Language of document : ECLI:EU:T:2008:184

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

10 juin 2008 (*)

« Sécurité sociale – Demande de prise en charge des frais médicaux – Rejet implicite de la demande »

Dans l’affaire T‑18/04,

Luigi Marcuccio, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tricase (Italie), représenté initialement par MA. Distante, puis par Me G. Cipressa, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis‑Kayser et M. J. Currall, en qualité d’agents, assistés de MA. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, en premier lieu, une demande d’annulation de la décision implicite de l’autorité investie du pouvoir de nomination rejetant la demande du requérant en date du 25 novembre 2002, introduite en vue d’obtenir le remboursement à 100 % des frais médicaux en vertu de l’article 72 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, en second lieu, une demande d’annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation du requérant à l’encontre du rejet de la demande du 25 novembre 2002, en troisième lieu, une demande visant à faire constater le droit du requérant, au sens de l’article 72 du statut des fonctionnaires, au remboursement de 100 % des frais médicaux exposés pour soigner les pathologies dont il est atteint et, en quatrième lieu, une demande visant à obtenir la condamnation de la Commission au versement de 100 % de ces frais médicaux,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de M. J. D. Cooke, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 décembre 2007,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Statut des fonctionnaires

1        L’article 72, paragraphe 1 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») énonce :

« Dans la limite de 80 % des frais exposés, et sur la base d’une réglementation établie d’un commun accord par les institutions des Communautés après avis du comité du statut, le fonctionnaire […] [est] couver[t] contre les risques de maladie. Ce taux est relevé à 85 % pour les prestations suivantes : consultations et visites, interventions chirurgicales, hospitalisation, produits pharmaceutiques, radiologie, analyses, examen de laboratoire et prothèses sur prescription médicale à l’exception des prothèses dentaires. Il est porté à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladie mentale et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’autorité investie du pouvoir de nomination, ainsi que pour les examens de dépistage et en cas d’accouchement. Toutefois, les remboursements prévus à 100 % ne s’appliquent pas en cas de maladie professionnelle ou d’accident ayant entraîné l’application de l’article 73. »

 Réglementation de couverture

2        La procédure de remboursement des frais est énoncée dans la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes (dans sa version applicable au présent litige, ci-après la « réglementation de couverture »), établie en exécution de l’article 72 du statut. En ce qui concerne les demandes de remboursement des frais, l’article 11, paragraphe 2, dispose :

« Les demandes sont introduites par les affiliés auprès des bureaux liquidateurs au moyen de formulaires unifiés accompagnés de pièces justificatives originales […]. »

3        L’article 20 de la réglementation de couverture, intitulé « Bureaux liquidateurs » précise, dans son paragraphe 3, sous a), que chaque bureau liquidateur est chargé, entre autres, de « recevoir et de liquider les demandes de remboursement des frais présentées par les affiliés enregistrés auprès de ce bureau et d’exécuter les paiements y afférents ».

4        L’annexe I à la réglementation de couverture (« Règles régissant le remboursement de frais médicaux ») dispose, dans son point IV intitulé « Cas spéciaux », ce qui suit :

« 1. En cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladies mentales et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’autorité investie du pouvoir de nomination, les frais sont remboursés à 100 %.

[…]

Toute demande introduite en vue de la reconnaissance visée au 1er alinéa doit être adressée au bureau liquidateur, accompagnée du rapport du médecin traitant de l’intéressé.

La décision est prise par l’autorité investie du pouvoir de nomination ou par le bureau liquidateur compétent s’il a été désigné à cet effet par ladite autorité, après avis du médecin-conseil de ce bureau, émis sur la base des critères généraux établis par le conseil médical.

Les remboursements prévus à 100 % ne s’appliquent pas en cas de maladie professionnelle ou d’accident ayant entraîné l’application des dispositions de l’article 73 du statut ».

 Antécédents du litige

5        M. Marcuccio, fonctionnaire à la direction générale « Développement », se trouvait, depuis le 4 janvier 2002, en congé maladie à son domicile de Tricase (Italie).

6        Le 5 décembre 2002, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après « AIPN ») a reçu une lettre de la part du requérant, signée le 25 novembre 2002, dans laquelle ce dernier demandait à ce que :

« au sens et par les effets de l’article 72 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que de toute autre disposition dans ce domaine, lui soit accordé le remboursement de 100 % des frais médicaux exposés en vue de soigner les affections en raison desquelles il est en congé maladie depuis le 4 janvier 2002, à compter de ladite date du 4 janvier 2002 et jusqu’à complète rémission ». (ci-après « la demande du 25 novembre 2002 »)

7        À cette lettre, le requérant a joint un rapport médical, établi le 25 novembre 2002, attestant que le requérant était atteint d’un syndrome anxio-dépressif de nature réactive pour lequel il était en traitement (ci-après « le rapport médical du 25 novembre 2002 »).

8        Le 19 février 2003, le requérant a envoyé au bureau liquidateur des demandes de remboursement de frais médicaux. Ces demandes étaient accompagnées d’une note dans laquelle le requérant, d’une part, attirait l’attention du bureau liquidateur sur le fait que, le 25 novembre 2002, il avait présenté une demande en vue d’obtenir le remboursement intégral des frais médicaux, tout en indiquant le numéro de la lettre recommandée avec accusé de réception et la date à laquelle la Commission a reçu cette lettre et, d’autre part, se réservait le droit de demander le versement de la différence entre le remboursement normal à hauteur de 80 ou 85 % de ces frais médicaux et le remboursement intégral auquel il estimait avoir droit.

9        Le 1er mars 2003, le requérant a également demandé que soit reconnue, au titre de l’article 73 du statut, la nature professionnelle de la maladie en raison de laquelle il était encore en congé.

10      Le 11 mars 2003, le responsable du bureau liquidateur a répondu à la lettre du requérant du 19 février 2003, en l’informant que les demandes de remboursement feraient l’objet d’un examen régulier, mais que la demande du 25 novembre 2002 n’était jamais parvenue au bureau liquidateur. Par la suite, la Commission a décidé de rembourser les frais médicaux du requérant, en vertu de l’article 72, paragraphe 1, du statut, à hauteur de 80 % ou 85 %.

11      Le 23 avril 2003, la Commission a répondu à la demande de reconnaissance de la nature professionnelle de la maladie du requérant en informant ce dernier que la procédure correspondante serait engagée au titre de l’article 73 du statut et de la réglementation relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes. Cette procédure était encore en cours à la date de l’audience.

12      La demande du 25 novembre 2002 n’ayant pas été suivie d’une décision explicite, le 13 juin 2003, le requérant a déposé une réclamation contre le rejet implicite de cette demande, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, qui est parvenue à l’AIPN le 1er juillet 2003. Cette réclamation est restée sans réponse dans le délai visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 janvier 2004, le requérant a introduit le présent recours au titre de l’article 91 du statut.

14      Par communication du 13 octobre 2005, le Tribunal a, au titre de l’article 64 de son règlement de procédure, posé aux parties certaines questions sur l’état des procédures visant à la qualification de la maladie du requérant comme maladie grave au titre de l’article 72 du statut ou maladie professionnelle au titre de l’article 73 du statut. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti et ont indiqué notamment que la procédure visant à la reconnaissance d’une maladie grave n’avait pas été entamée et que la procédure au titre de l’article 73 du statut était en cours.

15      Le 24 juillet 2006 le Tribunal a convoqué les parties, en application de l’article 64, paragraphes 2 et 3 du règlement de procédure, à une réunion informelle devant le président de la première chambre et le juge rapporteur, en vue d’examiner la possibilité d’un règlement amiable du litige. Lors de cette réunion, qui a eu lieu le 16 octobre 2006, la Commission s’est engagée à poursuivre, dans les meilleurs délais, la procédure de l’article 73 du statut et, sous réserve de l’issue de cette procédure, de prendre également une décision dans le cadre de l’article 72 du statut, sans qu’il soit nécessaire que le requérant introduise une nouvelle demande à cette fin. Pour sa part, le requérant s’est engagé à coopérer avec les services de la Commission afin de faciliter, notamment, la fixation des dates pour les examens et visites à Bruxelles qu’entraînent ces procédures. Par ailleurs, les parties ont accepté la proposition du président de la première chambre du Tribunal de suspendre la procédure dans l’attente d’une décision prise sur la base de l’article 73 du statut.

16      Ainsi, par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 13 novembre 2006, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’à ce que la Commission prenne, au titre de l’article 73 du statut, une décision sur la reconnaissance de la prétendue nature professionnelle de la maladie du requérant.

17      Interrogés en ce sens par le greffe du Tribunal, la Commission et le requérant, par lettres du 15 juin 2007 et du 17 août 2007 respectivement, ont indiqué que la procédure au titre de l’article 73 du statut n’avait pas avancé.

18      Par ordonnance du 14 septembre 2007, le président de la première chambre du Tribunal a décidé, la Commission ayant marqué son accord et le requérant n’ayant pas déposé d’observations dans le délai imparti, de reprendre la procédure dans la présente affaire.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 4 décembre 2007.

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision implicite de l’AIPN rejetant la demande du 25 novembre 2002 ;

–        annuler la décision implicite de l’AIPN rejetant la réclamation introduite par le requérant contre le rejet de cette demande ;

–        déclarer que le requérant a droit, conformément à l’article 72 du statut, au remboursement de la totalité des frais médicaux qu’il a exposés, à partir du 4 janvier 2002 et jusqu’à guérison complète ;

–        condamner la Commission au remboursement à 100 % de l’ensemble des frais médicaux que le requérant a exposés, à partir du 4 janvier 2002 et jusqu’à sa guérison complète, après déduction des sommes qui lui ont déjà été versées, conformément à l’article 72 du statut ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      À titre de mesures d’instruction, le requérant demande au Tribunal d’ordonner :

–        la production de son dossier personnel ;

–        la production par le service médical de la Commission et par le régime commun d’assurance-maladie de la Commission, de la totalité du dossier médical relatif au requérant ;

–        une expertise médico-légale aux fins d’évaluer si depuis le 4 janvier 2002, le requérant est atteint de maladie mentale d’une gravité similaire à la tuberculose, au cancer et à la poliomyélite.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ou dénué de fondement ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

23      La Commission soulève plusieurs arguments justifiant, à son avis, l’irrecevabilité du présent recours.

24      Premièrement, la Commission faisait valoir que le recours était irrecevable, puisqu’il n’avait pas été précédé de la procédure administrative prévue à l’article 72 du statut et à la réglementation de couverture. En effet, le requérant aurait omis d’adresser une demande de remboursement au bureau liquidateur, conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, mais a présenté une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut qui est à l’origine du recours. Lors de l’audience, la Commission a toutefois retiré cette exception d’irrecevabilité, au vu des conclusions du Tribunal dans l’arrêt du Tribunal du 5 juillet 2005, Marcuccio/Commission (T‑9/04, RecFP. 2005 p. FP‑IA‑195 ; FP‑II‑00881), en faisant valoir en même temps que cette argumentation justifie le rejet du recours quant au fond.

25      Deuxièmement, lors de l’audience également, la Commission a soutenu que la demande présentée par le requérant au titre de l’article 90 du statut, ainsi que la réclamation subséquente, ne permettaient pas de déterminer avec suffisamment de clarté la raison pour laquelle la requérante demandait le remboursement à 100 % de certaines dépenses.

26      Troisièmement, la Commission considère que le recours est irrecevable, car le requérant n’aurait produit au cours d’instance aucun élément permettant d’identifier et de quantifier les frais médicaux dont il demande le remboursement intégral. Ceci empêcherait le Tribunal de vérifier si le remboursement effectué le cas échéant par les autorités compétentes doit être jugé conforme aux limites fixées par le statut et la réglementation applicable (arrêt du Tribunal du 26 février 2003, Lucaccioni/Commission, T‑164/01, RecFP p. I‑A‑67 et II‑367, point 63).

27      Quatrièmement, la Commission fait observer que la requête en l’espèce ne peut pas couvrir la demande de remboursement présentée par le requérant le 19 février 2003, puisque le requérant n’aurait pas introduit de réclamation contre la décision du bureau liquidateur de rembourser ses frais médicaux à hauteur de 80 % ou 85 %. Lors de l’audience, la Commission a ajouté, à cet égard, que, étant donné que suite à cette demande le bureau liquidateur a procédé aux remboursements à des pourcentages inférieurs aux 100 %, ce sont ces remboursements qui constituaient des actes faisant grief et qui devaient faire l’objet d’une réclamation.

28      Enfin, la Commission précise que le présent recours n’a pas pour objet les éventuels remboursements dus en vertu de son article 73, sollicités par le requérant le 1er mars 2003, soit postérieurement à sa demande de remboursement de la totalité de frais médicaux en vertu de l’article 72 du statut.

29      Le requérant soutient que son recours est recevable. Il considère, en particulier, qu’il a respecté la procédure prévue à l’article 72 du statut et à la réglementation de couverture. Par ailleurs, il fait valoir que même à supposer que la demande du 25 novembre 2002 ait dû être introduite auprès du bureau liquidateur, et non pas auprès de l’AIPN, cette dernière, en gardant le silence face à la demande ainsi qu’à la réclamation du requérant, a violé ses devoirs de sollicitude et de bonne administration.

 Appréciation du Tribunal

30      Afin d’examiner les arguments d’irrecevabilité soulevés par la Commission, il y a lieu de préciser l’objet du présent litige.

31      À cet égard, il ressort clairement de la requête, qu’elle vise notamment à l’annulation de la décision implicite de rejet de la demande du 25 novembre 2002. Il est rappelé que le requérant demandait à ce que « au sens et par les effets de l’article 72 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que de toute autre disposition dans ce domaine, lui soit accordé le remboursement de 100 % des frais médicaux exposés en vue de soigner les affections en raison desquelles il est en congé maladie depuis le 4 janvier 2002, à compter de ladite date du 4 janvier 2002 et jusqu’à complète rémission » et qu’il a joint à cette demande le rapport médical du 25 novembre 2002 attestant notamment qu’il était atteint d’un syndrome anxio-dépressif de nature réactive pour lequel il était en traitement. S’agissant de l’article 72 du statut, invoqué dans la demande susvisée, celui-ci énonce en son premier paragraphe que le taux de couverture contre les risques de maladie « est porté à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladie mentale et autres maladies reconnues de gravité comparable par [l’AIPN] »

32      Le Tribunal constate, dans ces conditions, que la demande en question visait la reconnaissance par l’AIPN que la maladie en raison de laquelle le requérant était en congé maladie depuis le 4 janvier 2002 et qui aurait été diagnostiquée dans le rapport médical joint à la demande, lui donne droit à la couverture porté au taux de 100 % des frais médicaux exposés. Contrairement à ce que soutient la Commission, le Tribunal estime que l’objet de cette demande a été précisé de façon suffisamment claire pour que l’autorité compétente puisse statuer en connaissance de cause. La demande du 25 novembre 2002 doit, dès lors, être qualifiée de « demande » au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, en vertu duquel « [t]oute personne visée au […] statut peut saisir [l’AIPN] d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision » (voir en ce sens, l’arrêt Marcuccio/Commission, précité, point 36 et la jurisprudence citée).

33      Il y a lieu de relever également que l’AIPN a bien reçu la demande susvisée, ainsi que la Commission le confirme dans son mémoire en défense. Dès lors, en vertu de l’article 90 du statut, le silence qui s’en est suivit doit être qualifié, à l’expiration du délai de quatre mois, de décision implicite de rejet qui constitue un acte lui faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation à condition que le requérant ait introduit préalablement et valablement une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 3 avril 1990, Pfloeschner/Commission, T‑135/89, Rec. 1990 p. II‑153, point 17, et Marcuccio/Commission, précité, point 37, et ordonnance du Tribunal du 14 février 2005, Ravailhe/Comité des régions, T‑406/03, RecFP.  2005 p. FP‑IA‑19 ; FP‑II‑79, point 50).

34      Or, le requérant a bien déposé une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dirigée à l’encontre du rejet implicite de la demande susvisée. Par ailleurs, les services compétents de la Commission ont accusé la réception de cette réclamation, en indiquant que l’absence de réponse de leur part dans le délai de quatre mois sera à considérer comme une décision implicite de rejet, qui pourra faire l’objet d’un recours devant le Tribunal, en vertu de l’article 91 du statut. Il est constant que la réclamation n’a donné lieu à aucune réponse.

35      À cet égard, il y a lieu de souligner que les conditions dans lesquelles la décision sollicitée par le requérant dans sa demande du 25 novembre 2002 peut être adoptée sont régies par la réglementation de couverture, établie en exécution de l’article 72 du statut. En particulier, le point IV de l’annexe I à la réglementation de couverture prévoit une procédure spéciale à cet effet, qui implique notamment l’intervention du médecin-conseil du bureau liquidateur. Dès lors, le silence de l’AIPN qui a suivi la demande et la réclamation susvisées doit être analysé, dans le système de l’article 90, paragraphe 1, du statut et compte tenu du contexte de l’article 72 du statut, comme un refus d’ouvrir la procédure spéciale prévue à cet effet. Par ailleurs, en réponse à une question écrite du Tribunal, les parties ont confirmé que cette procédure n’avait pas été engagée (voir point 14, ci-dessus).

36      Compte tenu des observations qui précèdent, il y a lieu de rejeter également les arguments d’irrecevabilité de la Commission tirés de ce que le requérant n’aurait produit au cours d’instance aucun élément permettant d’identifier et de quantifier les frais médicaux concernés et qu’il n’aurait pas attaqué la décision du bureau liquidateur de le rembourser à hauteur de 80 % ou 85 %.

37      Il convient d’observer, à cet égard, que la réglementation de couverture ainsi que son annexe I, font distinction entre, d’une part, les demandes de reconnaissance du droit au remboursement à 100 % qui doivent être accompagnées du rapport du médecin traitant de l’intéressé (point IV.1 de l’annexe I à la réglementation de couverture) et, d’autre part, les demandes de remboursement des frais médicaux encourus, qui doivent être introduites au moyen de formulaires unifiés accompagnés de pièces justificatives originales (article 11, paragraphe 2, de la réglementation de couverture). Les décisions qui interviennent suite à ces deux types de demandes sont également de caractère différent. La décision octroyant le bénéfice du remboursement à 100 %, prise par l’AIPN ou par le bureau liquidateur compétent s’il a été désigné à cet effet par l’AIPN (point IV.1 de l’annexe I), est une décision de principe. C’est sur cette décision que se fonderont ensuite les différentes décisions de remboursement de frais spécifiques, prises par le bureau liquidateur compétent [article 20, paragraphe 3, sous a), de la réglementation de couverture] (voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T‑33/89 et T‑74/89, Rec. p. II‑249, point 53, et arrêt du Tribunal du 7 novembre 2002, G/Commission, T‑199/01, RecFP p. I‑A-207 et II‑1085, point 6).

38      Or, comme il a été relevé ci-dessus, la demande du 25 novembre 2002, déposée en vertu de l’article 72 du statut, constituait une demande de reconnaissance du droit à la couverture à 100 %, en raison de la maladie dont souffrait le requérant, et non pas une demande de remboursement de frais spécifiques exposés au titre de cette maladie.

39      Dans ces conditions, les précisions concernant les frais médicaux ne peuvent pas être considérées comme nécessaires ou même utiles afin de permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur les conclusions en annulation du recours. En effet, comme cela ressort de la rédaction de l’article 72, paragraphe 1, du statut et du point IV.1 de l’annexe I à la réglementation de couverture, et comme il a été par ailleurs reconnu par la Commission lors de l’audience, le bénéfice du remboursement intégral n’est pas lié au montant des frais médicaux encourus, mais à la nature et à la gravité de la maladie. Il y a lieu de relever, en outre, que l’arrêt Lucaccioni/Commission, précité, invoqué par la Commission concernait, à la différence de la présente espèce, une demande en indemnité.

40      Il s’ensuit également que le fait que le requérant n’a introduit aucune réclamation contre la décision du bureau liquidateur de rembourser ses frais médicaux, en vertu de l’article 72 du statut, à hauteur de 80 % ou 85 %, est sans pertinence pour la question de la recevabilité du présent recours puisque cette décision ne s’est pas prononcée sur l’objet de la demande du 25 novembre 2002.

41      Enfin, s’agissant des observations de la Commission sur la procédure de la reconnaissance par l’autorité compétente de la nature professionnelle de la maladie du requérant aux fins de l’article 73 du statut, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 72, paragraphe 1, du statut, « les remboursements prévus à 100 % ne s’appliquent pas en cas de maladie professionnelle ou d’accident ayant entraîné l’application de l’article 73 ». Cependant, les dispositions applicables n’empêchent pas l’intéressé d’introduire simultanément une demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle et une demande de reconnaissance d’une maladie grave pour la même maladie. Il est rappelé également que la procédure au titre de l’article 73 du statut, engagée suite à la demande du requérant du 1er mars 2003, était toujours en cours au moment de l’audience (voir ci-dessus, point 11). Or, la seule circonstance que cette procédure ait été engagée ne saurait influer sur la recevabilité du présent recours.

42      Il s’ensuit que la demande d’annulation est recevable dans la mesure où elle vise la décision implicite de rejet de la demande du 25 novembre 2002.

43      En revanche, la conclusion tendant à l’annulation de la décision implicite portant rejet de la réclamation du 13 juin 2003 doit être déclarée irrecevable. En effet, selon une jurisprudence constante, une décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, en tant que telle, un acte attaquable (arrêt du Tribunal du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP. 2000 p. I‑A‑55 et II‑241, point 49 et la jurisprudence citée).

44      Par ailleurs, les autres conclusions du requérant (voir ci-dessus, point 20), à l’exception de celle tendant à la condamnation de la Commission aux dépens, doivent être également déclarées irrecevables. Il suffit de constater, à cet égard, que dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut, le juge communautaire n’est pas compétent pour faire des déclarations en droit ou pour adresser à l’administration des injonctions (arrêt du Tribunal du 11 juin 1996, Pavan/Parlement, T‑147/95, RecFP. 1996 p. I‑A‑291 et II‑861, point 24, et du 5 novembre 1996, Mazzocchi-Alemanni/Commission, T‑21/95 et T‑186/95, RecFP. 1996 p. I‑A‑501 et II‑1377 point 44).

 Sur le fond

45      À l’appui de son recours, le requérant soulève deux moyens d’annulation. Le premier moyen est tiré du défaut de motivation des décisions implicites de rejet. Le second moyen est tiré de ce que, en rejetant la demande du 25 novembre 2002, la Commission aurait violé les règles applicables, étant donné que les pathologies dont le requérant souffre seraient de nature à faire naître, dans son chef, compte tenu notamment de leur durée, le droit à un remboursement à 100 %, conformément à l’article 72 du statut. Plus particulièrement, il résulterait du rapport médical du 25 novembre 2002 que la maladie en question est à qualifier de maladie mentale, et qui plus est, d’une gravité analogue au cancer, à la poliomyélite et à la tuberculose.

 Sur le premier moyen tiré du défaut de motivation et de la violation de l’article 25 du statut

–       Arguments des parties

46      Le requérant fait valoir que les décisions implicites de rejet de la demande et de la réclamation, résultant du silence de la Commission, sont toutes deux entachées d’une grave carence en matière de motivation. À cet égard, le requérant fait également référence à l’article 25 du statut en vertu duquel toute décision faisant grief au fonctionnaire doit être motivée.

47      Il soutient, dans sa réplique, que l’argumentation de la Commission, selon laquelle il était en mesure de connaître les raisons pour lesquelles le remboursement demandé ne pouvait pas lui être accordé, est manifestement incorrecte.

48      En effet, en premier lieu, concernant les demandes de remboursement adressées au bureau liquidateur entre le 4 janvier 2002 et la date de l’introduction du présent recours, le requérant y aurait toujours précisé qu’il se réservait le droit de demander le remboursement complémentaire des frais médicaux après la reconnaissance de son droit de remboursement intégral par l’AIPN. En second lieu, le requérant fait observer que même à supposer que la procédure qu’il a suivi n’était pas habituelle, ce qu’il conteste, la Commission n’indique aucun élément susceptible de démontrer qu’il en ait été informé. En effet, sa demande et sa réclamation sont restées sans réponse et la lettre du 11 mars du responsable du bureau liquidateur aurait simplement indiqué que le bureau liquidateur n’avait pas reçu la demande et qu’il n’avait pas attendu que soit diligentée une enquête propre à vérifier quel service de la Commission l’avait reçue.

49      En outre, le requérant fait observer le rapport médical du 25 novembre 2002, joint à la demande, rende minutieusement compte de la nature et du type de maladie du requérant, permettant ainsi à l’AIPN de décider en connaissance de cause son droit à obtenir le remboursement intégral des frais médicaux.

50      La Commission fait observer que, selon la jurisprudence, un acte de l’AIPN est réputé être suffisamment motivé lorsqu’il intervient dans un contexte connu du fonctionnaire intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure le concernant (arrêt du Tribunal du 22 janvier 1998, Costacurta/Commission, T‑98/96, RecFP p. I‑A‑21 et II‑49, points 86 à 90). En l’espèce, de l’avis de la Commission, le requérant était en mesure de connaître les raisons pour lesquelles le remboursement demandé ne pouvait pas lui être accordé.

51      En effet, le requérant aurait été pleinement conscient d’avoir engagé une procédure ne respectant pas les règles applicables en vue d’obtenir les remboursements escomptés. À cet égard, la Commission relève, en premier lieu, que le requérant a ensuite rapidement saisi le bureau liquidateur compétent comme le prévoient les dispositions pertinentes du statut et de la réglementation en la matière. En second lieu, la lettre adressée le 11 mars 2003 au requérant par le responsable du bureau liquidateur l’aurait, sans nul doute, mis en mesure de savoir que la demande de remboursement devait être précisément adressée à ce bureau et qu’elle n’était pas parvenue au bureau compétent. Dans ce contexte, le requérant aurait disposé donc de tous les moyens nécessaires pour comprendre la portée du silence de l’AIPN.

52      La Commission relève, en outre, qu’il ressort de la comparaison de la liste des maladies qui peuvent faire l’objet d’un remboursement à 100 % en vertu de l’article 72 du statut avec les certificats médicaux produits par le requérant, qu’aucun de ceux-ci ne mentionne l’une des maladies indiquées dans la liste en question.

–       Appréciation du Tribunal

53      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 253 CE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. Il s’ensuit, que l’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit communautaire auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p.  2861, point 22 ; arrêt du Tribunal du 20 mars 1991, Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 73 ; arrêt du Tribunal du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, non encore publié au Recueil, point 105).

54      En l’espèce, il ressort des arguments que la Commission a présentés au cours de la procédure écrite et à l’audience que la demande du 25 novembre 2002 a été rejetée car l’AIPN a considéré que le requérant ne l’avait pas déposé conformément à la procédure prévue à cet effet par la réglementation de couverture. Force est de constater cependant que cette motivation, ni aucune autre par ailleurs, n’a pas été fournie au requérant.

55      D’une part, il est constant que l’AIPN n’a répondu ni à la demande du requérant du 25 novembre 2002, ni à la réclamation que le requérant a introduite contre le rejet implicite de cette demande.

56      D’autre part, le Tribunal considère que les éléments avancés par la Commission ne permettent pas de constater que la décision implicite de rejet est intervenue dans un contexte connu du requérant qui lui a permis de comprendre les motifs qui ont guidé l’administration.

57      En effet, en premier lieu, le fait que le requérant a adressé, le 19 février 2003, des demandes de remboursement au bureau liquidateur ne signifie pas qu’il savait que la demande de reconnaissance du droit aux remboursements à 100 % doit également être adressée au même bureau. Comme il a été relevé ci-dessus, il résulte du libellé de la réglementation de couverture qu’il s’agit de deux sortes de demandes et procédures distinctes. Par ailleurs, dans la note accompagnant ces demandes le requérant attirait l’attention du bureau liquidateur sur le fait que, le 25 novembre 2002, il avait présenté une demande en vue d’obtenir le remboursement intégral des frais médicaux, et il se réservait le droit de demander le remboursement de la différence entre 80 ou 85 % des frais médicaux encourus et 100 % (voir point 8, ci-dessus). Il en ressort que le requérant était convaincu que sa demande du 25 novembre 2002 était examinée par l’autorité compétente.

58      En second lieu, s’agissant de la lettre adressée le 11 mars 2003 au requérant par le bureau liquidateur, il convient de rappeler que cette lettre l’informait que les demandes de remboursement feraient l’objet d’un examen régulier, mais que la demande du 25 novembre 2002 n’était jamais parvenue au bureau liquidateur. Le Tribunal considère que c’est à tort que la Commission soutient que le bureau liquidateur a, sans nul doute, mis le requérant en mesure de savoir que la demande de remboursement devait être précisément adressée à ce bureau. Au contraire, il paraît concevable, comme le fait observer le requérant, qu’il a compris à la lecture de cette lettre que le bureau liquidateur a décidé de le rembourser à concurrence de 80 ou 85 % sans attendre l’issue de la procédure devant l’AIPN concernant la demande du 25 novembre 2002.

59      Par ailleurs, il y a lieu de rejeter également l’argument de la Commission selon lequel il ressort de la comparaison de la liste des maladies qui peuvent faire l’objet d’un remboursement à 100 % en vertu de l’article 72 du statut avec les certificats médicaux produits par le requérant qu’aucun de ceux-ci ne mentionne l’une des maladies indiquées dans la liste en question. En effet, il y a lieu de rappeler que la Commission n’a pas engagé la procédure prévue par la réglementation applicable en vue d’apprécier la nature et la gravité de la maladie attestée dans le rapport du 25 novembre 2002 et, par conséquent, n’est pas en mesure d’émettre des hypothèses à cet égard. En outre, il résulte clairement de la rédaction de l’article 72, paragraphe 1, du statut que d’autres maladies que celles listées dans cet article, peuvent faire objet d’un remboursement à 100 % pourvu qu’elles soient reconnues de gravité comparable par l’AIPN. Par conséquent, la circonstance que le rapport médical du 25 novembre 2002 n’ait pas mentionné une des maladies énumérée à l’article 72, paragraphe 1, du statut, ne saurait être considérée comme ayant permis au requérant de comprendre les motifs du refus en cause.

60      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision implicite portant rejet de la demande du 25 novembre 2002 est entachée d’une absence totale de motivation.

61      Or, selon la jurisprudence constante, une absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours ne peut être couverte par des explications fournies par l’AIPN en cours d’instance (arrêt Huygens/Commission, précité, point 112 et la jurisprudence y citée). À ce stade, de telles explications ne remplissent plus leur fonction. L’introduction d’un recours met donc un terme à la possibilité pour l’AIPN de régulariser sa décision par une réponse portant rejet de la réclamation (arrêt de la Cour du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C‑115/92P, Rec. p. I6549, point 23 ; arrêt du Tribunal du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, précité, point 108).

62      Partant, il y convient d’accueillir le présent moyen et d’annuler la décision portant rejet de la demande du 25 novembre 2002 sans qu’il y ait lieu d’examiner le second moyen invoqué par le requérant.

63      Néanmoins, s’agissant du bien fondé du refus implicite de l’AIPN d’ouvrir la procédure spéciale au titre de l’article 72 du statut, le Tribunal rappelle, à toutes fins utiles, que lors de la réunion informelle du 16 octobre 2006, la Commission s’est engagée, sous réserve de l’issue de la procédure de l’article 73 du statut et de la coopération nécessaire de la part du requérant, de prendre également une décision dans le cadre de l’article 72 du statut, sans qu’il soit nécessaire que le requérant introduise une nouvelle demande à cette fin. Elle a également reconnu lors de l'audience que le rapport médical du 25 novembre 2002 était bien en sa possession.

64      Enfin, s’agissant des mesures d’instruction sollicitées par le requérant (voir point 22 ci-dessus), il résulte, d’une part, des éléments du dossier et, d’autre part, de tout ce qui précède que ces mesures ne présentent aucune utilité pour la solution du litige. Par conséquent, les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne les mesures d’instruction doivent être rejetées.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

66      La Commission ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision implicite de rejet de la demande du 25 novembre 2002 est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus

3)      La Commission est condamnée aux dépens.

Cooke

Labucka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juin 2008.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. D. Cooke


* Langue de procédure : l'italien.