Language of document : ECLI:EU:T:2011:193

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

4 mai 2011(*)

 « Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale APETITO – Marque communautaire verbale antérieure apetito – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des produits – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑129/09,

Bongrain SA, établie à Viroflay (France), représentée par MC. Hertz-Eichenrode, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Novais Gonçalves, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

apetito AG, établie à Rheine (Allemagne), représentée par MT. Weeg, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 2 février 2009 (affaire R 720/2008‑4), relative à une procédure d’opposition entre apetito AG et Bongrain SA,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 avril 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 20 juillet 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 2 juillet 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1         Le 30 octobre 2003, la requérante, Bongrain SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal APETITO.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Lait, fromage, produits laitiers ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires  n° 36/2004, du 6 septembre 2004.

5        Le 3 décembre 2004, l’intervenante, apetito AG, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale antérieure n° 385 237, apetito, déposée le 13 septembre 1996 et enregistrée le 24 septembre 2004 notamment pour les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Plats préparés principalement à base de viande, charcuterie, poisson, gibier, volaille, fruits et légumes préparés, pommes de terre, purée de pommes de terre, boulettes de pommes de terre, fruits secs préparés, champignons, salade de viande, salade de poisson, salade de fruits, salade de légumes, potages, gelées de viande, gelées de poisson, gelées de fruits, gelées de légumes, œufs, fromage, fromage blanc, lait, beurre, crème, yaourt et parties de ces plats sous forme préparée ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 4 mars 2008, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement d’un risque de confusion.

9        Le 5 mai 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 2 février 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours au motif qu’il existait un risque de confusion – dans l’esprit des consommateurs finals moyens – entre la marque demandée et la marque antérieure.

11      Après avoir constaté que les signes en cause étaient identiques des points de vue visuel, phonétique et conceptuel, la chambre de recours a effectué une comparaison des produits en cause. À cet effet, elle a apprécié la similitude entre, d’une part, le « lait, [le] fromage [et les] produits laitiers », visés par la marque demandée et, d’autre part, les « plats préparés à base de fromage, fromage blanc, lait, beurre, crème, yaourt et parties de ces plats sous forme préparée », couverts par la marque antérieure. La chambre de recours a considéré que les termes « plats préparés à base de » devaient être interprétés comme visant des plats préparés principalement à base de l’un ou de l’autre des types d’aliments énumérés et que les produits désignés par la marque antérieure n’étaient pas limités aux plats préparés contenant tous les aliments énumérés, la marque antérieure couvrant notamment des « plats préparés à base de fromage » et des « plats préparés à base de lait ».

12      La chambre de recours a considéré que les produits en cause avaient la même nature, que leurs destinations répondaient au même but, à savoir l’alimentation, que leurs utilisations étaient similaires et, enfin, qu’ils étaient substituables. La chambre de recours s’est référée à cet égard à sa pratique constante selon laquelle un aliment particulier et des plats préparés à base du même aliment sont similaires.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14       L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n°  40/94.

 Arguments des parties

16      La requérante considère notamment que la chambre de recours a fondé son analyse du risque de confusion sur une interprétation erronée de la liste de produits visée par la marque antérieure et comprise dans la classe 29. La chambre de recours aurait omis de tenir compte des conjonctions « et » figurant à deux reprises dans l’énoncé des produits relevant de la classe 29 désignés par la marque antérieure, repris au point 6 ci-dessus. Selon la requérante, les plats préparés couverts par la marque antérieure comportent donc au moins trois série d’ingrédients :

–        une portion constituée d’ingrédients spécifiés avant le premier « et », à savoir viande, charcuterie, poisson, gibier, volaille et fruits préparés ;

–        une portion constituée d'ingrédients cités entre le premier et le second « et », à savoir légumes, pommes de terre, purée de pommes de terre, boulettes de pommes de terre, fruits secs préparés, champignons, salade de viande, salade de poisson, salade de fruits, salade de légumes, potages, gelées de viande, gelées de poisson, gelées de fruits, gelées de légumes, œufs, fromage, fromage blanc, lait, beurre, crème et yaourt ;

–        une portion constituée de parties de ces plats sous forme préparée.

17      Selon la requérante, cette interprétation implique que les produits visés par sa demande d’enregistrement ne sont pas identiques à ceux désignés par la marque antérieure. En effet, un plat préparé serait une composition de différents aliments. Le but d’un plat préparé consisterait à éviter la préparation et la cuisson de différents types d’aliments. La requérante précise en outre que, hormis les plats préparés pour astronautes, il n’existe pas de plats préparés sous une forme liquide et qu’un risque de confusion avec le lait est donc exclu. Enfin, la requérante observe que les fabricants de lait, de fromage et de produits laitiers ne produisent pas de plats préparés composés, notamment, de viande, de charcuterie, de poisson, de légumes, de pommes de terre et d’ingrédients sous forme préparée. Les produits différeraient donc également en fonction de leur mode de fabrication, de sorte qu’ils ne proviendraient jamais du même fabricant.

18      L’OHMI et l’intervenante contestent la recevabilité et le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

19      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.  

20      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés  [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

21      En l’espèce, la requérante ne remet en cause ni la considération de la chambre de recours selon laquelle les signes litigieux sont identiques, ni la définition du public pertinent retenue par celle-ci. Seule est contestée l’appréciation de la chambre de recours quant à la similitude des produits en cause.

 Sur la similitude des produits

22      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude des produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 23, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (EMILIO PUCCI), T‑8/03, Rec. p. II‑4297, point 41].

23      En l’espèce, la requérante propose une nouvelle interprétation de l’énoncé des produits visés par la marque antérieure, fondée sur la considération que la présence de la conjonction de coordination « et » à deux reprises dans cet énoncé indiquerait que chaque plat préparé est composé de trois aliments, de sorte qu’aucune confusion n’existerait entre les plats préparés visés par la marque antérieure et les produits laitiers visés par la marque demandée.

24      Sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité d’une telle interprétation, avancée pour la première fois au cours de la procédure devant le Tribunal, force est de considérer qu’elle ne saurait en tout état de cause être retenue.

25      Premièrement, il ressort de la lecture combinée des différentes versions linguistiques de l’énoncé des produits désignés par la marque antérieure que le premier « et » attribue l’adjectif « préparés » tant aux fruits qu’aux légumes et qu’il n’a pas pour objet de scinder la liste des produits désignés entre les aliments cités avant et ceux mentionnés après la conjonction de coordination. En effet, alors que la liste dans les versions en langues latines identifie les « fruits et légumes préparés », en plaçant l’adjectif « préparés » après le mot « légumes », les versions en langues germaniques placent cet adjectif avant le mot « fruits » : « prepared fruit and vegetables » et « zubereitetem Obst und Gemüse ». L’interprétation proposée par la requérante aboutirait donc à une contradiction entre les différentes versions linguistiques, en ce sens que le premier groupe d’aliments qu’elle pense pouvoir discerner serait composé d’aliments différents en fonction de la version linguistique utilisée. Dans les versions en langues germaniques, le premier groupe comprendrait des fruits préparés et le deuxième groupe, des légumes non préparés, alors que dans les versions en langues latines, le premier groupe inclurait des fruits et le second groupe des légumes préparés.

26      Deuxièmement, l’interprétation proposée par la requérante manque de cohérence. Elle présuppose que les produits visés par la marque antérieure sont nécessairement composés de trois parties, mais elle ne donne aucune explication de l’intérêt alimentaire du troisième groupe, qui vise « les parties de ces plats sous forme préparée ». L’interprétation proposée par la requérante aboutit ainsi au résultat que le consommateur du plat préparé serait censé consommer deux fois le même aliment, une première fois sous sa forme initiale et une deuxième fois sous forme préparée.

27      En contraste, l’interprétation retenue par l’OHMI selon laquelle les plats préparés couverts par la marque antérieure peuvent se composer d’un ou de plusieurs aliments de la liste est cohérente et ne soulève aucun problème sur le plan linguistique.

28      La requérante n’a par ailleurs avancé aucun élément susceptible de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits laitiers et les plats préparés à base de produits laitiers ont la même nature, la même destination et le même usage, dès lors qu’ils sont tous composés de produits laitiers qui donnent leur goût aux produits et qu’ils s’adressent tous aux mêmes consommateurs finals, pour une alimentation humaine. En effet, l’ensemble des arguments de la requérante repose sur l’interprétation alternative de l’énoncé des produits visés par la marque antérieure, rejetée ci-dessus.

29      En outre, la circonstance invoquée selon laquelle les produits visés par la marque antérieure seraient complexes, contrairement à ceux visés par la marque demandée, ne saurait influer sur le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours. En effet, la requérante n’explique pas comment la complexité alléguée d’un plat préparé à base de produits laitiers destiné au grand public rendrait sa destination à ce point différente de celle d’un produit laitier qu’elle s’opposerait au constat de la similitude entre ces produits. Le fait que ces produits soient fabriqués par des producteurs distincts, disposant de savoir-faire propres, ne saurait davantage faire obstacle à un constat de similitude des produits laitiers et des plats préparés à base de produits laitiers, compte tenu des éléments relevés par la chambre de recours.

 Sur le risque de confusion

30      Dans la mesure où les signes sont identiques et où les produits sont similaires, la chambre de recours a estimé à juste titre que la marque communautaire demandée risquait d’être confondue ou associée avec la marque antérieure par le public pertinent, à savoir le consommateur moyen de produits alimentaires de consommation courante, et qu’il existait dès lors un risque de confusion entre les marques en conflit.

31      Partant, il y a lieu de rejeter le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 et l’intégralité du recours.

 Sur les dépens

32      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bongrain SA est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mai 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.