Language of document : ECLI:EU:T:2017:88

Édition provisoire

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

16 février 2017 (*)

« Dumping – Subventions – Importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de Chine – Approbation d’une diminution du prix minimal à l’importation au titre d’un engagement accepté dans le cadre de procédures antidumping et antisubventions – Industrie de l’Union – Article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1225/2009 »

Dans l’affaire T‑783/14,

SolarWorld AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Me L. Ruessmann, avocat, et M. J. Beck, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Maxian Rusche et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission, contenue dans une lettre du 15 septembre 2014 adressée à la chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques, portant la référence Trade/H4 (2014) 3328168, d’ajuster à la baisse le prix minimal à l’importation pour les importations de modules et cellules photovoltaïques fabriqués par des producteurs-exportateurs chinois, soumis à un engagement de prix avec effet au 1er octobre 2014 pour le dernier trimestre de 2014,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 novembre 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, SolarWorld AG, établie à Bonn (Allemagne), est un producteur européen de modules photovoltaïques en silicium cristallin et de leurs composants essentiels qui soutient EU ProSun, une association de producteurs européens des produits concernés.

2        Respectivement le 25 juillet et le 25 septembre 2012, EU ProSun a introduit au nom de producteurs représentant plus de 25 % de la production totale de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels réalisée dans l’Union européenne, dont la requérante, une plainte antidumping et une plainte antisubventions auprès de la Commission européenne, dirigée contre les importations de ces produits en provenance de la République populaire de Chine.

3        Le 6 septembre 2012, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires de Chine (JO 2012, C 269, p. 5).

4        En parallèle, le 8 novembre 2012, la Commission a publié au Journal officiel un avis d’ouverture d’une procédure antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires de Chine (JO 2012, C 340, p. 13).

5        La requérante a coopéré dans le cadre de ces deux procédures.

6        Le 4 juin 2013, la Commission a adopté le règlement (UE) n° 513/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine et modifiant le règlement (UE) n° 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 152, p. 5).

7        Le 2 août 2013, la Commission a adopté la décision 2013/423/UE, portant acceptation d’un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 209, p. 26), par un groupe de producteurs-exportateurs chinois ayant coopéré, et qui sont énumérés en annexe à cette décision, en concertation avec la chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques (ci-après la « CCCME »).

8        Selon le considérant 4 de cette décision :

« Les évolutions des niveaux de prix peuvent parfois être déterminées, dans le contexte d’un engagement, par une méthode d’indexation établissant un lien entre les prix minimaux à l’importation et les prix des matières premières publiés dans des sources reconnues et accessibles au public. Toutefois, aucune corrélation entre les prix des matières premières et des produits finaux qui aurait permis une méthode d’indexation fiable n’a pu être établie dans le cas présent. Afin de prendre en compte l’évolution des niveaux de prix qui a été constatée, il a été nécessaire de recourir à une autre méthode et des rapports sur les prix provenant de bases de données représentatives, accessibles au public et spécialisées dans le domaine concerné [Bloomberg et pvXchange] ont été utilisés comme référence. »

9        La clause 3.5 de l’engagement prévoit la méthodologie suivante d’ajustement du prix minimal à l’importation (ci-après le « PMI ») :

« À la demande de la CCCME ou de sa propre initiative, la [Commission] adapte les PMI si, au cours de la période d’un trimestre précédant le trimestre en cause, le prix moyen pour ce trimestre diffère de [information confidentielle] par rapport à la moyenne des prix au comptant internationaux tels qu’indiqués par la base de données Bloomberg au cours des trois derniers mois civils précédant le mois de l’entrée en vigueur du présent engagement. Dans ce cas, le PMI pour le trimestre suivant est adapté au quinzième jour du dernier mois du trimestre précédent en fonction des données du trimestre précédent fournies en temps utile par la CCCME ou recueillies par la [Commission] de sa propre initiative. Les prix utilisés comme référence pour l’adaptation conformément à la présente clause sont les prix au comptant internationaux tels qu’indiqués par la base de données Bloomberg. Les prix au comptant excluant les prix chinois peuvent être utilisés comme référence s’ils sont mis à disposition par la base de données Bloomberg. »

10      Le 2 août 2013, la Commission a adopté le règlement (UE) n° 748/2013, portant modification du règlement n° 513/2013 (JO 2013, L 209, p. 1), pour tenir compte de la décision 2013/423. En substance, pour autant que certaines conditions soient remplies, l’article 6 de ce dernier règlement, tel que modifié, prévoit notamment que les importations de produits relevant actuellement du code NC ex 3818 00 10 (codes TARIC 3818 00 10 11 et 3818 00 10 19) et du code NC ex 8541 40 90 (codes TARIC 8541 40 90 21, 8541 40 90 29, 8541 40 90 31 et 8541 40 90 39), déclarées pour la mise en libre pratique et facturées par des sociétés dont les engagements ont été acceptés par la Commission et qui sont énumérées à l’annexe de la décision 2013/423, sont exonérées du droit antidumping provisoire institué par l’article 1er du même règlement.

11      Il découle du considérant 4 de la décision d’exécution 2013/707/UE de la Commission, du 4 décembre 2013, confirmant l’acceptation d’un engagement offert dans le cadre des procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine pour la période d’application des mesures définitives (JO 2013, L 325, p. 214), que, à la suite de l’adoption des mesures antidumping provisoires, la Commission a poursuivi l’enquête sur le dumping, le préjudice et l’intérêt de l’Union, ainsi que la procédure antisubventions menée parallèlement. Les wafers ont été exclus du champ des deux enquêtes et, par conséquent, du champ d’application des mesures définitives.

12      Il ressort des considérants 7 à 10 et de l’article 1er de la décision 2013/707 que, à la suite de la notification des conclusions finales des procédures antidumping et antisubventions, les producteurs-exportateurs, en concertation avec la CCCME, ont présenté une notification en vue de modifier leur offre d’engagement initiale. La Commission a accepté les termes de l’engagement en vue d’éliminer également les effets préjudiciables des importations faisant l’objet de subventions. En outre, un certain nombre de producteurs-exportateurs additionnel a demandé à participer à cet engagement. La CCCME et les producteurs-exportateurs ont demandé par ailleurs une révision de l’engagement de façon à tenir compte de l’exclusion des wafers du champ de l’enquête.

13      La clause 3.5 de l’engagement n’a pas subi de modification par rapport à sa version acceptée par la décision 2013/423.

14      Selon le considérant 5 de la décision 2013/707, l’enquête antidumping a confirmé les conclusions provisoires concernant l’existence d’un dumping préjudiciable.

15      Les conclusions définitives de l’enquête antidumping sont exposées dans le règlement d’exécution (UE) n° 1238/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 325, p. 1, ci-après le « règlement définitif antidumping »).

16      Son article 1er institue un droit antidumping s’appliquant aux producteurs-exportateurs allant de 27,3 à 64,9 %.

17      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement définitif antidumping :

« Les montants déposés au titre du droit antidumping provisoire institué par le règlement […] n° 513/2013 sur les importations de wafers (les wafers ont une épaisseur n’excédant pas 400 micromètres) et de modules ou panneaux dont la tension de sortie ne dépasse pas 50 V en courant continu et dont la puissance ne dépasse pas 50 W uniquement pour usage direct en tant que chargeurs de batterie dans des systèmes présentant les mêmes caractéristiques de tension et de puissance, originaires ou en provenance de [Chine] sont libérés. »

18      En vertu du paragraphe 2 de ce même article :

« Les montants déposés au titre du droit antidumping provisoire institué par le règlement […] n° 513/2013 sur les importations de modules ou panneaux photovoltaïques en silicium cristallin et de cellules du type utilisé dans les modules ou panneaux photovoltaïques en silicium cristallin (les cellules ont une épaisseur n’excédant pas 400 micromètres), relevant actuellement des codes NC ex 8501 31 00, ex 8501 32 00, ex 8501 33 00, ex 8501 34 00, ex 8501 61 20, ex 8501 61 80, ex 8501 62 00, ex 8501 63 00, ex 8501 64 00 et ex 8541 40 90 (codes TARIC 8501 31 00 81, 8501 31 00 89, 8501 32 00 41, 8501 32 00 49, 8501 33 00 61, 8501 33 00 69, 8501 34 00 41, 8501 34 00 49, 8501 61 20 41, 8501 61 20 49, 8501 61 80 41, 8501 61 80 49, 8501 62 00 61, 8501 62 00 69, 8501 63 00 41, 8501 63 00 49, 8501 64 00 41, 8501 64 00 49, 8541 40 90 21, 8541 40 90 29, 8541 40 90 31 et 8541 40 90 39) et originaires ou en provenance de la République populaire de Chine, sauf si ces produits sont en transit au sens de l’article V du GATT, sont définitivement perçus. Les montants déposés au-delà du taux de droit antidumping définitif sont libérés. »

19      Pour autant que certaines conditions soient remplies, l’article 3 de ce règlement prévoit, en substance, que les importations, déclarées pour la mise en libre pratique, de produits relevant actuellement du code NC ex 8541 40 90 (codes TARIC 8541 40 90 21, 8541 40 90 29, 8541 40 90 31 et 8541 40 90 39), facturés par des sociétés dont les engagements ont été acceptés par la Commission et qui sont énumérées à l’annexe de la décision 2013/707, sont exonérées du droit antidumping institué par l’article 1er du même règlement.

20      Les conclusions définitives de l’enquête antisubventions sont exposées dans le règlement d’exécution (UE) n° 1239/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, qui institue un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 325, p. 66).

21      Son article 1er institue un droit compensateur s’appliquant aux producteurs-exportateurs allant de 0 à 11,5 %.

22      Pour autant que certaines conditions soient remplies, l’article 2 de ce règlement prévoit, en substance, que les importations de produits relevant actuellement du code NC ex 8541 40 90 (codes TARIC 8541 40 90 21, 8541 40 90 29, 8541 40 90 31 et 8541 40 90 39), déclarées pour la mise en libre pratique et facturées par des sociétés dont les engagements ont été acceptés par la Commission et qui sont énumérées à l’annexe de la décision 2013/707, sont exonérées du droit compensateur institué par l’article 1er du même règlement.

23      Par courriel du 10 mars 2014, la CCCME a demandé à la Commission, un ajustement du PMI avec effet au 1er avril 2014. Par lettre du 15 mars 2014, adressée à la CCCME, la Commission a approuvé, en se référant à la clause 3.5 de l’engagement, l’ajustement à la baisse du PMI.

24      Par la suite, EU ProSun a formulé plusieurs observations écrites et participé à des auditions avec la Commission en émettant des objections à l’encontre, d’une part, de l’abaissement du PMI et, d’autre part, de l’interprétation par la Commission et la CCCME de la clause 3.5 de l’engagement. EU ProSun a notamment itérativement allégué que l’interprétation que donnait à ladite clause la Commission était contraire tant à l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base antidumping ») qu’à l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 597/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 188, p. 93, ci-après le « règlement de base antisubventions »), en ce que l’ajustement du PMI conformément à l’engagement serait automatique et pourrait avoir lieu sans qu’il soit vérifié que le PMI ajusté soit fixé à un niveau qui élimine les effets préjudiciables du dumping et des subventions.

25      En réponse à ces objections, la Commission a engagé des consultations avec la CCCME concernant l’interprétation de la clause 3.5 de l’engagement. Le résultat des consultations a été publié dans la décision d’exécution 2014/657/UE de la Commission, du 10 septembre 2014, acceptant une proposition soumise par un groupe de producteurs-exportateurs en concertation avec la [CCCME] en vue de l’apport d’éclaircissements concernant la mise en œuvre de l’engagement visé dans la décision d’exécution 2013/707 (JO 2014, L 270, p. 6).

26      Selon le considérant 11 de cette décision, celle-ci a pour but d’apporter des éclaircissements techniques et non de réexaminer les mesures mises en place.

27      En ce qui concerne la critique rapportée au point 24 ci-dessus, le considérant 16 de la décision 2014/657 énonce ce qui suit:

« Quatrièmement, EU ProSun soutient que le PMI ajusté n’élimine pas le préjudice causé à l’industrie de l’Union. La Commission fait remarquer que l’engagement incluait dès le départ le PMI initial et un ajustement des prix. L’évaluation contenue dans la décision d’exécution [2013/707] concernant le respect des exigences relatives à l’acceptation d’engagements visées dans les règlements antidumping et antisubventions de base couvre dès lors l’ajustement des prix. Cet ajustement se fait automatiquement. Le PMI et le mécanisme d’ajustement des prix s’appliquent conformément aux exigences visées à l’article 8 du [règlement de base antidumping] et à l’article 13 du [règlement de base antisubventions]. »

28      Par lettre du 12 septembre 2014, adressée à la Commission, la CCCME a demandé un autre ajustement du PMI avec effet au 1er octobre 2014. Par lettre du 15 septembre 2014 adressée à la CCCME, la Commission a, en se référant à la clause 3.5 de l’engagement, approuvé l’ajustement et procédé à l’adaptation à la baisse du PMI (ci-après la « décision attaquée »).

29      Par lettre du 2 octobre 2014, EU ProSun a demandé à la Commission si l’ajustement du PMI avait été publié dans une décision formelle et si la Commission avait procédé au préalable à une évaluation de la question de savoir si le PMI ajusté éliminerait les effets préjudiciables du dumping et des subventions. Dans sa lettre du 7 octobre 2014, la Commission a répondu aux deux questions par la négative.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2014, la requérante a introduit le présent recours.

31      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 novembre 2016.

32      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

34      En se référant notamment aux arrêts du 27 mars 1980, Sucrimex et Westzucker/Commission (133/79, EU:C:1980:104, points 12 à 19), du 4 octobre 1983, Fediol/Commission (191/82, EU:C:1983:259, point 31), du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission (264/82, EU:C:1985:119, point 16), du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission (C‑386/96 P, EU:C:1998:193, point 43), du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission (C‑521/06 P, EU:C:2008:422, points 44 et 45), et du 20 juin 2001, Euroalliages/Commission (T‑188/99, EU:T:2001:166, point 29), la requérante fait, en substance, valoir que la décision attaquée est juridiquement contraignante et qu’elle l’affecte de manière directe et individuelle au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

35      Elle estime également avoir intérêt à agir dans la présente affaire, dans la mesure où, d’une part, l’annulation de la décision attaquée serait susceptible de servir de fondement à un éventuel recours en responsabilité extracontractuelle de l’Union. D’autre part, la requérante aurait un intérêt légitime à ce que l’illégalité dont est prétendument entachée la décision attaquée ne se reproduise pas à l’avenir.

36      Quant au fond, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base antidumping et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base antisubventions.

37      Elle estime, en substance, qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base antidumping et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base antisubventions que tant le PMI initial que les PMI ajustés doivent être d’un niveau tel que les effets préjudiciables du dumping et des subventions seraient éliminés. Or, il découlerait de la lettre de la Commission, du 7 octobre 2014, qu’aucun examen à ce sujet n’a été conduit par cette dernière préalablement à l’ajustement litigieux. Il s’ensuivrait que la décision attaquée serait contraire aux dispositions précitées.

38      Cette constatation serait confirmée par les spécificités de l’engagement, selon l’article 8 du règlement de base antidumping et l’article 13 du règlement de base antisubventions, en tant que mesure alternative aux droits antidumping et antisubventions, puisqu’il serait soumis à un contrôle continu de son respect, et ce indépendamment de la procédure de réexamen, régie par l’article 11 du règlement de base antidumping et par l’article 19 du règlement de base antisubventions.

39      Quant à la manière de procéder à ce contrôle de l’élimination des effets préjudiciables du dumping et des subventions, l’article 8 du règlement de base antidumping et l’article 13 du règlement de base antisubventions laisseraient à la Commission un large pouvoir d’appréciation quant à la manière de procéder à cet effet et n’exigeraient nullement, contrairement à ce qui ressortirait des écritures de la Commission, qu’elle effectue chaque trimestre un réexamen total au titre de l’article 11 du règlement de base antidumping et de l’article 19 du règlement de base antisubventions. Ainsi, il n’appartiendrait pas à la requérante d’indiquer à la Commission comment effectuer son contrôle.

40      Par ailleurs, étant donné que la Commission doit déjà contrôler l’observation de l’engagement de la part de plus de 100 producteurs-exportateurs chinois, il ne serait pas, contrairement à ce qu’elle affirme, exagérément contraignant pour cette dernière de procéder à un contrôle supplémentaire de l’élimination des effets préjudiciables du dumping et des subventions par les PMI ajustés. La requérante estime en fait que la position de la Commission découle de la circonstance qu’elle n’a entrepris aucun effort pour contrôler et évaluer le moindre élément de la situation de préjudice des producteurs de l’Union avant de décider de procéder à l’ajustement à la baisse du PMI.

41      La Commission conteste tant la recevabilité que le bien-fondé du recours.

42      À titre liminaire, il convient de rappeler que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et du 25 avril 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, T‑526/10, EU:T:2013:215, point 20).

43      Dans les circonstances du cas d’espèce et dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée les conclusions en annulation de la requérante, sans statuer préalablement sur la recevabilité du recours, ce dernier étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de tout fondement en droit.

44      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever qu’il ressort des considérants 414 et 415 du règlement définitif antidumping et du considérant 842 du règlement n° 1239/2013 que, eu égard aux conclusions tirées au sujet du dumping, de l’existence d’une subvention, du préjudice, du lien de causalité et de l’intérêt de l’Union et conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base antidumping, il a été estimé que des mesures antidumping définitives devraient être appliquées aux importations de modules ou panneaux photovoltaïques en silicium cristallin et de cellules du type utilisé dans les modules ou panneaux photovoltaïques en silicium cristallin, originaires ou en provenance de Chine, au niveau des marges les plus faibles de dumping et de préjudice constatées, conformément à la règle du droit moindre. En l’espèce, le taux de droit antidumping a donc dû être fixé au niveau des marges de préjudice constatées. En ce qui concerne les droits compensatoires, eu égard à l’application de la règle du droit moindre et au fait que les marges de subvention définitives sont inférieures au niveau d’élimination du préjudice, il a été jugé opportun de les imposer, conformément à l’article 15 du règlement de base antisubventions, au niveau des marges de subvention définitives déterminées et d’instaurer alors un droit antidumping définitif pouvant atteindre le niveau d’élimination du préjudice concerné.

45      Dans la mesure où seuls les droits antidumping sont établis au niveau de l’élimination du préjudice, et où les droits compensateurs sont établis sur la base de l’élimination de la marge de la subvention, l’argumentation de la requérante, selon laquelle la décision attaquée viole l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base antisubventions, car elle a été adoptée sans que la Commission se soit assurée que le PMI ajusté éliminait les effets préjudiciables du dumping et des subventions, n’est pas de nature à démontrer une violation de cette dernière disposition. Ainsi, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant le règlement de base antisubventions.

46      En deuxième lieu, en ce qui concerne la prétendue violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base antidumping, la requérante a expressément confirmé lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, qu’elle ne soulevait pas d’exception d’illégalité, au titre de l’article 277 TFUE, de la clause 3.5 de l’engagement, voire de la décision acceptant ce dernier ou du règlement définitif antidumping, pour violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base antidumping.

47      Ainsi, force est de constater que, en substance, la requérante se borne à alléguer que, en l’absence d’une vérification de l’élimination des effets préjudiciables du dumping qui soit préalable à l’ajustement du PMI, cette clause a été interprétée et appliquée d’une manière qui ne respectait pas l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base antidumping. Partant, elle soutient que la clause aurait dû être interprétée et appliquée à la lumière de cette dernière disposition, ce que relève également la Commission.

48      Contrairement aux allégations de la requérante, il résulte clairement du libellé de la clause 3.5 de l’engagement que l’adaptation du PMI à la demande de la CCCME ou de la propre initiative de la Commission est automatique en cas de réunion de certaines conditions économiques. En effet, dans la première et la deuxième phrase de ladite clause, le verbe « adapter » est employé au présent de l’indicatif, ce qui exprime bien l’obligation de modifier le PMI. Il n’y a d’ailleurs aucun élément dans le texte en question qui serait de nature à mettre en doute le caractère automatique de cette modification. Le libellé de cette clause ne laisse donc pas place à une vérification de l’élimination des effets préjudiciables du dumping systématique et préalable à l’adaptation du PMI. Cette interprétation est d’ailleurs corroborée par la décision 2014/657, dont le considérant 16 indique sans ambiguïté que l’ajustement se fait automatiquement.

49      Partant, l’interprétation de cette clause avancée par la requérante est contraire à son contenu, de sorte qu’elle ne peut pas être retenue.

50      En troisième lieu, et en tout état de cause, l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base antidumping dispose :

« À condition qu’un examen préliminaire positif ait établi l’existence d’un dumping et d’un préjudice, la Commission peut accepter des offres par lesquelles les exportateurs s’engagent volontairement et de manière satisfaisante à réviser leurs prix ou à ne plus exporter à des prix de dumping, si, après consultations spécifiques du comité consultatif, elle est convaincue que l’effet préjudiciable du dumping est éliminé. Dans ce cas, et aussi longtemps que ces engagements restent en vigueur, les droits provisoires institués par la Commission conformément à l’article 7, paragraphe 1, ou les droits définitifs institués par le Conseil conformément à l’article 9, paragraphe 4, selon le cas, ne s’appliquent pas aux importations du produit concerné fabriqué par les sociétés visées dans la décision de la Commission portant acceptation des engagements et ses modifications ultérieures. Les augmentations de prix opérées en vertu de ces engagements ne sont pas plus élevées qu’il n’est nécessaire pour éliminer la marge de dumping et devraient être moindres que la marge de dumping si elles suffisent à éliminer le préjudice causé à l’industrie communautaire. »

51      L’objectif de cette disposition consistant à garantir la protection conférée à l’industrie de l’Union doit être assuré au moyen du mécanisme d’adaptation du PMI que prévoit l’engagement en question.

52      Ainsi que le soutient la Commission, en acceptant, dans la décision 2013/707, l’engagement dans son ensemble, elle a considéré que non seulement le PMI initial, mais également le mécanisme de son adaptation, assuraient que les PMI étaient toujours à un niveau suffisant pour éliminer les effets préjudiciables du dumping.

53      Partant, contrairement à ce qu’estime la requérante, il ne ressort pas de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base antidumping que la Commission serait obligée d’effectuer un contrôle systématique de l’élimination des effets préjudiciables du dumping avant chaque application de la clause 3.5 de l’engagement menant à une modification du PMI.

54      Il aurait donc appartenu à la requérante de démontrer que le mécanisme d’adaptation lui-même ne permettait pas d’atteindre l’objectif poursuivi par l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base.

55      Dans ce cadre, il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Il s’ensuit que le contrôle du juge de l’Union sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Il en est ainsi s’agissant de l’évaluation du caractère suffisant et approprié d’une offre d’engagement au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2008, AGST Draht- und Biegetechnik, C‑398/05, EU:C:2008:126, point 34 ; voir, également, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, points 41 et 42 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, dans ses écrits, la requérante n’a présenté au Tribunal aucune preuve, voire même argumentation, de nature à démontrer que le mécanisme d’ajustement prévu par la clause 3.5 de l’engagement était manifestement inapproprié pour assurer que les ajustements de PMI réalisés sur son fondement seront suffisants pour éliminer le préjudice causé par les importations réalisées sous dumping. Elle se borne à soutenir que ni cette clause ni la décision portant acceptation de l’engagement n’exigent en soi que, lorsque, conformément à cette méthodologie, les PMI sont ajustés à la baisse, ils sont également adéquats afin d’éliminer les effets préjudiciables du dumping.

57      Il n’appartient pas au Tribunal d’examiner, et encore moins de constater d’office, une telle circonstance, en recherchant les informations et les arguments nécessaires en ce sens.

58      Dès lors, faute d’avoir démontré le caractère manifestement inapproprié du mécanisme d’ajustement du PMI, prévu à la clause 3.5 de l’engagement, pour assurer que les ajustements de PMI réalisés sur son fondement seront suffisants pour éliminer le préjudice causé par les importations réalisées sous dumping, la requérante n’est pas parvenue à démontrer le caractère illégal de la décision attaquée.

59      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le recours comme étant, en tout état de cause, dépourvu de tout fondement en droit, sans qu’il soit besoin d’examiner sa recevabilité.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à ses propres dépens ainsi qu’à ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      SolarWorld AG est condamnée aux dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 février 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.