Union. Il s’agit plutôt d’empêcher l’usage d’un signe lorsqu’une marque existante jouit d’une renommée soit dans un État membre soit dans l’Union et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque ou leur porte préjudice. Ainsi, la Cour a considéré que, sur le plan territorial, l’existence d’une renommée dans une partie substantielle d’un État membre, s’agissant de la directive 89/104, ou de la Communauté, s’agissant du règlement nº 40/94, suffisait pour interdire l’utilisation dudit signe (voir, en ce sens, arrêt Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur, point 68 supra, point 47, et la jurisprudence citée). Cette même analyse est applicable, par analogie, à l’allégation de la requérante tirée de la référence à l’arrêt TDK, point 67 supra, portant sur l’interprétation du sens de l’expression « jouit d’une renommée » dans la Communauté au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 (devenu l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009).

71      En l’espèce, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que la requérante fait valoir, l’acquisition, par la marque demandée, d’un caractère distinctif par l’usage doit être établie dans l’ensemble de la Communauté, telle qu’elle existait au moment de la présentation de la demande d’enregistrement de la marque communautaire, à savoir le 15 octobre 2008, à l’exception de la partie de la Communauté dans laquelle la marque demandée aurait déjà eu ab initio un tel caractère. C’est donc sur ce territoire, qui inclut les douze nouveaux États membres ayant adhéré à l’Union à la suite des élargissements intervenus le 1er mai 2004 et le 1er janvier 2007, que, selon la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus, au moins une fraction significative du public pertinent doit pouvoir identifier, grâce à la marque demandée, les produits concernés comme provenant d’une entreprise déterminée.

72      Selon la jurisprudence citée aux points 55 et 56 ci-dessus, afin de pouvoir enregistrer le signe demandé, la requérante aurait dû établir que le signe en question avait acquis, avant qu’elle présente la demande d’enregistrement, un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble de la Communauté pour une partie significative du public concerné. À cette fin, la requérante a eu l’occasion de présenter devant l’OHMI différents éléments de preuve, du type de ceux indiqués au point 57 ci‑dessus, et ce en fonction des données disponibles dans chacun des États membres (voir, en ce sens, arrêt Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur, point 68 supra, point 49, et la jurisprudence citée). Il serait, toutefois, excessif d’exiger que la preuve de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage au sens de la jurisprudence citée aux points 55 à 57 ci-dessus soit apportée pour chaque État membre pris individuellement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 mai 2012, Chocoladefabriken Lindt&Sprüngli/OHMI, C‑98/11 P, non encore publié au Recueil, point 62).

73      En l’espèce, s’agissant, premièrement, des études de marché, des déclarations des associations professionnelles et des diverses revues présentées par la requérante dans les annexes n°s 1 à 13, 15, 16, 32, 33 et 35 à 38 à son mémoire du 12 février 2009, il convient de considérer que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 36 de la décision attaquée, qu’elles n’étaient pas susceptibles de rapporter la preuve que la marque tridimensionnelle en cause a acquis un caractère distinctif dans l’ensemble des pays de l’Union, dans la mesure où elles portent uniquement sur une partie de l’Union, et notamment sur l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni, la Pologne et la France. S’il ne peut être exclu que certaines des revues présentées par la requérante aient été vendues même en dehors du territoire susmentionné, force est de constater qu’elle n’a pas démontré que tel avait été réellement le cas ni, a fortiori, qu’il s’agissait de ventes significatives. Or, il n’appartient pas au Tribunal de faire des suppositions en ce sens en présence de revues rédigées majoritairement en espagnol ou en portugais, c’est-à-dire dans des langues non couramment parlées dans une grande partie de l’Union.

74      Deuxièmement, en ce qui concerne les différentes factures de vente portant sur la quantité et le prix des carrelettes commercialisées (annexes n°s 17 à 31 au mémoire susvisé), ainsi que les copies de factures adressées à l’entreprise de la requérante pour les dépenses de publicité engagées en France, au Portugal, au Royaume‑Uni, en Italie, en Espagne et en Pologne, accompagnées de copies d’extraits de revues et de catalogues présentant l’image et les caractéristiques de ladite carrelette (annexes n°s 32 à 37 au mémoire susvisé), il convient de constater, tout d’abord, qu’elles ne peuvent être considérées que comme des preuves secondaires qui peuvent corroborer, le cas échéant, les preuves directes du caractère distinctif acquis par l’usage, telles que rapportées par des déclarations d’associations professionnelles ou des études de marché.

75      En effet, les volumes de vente et le matériel publicitaire en tant que tels ne démontrent pas que le public visé par les produits en cause perçoit la marque litigieuse comme une indication d’origine commerciale. À l’égard des États membres pour lesquels aucune déclaration d’associations professionnelles ni aucune étude de marché n’a été produite, la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage ne saurait donc être rapportée, en principe, par la seule production des volumes de vente et du matériel publicitaire. Il en est en particulier ainsi dans les circonstances de l’espèce, dans la mesure où, comme l’a considéré à juste titre la chambre de recours au point 41 de la décision attaquée, il n’est pas possible d’apprécier de manière réaliste la présence de la requérante sur le marché en l’absence d’une évaluation des ventes réalisées par des entreprises concurrentes, par rapport auxquelles les volumes indiqués par la requérante auraient pu être comparés (voir, en ce sens, arrêt Texture d’une surface de verre, point 55 supra, point 41).

76      Une telle absence de présentation de données quant aux parts de marché du produit en cause et aux parts du volume publicitaire pour le marché desdits produits que représentent les investissements publicitaires engagés par la requérante pour promouvoir sa marque tridimensionnelle doit être analysée au regard de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle la part de marché détenue par la marque est une indication qui peut être pertinente aux fins d’apprécier si cette marque a acquis un caractère distinctif par l’usage. Tel est le cas, en particulier, lorsque, comme en l’espèce, une marque constituée par l’apparence du produit pour lequel l’enregistrement est demandé apparaît dépourvue de caractère distinctif au motif qu’elle ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur. En effet, il est vraisemblable que, en pareil cas, une telle marque n’est susceptible d’acquérir un caractère distinctif que si, à la suite de l’usage qui en est fait, les produits qui en sont revêtus détiennent une part non négligeable du marché des produits en cause (voir, en ce sens, arrêt Storck/OHMI, point 68 supra, point 76).

77      Pour les mêmes raisons, la part du volume publicitaire pour le marché des produits en cause que représentent les investissements publicitaires engagés pour promouvoir une marque peut également être une indication pertinente afin d’apprécier si cette marque a acquis un caractère distinctif par l’usage (arrêt Storck/OHMI, point 68 supra, point 77).

78      Au demeurant, selon cette même jurisprudence, la question de savoir si de telles informations sont ou non nécessaires aux fins d’apprécier si une marque donnée a acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 relève de l’appréciation des faits par les organes de l’OHMI et, sur recours, par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt Storck/OHMI, point 68 supra, point 78).

79      En l’espèce, la chambre de recours n’a commis aucune erreur en considérant, aux points 36 à 41 de la décision attaquée, que les chiffres de vente des produits de la requérante et les frais publicitaires engagés par elle ne suffisaient pas pour démontrer que la marque demandée a acquis un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en a été fait dans l’Union, faute d’indication quant à la part que ces chiffres et ces frais représentent, respectivement, dans le marché global des carrelettes manuelles et dans le volume global des dépenses publicitaires pour ce marché. C’est également à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 36 de la décision attaquée, qu’à aucun moment de la période de référence, c’est-à-dire avant la demande d’enregistrement de la marque en cause, les factures présentées ne couvraient des frais portant sur l’ensemble du territoire de l’Union.

80      De surcroît, il convient de relever, d’une part, s’agissant de certains États membres de l’Union, tels que l’Estonie ou Malte, que la requérante n’a aucunement étayé ses allégations selon lesquelles son produit litigieux y aurait une quelconque présence significative.

81      D’autre part, s’agissant même de certains autres États membres, tels que Chypre, la Suède ou la République tchèque, force est de constater que, pour certaines des années de la période de référence, aucune facture relative à la vente du produit en cause n’a été présentée, et ce même mise à part la période 1999–2003 pour laquelle l’absence de facture concerne l’ensemble des États membres de l’Union. Pour d’autres années, les chiffres présentés pour les États membres susvisés demeurent particulièrement faibles, dans la mesure où ils portent, quelquefois, uniquement sur quelques dizaines de carrelettes commercialisées. Une situation analogue se présente pour des États membres tels que la Lituanie, la Slovénie ou la Bulgarie.

82      Il y lieu d’ajouter que la chambre de recours n’a pas non plus commis d’erreur en constatant, au point 42 de la décision attaquée, qu’aucun des éléments de preuve apportés par la requérante ne mettait en évidence la fonction de marque de la carrelette en cause, notamment dans la mesure où ladite carrelette avait été commercialisée sous différentes marques verbales, telles que RUBÍ, RUBÍ TS ou RUBÍ T 30 et non uniquement sous une marque représentant une carrelette ou sans l’apposition d’une quelconque marque. C’est également à juste titre que la chambre de recours s’est référée, à cet égard, aux extraits de publicités, ainsi qu’aux factures de publicités engagées par la requérante, mentionnant tant la carrelette que la marque verbale RUBÍ ou un logotype comportant ce mot. Partant, ce matériel ne saurait constituer, à lui seul, la preuve de ce que le public concerné perçoit la marque demandée, en tant que telle et indépendamment des marques verbales ou figuratives dont elle est accompagnée dans la publicité et lors de la vente des produits, comme indiquant l’origine commerciale des produits concernés [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Forme d’une bouteille de bière, point 54 supra, point 51 ; du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’une papillote), T‑402/02, Rec. p. II‑3849, point 83, et du 15 décembre 2005, BIC/OHMI, T‑263/04 (Forme d’un briquet électronique), non publié au Recueil, point 77].

83      Certes, il ressort également de la jurisprudence qu’une marque tridimensionnelle peut acquérir, le cas échéant, un caractère distinctif par l’usage, même si elle est utilisée conjointement avec une marque verbale ou une marque figurative. Tel est le cas lorsque la marque est constituée par la forme du produit ou de son emballage et que ceux-ci sont systématiquement revêtus d’une marque verbale sous laquelle ils sont commercialisés (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, Rec. p. I‑5677, point 59). Un tel caractère distinctif peut être acquis, notamment, après un processus normal de familiarisation du public concerné (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, Rec. p. I‑3793, point 67).

84      Or, dans les circonstances de l’espèce, ce ne serait que si la requérante avait étayé concrètement l’assertion selon laquelle la forme du produit en cause était particulièrement mémorisée par les consommateurs pertinents en tant qu’indication de son origine commerciale qu’il aurait, éventuellement, été possible de voir dans les preuves présentées un premier indice en ce sens, à savoir que l’aspect particulier de ladite carrelette permettait de la différencier de celles provenant d’autres fabricants.

85      En effet, il y a lieu de rappeler que, en ce qui concerne l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, l’identification par les milieux intéressés du produit comme provenant d’une entreprise déterminée doit être effectuée grâce à l’usage de la marque en tant que marque. L’expression « usage de la marque en tant que marque » doit être comprise comme se référant à un usage de la marque aux fins de l’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée. Ainsi, tout usage de la marque ne constitue pas nécessairement un usage en tant que marque (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, point 83 supra, points 62 et 63).

86      Enfin, il convient également de rejeter comme inopérantes ou non fondées les autres allégations de la requérante avancées dans le présent contexte.

87      En premier lieu, concernant les allégations de la requérante fondées sur l’annexe n° VI à son mémoire du 28 juin 2010, il convient de relever que celui-ci porte sur des situations de fait qui se présentaient hors du territoire de l’Union et qui ne sauraient ainsi être directement pertinentes en l’espèce. En tout état de cause, dans la mesure où la requérante vise, par deux des trois documents faisant partie de cette annexe, à avertir des personnes susceptibles d’enfreindre ses droits de la propriété intellectuelle au Pérou et à protéger non seulement le dessin de la carrelette en cause, mais également sa marque RUBÍ, il n’est pas possible d’en tirer une quelconque conséquence quant à la relation entre la perception, par le public pertinent, de la forme du produit et son origine commerciale.

88      En deuxième lieu, concernant les diverses allégations de la requérante fondées sur les études de marché présentées en tant qu’annexes n° 1 et n° 2 de son mémoire du 12 février 2009 et critiquant les raisons avancées par la chambre de recours pour soutenir que ces études n’avaient pas de valeur probante suffisante, il convient de les juger inopérantes dans la mesure où ces études ne portaient que sur le territoire de quelques États membres de l’Union (voir point 73 ci-dessus). En tout état de cause, force est de constater que leur valeur probante est diminuée, à tout le moins, en raison du faible nombre de professionnels ciblés par les demandes et en raison de l’impossibilité d’apprécier la représentativité de l’échantillon choisi. En effet, d’une part, seuls 104 professionnels ont été visés par chacune de ces deux études pour ce qui concerne la France, le Portugal et le Royaume-Uni. D’autre part, l’échantillon a été choisi selon une clé non transparente, comme cela avait été déjà relevé par l’examinateur et comme il ressort de la page 6 desdites études [« Universo : Profesionales del sector de la construcción ; listado de profesionales (con e-mail) procedente de une base de datos privada » (Champ des personnes contactées : Professionnels du secteur de la construction ; listing des professionnels (avec adresse courriel) provenant d’une base de données privée)].

89      En troisième lieu, concernant les allégations de la requérante fondées sur différents tableaux présentés à l’annexe n° 14 de son mémoire du 12 février 2009 et portant sur les chiffres globaux de ventes de la carrelette en cause, il convient de relever, premièrement, s’agissant des données pour les années 1982–2000, qu’elles sont divisées en fonction du territoire, à savoir, les données relatives à l’Espagne, celles portant sur « l’international » et, enfin, le total des ventes. Or, force est de constater qu’en l’absence de subdivision par États des données portant sur « l’international », ces dernières ne permettent pas d’apprécier concrètement le caractère distinctif acquis par la marque en cause sur le reste du territoire pertinent de l’Union, en dehors de l’Espagne.

90      Deuxièmement, s’agissant des données concernant de manière plus détaillée les ventes durant l’année 2000, elles font ressortir des informations par territoire de distribution des produits de la requérante, par catégorie de produits, telle que les « carrelettes pour professionnels », par sous-produits, ainsi que par groupes de consommateurs. Or, la même conclusion qu’au point précédent s’applique, nonobstant le fait que certains des tableaux présentés différencient les ventes effectuées par Rubi Italia, Rubi France, Rubi Deutschland, Rubi Tools USA et Lusarubi (Portugal) et contiennent des colonnes particulières synthétisant les données pour le « Mercat Filials » (le marché des filiales) et le « Mercat Internacional » (le marché international). En effet, la différenciation susvisée est insuffisante aux fins de déduire quelles étaient les ventes de la carrelette dans le reste du territoire pertinent de l’Union, en dehors de l’Italie, de la France, de l’Allemagne et du Portugal, et quelle était la répartition territoriale concrète de telles ventes. De surcroît, même pour les États susmentionnés il n’est pas toujours possible de chiffrer la partie des ventes effectuées sous la marque RUBÍ liée à la commercialisation de la carrelette (voir, en ce sens, arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 54 supra, point 74), ni même de comparer de telles ventes par rapport aux volumes totaux du marché relatif au produit en cause.

91      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que la requérante avait échoué à démontrer que la marque demandée a acquis un caractère distinctif dans toute l’Union par son usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, et, partant, de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et de l’article 14 de la CEDH

92      La requérante prétend que la chambre de recours a violé le principe d’égalité de traitement, ainsi que l’article 14 de la CEDH, en omettant d’appliquer à son cas les critères habituellement utilisés par l’OHMI dans le domaine de l’enregistrement de marques tridimensionnelles, notamment quant aux signes susceptibles de présenter un caractère distinctif inhérent. Elle étaye ses allégations par plusieurs exemples de marques tridimensionnelles enregistrées par l’OHMI qui seraient semblables à la marque demandée. L’OHMI conteste les allégations de la requérante.

93      Ainsi que l’expose à juste titre la requérante, l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration. Eu égard à ces deux derniers principes, l’OHMI doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens [arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, non encore publié au Recueil, points 73 et 74].

94      Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique (arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 93 supra, points 75 et 76).

95      Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 93 supra, point 77).

96      En l’espèce, il s’est avéré que la demande d’enregistrement se heurtait, eu égard aux produits pour lesquels l’enregistrement était demandé et à la perception par les milieux intéressés, au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b) du règlement n° 207/2009. De surcroît, la requérante n’a pas non plus réussi à démontrer un usage suffisant de la marque demandée antérieurement au dépôt de la demande visant son enregistrement, de sorte à ce qu’elle puisse être admise à l’enregistrement en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

97      Il s’ensuit que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer la conclusion à laquelle a abouti la chambre de recours dans la décision attaquée, des décisions antérieures de l’OHMI (voir, par analogie, arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 93 supra, points 78 et 79). Cette conclusion n’est pas non plus invalidée par la référence à l’article 14 de la CEDH, notamment en l’absence d’allégations concrètes avancées par la requérante permettant d’apprécier quelles conséquences elle entendait en tirer par rapport à celles ressortant de la jurisprudence susvisée qui constitue une application concrète du principe d’interdiction de discrimination dans le domaine de la marque communautaire.

98      De plus, la requérante, tout en se référant à plusieurs marques tridimensionnelles enregistrées pour divers produits relevant des classes 7, 8, 9, 16, 37 et 42 au sens de l’arrangement de Nice, n’a que vaguement précisé les raisons pour lesquelles lesdites marques auraient dû être considérées comme étant semblables à la marque demandée en l’espèce. À cet égard, force est de constater que les marques enregistrées, citées par la requérante, consistaient en des représentations tridimensionnelles de divers autres outils ou instruments techniques tels qu’une pompe à vide, un robot ménager comportant, d’ailleurs, une marque verbale bien visible (KitchenAid), un cachet, un étau d’établi, ou simplement une bicyclette, c’est-à-dire représentaient la forme de produits dont les similitudes avec celui en cause en l’espèce ne sont pas manifestes. En outre, certaines des marques précitées constituaient des représentations très stylisées ou simplifiées desdits produits.

99      Or, dans la mesure où l’appréciation de l’existence d’un caractère distinctif inhérent d’une marque tridimensionnelle constituée par la forme même d’un produit dépend, conformément à la jurisprudence rappelée au point 36 ci-dessus (arrêt Forme d’un lapin en chocolat avec ruban rouge, point 23), notamment de l’analyse de la forme la plus probable que prendra un tel produit sur le marché, c’est-à-dire de la norme ou des habitudes du secteur en question, des décisions antérieures de l’OHMI portant sur des marques tridimensionnelles constituées de la forme d’autres produits que celui en cause en l’espèce ne sauraient être transposées au présent cas, par simple analogie et sans autres précisions.

100    Pour ces mêmes raisons, il convient également d’écarter comme inopérante l’allégation de la requérante fondée sur la référence à l’annexe n° VII à son mémoire du 28 juin 2010, présenté devant la chambre de recours, qui comportait des informations relatives à la procédure administrative ayant mené à l’enregistrement, en tant que marque communautaire, de la marque figurative n° 4.208.881 désignant la forme d’un cachet, et dont il ressort, comme le soutient également la requérante, que l’enregistrement de ladite marque avait été en particulier dû à la conclusion de l’examinateur, selon laquelle les autres cachets commercialisés ne présentaient pas une forme semblable à celle du cachet sollicité. En effet, même dans ce dernier cas, il y a lieu de considérer que la décision citée, adoptée, d’ailleurs, par un examinateur de l’OHMI et non pas par une chambre de recours, demeure sans effets sur la légalité de la décision attaquée en l’espèce, notamment en raison des différences dans les circonstances factuelles.

101    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen ne saurait être accueilli.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des articles 75 et 76 du règlement n° 207/2009

102    Le présent moyen se subdivise en deux branches.

103    Dans le cadre de la première branche, la requérante faire valoir, en substance, que la chambre de recours a violé l’obligation de motivation prévue à l’article 75 du règlement n° 207/2009 en omettant de répondre à plusieurs des allégations qu’elle avait présentées. Premièrement, la chambre de recours n’aurait pas suffisamment précisé les raisons pour lesquelles elle a déduit des preuves portant sur l’usage de la marque demandée, qu’elles étaient pertinentes uniquement aux fins d’évaluer l’usage de la dénomination « rubí ». Deuxièmement, la chambre de recours ne se serait aucunement prononcée sur l’annexe n° V au mémoire du 28 juin 2010 et ne l’aurait pas non plus pris en considération, alors même qu’il démontrait la valeur des études effectuées par l’institut de sondage I., ainsi que l’impartialité de ce dernier. Troisièmement, la chambre de recours ne se serait pas prononcée sur la violation du principe d’égalité. L’OHMI conteste les allégations de la requérante.

104    Il convient de relever, tout d’abord, qu’aux termes de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. L’obligation de motivation ainsi consacrée a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE. Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir arrêt du Tribunal du 15 novembre 2011, Abbott Laboratories/OHMI (RESTORE), T‑363/10, non publié au Recueil, point 73, et la jurisprudence citée].

105    En outre, les chambres de recours ne sont pas obligées, dans la motivation des décisions qu’elles sont amenées à adopter, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent devant elles. Il suffit qu’elles exposent les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêt RESTORE, point 104 supra, point 74).

106    Lorsque l’OHMI refuse l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, il doit, pour motiver sa décision, indiquer le motif de refus, absolu ou relatif, qui s’oppose à cet enregistrement, ainsi que la disposition dont ce motif est tiré et exposer les circonstances factuelles qu’il a retenues comme étant prouvées et qui, selon lui, justifient l’application de la disposition invoquée. Une telle motivation est, en principe, suffisante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 46].

107    Par ailleurs, la motivation peut être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [arrêt du Tribunal du 22 novembre 2011, Sports Warehouse/OHMI (TENNIS WAREHOUSE), T‑290/10, non publié au Recueil, point 18].

108    Il y a lieu de relever également que, plus généralement, une décision peut être considérée comme suffisamment motivée lorsqu’elle renvoie expressément à un autre document, transmis au requérant (arrêt Mozart, point 106 supra, point 48).

109    En l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort de manière suffisamment claire de la décision attaquée quels avaient été les éléments de fait et de droit considérés par la chambre de recours comme étant décisifs pour sa conclusion, selon laquelle la marque demandée, dont l’absence de caractère distinctif inhérent avait été constaté aux points 18 à 29 de la décision attaquée, ne présentait pas non plus un caractère distinctif acquis par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

110    En effet, s’agissant du caractère distinctif acquis par l’usage, il ressort notamment des points 36 à 43 de la décision attaquée que la chambre de recours avait apprécié l’ensemble des preuves apportées par la requérante, énumérées, d’ailleurs, aux points 4 et 8 de la décision attaquée, pour en tirer des conséquences précises au regard des principes et de la jurisprudence rappelés aux points 31 à 35 et 37 de la décision attaquée.

111    Contrairement à l’allégation de la requérante, la chambre de recours n’a pas omis de motiver la décision attaquée quant à son approche par rapport aux diverses preuves présentées prises individuellement. D’ailleurs, la chambre de recours a même explicitement consacré une partie du point 42 de la décision attaquée à l’explication des raisons pour lesquelles elle avait estimé que certains éléments de preuves apportés ne mettaient pas en évidence la fonction de marque de la carrelette telle quelle, mais, uniquement, des marques verbales ou figuratives RUBÍ. Ces explications remplissent les exigences prévues par la jurisprudence rappelée au point 104 ci-dessus, et ont, en outre, permis au Tribunal de se prononcer sur cette question aux points 82 à 85 du présent arrêt et, partant, d’exercer son contrôle.

112    De même, il convient de relever qu’alors même que la chambre de recours n’a pas pris explicitement position, dans la décision attaquée, sur l’annexe n° V au mémoire de la requérante du 28 juin 2010, au moyen duquel cette dernière visait à démontrer l’indépendance et la qualité de l’institut de sondage I. qui avait réalisé certaines des études portant sur la marque demandée, elle a, toutefois, bien rappelé au point 8 de la décision attaquée, sous le troisième tiret, tant l’existence que le contenu dudit document et, ensuite, au point 43 de la décision attaquée, elle a indiqué les raisons explicitant sa position par rapport aux études susvisées, jugées par elle comme étant dépourvues de valeur probante suffisante.

113    Or, force est de constater à ce dernier égard, d’une part, que les raisons ainsi indiquées par la chambre de recours sont suffisamment précises pour remplir les exigences ressortant de la jurisprudence rappelée au point 104 ci-dessus et, d’autre part, que, dans la mesure où elles visent le contenu même des études en cause et leur force probante, et non pas les compétences de leur auteur, elles ne sauraient dépendre du contenu de l’annexe n° V mis en exergue par la requérante. Dès lors, il ne saurait être exigé de la chambre de recours d’apporter une motivation explicite quant à sa position par rapport à ce dernier moyen de preuve.

114    Enfin, quant à la critique de la requérante du fait que la chambre de recours n’a pas pris position sur la prétendue violation du principe d’égalité invoqué devant elle, ainsi que sur les autres décisions antérieures adoptées par l’OHMI dans le domaine des marques tridimensionnelles, il convient, tout d’abord, de renvoyer aux points 93 à 101 ci-dessus qui concernent l’appréciation au fond de ladite critique.

115    Dans ce cadre, il a été jugé que, dans les circonstances de l’espèce, les décisions antérieures susvisées n’avaient aucun effet sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que la chambre de recours a procédé à un examen complet et concret de la marque demandée pour refuser son enregistrement, examen ayant conduit, à juste titre, à retenir le motif absolu d’enregistrement prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Or, la motivation avancée dans la décision attaquée à ce dernier égard étant suffisante, tant en droit qu’en fait, et l’examen des marques communautaires antérieures, invoquées par la requérante, n’ayant pu aboutir, à lui seul, à un résultat différent, les allégations de la requérante avancées quant à l’absence de motivation de la décision attaquée sur la prise en considération des enregistrements antérieurs existants ne sauraient prospérer en raison de leur caractère inopérant.

116    De surcroît, il peut être déduit du fait que la chambre de recours a rappelé lesdites critiques de la requérante au point 8, in fine, de la décision attaquée, qu’elle a implicitement considéré que les décisions antérieures mises en avant par la requérante n’étaient pas de nature à remettre en cause ses conclusions.

117    Il en résulte que la première branche du présent moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation, doit être rejetée.

118    S’agissant de la seconde branche du présent moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée était contraire aux dispositions de l’article 76 du règlement n° 207/2009, lu en commun avec l’article 75 dudit règlement, dans la mesure où la chambre de recours avait examiné son article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), alors même que ces dernières dispositions n’avaient pas fait l’objet d’une appréciation par l’examinateur. Selon la requérante, il découle clairement de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 que l’OHMI doit tenir compte uniquement des faits et des preuves que les parties ont produites en temps utile. Elle soutient que le Tribunal avait, par le passé, annulé des décisions qui ne répondaient pas aux arguments des parties [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 10 juillet 2006, La Baronia de Turis/OHMI – Baron Philippe de Rothschild (LA BARONNIE), T‑323/03, Rec. p. II‑2085, point 58, et du 13 septembre 2010, Inditex/OHMI – Marín Díaz de Cerio (OFTEN), T‑292/08, Rec. p. II-5119, point 38 ].

119    L’OHMI conteste les allégations de la requérante.

120    Le Tribunal considère que la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours, en examinant l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement n° 207/2009, a examiné un élément non pertinent et inopérant, non soulevé par la requérante et sans lui donner la possibilité de prendre position à cet égard.

121    Force est de constater, d’une part, qu’il ressort manifestement du point 48 de la décision attaquée que la chambre de recours ne s’était prononcée sur les dispositions susvisées qu’à titre surabondant et, d’ailleurs, sans procéder à leur analyse approfondie. La chambre de recours a notamment affirmé, au point 49 de ladite décision, qu’il « [n’était] pas nécessaire d’examiner cet élément car […], dans tous les cas, le signe manque de caractère distinctif intrinsèque [ou même] acquis par usage ». En ce même sens, au point 50 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu au rejet de la demande d’enregistrement de la marque en cause sur la seule base de l’absence de caractère distinctif inhérent de celle-ci, ainsi que de l’absence de tout caractère distinctif acquis par usage.

122    Il en ressort que la référence faite par la chambre de recours aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement n° 207/2009 n’est pas déterminante pour le résultat de la décision attaquée, la chambre de recours ne s’étant pas fondée sur ces dispositions pour confirmer la décision de l’examinateur refusant d’enregistrer la marque demandée. Partant, la seconde branche du présent moyen doit, également, être rejetée.

123    Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

124    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Germans Boada, SA, est condamnée aux dépens.

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.