Language of document : ECLI:EU:T:2014:1127

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT
DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

7 avril 2014 (*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige – Demanderesse en intervention ayant elle-même introduit un recours contre le règlement attaqué »

Dans l’affaire T‑397/13,

Tilly-Sabco, établie à Guerlesquin (France), représentée par Mes R. Milchior et F. Le Roquais, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Bianchi et Mme K. Skelly, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 689/2013 de la Commission, du 18 juillet 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 196, p. 13),

LE PRÉSIDENT DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2013, la requérante, Tilly-Sabco, a introduit un recours visant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 689/2013 de la Commission, du 18 juillet 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille à zéro (JO L 196, p. 13, ci-après le « règlement attaqué »). Ce règlement a abrogé les restitutions fixées par le règlement d’exécution (UE) n° 360/2013 de la Commission, du 18 avril 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 109, p. 27).

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 novembre 2013, Doux SA a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

3        Cette demande d’intervention a été signifiée aux parties conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

4        Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013, la requérante a indiqué soutenir cette demande d’intervention.

5        La Commission européenne a soulevé des objections concernant cette demande dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 11 décembre 2013.

6        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013, la requérante a demandé, au titre de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, que certaines informations contenues dans le mémoire en réplique ainsi que dans ses annexes soient exclues du dossier communiqué à la demanderesse en intervention. Elle a produit à cette fin une version non confidentielle des pièces concernées.

7        Conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige soumis au Tribunal, à l’exclusion des litiges entre États membres, entre institutions de l’Union européenne ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, peut intervenir audit litige.

8        La notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de cette disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens et aux arguments soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑213, point 26, et la jurisprudence citée).

9        En l’espèce, Doux expose qu’elle a elle-même introduit, par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 août 2013, un recours contre le règlement attaqué, enregistrée sous la référence T‑434/13. Elle souligne que, selon la jurisprudence, le fait qu’une partie disposant d’un droit de recours autonome n’en ait pas fait usage n’est pas de nature à infirmer son intérêt, mais a pour conséquence que ses droits, en tant que partie intervenante, doivent être limités au soutien des conclusions de la partie requérante. A fortiori, l’entreprise qui a fait usage de son droit de recours aurait incontestablement intérêt à la solution du litige.

10      La Commission souligne que, dans la présente affaire ainsi que dans l’affaire T‑434/13, elle a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable. Elle estime que, si les conditions pour la recevabilité du recours ne sont pas remplies par Doux dans l’affaire dans laquelle elle est requérante, sa demande d’intervention dans la présente affaire devrait être également rejetée, faute d’un intérêt justifié à la solution du litige. De plus, la Commission considère que la demanderesse en intervention ne démontre pas en quoi son intervention serait utile à l’affaire en question, tant pour elle que pour la requérante au soutien de laquelle elle demande à intervenir, alors qu’elle a déjà fait usage de son droit dans un recours portant sur le même règlement et développé les mêmes moyens. Il s’agirait d’une intervention surabondante, car la demanderesse en intervention aurait, selon la Commission, plutôt intérêt à inviter le Tribunal à considérer la jonction des deux affaires.

11      Il convient de relever que la demanderesse en intervention est une société active notamment dans l’exportation de poulets entiers surgelés de l’Union vers les pays du Moyen-Orient. En tant que telle, elle a un intérêt direct et actuel à l’annulation du règlement attaqué, qui fixe à zéro les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille. Le règlement étant un acte de portée générale, une éventuelle annulation de celui-ci ne profiterait pas uniquement à la requérante, mais également à la demanderesse en intervention. La demanderesse en intervention a donc un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes.

12      Il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel la demande d’intervention de Doux dans la présente affaire devrait être rejetée, au cas où les conditions pour la recevabilité du recours qu’elle a elle-même introduit ne seraient pas remplies. En effet, l’existence d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige ne présuppose pas qu’une demanderesse en intervention soit recevable à introduire elle-même un recours contre le règlement attaquée (voir, en ce sens, ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 11 juillet 2001, Bactria/Commission, T‑339/00, non publiée au Recueil, point 14). Il n’y a donc pas lieu d’examiner, à ce stade de la procédure, si le règlement attaqué concerne directement et individuellement la demanderesse en intervention aussi bien que la requérante dans l’action principale, ni s’il s’agit d’un acte réglementaire qui les concerne directement et ne comporte pas de mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

13      En ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel la demanderesse en intervention ne démontre pas en quoi son intervention serait utile à l’affaire en question, tant pour elle que pour la requérante au soutien de laquelle elle demande à intervenir, alors qu’elle a déjà fait usage de son droit dans un recours portant sur le même règlement et développé les mêmes moyens, il convient de relever ce qui suit.

14      L’intérêt à la solution du litige qu’a la demanderesse en intervention n’est pas remis en cause par la circonstance qu’elle a elle-même introduit un recours en annulation contre le règlement attaqué. En effet, l’intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions de la requérante n’est pas remis en cause par la circonstance que la demanderesse en intervention pourrait éventuellement obtenir le même résultat, à savoir l’annulation du règlement attaqué, par la voie du recours qu’elle a elle-même introduit.

15      Contrairement à ce que semble soutenir la Commission, la recevabilité d’une demande en intervention ne présuppose pas que la demanderesse en intervention démontre que son intervention est utile et qu’elle présentera des éléments qui seront utiles pour la solution du litige. En effet, selon l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour, le droit à intervenir appartient à toute personne pouvant justifier d’un intérêt à la solution du litige, et non seulement à celles dont l’intervention est utile pour une partie ou pour la solution du litige. Dans ce cadre, il y a lieu de souligner que l’exposé des moyens et arguments juridiques ne figure pas parmi les conditions requises pour l’introduction d’une demande en intervention énoncées par l’article 115 du règlement de procédure (ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 25 juin 1996, Area Cova e.a./Conseil, T‑194/95, Rec. p. II‑591, point 7).

16      Enfin, la possibilité pour la demanderesse en intervention d’inviter le Tribunal à considérer la jonction des deux affaires ne saurait remettre en cause son intérêt à la solution du litige. En effet, l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour stipule que le fait d’intervenir au litige est un droit qui incombe à toute personne justifiant d’un intérêt à la solution du litige. Par contre, la décision de joindre ou non des affaires relève, selon l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure, de l’appréciation du président de chambre, qui peut déférer la décision à la chambre. Il peut, selon cette même disposition, les disjoindre à nouveau. Étant donné qu’il n’existe aucun droit des parties à obtenir la jonction de deux affaires, la seule possibilité d’inviter le Tribunal à considérer la jonction de deux affaires ne saurait remettre en cause le droit d’une partie à intervenir à un litige.

17      En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande en intervention présentée par Doux.

18      La communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 5 octobre 2013, la demande d’intervention a été présentée dans le respect du délai de six semaines prévu par l’article 115, paragraphe 1, de ce même règlement. Les droits de la demanderesse en intervention seront, par conséquent, ceux reconnus par l’article 116, paragraphes 2 à 4, du règlement de procédure. La communication à la demanderesse en intervention des actes de procédure signifiés aux parties doit, à ce stade, être limitée à la version non confidentielle produite par la requérante. Une décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel sera, le cas échéant, prise ultérieurement au vu des observations qui pourraient être présentées à ce sujet.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Doux SA est admise à intervenir dans l’affaire T‑397/13 au soutien des conclusions de Tilly-Sabco.

2)      Le greffier du Tribunal communiquera à Doux une version non confidentielle de tout acte de procédure signifié aux parties.

3)      Un délai sera fixé à Doux pour présenter ses observations éventuelles sur la demande de traitement confidentiel. La décision sur le bien-fondé de cette demande est réservée.

4)      Un délai sera fixé à Doux pour présenter un mémoire en intervention, sans préjudice de la possibilité de le compléter le cas échéant, compte tenu de la décision à prendre sur la demande de traitement confidentiel.

5)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 7 avril 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : le français.