Language of document : ECLI:EU:T:2016:29

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

27 janvier 2016 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Rémunération – Détachement dans l’intérêt du service – Indemnité de dépaysement – Condition prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut – Répétition de l’indu »

Dans l’affaire T‑782/14 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 1er octobre 2014, DF/Commission (F‑91/13, RecFP, EU:F:2014:228), et tendant à l’annulation partielle de cet arrêt,

DF, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me A. von Zwehl, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et T. Bohr, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, M. Prek et G. Berardis (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la procédure écrite,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. DF, demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 1er octobre 2014, DF/Commission (F‑91/13, RecFP, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2014:228), par lequel celui-ci n’a fait droit que partiellement à son recours tendant, notamment, à l’annulation de la décision de la Commission européenne du 20 décembre 2012 ordonnant le recouvrement de l’indemnité de dépaysement et des frais de voyage annuel perçus par lui pendant son détachement en Allemagne, entre le 1er septembre 2009 et le 31 août 2012 (ci-après la « décision litigieuse »), et, pour autant que de besoin, à l’annulation de la décision de la Commission du 24 juin 2014 rejetant sa réclamation (ci‑après la « décision de rejet de la réclamation »), ainsi qu’à la condamnation de la Commission à lui rembourser la somme ayant déjà donné lieu à répétition, majorée d’intérêts de retard, et à l’indemniser de son préjudice moral.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 3 à 7 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« 3      Le requérant, de nationalité allemande, a vécu à Munich (Allemagne) jusqu’en 1995 puis, jusqu’en 2001, à Maastricht (Pays-Bas). Au moment de l’introduction du [...] recours, il était classé au grade AD 10.

4      Le 1er mai 2001, le requérant a été recruté comme fonctionnaire à la Commission à Bruxelles (Belgique). Lors de son entrée en fonctions, son lieu d’origine a été initialement fixé à Maastricht, puis rectifié, en réponse à sa demande, et fixé à Munich. À compter de cette date, il a perçu l’indemnité de dépaysement et bénéficié du remboursement des frais de voyage annuel.

5      Du 1er septembre 2009 au 31 août 2012, le requérant a été détaché, dans l’intérêt du service, auprès de la Bayerische Staatskanzlei (chancellerie de l’État de Bavière) en Allemagne. Au 1er septembre 2012, il a repris ses fonctions à Bruxelles.

6      Le 20 décembre 2012, la Commission a adressé une note au requérant […], l’informant que, suite à un contrôle, l’indemnité de dépaysement et le remboursement des frais de voyage annuel qui lui avaient été versés durant son détachement en Allemagne avaient été considérés comme indûment perçus et devaient être remboursés en vertu de l’article 85 du statut. Le recouvrement portait sur un montant total de 55 420,77 euros.

7      Le 27 février 2013, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée. Par décision du 24 juin 2013, la réclamation du 27 [février]  2013 a été rejetée […] »

 Procédure en première instance et arrêt attaqué

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 19 septembre 2013, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et, pour autant que de besoin, de la décision de rejet de la réclamation, ainsi qu’à la condamnation de la Commission à lui rembourser la somme ayant déjà donné lieu à répétition, majorée d’intérêts de retard, et à l’indemniser de son préjudice moral.

4        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré, notamment, que le requérant avait subi un préjudice moral, estimé, ex aequo et bono, à 1 500 euros, résultant de son sentiment d’avoir été placé devant le fait accompli, au motif que la Commission avait violé son droit d’être utilement entendu avant l’adoption de la décision litigieuse. Le recours a été rejeté pour le surplus et la Commission a été condamnée à supporter ses propres dépens et un quart des dépens exposés par le requérant.

5        En particulier, après avoir relevé que les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation étaient dépourvues de contenu autonome et devaient être regardées comme étant formellement dirigées contre la décision litigieuse, le Tribunal de la fonction publique a constaté, s’agissant des conclusions visant à l’annulation de la décision litigieuse, que le requérant avait invoqué deux moyens, tirés, le premier, à titre principal, de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et, le second, à titre subsidiaire, de la violation de l’article 85 du statut, du principe de sécurité juridique, du principe de l’enrichissement sans cause, du principe de bonne administration et du devoir de diligence.

6        Le Tribunal de la fonction publique a rejeté le premier moyen comme étant en partie infondé en droit et en partie irrecevable. Plus particulièrement, aux points 17 et 18 de l’arrêt attaqué, il a précisé que la période décennale visée par l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut expirait à la date de l’entrée en service initiale, à savoir la date à laquelle le requérant avait été recruté en tant que fonctionnaire par la Commission, et non, comme le prétendait celui-ci, à celle à partir de laquelle il avait été détaché dans l’intérêt du service en Allemagne.

7        Le Tribunal de la fonction publique a également rejeté le second moyen. Plus particulièrement, s’agissant des conditions de répétition de l’indu, il a précisé, aux points 35 et 36 de l’arrêt attaqué, que l’expression « si évidente », caractérisant l’irrégularité du versement, qui figurait à l’article 85, premier alinéa, du statut, ne signifiait pas que le fonctionnaire bénéficiant de paiements indus était dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, mais que, conformément à une jurisprudence bien établie, la restitution était due dès qu’il s’agissait d’une erreur qui n’échappait pas à un fonctionnaire normalement diligent, qui était censé connaître les règles régissant son traitement.

8        À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a écarté explicitement l’argument du requérant, tiré du point 66 de l’arrêt du 25 septembre 2007, Cavallaro/Commission (F‑108/05, RecFP, EU:F:2007:164), selon lequel l’irrégularité n’aurait pas été d’une telle évidence qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance, en considérant que, au point 71 de cet arrêt, il avait été confirmé sans aucune ambiguïté que la période décennale visée par l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut expirait toujours à la date de l’entrée en service initiale.

9        Au point 37 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré que, en tout état de cause, un fonctionnaire normalement diligent, d’expérience et de grade élevé, tel que le requérant, ne pouvait pas ignorer que le versement de l’indemnité de dépaysement était lié à un dépaysement au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut, qui faisait défaut dans le cas d’un fonctionnaire détaché pour exercer des fonctions dans le pays dont il avait la nationalité.

10      À cet égard, au point 38 de l’arrêt attaqué, il est également précisé que, confronté à un refus de l’administration de confirmer par écrit ce qui n’a été affirmé qu’oralement, un fonctionnaire normalement diligent, expérimenté et de grade élevé était tenu de vérifier l’exactitude de telles assurances verbales, en adressant, par exemple, une demande écrite à l’administration en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut.

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

11      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2014, le requérant a formé le présent pourvoi.

12      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2014, le requérant a demandé à ce que l’anonymat lui soit accordé. Par décision du 4 mars 2015, le Tribunal a, en application de l’article 18, paragraphe 4, des instructions au greffier, accordé l’anonymat au requérant.

13      Le 17 février 2015, la Commission a déposé son mémoire en réponse.

14      Par lettre du 11 mars 2015, le requérant a présenté, par télécopieur, une demande afin d’être autorisé à déposer un mémoire en réplique. La version originale signée de cette pièce n’ayant pas été déposée au greffe dans le délai de dix jours prévu à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, la demande du requérant n’a pas été prise en compte et la procédure écrite a été clôturée le 30 mars 2015, ce dont les parties ont été informées par lettre du greffier du même jour.

15      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a constaté qu’aucune demande de fixation d’audience n’avait été présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et a décidé, conformément à l’article 146 du règlement de procédure du 2 mai 1991, de statuer sans phase orale de la procédure.

16      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué, pour autant qu’il n’a pas fait droit à son recours ;

–        annuler la décision litigieuse ;

–        condamner la Commission au remboursement des sommes ayant déjà donné lieu à répétition par celle-ci, majorées d’intérêts de retard, calculés au taux de référence de la Banque centrale européenne (BCE) augmenté de deux points ;

–        condamner la Commission à tous les dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner le requérant aux dépens du pourvoi.

 Sur le pourvoi

18      À l’appui du pourvoi, le requérant soulève deux moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 85 du statut et du principe de sécurité juridique. Le second, invoqué à titre subsidiaire, est tiré d’une violation du principe de non-discrimination et de l’obligation pour le juge de l’Union européenne d’assurer le respect du droit. En outre, le requérant prétend que les conditions de réparation d’un dommage sont remplies en l’espèce.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 85 du statut et du principe de sécurité juridique

19      Le premier moyen s’articule en deux branches, tirées de ce que le Tribunal de la fonction publique aurait violé, d’une part, l’article 85 du statut et, d’autre part, le principe de sécurité juridique.

20      Par la première branche du premier moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a méconnu l’article 85 du statut, dans la mesure où il n’a porté aucune appréciation sur la question de savoir si, en l’espèce, l’irrégularité du versement de l’indemnité de dépaysement, en violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut, était d’une « clarté ‘évidente’ ». Plus particulièrement, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas tenu compte en l’espèce, à la différence  de ce qu’il aurait fait dans l’arrêt du 10 mars 2009, Tsirimiagos/Comité des régions (F‑100/07, RecFP, EU:F:2009:21), de l’ambiguïté de ladite disposition, telle que celle-ci aurait été relevée, notamment, au point 66 de l’arrêt Cavallaro/Commission, point 8 supra (EU:F:2007:164) s’agissant de la question de savoir si la période de référence décennale s’achevait lors de l’entrée en fonction initiale ou lors de l’entrée en fonction auprès de l’entité de détachement. De surcroît, le Tribunal de la fonction publique aurait implicitement exigé que le requérant ait connaissance non seulement des dispositions du statut concernant son traitement, mais aussi de toute la jurisprudence interprétant ces dispositions. Par ailleurs, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir considéré, à tort, au vu de sa jurisprudence, qu’un fonctionnaire normalement diligent de l’expérience et du grade du requérant, n’ayant aucune expérience en droit de la fonction publique, ne pouvait ignorer l’irrégularité des versements litigieux.

21      En outre, le requérant conteste le point 38 de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal de la fonction publique y aurait introduit, à la charge des fonctionnaires, une obligation d’accomplir des actes juridiques formels, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à vérifier l’exactitude des assurances verbales reçues, ce qui aurait, du reste, été impossible pour le requérant, compte tenu des circonstances temporelles très particulières dans lesquelles il aurait été informé de son détachement.

22      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

23      Il y a lieu de rappeler que l’article 85, premier alinéa, du statut prévoit que toute somme indûment perçue donne lieu à répétition dans deux cas de figure, à savoir lorsque le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou lorsque cette irrégularité était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance. Pour justifier la répétition de l’indu, il suffit donc que l’une des deux conditions exigées par l’article 85, premier alinéa, du statut soit remplie (arrêt du 24 février 1994, Stahlschmidt/Parlement, T‑38/93, RecFP, EU:T:1994:23, point 17).

24      En l’occurrence, la seconde condition posée pour la répétition de l’indu au sens de l’article 85, premier alinéa, du statut étant la seule pertinente en l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a, à juste titre, examiné, aux points 34 et suivants de l’arrêt attaqué, si l’irrégularité du versement en cause était si évidente que le requérant ne pouvait manquer d’en avoir eu connaissance.

25      En substance, deux éléments sont à prendre en considération lors de l’examen de la question de savoir si l’erreur était si évidente que le fonctionnaire ne pouvait manquer d’en avoir connaissance, à savoir la clarté des dispositions applicables, d’une part, et le grade et l’expérience du fonctionnaire, d’autre part.

26      Plus particulièrement, il ressort d’une jurisprudence constante que l’expression « si évidente », qui caractérise l’irrégularité du versement au sens de l’article 85, premier alinéa, du statut, signifie non pas que le bénéficiaire de paiements indus est dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, mais que cette restitution est due dès qu’il s’agit d’une erreur qui n’échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent qui est censé connaître les règles régissant son traitement (voir arrêt du 29 septembre 2005, Thommes/Commission, T‑195/03, RecFP, EU:T:2005:344, point 123 et jurisprudence citée).

27      Les éléments pris en considération par le juge de l’Union afin d’apprécier la capacité du fonctionnaire concerné à procéder aux vérifications nécessaires concernent son niveau de responsabilité, son grade et son ancienneté, le degré de clarté des dispositions statutaires définissant les conditions d’octroi de la prestation en cause, ainsi que l’importance des modifications intervenues dans sa situation personnelle ou familiale, lorsque le versement de la somme litigieuse est lié à l’appréciation par l’administration d’une telle situation (voir arrêt du 16 mai 2007, F/Commission, T‑324/04, RecFP, EU:T:2007:140, point 145 et jurisprudence citée).

28      Par ailleurs, ainsi qu’il a été également précisé par une jurisprudence bien établie, il n’est pas nécessaire que le fonctionnaire concerné, dans l’exercice du devoir de diligence qui lui incombe, puisse déterminer avec précision l’étendue de l’erreur commise par l’administration. Il suffit, à cet égard, qu’il éprouve des doutes sur le bien-fondé des versements en question pour qu’il soit obligé de se manifester auprès de l’administration, afin que celle-ci effectue les vérifications nécessaires (voir arrêt Thommes/Commission, point 26 supra, EU:T:2005:344, point 124 et jurisprudence citée).

29      Or, premièrement, il convient de relever que l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut, énonçant que l’indemnité de dépaysement est accordée au fonctionnaire « qui, ayant ou ayant eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, a, de façon habituelle, pendant la période de dix années expirant lors de son entrée en service, habité hors du territoire européen dudit État pour une raison autre que l’exercice de fonctions dans un service d’un État ou dans une organisation internationale », est dénué de toute ambiguïté. En effet, il en résulte de façon suffisamment claire que l’indemnité en cause ne bénéficie pas à un fonctionnaire possédant la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, à moins qu’il n’ait, de façon habituelle, pendant la « période de dix années expirant lors de son entrée en service », habité hors du territoire européen dudit État. À cet égard, c’est d’ailleurs à juste titre que le Tribunal de la fonction publique a notamment relevé, au point 17 de l’arrêt attaqué, que ladite période expirait à la date d’entrée en service initiale, sans que cela ait été remis en cause par le requérant dans le cadre du présent pourvoi.

30      Le libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut permet donc à un fonctionnaire normalement diligent d’en comprendre la portée et de conclure que la période décennale visée par cette disposition s’achève avant l’entrée en service auprès de l’institution employeur, d’autant plus que, contrairement à ce que prétend le requérant, cette disposition a fait l’objet, depuis longtemps, d’une interprétation cohérente et uniforme par le juge de l’Union (ordonnance du 14 juillet 2005, Gouvras/Commission, C‑420/04 P, Rec, EU:C:2005:482, points 57 et 60, et arrêt du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, T‑90/92, Rec, EU:T:1993:78, point 32).

31      Le fait que, au point 66 de l’arrêt Cavallaro/Commission, point 8 supra (EU:F:2007:164), le Tribunal de la fonction publique se soit livré, de manière incidente, à une considération allant dans le sens de la thèse soutenue par la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt ‒ à savoir que la date d’expiration de la période décennale de référence aurait dû être celle de sa réaffectation ‒, en la qualifiant de, « de prime abord, plus logique », ne saurait être considéré comme un indice de l’existence d’une ambiguïté d’interprétation de ladite disposition, si bien que l’irrégularité en cause n’aurait pas été « si évidente », au sens de l’article 85, premier alinéa, du statut.

32      En effet, poursuivant son raisonnement au sein du même point 66 de l’arrêt Cavallaro/Commission, point 8 supra (EU:F:2007:164), le Tribunal de la fonction publique est parvenu à la conclusion, fondée sur une jurisprudence bien établie, selon laquelle, même en cas de réaffectation, la période de référence visée par l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut expirait toujours à la date de l’entrée en service initiale, ce qui a été relevé, à juste titre, au point 36 de l’arrêt attaqué. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend le requérant, il ne saurait être déduit du constat effectué par le Tribunal de la fonction publique, dans ce point de l’arrêt attaqué, qu’un fonctionnaire diligent serait censé avoir connaissance non seulement des dispositions du statut, mais également de toute la jurisprudence du juge de l’Union les interprétant. Au contraire, il ressort du point 36 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a tout simplement répondu à un argument spécifique du requérant, tiré de l’arrêt Cavallaro/Commission, point 8 supra (EU:F:2007:164), pour lui préciser que cet arrêt ne contenait pas d’ambiguïté s’agissant de l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut. En tout état de cause, ce point de l’arrêt attaqué est parfaitement conforme à la jurisprudence constante, mentionnée au point 26 ci‑dessus, selon laquelle un fonctionnaire normalement diligent est censé connaître les règles régissant son traitement, dès lors qu’une telle connaissance inclut nécessairement l’application et l’interprétation par le juge de l’Union de ces règles, pourvu qu’il ne s’agisse pas d’une jurisprudence qui prête à confusion, ce qui n’a certainement pas été le cas en l’espèce.

33      À cet égard, s’agissant de l’argument du requérant tiré de l’arrêt Tsirimiagos/Comité des régions, point 20 supra (EU:F:2009:21), force est de constater, à l’instar de la Commission, que la référence à cet arrêt est dénuée de pertinence dès lors qu’il porte sur une autre disposition du statut, laquelle, contrairement à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut, a de fait été jugée peu claire sous certains aspects.

34      Deuxièmement, il convient d’observer que, contrairement aux allégations du requérant, le Tribunal de la fonction publique n’a pas commis d’erreur en concluant, au point 37 de l’arrêt attaqué, qu’un fonctionnaire normalement diligent, de l’expérience et du grade du requérant, ne pouvait ignorer que le versement de l’indemnité de dépaysement, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut, était lié à l’existence d’un dépaysement, qui faisait défaut dans son cas durant la période pendant laquelle il avait été détaché en Allemagne, pays dont il possédait la nationalité.

35      Tout d’abord, il convient d’observer que la référence que le Tribunal de la fonction publique a faite, au point 37 de l’arrêt attaqué, à l’ordonnance Gouvras/Commission, point 30 supra (EU:C:2005:482), est, contrairement à ce que soutient le requérant, tout à fait pertinente. En effet, l’affaire ayant donné lieu à cette ordonnance présente des similitudes significatives avec la présente affaire, dès lors que l’une des questions débattues dans cette affaire avait précisément trait au caractère irrégulier des versements de l’indemnité de dépaysement pendant la période de détachement du fonctionnaire en cause dans le pays dont il avait la nationalité.

36      Ensuite, le fait que le Tribunal de la fonction publique se soit limité à relever, au point 37 de l’arrêt attaqué, que le dépaysement « fai[sait] défaut dans le cas d’un fonctionnaire détaché pour exercer des fonctions dans le pays dont il a[vait] la nationalité », sans se rapporter à la période décennale de référence susmentionnée, ne saurait entacher d’erreur le raisonnement du Tribunal de la fonction publique, dès lors qu’il s’inscrit dans la logique et dans le contexte de l’article 4 de l’annexe VII du statut, auquel se réfère expressément le point en question de l’arrêt attaqué.

37      Le Tribunal de la fonction publique n’a, dès lors, pas commis d’erreur en considérant que le requérant ne pouvait ignorer que le versement de l’indemnité de dépaysement était irrégulier pendant la période de son détachement en Allemagne.

38      Enfin, c’est également sans commettre d’erreur que, en réponse à un argument du requérant, le Tribunal de la fonction publique a relevé, au point 38 de l’arrêt attaqué, d’une part, que le requérant avait des doutes « quant au maintien de son indemnité de dépaysement pendant la durée de son détachement » et, d’autre part, que, confronté au refus des services de la Commission de lui confirmer par écrit les assurances qu’il prétendait avoir reçues verbalement par ces mêmes services, un fonctionnaire diligent, expérimenté et de grade élevé aurait dû vérifier l’exactitude desdites assurances verbales, en adressant, par exemple, une demande écrite à l’administration en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut.

39      À cet égard, d’une part, il doit être constaté que l’appréciation du Tribunal de la fonction publique est conforme aux exigences requises par la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, selon laquelle le fonctionnaire qui éprouve des doutes sur le bien-fondé des versements en question est obligé de se manifester auprès de l’administration, afin que celle-ci effectue les vérifications nécessaires.

40      D’autre part, il convient d’observer que, loin de vouloir imposer « une obligation entièrement nouvelle à la charge des fonctionnaires », le Tribunal de la fonction publique s’est limité à relever, à titre d’exemple, ce que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 28 ci-dessus, un fonctionnaire diligent, dans la situation du requérant, aurait été tenu de faire afin de vérifier de simples assurances verbales non étayées par un quelconque élément factuel, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’avait d’ailleurs indiqué au point 20 de l’arrêt attaqué.

41      En effet, l’article 90, paragraphe 1, du statut dispose sans restriction que toute personne visée au statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision. Contrairement à ce que prétend le requérant, l’exercice de ce droit n’est ni soumis à la condition de l’existence d’une base légale permettant à l’administration d’adopter la décision sollicitée, ni entravé par la circonstance que l’administration ne dispose d’aucune marge d’appréciation pour l’adopter (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, Rec, EU:C:1980:238, points 2 à 4).

42      Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

43      Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, le requérant avance, en substance, que le Tribunal de la fonction publique a violé le principe de sécurité juridique, dans la mesure où il n’aurait pas tenu compte du fait que l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut ne respectait pas ce principe, dès lors qu’il ne fixait pas explicitement la période de référence décennale en cas de détachement du fonctionnaire.

44      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

45      Ainsi que le rappelle le requérant, le principe de sécurité juridique constitue, selon la jurisprudence, un principe fondamental du droit de l’Union qui exige notamment qu’une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, Rec, EU:C:2005:223, point 30 et jurisprudence citée).

46      Or, force est de constater que cette branche du premier moyen n’est pas claire.

47      En tout état de cause, pour autant que cette branche puisse être comprise comme visant à critiquer l’appréciation du Tribunal de la fonction publique, en ce que celui-ci n’aurait pas relevé que l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut était contraire au principe de sécurité juridique dans la mesure où il ne fixait pas la période de référence en cas de détachement d’un fonctionnaire dans le pays dont il a la nationalité, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été précisé aux points 29 et 30 ci‑dessus, cette disposition est à la fois claire et précise et permet de comprendre aisément que la période de référence décennale en question ne vise qu’à déterminer dans quelles conditions, au moment de l’entrée en service du fonctionnaire ayant la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu d’affectation, l’indemnité de dépaysement peut lui être accordée.

48      Au demeurant et pour autant que cette branche puisse être comprise comme mettant en cause la légalité de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut, en ce qu’il ne fixerait pas ladite période de référence en cas de détachement, il convient de la rejeter. En effet, le fait que l’article 4 de l’annexe VII du statut ne réglemente pas une situation spécifique, telle celle du droit à l’indemnité de dépaysement d’un fonctionnaire en cas de détachement dans le pays dont il a la nationalité, ne saurait être considéré comme portant atteinte au principe de sécurité juridique, dès lors que cette disposition fixe de manière générale et abstraite les critères sur la base desquels cette indemnité peut être accordée dans chaque situation particulière.

49      Le Tribunal de la fonction publique n’a, dès lors, pas commis d’erreur de droit en considérant, aux points 17 et 36 de l’arrêt attaqué, que l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut était, au sens de l’article 85, premier alinéa, du statut, dépourvu de toute ambiguïté quant à l’établissement de la date d’expiration de la période décennale qu’il visait.

50      Par conséquent, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen et le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe de non-discrimination et de l’obligation du juge de l’Union d’assurer le respect du droit

51      Par ce moyen, invoqué à titre subsidiaire, le requérant critique le point 39 de l’arrêt attaqué. En substance, il reproche au Tribunal de la fonction publique de lui avoir fait subir une discrimination et d’avoir méconnu l’obligation d’assurer le respect du droit « dans l’interprétation et l’application des traités ». Plus particulièrement, le requérant aurait versé à son ex-épouse, durant la période de son détachement, une pension alimentaire calculée sur une base salariale comprenant l’indemnité de dépaysement à laquelle il pensait avoir droit. Or, en cas de répétition de l’indu par la Commission, étant donné qu’il lui serait impossible, en vertu du droit allemand applicable aux pensions alimentaires, de recouvrer auprès de son ex-épouse les sommes versées en excédent, l’article 85 du statut devrait être interprété en ce sens qu’il devrait pouvoir opposer cette circonstance à la Commission, ce qui empêcherait le recouvrement par celle-ci à son égard des sommes irrégulièrement perçues par son ex-épouse.

52      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

53      En premier lieu, il convient de rappeler, ainsi que le souligne la Commission, que, lorsque, comme en l’espèce, les conditions de la répétition de l’indu prévues à l’article 85, premier alinéa, du statut sont réunies (voir point 23 ci-dessus), l’institution employeur se trouve dans l’obligation de procéder à la répétition des sommes indument perçues de l’Union, ladite disposition ne prévoyant pas d’exception à cet égard.

54      En second lieu, il convient de relever, à l’instar de la Commission, qu’il ressort clairement du libellé de l’article 85 du statut que celui-ci vise uniquement la relation financière entre le fonctionnaire ayant bénéficié des versements irréguliers et l’institution employeur. D’ailleurs, cette disposition ne prend pas en compte les éventuelles conséquences de la répétition pour le fonctionnaire à l’égard d’autres personnes qui auraient pu bénéficier directement ou indirectement des versements irréguliers faisant l’objet de la récupération par l’institution employeur, ces questions relevant du droit privé.

55      Ainsi qu’il a été précisé par la jurisprudence, le versement d’une pension alimentaire est issu de relations juridiques privées entre les anciens conjoints. Pour ce type de relations, notamment pour ce qui est du respect de leurs obligations privées, conformément à l’article 23, premier alinéa, du statut, les fonctionnaires de l’Union sont entièrement soumis, comme n’importe quel autre particulier, au droit national applicable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 mai 2006, Kallianos/Commission, T‑93/04, RecFP, EU:T:2006:130, point 49).

56      Le versement de la pension alimentaire relevant d’une situation juridique de droit privé entre le requérant et son ex-épouse, le requérant ne saurait faire grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir écarté comme inopérant l’argument tiré de ce que la Commission aurait dû tenir compte de son impossibilité de recouvrer auprès de son ex-épouse la partie de la pension alimentaire calculée en partant du principe qu’il continuerait à percevoir l’indemnité de dépaysement pendant la période de son détachement dans le pays dont il avait la nationalité.

57      À cet égard, il convient de rejeter l’argument tiré de la prétendue méconnaissance du principe d’égalité de traitement par le Tribunal de la fonction publique, en ce que l’ex-épouse du requérant serait à même d’invoquer à l’égard de la répétition du trop versé le fait que, en vertu du droit national, il n’y a pas eu enrichissement sans cause, alors que le requérant lui-même ne pourrait se prévaloir de la même circonstance à l’égard de la Commission.

58      En effet, contrairement à ce que prétend le requérant, les deux situations ne sont pas comparables, dès lors que la répétition des sommes indûment perçues de l’Union était régie par les dispositions de l’article 85 du statut, qui vise à protéger les intérêts financiers de l’Union dans le contexte spécifique des relations entre les institutions de l’Union et leurs agents, alors que la répétition du trop versé par le requérant à son ex-épouse pendant la période de son détachement en Allemagne était régie par les accords intervenus entre ceux‑ci et par le droit national applicable. Au demeurant, le fait que l’ex-épouse du requérant puisse refuser de rembourser une partie des sommes versées par celui-ci, au titre de la pension alimentaire, pendant son détachement en Allemagne, en se prévalant de l’absence d’enrichissement sans cause aux termes du droit national, ne saurait conduire l’administration, ainsi que le prétend le requérant, à lui octroyer des avantages et des indemnités auxquels il n’a pas droit.

59      En conséquence, il convient de rejeter le second moyen.

 Sur la demande de réparation des dommages

60      Le requérant fait valoir que, indépendamment de l’annulation de l’arrêt attaqué, le comportement de la Commission est de nature à engager la responsabilité de l’Union en réparation, dans la mesure où les trois conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union seraient remplies en l’espèce.

61      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

62      Indépendamment de la question de savoir comment doit être qualifiée cette demande, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour et de l’article 138, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991 qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir ordonnance du 15 novembre 2012, Marcuccio/Commission, T‑286/11 P, RecFP, EU:T:2012:602, point 56 et jurisprudence citée).

63      En l’espèce, le requérant se borne à relever que le comportement de la Commission serait de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union dont les conditions seraient remplies en l’espèce, sans indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué, ni développer une argumentation juridique visant à démontrer en quoi le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit s’agissant de la prétendue responsabilité de l’Union.

64      Par conséquent, cette demande doit être rejetée comme irrecevable.

65      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le pourvoi dans son intégralité comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur les dépens

66      Conformément à l’article 211, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

67      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

68      Le requérant ayant succombé en ses conclusions dans le cadre du pourvoi et la Commission ayant conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens, ce dernier supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. DF supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

Jaeger

Prek

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 janvier 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.