Language of document : ECLI:EU:T:2012:528

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

9 octobre 2012 (*)

« Recours en annulation – Fonds structurels – Acte non susceptible de recours – Acte, pour partie, informatif, pour partie, préparatoire – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑31/12,

Région Poitou-Charentes (France), représentée par Me J. Capiaux, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Dintilhac et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision que contiendrait la lettre de la Commission du 18 novembre 2011 mentionnant comme objet : « Clôture du programme ‘Espace Atlantique’ 2000-2006, Approbation du rapport final, CCI : 2001 RG 16 0PC 006 »,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

 Règles régissant le fonctionnement du programme « Espace Atlantique »

1        Sur le fondement de l’article 21, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO L 161, p. 1), la Commission des Communautés européennes a adopté, le 22 mars 2002, une décision « approuvant le programme d’initiative communautaire Interreg III B ‘ESPACE ATLANTIQUE’ entre le Portugal, l’Espagne, la France, le Royaume‑Uni et l’Irlande » (ci‑après le « programme ‘Espace Atlantique’ »).

2        Il ressort du chapitre III, section 1, du programme « Espace Atlantique », annexé à cette décision, que la « gestion stratégique » dudit programme devait être assurée par un « comité de suivi », comprenant quatre représentants de chaque État membre concerné par le programme, ainsi qu’un représentant de la Commission, disposant de simples pouvoirs consultatifs. Conformément à l’article 35, paragraphe 3, sous e), du règlement n° 1260/1999, ledit comité avait, en particulier, pour compétence d’examiner et d’approuver le « rapport annuel d’exécution » et le « rapport final d’exécution » du programme avant que celui-ci ne soit adressé à la Commission.

3        En application de l’article 35, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1260/1999, le comité de suivi a adopté, le 29 novembre 2002, son règlement intérieur. D’après l’article 5, quatrième alinéa, de ce texte, les travaux de ce comité sont normalement réalisés en anglais, espagnol, français et portugais. D’après l’article 6, les décisions sont adoptées par consensus. Elles peuvent, par ailleurs, être prises, selon ce même article, conformément à une procédure écrite. Ledit article prévoit que, dans ce cas, le président du comité adresse aux membres de celui-ci la « documentation relative aux questions à traiter » ; chaque membre du comité doit alors faire part de son avis dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la date de réception de ces documents ; s’il ne s’est pas exprimé à l’issue dudit délai, son avis est réputé favorable.

4        Il ressort du chapitre III, section 2, sous-section 2.2, du programme « Espace Atlantique » que les États membres participant au programme ont désigné comme « autorité de gestion » la requérante, la région Poitou-Charentes. Conformément à l’article 34, paragraphe 1, du règlement n° 1260/1999, cette dernière était, à ce titre, responsable de l’efficacité et de la régularité de la gestion ainsi que de la mise en œuvre du programme. En application de l’article 37, paragraphe 1, premier alinéa, du même règlement, elle était chargée de soumettre à la Commission, d’une part, un « rapport annuel d’exécution » dans les six mois suivant la fin de chaque année civile entière de mise en œuvre du programme, et d’autre part, un « rapport final d’exécution » au plus tard six mois après la date finale d’éligibilité des dépenses. Ainsi qu’il a été rappelé, ces rapports devaient être préalablement approuvés par le comité de suivi.

5        Aux termes de l’article 37, paragraphe 1, troisième et quatrième alinéas, du règlement n° 1260/1999 :

« Avant sa transmission à la Commission, le rapport est examiné et approuvé par le comité de suivi.

Après réception d’un rapport annuel d’exécution, la Commission indique dans un délai de deux mois, de façon motivée, si le rapport n’est pas jugé satisfaisant; dans les cas contraires, le rapport est réputé accepté. Dans le cas d’un rapport final, la Commission réagit dans un délai de cinq mois à compter de la réception du rapport. »

6        Il ressort du point 4.2 des lignes directrices relatives à la clôture des interventions (2000-2006) des fonds structurels du 1er août 2006 [COM(2006)3424 final] que « [s]i le rapport final est jugé insatisfaisant, la Commission en avis[e] l’État membre et engag[e] un dialogue avec lui afin qu’il l’améliore » et que, si « l’État membre n’améliore pas le rapport final comme il y a été invité, la Commission peut décider de procéder à des corrections financières » dans l’un des cas prévus à l’article 39 du règlement n° 1260/1999.

7        Le règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion (JO L 210, p. 25) a abrogé à compter du 1er janvier 2007 le règlement n° 1260/1999. Toutefois, ce dernier règlement est resté applicable au programme « Espace Atlantique » jusqu’à sa clôture, en vertu des dispositions transitoires de l’article 105, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006, lequel prévoit :

« Le présent règlement n’affecte pas la poursuite ni la modification, y compris la suppression totale ou partielle, d’une intervention cofinancée par les Fonds structurels ou d’un projet cofinancé par le Fonds de cohésion, approuvé par la Commission sur la base [du règlement] n° 1260/1999, […] qui s’applique dès lors, à partir de cette date, à cette intervention ou à ce projet jusqu’à sa clôture. »

 Faits relatifs à la clôture du programme «Espace Atlantique »

8        Par courriel du 4 novembre 2010, la requérante a adressé le projet de rapport final d’exécution du programme à chacun des membres du comité de suivi. Ils devaient donner leur avis sur ce projet de rapport conformément à la procédure écrite prévue à l’article 6 du règlement intérieur du comité de suivi. Autrement dit, si les membres du comité de suivi ne formulaient pas de remarques critiques dans le délai de dix jours mentionné à cet article, ledit projet de rapport était réputé approuvé.

9        D’après l’annexe 7 à la requête, à savoir le « tableau récapitulatif des remarques effectuées dans le cadre de la consultation du comité de suivi du 4 au 19 novembre 2010 » établi par les soins de la requérante, deux membres britanniques du comité de suivi ont demandé à la requérante, les 5 et 11 novembre 2010, une version du rapport final d’exécution en langue anglaise. En outre, le 12 novembre 2010, un membre espagnol a, quant à lui, adressé à la requérante une remarque relative à l’absence d’une version dudit rapport en langue espagnole. Enfin, le 17 novembre 2010, un membre portugais a adressé à la requérante 27 observations relatives au rapport final d’exécution.

10      Le 29 novembre 2010, la requérante a adressé un courriel « à l’attention des membres du comité de suivi », auquel était jointe la « version définitive » du rapport, rédigée uniquement en langue française. Parmi les destinataires de ce courriel figuraient l’ensemble des membres du comité de suivi, et notamment le représentant de la Commission. Ledit courriel indiquait, par ailleurs, que le rapport avait été « approuvé par décision du comité de suivi du 19 novembre 2010 ».

11      Par courriel du 2 décembre 2010, un membre britannique du comité de suivi a sollicité à nouveau une version du rapport en langue anglaise, précisant qu’en l’absence d’une telle version linguistique, il ne pouvait pas prendre position.

12      Par courriel du 3 décembre 2010, un membre portugais a indiqué qu’il n’approuvait pas le rapport en l’état.

13      Le 9 décembre 2010, la Commission a adressé à la requérante un courriel mettant, selon le point 30 de la requête, un terme à la « discussion sur les langues » dans lesquelles devait être rédigé le rapport.

14      Par lettre du 11 février 2011, la Commission a rappelé à la requérante qu’elle était tenue de lui soumettre les documents de clôture du programme « Espace Atlantique » au plus tard le 31 mars 2011, et ce, conformément aux dispositions transitoires de l’article 105, paragraphe 3, du règlement n° 1083/2006. Au nombre de ces documents devait figurer le rapport final d’exécution.

15      Par lettre du 28 mars 2011, la requérante a adressé à la Commission les documents visés à l’article 32, paragraphe 4, du règlement n° 1260/1999, à savoir : premièrement, la déclaration certifiée des dépenses effectivement payées, deuxièmement, le rapport final d’exécution et, troisièmement, la déclaration faisant la synthèse des conclusions des contrôles effectués et se prononçant sur la validité de la demande de paiement du solde ainsi que sur la légalité et la régularité des opérations concernées par le certificat final des dépenses.

16      Par courriel du 23 juin 2011, l’agent de la Commission chargé du programme « Espace Atlantique » a demandé à la requérante des informations complémentaires concernant le rapport final d’exécution et a précisé que la procédure d’approbation des documents de clôture du programme « Espace Atlantique » était suspendue dans l’attente de ces informations. Il souhaitait notamment obtenir la confirmation de ce que le rapport final d’exécution avait été, en définitive, approuvé par le comité de suivi.

17      Par lettre du 12 juillet 2011, reçue par la Commission le 18 juillet 2011, la requérante a répondu à ce courriel. Elle y a notamment précisé que, selon elle, une telle réponse avait pour effet « de mettre fin à l’interruption du délai d’approbation des documents de clôture du programme [‘Espace Atlantique’] ».

18      Par lettre du 25 août 2011, la Commission a demandé à la requérante de nouvelles informations relatives au programme « Espace Atlantique ». Cette lettre n’est, d’après les précisions livrées par la Commission elle‑même en réponse à une question écrite du Tribunal, pas « arrivée à destination ». Toutefois, la demande qu’elle renfermait a également été formulée par courriel du même jour adressé au directeur général adjoint de la requérante chargé du dossier.

19      Par lettre du 12 octobre 2011, la requérante a rappelé qu’elle avait transmis à la Commission l’ensemble des documents de clôture du programme « Espace Atlantique » à la fin du mois de mars 2011. Puis, elle a fait valoir que, la Commission s’étant « abstenue d’indiquer de manière motivée les éventuels griefs qu’elle aurait à formuler à l’égard du rapport » final d’exécution, ce rapport devait être regardé comme ayant « fait l’objet [fin août 2011] d’une décision implicite d’acceptation au sens de l’article 37[, paragraphe 1,] du règlement […] n° 1260/1999 ».

20      Par lettre du 13 octobre 2011, reçue le 17 octobre 2011, la Commission a adressé, de nouveau, à la requérante le courrier du 25 août 2011.

21      Par lettre du 26 octobre 2011, la requérante a fait valoir qu’elle n’avait reçu le courrier du 25 août 2011 que le 17 octobre 2011, soit un mois et demi après l’expiration du délai de cinq mois posé par l’article 37, paragraphe 1, du règlement n° 1260/1999. Elle a indiqué qu’elle considérait que le rapport final d’exécution avait été accepté par la Commission. Puis, elle a demandé à la Commission de lui confirmer que tel était effectivement le cas.

22      Estimant que la requérante ne lui avait pas adressé les informations complémentaires qu’elle avait sollicitées, la Commission lui a adressé, le 18 novembre 2011, une lettre mentionnant comme objet : « Clôture du programme ‘Espace atlantique’ 2000-2006, Approbation du rapport final, CCI : 2001 RG 16 0PC 006 » (ci-après la « lettre du 18 novembre 2011 »).

23      Cette lettre était libellée comme suit :

« Par un courrier du 29 mars 2011, la [r]égion Poitou‑Charentes – en tant que [a]utorité de gestion – a transmis à la Commission européenne les documents de clôture du programme […] Espace Atlantique.

Les services compétents de la Commission ont procédé à l’analyse de ces documents dont le rapport final.

Par vos courriers du 12 et du 26 octobre vous demandez la confirmation de l’acceptation du rapport final du programme en objet par les services de la Commission en citant l’article 37 [, paragraphe 1,] du règlement [n° 1260/1999] qui prévoit un délai de cinq mois maximum à compter de la date de réception du rapport pour l’acceptation sauf communication contraire de la part de la Commission.

La Commission a envoyé un courrier à l’[a]utorité de gestion en date du 25 août 2011, avant le délai prévu dans la réglementation communautaire à cet égard. Ce courrier a aussi été transmis par e-mail le jour même et ceci à votre adresse e-mail […]

Concernant le contenu du rapport final, suite à notre demande d’informations complémentaires du 23 juin 2011 sur certains points, à laquelle la [r]égion Poitou‑Charentes nous a répondu le 12 juillet 2011, nonobstant un manque de clarté dans le contenu de certaines des réponses parvenues à la Commission, le problème de fond est surtout la déclaration de la part de l’[a]utorité de gestion concernant l’approbation du rapport final par tous les membres du [c]omité de suivi : ceci s’est avéré ne pas correspondre à la réalité.

À ce propos, nous vous informons qu’en l’absence d’accord ou d’un compromis satisfaisant tous les État membres [participant] au programme, notamment le Royaume‑Uni et le Portugal, concernant l’approbation du rapport final, la Commission peut décider de procéder à des corrections financières.

Compte tenu de ce qui précède je tiens à vous confirmer que la procédure d’acceptation du rapport final n’est pas encore clôturée et je vous demande de nous fournir la preuve des accords manquants ou d’une solution acceptée par tous les États membres [participant] au programme et ce avant le 15 décembre 2011.

La Commission ne manquera pas de vous informer dans les meilleurs délais de la suite de cette affaire. »

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 février 2012, la requérante a introduit le présent recours.

25      Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal annuler la lettre du 18 novembre 2011.

26      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 30 avril 2012, la Commission a, en application de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, soulevé une exception d’irrecevabilité.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

28      La requérante n’a pas présenté d’observations sur cette exception d’irrecevabilité dans le délai qui lui a été imparti en application de l’article 114, paragraphe 2, du règlement de procédure.

29      Par la voie d’une mesure d’organisation de la procédure prise conformément à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a décidé, le 12 juillet 2012, de poser une question à la Commission et de demander la production de certains documents aux parties. La requérante et la Commission ont déféré à cette demande, respectivement, le 8 août 2012 et le 26 juillet 2012.

 En droit

30      En vertu de l’article 114 du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. La suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

31      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer, sans ouvrir la procédure orale, par voie d’ordonnance motivée sur la fin de non‑recevoir opposée par la Commission. Celle‑ci est tirée de ce que la lettre du 18 novembre 2011 ne présente pas le caractère d’un acte attaquable.

 Observations liminaires

32      Selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui‑ci (voir arrêt de la Cour du 11 novembre 2004, Portugal/Commission, C‑249/02, Rec. p. I‑10717, point 35, et la jurisprudence citée). Pour déterminer si un acte produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance (voir arrêt du Tribunal du 22 mars 2000, Coca-Cola/Commission, T‑125/97 et T‑127/97, Rec. p. II‑1733, point 78, et la jurisprudence citée).

33      En revanche, ne saurait être attaqué valablement par la voie d’un recours en annulation un acte préparatoire (voir arrêt du Tribunal du 17 avril 2008, Cestas/Commission, T‑260/04, Rec. p. II‑701, point 69, et la jurisprudence citée) ou purement informatif (voir arrêt de la Cour du 5 octobre 1999, Pays-Bas/Commission, C‑308/95, Rec. p. I‑6513, points 27 à 30, et la jurisprudence citée).

34      C’est à la lumière de ces observations qu’il convient d’apprécier le caractère attaquable de la lettre du 18 novembre 2011.

 Sur le caractère préparatoire de la lettre du 18 novembre 2011

 En ce qui concerne les règles applicables

–       Quant aux règles régissant la computation du délai fixé à l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1260/1999

35      Il ressort directement de l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1260/1999, cité au point 5 ci‑dessus, dont les prévisions sont d’ailleurs reprises, en substance, à l’article 67, paragraphe 4, du règlement n° 1083/2006, que, lorsqu’un rapport final d’exécution d’un programme financé par les fonds structurels est transmis à la Commission, celle‑ci est réputée l’avoir accepté si, dans un délai de cinq mois à compter de sa réception, elle n’a pas fait savoir à l’autorité de gestion concernée qu’elle considérait ce rapport insatisfaisant.

36      De telles dispositions visent à garantir aux autorités de gestion qu’il soit pris position dans un délai raisonnable sur leurs rapports finaux d’exécution, tout en permettant à la Commission de disposer d’un délai suffisant pour les examiner.

37      Conformément à cet objectif, le délai de cinq mois visé à l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1260/1999 est interrompu lorsque la Commission demande, avant son expiration, des informations complémentaires afin d’être en mesure de se prononcer sur le caractère satisfaisant du rapport final qui lui a été notifié (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, Rec. p. II‑199, point 97), de sorte que, à la date à laquelle la Commission reçoit la réponse à cette demande, un nouveau délai de cinq mois commence à courir. Cette règle ne souffre qu’une exception : lorsqu’une demande d’informations complémentaires n’est pas nécessaire à la Commission pour statuer sur le caractère satisfaisant du rapport final, cette demande ne peut être de nature à faire naître un nouveau délai de cinq mois, sans quoi la Commission pourrait prolonger indûment le délai qui lui est alloué pour statuer (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 15 février 2001, Autriche/Commission, C‑99/98, Rec. p. I‑1101, points 62 à 66).

38      À cet égard, il convient d’observer, eu égard à l’absence de toute précision dans le règlement n° 1260/1999 à ce propos, que, doit être regardé comme insatisfaisant tout rapport final d’exécution comportant des insuffisances affectant sa forme ou son contenu ou bien encore ayant été établi au terme d’une procédure irrégulière.

–       En ce qui concerne la nature des actes par lesquels la Commission demande à une autorité de gestion des informations complémentaires au sujet d’un rapport final d’exécution

39      Il résulte directement de ce qui précède que, lorsque la Commission demande à une autorité de gestion des informations complémentaires au sujet d’un rapport final d’exécution avant l’expiration du délai de cinq mois visé à l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1260/1999, que ce délai ait ou non été interrompu, l’acte par lequel elle formule cette demande présente un caractère purement préparatoire et est, à ce titre, insusceptible de faire grief. En effet, il constitue une simple étape intermédiaire de la procédure administrative d’examen du rapport final d’exécution. En aucun cas il ne saurait être analysé comme un acte mettant un terme à cette procédure.

40      Il en va, en particulier, autrement lorsqu’une demande d’informations complémentaires est notifiée à l’autorité de gestion postérieurement à l’adoption d’une décision implicite d’acceptation du rapport final d’exécution résultant du silence gardé par la Commission à l’expiration du délai de cinq mois susmentionné. La notification d’une telle demande présuppose, en effet, que, selon la Commission, l’expiration dudit délai n’a pas eu pour conséquence juridique l’acceptation du rapport final d’exécution. Or, une telle mise en cause, par la Commission, des conséquences juridiques prévues par les dispositions de l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1260/1999 en cas de dépassement dudit délai ne peut que faire grief à l’autorité de gestion concernée : cette demande serait, notamment, susceptible d’être invoquée, par la Commission, pour justifier un refus de paiement du solde de la participation communautaire au titre du programme concerné, dès lors que ledit paiement est notamment conditionné à l’approbation du rapport final d’exécution, en vertu de l’article 32, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 1260/1999 [dont les dispositions sont d’ailleurs reprises en substance, sur ce point, à l’article 89, paragraphe 1, sous a) du règlement n° 1083/2006].

41      Il résulte de ce qui précède que, pour déterminer si un acte, par lequel la Commission demande à une autorité de gestion des informations complémentaires au sujet d’un rapport final d’exécution, présente un caractère attaquable, il convient, notamment, de rechercher si cet acte a été adressé à ladite autorité avant l’expiration du délai de cinq mois visé à l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1260/1999.

 En ce qui concerne l’application, en l’espèce, des règles susénoncées

–       Quant à la computation, au cas particulier, du délai fixé à l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1260/1999

42      Par courriel daté du 29 novembre 2010, la requérante a adressé aux membres du comité de suivi, et notamment au représentant de la Commission au sein de ce comité, une version décrite comme « définitive » de son rapport final d’exécution.

43      Ce courriel ne saurait constituer la transmission du rapport final d’exécution exigée par l’article 37, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 1260/1999. En effet, il n’a pas été adressé à la Commission pour acceptation, mais à un agent de celle‑ci, en sa qualité de membre du comité de suivi.

44      Au demeurant, il convient d’observer que cet état de fait est amplement confirmé par les agissements et les écritures des parties.

45      D’une part, la Commission a pris soin de rappeler à la requérante, par lettre du 11 février 2011, qu’elle était tenue de lui notifier, avant le 31 mars 2011, son rapport final d’exécution, ce qui présuppose que ce rapport n’avait pas, antérieurement, fait l’objet d’une telle notification.

46      D’autre part, il ressort de la lettre adressée par la requérante à la Commission le 12 octobre 2011 ainsi que de la lettre du 18 novembre 2011 que le rapport final d’exécution n’a été transmis formellement à la Commission que le 28 mars 2011. Cela est au demeurant confirmé par les parties devant le Tribunal, lesquelles s’accordent à cet égard.

47      Dans ces conditions, c’est à compter du 1er avril 2011, date de réception du rapport final d’exécution tel que transmis par lettre du 28 mars 2011, qu’a commencé à courir le délai de cinq mois posé à l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1260/1999.

48      Ce délai a été interrompu par le courriel du 23 juin 2011. En effet, par ce courriel, la Commission a notamment demandé à la requérante des informations complémentaires. Elle s’est, en particulier, enquise de l’approbation, par le comité de suivi, du rapport final d’exécution et a requis des éclaircissements quant à certains points du rapport.

49      Par lettre du 12 juillet 2011, la requérante a répondu à ce courriel, sans contester le caractère nécessaire des informations qui y étaient sollicitées. Ainsi, un nouveau délai de cinq mois a commencé à courir à compter du 18 juillet 2011, date de réception par la Commission de ladite lettre. Or, le 18 novembre 2011, ce délai n’était pas expiré. Par suite, le rapport final d’exécution du programme « Espace Atlantique » ne pouvait être considéré comme ayant été implicitement accepté par la Commission à la date de la signature de la lettre attaquée. La procédure d’acceptation de ce rapport était pendante.

50      Dans ce contexte, il est vain de rechercher si, par le courriel de la Commission du 25 août 2011 ainsi que par sa lettre datée du même jour, et reçue, d’après la requérante, le 17 octobre 2011, le délai dont il s’agit a été interrompu une nouvelle fois. Les arguments des parties ayant trait à ces écrits sont, ainsi, dépourvus d’incidence sur la solution du litige.

–       Quant à la nature de la lettre du 18 novembre 2011 en tant qu’elle contenait une demande d’informations complémentaires au sujet du rapport final d’exécution du programme « Espace Atlantique »

51      La Commission a demandé à la requérante, au paragraphe 7 de la lettre du 18 novembre 2011, de justifier de ce que le rapport final d’exécution avait été régulièrement approuvé par l’ensemble des membres du comité de suivi du programme « Espace Atlantique ». En d’autres termes, elle a, de nouveau, sollicité des éléments nécessaires pour se prononcer définitivement sur le caractère satisfaisant du rapport final d’exécution du programme « Espace Atlantique ».

52      Dès lors que, pour les raisons exposées en particulier au point 49 ci‑dessus, le délai de cinq mois visé à l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1260/1999 n’était pas expiré à la date à laquelle ladite lettre a été signée, celle‑ci constituait, conformément à ce qui a été rappelé au point 39 ci‑dessus, une étape intermédiaire de la procédure d’examen du rapport final d’exécution, et non, comme le prétend la requérante, un acte portant rejet de ce rapport.

53      Il suit de là que, en tant qu’elle contenait une demande d’informations complémentaires au sujet du rapport final d’exécution du programme « Espace Atlantique », la lettre du 18 novembre 2011 présentait le caractère d’un acte préparatoire.

 Sur le caractère informatif de la lettre du 18 novembre 2011

54      Il convient de relever que la lettre du 18 novembre 2011 a également, pour partie, un caractère informatif : elle indique quel était, selon la Commission, l’état d’avancement de la procédure d’acceptation du rapport final d’exécution du programme « Espace Atlantique ». Cela ressort de ses paragraphes 1 à 7.

55      En effet, la Commission s’est bornée à rappeler, au paragraphe 1, que la requérante lui avait transmis, par un courrier daté du mois de mars 2011, les documents visés à l’article 32, paragraphe 4, du règlement n° 1260/1999 et, au paragraphe 2, qu’elle avait procédé à leur analyse. Au paragraphe 3, elle a fait état des demandes de la requérante, formulées dans les lettres des 12 et 26 octobre 2011. Au paragraphe 4, elle a signalé à la requérante qu’elle lui avait adressé une lettre et un courriel le 25 août 2011, avant l’expiration du délai de cinq mois posé à l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement n° 1260/1999. Au paragraphe 5, elle a fait savoir à la requérante que, selon elle, le rapport final d’exécution n’avait pas été approuvé par tous les membres du comité de suivi du programme « Espace Atlantique ». Au paragraphe 6, elle a « informé » la requérante qu’en l’absence d’une telle approbation elle était susceptible de procéder à des corrections financières. Enfin, au paragraphe 7, elle a notamment souligné qu’elle considérait que la procédure d’acceptation du rapport final d’exécution n’était pas encore close.

56      Il résulte de tout ce qui précède que la lettre du 18 novembre 2011 est insusceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Dès lors, il convient de faire droit à la fin de non‑recevoir opposée par la Commission et de rejeter la requête comme irrecevable.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      La région Poitou‑Charentes supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 9 octobre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : le français.