Language of document : ECLI:EU:T:2012:637

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

29 novembre 2012 (*)

« Référé – Concurrence – Décision de la Commission de transmettre des documents à une juridiction nationale – Confidentialité – Droit à une protection juridictionnelle effective – Demande de mesures provisoires – Fumus boni juris – Urgence – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑164/12 R,

Alstom, établie à Levallois-Perret (France), représentée par Me J. Derenne, avocat, MM. N. Heaton, P. Chaplin et M. Farley, solicitors,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Antoniadis, MM. N. Khan et P. Van Nuffel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

National Grid Electricity Transmission plc, établie à Londres (Royaume-Uni) représentée par MM. A. Magnus, C. Bryant, E. Coulson, solicitors, J. Turner et D. Beard, QC,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision de la Commission du 26 janvier 2012 exposée dans les lettres D/2012/006840 et D/2012/006863 du directeur général de la direction générale de la concurrence de la Commission, concernant la transmission de certains documents à la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et Pays de Galles)], en vue de leur utilisation à titre de preuves dans le cadre d’un recours formé contre la requérante, et une demande visant à ordonner le traitement confidentiel dans le cadre de la procédure de référé des secrets professionnels figurant dans la réponse de la requérante du 30 juin 2006 à la communication des griefs dans l’affaire COMP/F/38.899 – Appareillages de commutation à isolation gazeuse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

 Remarques préliminaires

1        Areva T&D Holding SA, Areva T&D SA et Areva T&D AG faisaient partie du groupe de la requérante, Alstom, jusqu’au 8 janvier 2004, date à laquelle Areva en a fait l’acquisition. Le 7 juin 2010, Areva les a recédées à la requérante qui les a rebaptisées respectivement T&D Holding (puis Alstom Holdings après restructurations internes datées des 30 et 31 mars 2012), Alstom Grid SAS et Alstom Grid AG. Ces trois entreprises sont désignées dans la présente ordonnance comme les « compagnies Grid », quelle que soit leur société mère.

 La procédure devant la Commission et les juridictions de l’Union européenne

2        Le 20 avril 2006, la Commission a adopté une communication des griefs dans l’affaire COMP/F/38.899 – appareillages de commutation à isolation gazeuse (ci‑après la décision « AIG ») à laquelle, d’une part, la requérante a répondu le 30 juin 2006 (ci-après la « réponse de la requérante ») et, d’autre part, Areva et les compagnies Grid ont répondu conjointement le même jour que la requérante (ci-après la « réponse d’Areva et des compagnies Grid »).

3        Le 24 janvier 2007, la Commission a adopté la décision C (2006) 6762 final dans cette affaire, sanctionnant notamment la requérante, Areva et les compagnies Grid pour leur participation à une entente sur le marché des appareillages de commutation à isolation gazeuse. Le 18 avril 2007, la requérante, d’une part, et Areva et les compagnies Grid, d’autre part, ont introduit un recours en annulation contre cette décision.

4        Par arrêt du 3 mars 2011, Areva e.a./Commission (T‑117/07 et T‑121/07, Rec. p. II‑633), le Tribunal a réduit le montant des amendes infligées à la requérante ainsi qu’à Areva et aux compagnies Grid. Areva, d’une part, et la requérante et les compagnies Grid, d’autre part, ont formé pourvoi contre cet arrêt (affaires jointes C‑247/11 P et C‑253/11 P, Areva/Commission), respectivement, les 24 et 25 mai 2011.

 La procédure devant la High Court of Justice (England & Wales)

5        Le 17 novembre 2008, National Grid Electricity Transmission plc (ci-après « NGET ») a intenté une action en dommages et intérêts à l’encontre, notamment, de la requérante, d’Areva et des compagnies Grid devant la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et Pays de Galles)] (ci-après la « High Court ») au motif que les prix qu’elle avait payés pour les appareillages de commutation à isolation gazeuse achetés entre 1988 et 2004 auprès de sociétés impliquées dans cette entente étaient excessifs en raison de l’existence de cette infraction.

6        Dans le cadre de cette procédure, NGET a demandé que soient communiquées la réponse de la requérante et celle d’Areva et des compagnies Grid. La High Court a statué sur cette demande par jugement du 4 juillet 2011 puis, après avoir rendu une ordonnance datée du 11 juillet 2011 (ci-après l’« ordonnance de confidentialité »), mettant en place un « cercle de confidentialité » dont l’objet était de protéger les informations confidentielles figurant dans les documents mis à la disposition des parties à la procédure devant elle, la High Court a demandé, par lettre du 13 juillet 2011, la transmission par la Commission, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L1, p. 1), de la réponse de la requérante et de celle d’Areva et des compagnies Grid. Par lettre du 25 juillet 2011, la requérante et les compagnies Grid ont présenté leurs observations à la Commission à l’égard de la demande de transmission de la High Court.

7        Le 28 octobre 2011, la Commission a envoyé une lettre à la High Court l’informant de son intention de faire droit à sa demande, en précisant qu’elle se devait toutefois d’en informer auparavant notamment la requérante et les compagnies Grid. Par lettre datée du 26 janvier 2012, la Commission a ainsi communiqué à ces entreprises sa décision de faire droit à la demande de la High Court (ci-après la « décision attaquée ») ainsi que les documents qu’elle entendait envoyer si elles ne contestaient pas cette décision devant le Tribunal et le juge des référés.

8        Le 21 février 2012, la requérante et les compagnies Grid ont informé la Commission de leur intention d’introduire un recours contre cette décision ainsi qu’une demande en référé devant le président du Tribunal.

 Procédure

 La demande en référé et la demande de désistement partiel

9        Le 10 avril 2012, la requérante et les compagnies Grid ont introduit un recours en annulation contre la décision attaquée. Par acte séparé du même jour, elles ont déposé une demande en référé visant à suspendre l’exécution de la décision attaquée, conformément aux articles 278 TFUE et 279 TFUE.

10      Après réception de la demande en référé, la Commission a pris acte du grief de la requérante et des compagnies Grid selon lequel, malgré l’exclusion des éléments fournis dans le cadre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3) du champ d’application de la demande de la High Court, la version des réponses qu’elle entendait transmettre à celle-ci incluait de tels éléments. Par lettre du 26 avril 2012, la Commission a informé ces entreprises qu’elle avait décidé de modifier lesdites versions en supprimant ces éléments.

11      Le 10 mai 2012, la Commission a déposé ses observations sur la demande en référé.

12      Le 21 mai 2012, la requérante et les compagnies Grid ont déposé au greffe du Tribunal une lettre l’informant que, à la suite de la décision de la Commission du 26 avril 2012, la version modifiée de la réponse d’Areva et des compagnies Grid ne soulevait plus aucun problème suffisamment important et que, par conséquent, les compagnies Grid avaient décidé de se désister de la procédure au principal et de retirer leur demande en référé. En outre, prenant acte de la décision de la Commission, la requérante a modifié ses conclusions, compte tenu de la perte de pertinence de certains de ses moyens et documents annexés au soutien de sa demande.

13      Le 29 mai 2012, la Commission a déposé ses observations sur la demande de désistement partiel et sur la modification des conclusions de la demande en référé par la requérante.

14      Le 13 juin 2012, le président du Tribunal a adopté une ordonnance de radiation partielle dans l’affaire T‑164/12 R afin d’enlever le nom des compagnies Grid de la liste des parties requérantes. Le 10 juillet 2012, le président de la quatrième chambre du Tribunal a également supprimé par ordonnance le nom des compagnies Grid de la liste des parties requérantes dans l’affaire au principal et condamné la Commission à supporter ses dépens ainsi qu’un tiers de ceux exposés par les compagnies Grid dans les affaires T‑164/12 et T‑164/12 R.

 La demande d’intervention de NGET et la demande de traitement confidentiel de la requérante

15      Le 1er mai 2012, NGET a déposé une demande en intervention dans l’affaire T‑164/12 R au soutien des conclusions présumées de la Commission. Par lettre du 22 mai 2012, la Commission a informé le président du Tribunal qu’elle n’avait pas d’objection à cet égard. Le 23 mai 2012, la requérante a communiqué ses observations sur cette demande, dans lesquelles elle précisait en substance ne pas s’opposer à cette intervention. Par acte séparé daté du même jour, la requérante a introduit une demande de traitement confidentiel à l’égard des informations et documents fournis dans le cadre de l’affaire T‑164/12 R. Le 6 juin 2012, NGET a déposé une lettre indiquant qu’un aspect de la procédure nationale avait été présenté de manière incorrecte par la requérante dans ses observations sur la demande en intervention et, à cette occasion, a réitéré l’importance de son admission à intervenir afin qu’elle puisse éclairer le Tribunal sur la nature et le statut de la procédure devant la High Court.

16      Le 10 juillet 2012, NGET a déposé une demande en intervention au soutien des conclusions de la Commission dans l’affaire T‑164/12, qui n’a fait l’objet d’aucune objection ni de la part de la Commission ni de la part de la requérante. Cette dernière a, cependant, introduit le 7 août 2012 une demande de traitement confidentiel à l’égard des informations et documents fournis dans le cadre de l’affaire T‑164/12.

17      Par ordonnance du 4 septembre 2012, le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de NGET dans l’affaire T‑164/12. Le 13 septembre 2012, le président du Tribunal a adopté une ordonnance admettant NGET à intervenir dans le cadre de l’affaire T‑164/12 R. Sans préjudice de l’appréciation du juge des référés quant au bien-fondé de la demande de traitement confidentiel, une version non confidentielle préparée par la requérante des documents fournis dans le cadre de la demande en référé a notamment été transmise à l’intervenante qui a été invitée à présenter ses observations éventuelles à cet égard.

18      Le 27 septembre 2012, l’intervenante a déposé, d’une part, son mémoire en intervention et, d’autre part, ses observations sur la demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans lesquelles elle déclarait s’en remettre à l’appréciation du Tribunal quant à la possibilité d’adopter des mesures procédurales permettant de l’entendre sur cette problématique. Le 8 octobre 2012, le greffe du Tribunal a signifié ces deux documents à la requérante et à la Commission.

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours principal ;

–        ordonner le traitement confidentiel dans le cadre de la présente procédure des secrets professionnels figurant dans sa réponse ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      Compte tenu de la modification par la requérante de ses conclusions (voir point 12 ci-dessus), cette dernière doit être regardée comme ayant renoncé à sa demande en référé en tant qu’elle concerne les éléments d’informations fournis dans le cadre de la communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes.

21      La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut en substance à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande visant à ordonner le traitement confidentiel au cours de la procédure de référé des secrets professionnels figurant dans la réponse de la requérante

22      Dans ses observations datées du 10 mai 2012, la Commission estime que la demande en référé doit être rejetée comme irrecevable dans la mesure où elle tend à obtenir le traitement confidentiel au cours de la présente procédure des secrets professionnels figurant dans la réponse de la requérante.

23      À cet égard, il y a lieu de relever que, telle qu’elle est rédigée, la demande visant à obtenir le traitement confidentiel au cours de la présente procédure à l’égard des secrets professionnels qui figurent dans la réponse de la requérante ne peut se comprendre que comme étant dirigée à l’égard de la partie défenderesse. Or, en l’espèce, une telle demande est dénuée de sens dès lors que la Commission est en possession de la version confidentielle des documents litigieux. Si toutefois la requérante avait, par cette demande, eu l’intention de requérir un tel traitement vis-à-vis d’une éventuelle partie intervenante, cette demande aurait été prématurée. En tout état de cause, il convient de rappeler que, comme il a été indiqué aux points 17 et 18 ci‑dessus, l’intervenante n’a eu accès qu’à la version non confidentielle des documents fournis dans le cadre de la présente demande.

 Sur la demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée

24      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

25      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

26      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

27      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile ni d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales, ni d’adopter de mesure d’organisation de la procédure comme le demande l’intervenante.

28      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’abord de procéder à la mise en balance des intérêts.

 Sur la mise en balance des intérêts

29      Selon une jurisprudence bien établie, la mise en balance des différents intérêts en présence consiste pour le juge des référés à déterminer si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à en obtenir l’octroi prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de l’acte litigieux en examinant, plus particulièrement, si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui aurait été provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l’exécution dudit acte serait de nature à faire obstacle à son plein effet, au cas où le recours principal serait rejeté (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 11 mai 1989, RTE e.a./Commission, 76/89 R, 77/89 R et 91/89 R, Rec. p. 1141, point 15, et du 26 juin 2003, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 R et C‑217/03 R, Rec. p. I‑6887, point 142). Dans ce contexte, le juge des référés peut être également amené à prendre en considération les intérêts de tiers.

30      S’agissant plus particulièrement de la condition selon laquelle la situation juridique créée par une ordonnance de référé doit être réversible, il y a lieu de noter que la finalité de la procédure de référé se limite à garantir la pleine efficacité de la future décision au fond [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 27 septembre 2004, Commission/Akzo et Akcros, C‑7/04 P(R), Rec. p. I‑8739, point 36]. Par conséquent, cette procédure a un caractère purement accessoire par rapport à la procédure principale sur laquelle elle se greffe (ordonnance du président du Tribunal du 12 février 1996, Lehrfreund/Conseil et Commission, T‑228/95 R, Rec. p. II‑111, point 61), de sorte que la décision prise par le juge des référés doit présenter un caractère provisoire en ce sens qu’elle ne saurait ni préjuger du sens de la future décision au fond, ni la rendre illusoire en la privant d’effet utile (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 17 mai 1991, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90 R, Rec. p. I‑2557, point 24, et du président du Tribunal du 12 décembre 1995, Connolly/Commission, T‑203/95 R, Rec. p. II‑2919, point 16).

31      Il s’ensuit nécessairement que l’intérêt défendu par une partie à la procédure de référé n’est pas digne de protection dans la mesure où cette partie demande au juge des référés d’adopter une décision qui, loin de présenter un caractère purement provisoire, aurait pour effet de préjuger du sens de la future décision au fond et de la rendre illusoire en la privant d’effet utile.

32      En l’espèce, le Tribunal sera appelé à statuer, dans le cadre du litige principal, sur le point de savoir si la décision attaquée – par laquelle la Commission a décidé de faire droit à la demande de la High Court visant à se voir communiquer notamment la réponse de la requérante – doit être annulée, notamment, pour violation du secret professionnel protégé à l’article 339 TFUE.

33      Premièrement, en ce qui concerne l’intérêt défendu par l’intervenante, il y a lieu de relever que, dans son mémoire en intervention, celle-ci attire l’attention du juge des référés sur le fait que, dans le cadre de la mise en balance des intérêts en jeu, il convient d’envisager les différentes possibilités qu’offrent les calendriers respectifs du Tribunal et de la High Court.

34      Tout d’abord, dans l’hypothèse où la demande de sursis à exécution serait accueillie, les documents litigieux ne seraient pas transmis par la Commission à la High Court tant que le Tribunal, dans le cadre de la procédure principale, n’aurait pas rendu son arrêt. Or, l’intervenante estime que, si le Tribunal statue en faveur de la Commission, mais rend son arrêt après que la High Court a adopté sa décision, elle sera dépossédée de documents utiles à sa demande et la suspension reviendra à donner à la requérante le bénéfice des effets d’un arrêt définitif en sa faveur alors que le Tribunal aurait rejeté le recours principal comme non fondé.

35      Ensuite, dans l’hypothèse où la demande en référé serait rejetée, les documents litigieux seraient transmis par la Commission à la High Court qui, à son tour, les communiquerait au « cercle de confidentialité » établi par l’ordonnance du 11 juillet 2011 afin qu’ils soient pris en compte dans le cadre de la procédure de dommages et intérêts. Or, l’intervenante estime que, si le Tribunal statue en faveur de la requérante avant que la High Court n’ait adopté sa décision, les informations transmises illégalement seront exclues de la procédure nationale.

36      Cependant, il convient de relever que l’intervenante fait abstraction d’une autre hypothèse, essentielle au regard des intérêts défendus par la requérante : celle où la demande en référé serait rejetée et la High Court statuerait avant que le Tribunal n’ait eu le temps de se prononcer sur la demande principale. Or, dans un tel cas de figure, un arrêt d’annulation serait rendu illusoire et privé d’effet utile. Ainsi, le rejet de la présente demande aurait pour conséquence de préjuger du sens de la future décision au fond, à savoir un rejet du recours en annulation.

37      Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 30 et 31 ci-dessus, il convient donc de relever que, devant le juge des référés, le contentieux relatif à la transmission de documents litigieux par une institution à une juridiction nationale demandée dans le cadre d’un litige en cours comme en l’espèce peut remettre en cause le caractère accessoire de la procédure en référé.

38      Toutefois, dans la situation où, d’une part, il serait fait droit à la présente demande et, d’autre part, la High Court serait en mesure de statuer avant que le Tribunal n’ait rendu sa décision dans le cadre de la procédure principale, l’intervenante n’a pas démontré qu’elle ne pouvait sauvegarder son intérêt en demandant, en tant que partie requérante devant la High Court, la suspension de la procédure de dommages et intérêts.

39      En outre, le succès d’une telle demande semble plus probable que si cette suspension était demandée par la requérante en tant que partie défenderesse devant la High Court dans l’hypothèse où, d’une part, la présente demande serait rejetée et, par conséquent, les documents seraient transmis à la High Court et, d’autre part, cette dernière serait en mesure de statuer avant que le Tribunal ne le fasse dans le cadre de la procédure au principal.

40      Deuxièmement, en ce qui concerne l’intérêt défendu par la Commission, il y a lieu de relever que, dans ses observations datées du 10 mai 2012, la Commission estime qu’elle n’a d’autre intérêt que celui de préserver la compétence des juridictions nationales pour appliquer les dispositions du droit de l’Union en assurant leur plein effet et en protégeant les droits qu’elles confèrent aux particuliers. À cet égard, elle précise que les intérêts en jeu ne sont pas seulement ceux des entités demandant réparation du dommage que leur a causé un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, mais également l’intérêt général d’une application efficace des règles de l’Union en matière de concurrence, les actions en dommages et intérêts devant les juridictions nationales étant susceptibles de contribuer substantiellement au maintien d’une concurrence effective. L’intervenante ajoute à ce propos que tant la Commission que les juridictions de l’Union ont reconnu l’importance d’assurer aux victimes de violations du droit de la concurrence la possibilité d’engager des recours en réparation et de faire valoir les droits que leur confère le droit de l’Union. Dans ce contexte, la Commission relève que, dans le jugement du 12 juin 2009 statuant notamment sur la demande de suspension de la procédure introduite par la requérante et toutes les autres parties défenderesses devant la High Court au regard du recours en annulation contre la décision AIG, cette juridiction a spécifiquement insisté sur la nécessité de ne pas retarder la phase précontentieuse, même si des recours étaient toujours pendants devant le Tribunal.

41      En ce qui concerne l’application efficace des règles de l’Union en matière de concurrence, et plus particulièrement des procédures relatives aux actions en réparation au niveau national, si l’intérêt que revêt la célérité de la justice trouve un écho particulier dans l’appréciation du juge des référés de la mise en balance des intérêts, force est de constater que la Commission, bien que reprenant à son compte la position de la High Court, n’a cependant pas introduit de demande de procédure accélérée devant le Tribunal comme l’y invitait la requérante en déclarant dans la présente demande que, le cas échéant, elle ne s’y opposerait pas. Or, aux termes de l’article 76 bis du règlement de procédure, une partie intervenante ne pouvant introduire une telle demande, il appartenait à la Commission de le faire si tant est que la rapidité de voir cette procédure aboutir ait été un élément primordial de la position de cette institution.

42      En outre, au regard des considérations exposées aux points 37 à 39 ci-dessus, relatives à la préservation de l’effet utile de la décision du Tribunal dans le cadre de la procédure au principal et des circonstances particulières de l’espèce, il convient de mettre en balance l’application efficace des règles de l’Union en matière de concurrence avec le respect du caractère accessoire de la procédure de référé. C’est d’ailleurs implicitement une pondération similaire qui a été effectuée lorsqu’a été déclarée irrecevable la demande en référé invitant le président du Tribunal à ordonner la divulgation « provisoire » d’informations prétendument confidentielles détenues par la Commission en ce que l’ordonnance faisant droit à cette demande aurait été susceptible de neutraliser par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement sur le fond (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 23 janvier 2012, Henkel et Henkel France/Commission, T‑607/11 R, points 23 à 25).

43      Troisièmement, dans son mémoire en intervention daté du 27 septembre 2012, l’intervenante a souligné la nécessité pour le juge des référés de prendre en compte, dans la mise en balance des intérêts, la stratégie d’opposition dont ferait preuve la requérante en ayant recours à des procédures dilatoires afin d’empêcher la procédure devant la High Court d’avancer. À cet égard, d’une part, il convient de relever qu’aucun acte de procédure listé par l’intervenante comme autant d’obstacles à son action en dommages et intérêts n’a été qualifié d’abus de droit, ce que reconnaît l’intervenante. Dès lors, ces procédures ne sont que l’expression des moyens juridiques mis à la disposition d’une partie pour sauvegarder ses droits. Lorsque ces procédures ont été jugées non fondées, l’intervenante a vu sa cause accueillie et la procédure devant la High Court a ainsi continué comme il se doit. D’autre part, si cette procédure a, selon l’intervenante, connu une durée anormalement longue, l’intervenante ne démontre cependant pas qu’elle a subi un préjudice tel du fait de cette durée qu’il conviendrait de faire prévaloir son intérêt à connaître les informations litigieuses avant l’adoption par le Tribunal de son jugement dans le cadre de la procédure au principal sur l’intérêt de préserver l’effet utile de ce jugement (voir points 37 à 39 ci-dessus).

44      Par conséquent, l’intérêt de la Commission et de l’intervenante à voir rejeter la demande en référé doit céder devant l’intérêt défendu par la requérante, d’autant plus que l’octroi du sursis à exécution sollicité ne revient qu’à maintenir, pour une période limitée, le statu quo ayant existé pendant plusieurs années (voir, en ce sens, ordonnance RTE e.a./Commission, précitée, point 15 ; voir, également, ordonnance du président du Tribunal du 16 novembre 2012, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑345/12 R, point 29) sans que cela cause d’inconvénients tels qu’il conviendrait de mettre fin immédiatement à cette situation d’attente. À cet égard, il convient d’ajouter que la requérante ne s’oppose qu’à la transmission de la version confidentielle des documents litigieux. Dès lors, faire droit à la demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée ne fait pas obstacle à ce que la Commission adopte une nouvelle décision permettant la transmission de la version non confidentielle des documents litigieux en attendant que le Tribunal ait statué sur le recours en annulation dans le cadre de la procédure au principal. Ainsi, la procédure devant la High Court peut, dans une certaine mesure, se poursuivre.

 Sur l’urgence

45      Il apparaît urgent de protéger l’intérêt défendu par le demandeur, lorsqu’il risque de subir un préjudice grave et irréparable en cas de rejet de sa demande en référé. Dans ce contexte, la requérante soutient, en substance, que la situation résultant de la transmission des documents litigieux ne pourrait plus être effacée. Une fois les informations confidentielles transmises, une annulation ultérieure de la décision attaquée, notamment pour violation du secret professionnel protégé à l’article 339 TFUE, n’inverserait pas les effets découlant de la transmission. En conséquence, le droit à une protection juridictionnelle effective ne serait qu’une « coquille vide » si les informations litigieuses étaient communiquées avant que le litige principal ne soit résolu.

46      À titre liminaire, il convient de noter que, au regard de la spécificité du contentieux de la transmission de documents confidentiels dans le cadre de la procédure en référé (voir point 37 ci-dessus) et des circonstances particulières de l’espèce (voir points 38 et 39 ci-dessus), il suffit d’apprécier la gravité et le caractère irréparable du préjudice encouru par la requérante dans le cas présent du fait de la transmission même d’informations litigieuses par rapport à son droit à une protection juridictionnelle effective.

47      En effet, force est de constater que, dans l’hypothèse où, d’une part, la présente demande serait rejetée et les documents seraient transmis par la Commission à la High Court et, d’autre part, cette dernière statuerait avant que le Tribunal n’ait eu le temps de se prononcer sur le recours dans le cadre de la procédure au principal relatif à l’éventuelle nature illégale de la transmission d’informations, le droit que détient la requérante à une protection juridictionnelle effective serait vidé de son sens.

48      Or, il est intéressant de relever que l’intervenante, qui, dans sa demande en intervention, a justement précisé qu’elle serait en mesure d’éclairer le Tribunal sur la nature et le statut de la demande qu’elle a formée au Royaume-Uni, indique, d’une part, dans sa lettre du 6 juin 2012, que la High Court ne doit pas attendre la décision de la Cour dans les affaires sous pourvoi relatives aux arrêts du Tribunal rendus à la suite des recours introduits à l’encontre de la décision AIG et, d’autre part, dans son mémoire en intervention du 27 septembre 2012, qu’il est probable qu’il faudra plus de temps au Tribunal pour statuer sur le recours dans le cadre de la procédure au principal qu’il n’en faudra à la High Court pour mener la procédure nationale à son terme. À la lumière de ces informations, le risque de voir la juridiction nationale prendre sa décision en considération des informations transmises avant que le Tribunal n’ait eu la possibilité de se prononcer sur la légalité de cette transmission semble sérieux et loin d’être hypothétique.

49      Ainsi, étant donné que la Commission, en cas de rejet de la présente demande en référé, procéderait à la transmission immédiate des informations litigieuses, il serait à craindre que la requérante risque de voir compromettre son droit fondamental à un recours effectif, consacré à l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), si la Commission était autorisée à transmettre les informations en cause avant que le Tribunal n’ait statué sur le recours principal. Par conséquent, le droit fondamental dont bénéficie la requérante étant susceptible d’être gravement et irréparablement lésé, sous réserve d’un examen de la condition relative au fumus boni juris (voir, pour le lien étroit entre cette dernière condition et la condition relative à l’urgence, ordonnance du président du Tribunal du 8 avril 2008, Chypre/Commission, T‑54/08 R, T‑87/08 R, T‑88/08 R et T‑91/08 R à T‑93/08 R, non publiée au Recueil, points 56 et 57), il apparaît urgent d’accorder le sursis à exécution sollicité (voir, également, ordonnance Akzo Nobel e.a./Commission, précitée, points 31 à 33).

 Sur le fumus boni juris

50      Selon une jurisprudence bien établie, la condition relative au fumus boni juris est remplie lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours principal apparaît, à première vue, pertinent et, en tout cas, non dépourvu de fondement sérieux, en ce qu’il révèle l’existence de questions juridiques complexes dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure principale, ou lorsque le débat mené entre les parties révèle l’existence d’une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas d’emblée (voir ordonnance du président du Tribunal du 19 septembre 2012, Grèce/Commission, T‑52/12 R, point 13, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 8 mai 2003, Commission/Artegodan e.a., C‑39/03 P‑R, Rec. p. I‑4485, point 40).

51      La requérante fait valoir, notamment, que la décision attaquée enfreint, premièrement, l’article 339 TFUE, deuxièmement, le point 25 de la communication de la Commission sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2004, C 101, p. 54) et, troisièmement, l’article 4, paragraphe 3, TUE.

52      Dans ce contexte, il est contesté, en substance, que la transmission de la réponse de la requérante telle qu’envisagée par la Commission viole l’article 339 TFUE dans la mesure où les garanties offertes par la High Court afin de protéger la confidentialité des informations transmises ne garantirait pas le même niveau de protection que celui résultant de la disposition du traité FUE.

53      Rappelant l’obligation qui lui incombe, précisée dans l’arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Postbank/Commission (T‑353/94, Rec. p. II‑921, point 90), de prendre toutes les précautions nécessaires pour qu’il ne soit pas porté atteinte à ce droit du fait, et au cours, de la transmission de documents au juge national, la Commission estime qu’il ressort de cet arrêt qu’il appartient au juge national de garantir la confidentialité des informations transmises et, par conséquent, elle respecte cette obligation dès lors que, d’une part, elle indique à la juridiction nationale les documents ou passages qui contiennent des informations confidentielles ou secrets d’affaires et, d’autre part, elle s’assure que ces informations ne sont transmises que lorsque la juridiction nationale offre des garanties concrètes à l’égard de sa capacité et de sa volonté de protéger la confidentialité de ces informations.

54      Premièrement, en ce qui concerne la première précaution relative à l’indication par la Commission des documents ou passages qui relèvent de la confidentialité ou du secret d’affaires, il y a lieu de souligner que, en l’espèce, la Commission n’a pas jugé nécessaire d’examiner la réalité de cette qualification avant la transmission desdites informations, mais s’est contentée d’indiquer les passages considérés comme tels par la requérante. À cet égard, il est singulier que, dans ses observations du 10 mai 2012, la Commission revienne sur la reconnaissance de cette qualité, puisqu’il pourrait être déduit du simple fait qu’elle communique à la juridiction nationale ces informations conformément aux précautions qui s’appliquent à la transmission d’informations protégées par l’article 339 TFUE que ces dernières relèvent effectivement du champ d’application de cette disposition. En tout état de cause, la vérification d’une telle qualification, si elle était nécessaire, requiert un examen détaillé qu’il n’appartient pas au juge des référés d’effectuer.

55      Deuxièmement, en ce qui concerne les garanties concrètes offertes par la juridiction nationale dont la Commission doit s’assurer de l’existence avant transmission desdites informations, il ressort de la décision attaquée que la Commission s’est contentée d’affirmer que l’ordonnance de confidentialité permettait de protéger toutes informations confidentielles contenues dans les documents demandés conformément aux garanties posées par l’article 339 TFUE. À cet égard, il ne ressort de la décision attaquée aucune appréciation quant aux effets concrets de la protection prévue par l’ordonnance de confidentialité au regard de l’obligation posée à l’article 339 TFUE, telle qu’interprétée par la jurisprudence.

56      En premier lieu, il convient de relever que, dans ses observations datées du 10 mai 2012, la Commission indique que la juridiction nationale l’a informée que les documents demandés ne seraient communiqués que dans les limites du « cercle de confidentialité » établi dans le cadre de la procédure devant la High Court en accord avec les parties au litige et que la requérante n’a exprimé aucune préoccupation concernant l’étendue du « cercle de confidentialité » ou les modalités y afférentes dans les observations qu’elle lui a présentées le 25 juillet 2011. Cependant, le fait que les parties au litige devant la High Court, la requérante y compris, aient été associées à la définition du périmètre du « cercle de confidentialité » ne doit pas faire oublier que, dans son jugement du 4 juillet 2011 (point 13), la juridiction nationale a spécifiquement mentionné la possibilité pour ces parties de déposer des observations auprès de la Commission quant au caractère approprié de la décision de faire droit ou non à la demande de transmission des informations concernées. En outre, il ressort des observations (point 34) envoyées le 25 juillet 2011 par la requérante que cette dernière avait fait part à la Commission de la nécessité d’altérer le contenu de certains documents dans l’hypothèse où il serait fait droit à la demande de la High Court. En d’autres termes, la composition du « cercle de confidentialité » posait à l’évidence des difficultés à la requérante dans la mesure où cette dernière s’opposait à la communication dans cette enceinte des versions confidentielles des documents demandés. Dès lors, eu égard à la présence de tels éléments, ne peut être écartée l’éventualité que, dans le cadre de la procédure au principal, le Tribunal examine la question de savoir si, afin de respecter la protection du secret professionnel conformément à l’article 339 TFUE, la Commission ne devait pas prendre des précautions autres que celles prévues dans la décision attaquée.

57      En second lieu, il ressort de l’analyse de l’ordonnance de confidentialité communiquée par la High Court à la Commission en annexe à la demande de transmission des documents litigieux que le « cercle de confidentialité », dont la composition peut faire l’objet de modifications dans le futur, est constitué d’un nombre important de personnes (92 noms figurent sur cette liste) qui occupent des fonctions aussi diverses qu’avocat externe, conseiller juridique interne (tel est le cas, par exemple, des deux employés de l’intervenante), secrétaire ou encore informaticien. Certes, l’ensemble de ces personnes est soumis à une obligation de confidentialité et, selon l’intervenante, aucune d’entre elles n’exerce de fonctions commerciales. Cependant, au regard des réflexions engagées au niveau du droit de l’Union relatives à la protection de la confidentialité des échanges entre avocats et clients et à l’exigence d’indépendance impliquant l’absence de tout rapport d’emploi même en présence d’obligations de déontologie et de discipline professionnelles, la question – selon laquelle, eu égard aux modalités de diffusion au niveau national en l’espèce de l’information demandée qui étaient connues de la Commission, cette dernière aurait dû examiner en détail les conséquences concrètes de ladite garantie sur la protection du secret professionnel et éventuellement conclure au rejet de la demande de transmission telle que formulée sous peine d’entraîner une violation de l’article 339 TFUE – pourrait être raisonnablement soulevée dans le cadre de la procédure au principal. À cet égard, il y a lieu d’ajouter que, afin de démontrer que la divulgation prévue ne peut être assimilée à une divulgation aux parties de la procédure au Royaume-Uni, la Commission ne peut se contenter d’affirmer que l’objectif d’un « cercle de confidentialité » est de permettre aux avocats des parties d’examiner les documents divulgués dans la mesure où, précisément, la composition de ce cercle n’est ni immuable ni restreinte à des personnes ayant la qualité d’avocat.

58      Au regard de ces constatations, il ne peut être exclu que, dans le cadre de la procédure au principal, le juge du fond soit amené à se prononcer sur l’étendue du contrôle que doit opérer la Commission lorsqu’elle s’assure que les informations confidentielles ne sont transmises que lorsque la juridiction nationale offre des garanties concrètes à l’égard de sa capacité et de sa volonté de protéger la confidentialité de ces informations. En d’autres termes, le juge du fond pourrait être conduit à s’interroger sur le fait de savoir si les précautions prises en l’espèce par la Commission afin de satisfaire l’obligation qui lui incombe au titre de l’article 339 TFUE étaient suffisantes ou si elle aurait dû procéder à une analyse plus détaillée du mécanisme proposé par la juridiction nationale afin de protéger la confidentialité des informations demandées.

59      En outre, quand bien même ces précautions seraient jugées adéquates en principe afin de respecter cette obligation, il convient de noter que l’arrêt Postbank/Commission, précité, précise qu’il est possible que, même si la Commission prenait toutes les précautions nécessaires, la protection des tiers, dans certains cas, ne pas être pleinement assurée. Dans ces hypothèses exceptionnelles, le Tribunal indique que la Commission peut refuser la communication de documents aux autorités judiciaires nationales. Au regard des faits de l’espèce, il n’est pas exclu que le juge du fond doive déterminer si la Commission se trouvait dans une telle situation.

60      Or, ces analyses soulèvent des questions de droit nouvelles. À cet égard, il y a lieu de relever que, tant dans sa lettre du 28 octobre 2011 (point 6), envoyée à la High Court, que dans la décision attaquée (point 14), la Commission a elle-même fait état du caractère nouveau de la demande et des problématiques en jeu.

61      Au vu des considérations qui précèdent, force est de constater que la présente affaire soulève des questions de droit inédites qui ne sauraient, à première vue, être considérées comme dénuées de pertinence et dont la solution mérite un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale. Dès lors, il y a lieu d’admettre l’existence d’un fumus boni juris (voir, également, ordonnance Akzo Nobel e.a./Commission, précitée, points 44 à 56).

62      Il s’ensuit que, toutes les conditions étant remplies à cet effet, il convient de faire droit à la demande en référé par l’octroi de mesures provisoires visant à interdire à la Commission de transmettre les informations litigieuses comme envisagé dans la décision attaquée.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Il est sursis à l’exécution de la décision de la Commission du 26 janvier 2012 en ce qu’elle concerne la transmission à la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et Pays de Galles)] de la version confidentielle de la réponse d’Alstom du 30 juin 2006 à la communication des griefs dans l’affaire COMP/F/38.899 – Appareillages de commutation à isolation gazeuse.

2)      La demande en référé est rejetée pour le surplus.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 29 novembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.