Language of document : ECLI:EU:T:2013:619

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

18 novembre 2013 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie – Prorogation du gel des fonds – Annulation des mesures de gel des fonds initiales – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑162/12,

Mohamed Trabelsi, représenté par Me A. Tekari, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. G. Étienne et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2012/50/PESC du Conseil, du 27 janvier 2012, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 27, p. 11), en tant que celle-ci concerne le requérant,


LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        À la suite des événements politiques survenus en Tunisie au cours des mois de décembre 2010 et janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 31 janvier 2011, au visa, notamment, de l’article 29 TUE, la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 28, p. 62).

2        Aux termes de l’article 1er de la décision 2011/72 :

« 1.      Sont gelés tous les capitaux et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, de même que tous les capitaux et ressources économiques qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, entités ou organismes, dont la liste figure à l’annexe.

2.      Nuls capitaux ou ressources économiques ne peuvent être mis, directement ou indirectement, à la disposition de personnes physiques ou morales, d’entités ou d’organismes dont la liste figure à l’annexe ou utilisés à leur profit.

[…] »

3        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/72, « [l]e Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit la liste qui figure à l’annexe et la modifie ».

4        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2011/72 :

« L’annexe indique les motifs de l’inscription sur la liste des personnes et entités. »

5        Aux termes de l’article 5 de la décision 2011/72 :

« La présente décision s’applique pendant une période de douze mois. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. »

6        Dans la liste annexée à la décision 2011/72, figurait uniquement le nom de deux personnes physiques, à savoir M. Zine el‑Abidine Ben Hamda Ben Ali, ancien président de la République tunisienne, et Mme Leïla Bent Mohammed Trabelsi, son épouse.

7        Au visa de « la décision 2011/72 […], et notamment [de] son article 2, paragraphe 1, en liaison avec l’article 31, paragraphe 2, [TUE] », le Conseil a adopté, le 4 février 2011, la décision d’exécution 2011/79/PESC, mettant en œuvre la décision 2011/72 (JO L 31, p. 40).

8        L’article 1er de la décision d’exécution 2011/79 énonçait que la liste annexée à la décision 2011/72 était remplacée par une nouvelle liste. Celle-ci visait 48 personnes physiques. À la quatrième ligne de cette nouvelle liste, figurait, dans la colonne intitulée « Nom », la mention « Mohamed Ben Moncef Ben Mohamed Trabelsi ». Dans la colonne intitulée « Information d’identification », il était précisé : « Tunisien, né à Sabha-Lybie le 7 janvier 1980, fils de Yamina Souiei, gérant de société, marié à Inès Lejri, demeurant résidence de l’étoile du nord – suite B – 7e étage – appt. n° 25 – Centre urbain du nord – Cité El Khadra – Tunis, titulaire de la CNI n° 04524472 ». Enfin, dans la colonne intitulée « Motifs », était indiqué : « Personne faisant l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent ».

9        La décision d’exécution 2011/79 est entrée en vigueur, conformément à son article 2, le jour de son adoption.

10      La décision 2012/50/PESC du Conseil, du 27 janvier 2012, modifiant la décision 2011/72 (JO L 27, p. 11) a remplacé le texte de l’article 5 de la décision 2011/72 par le texte suivant :

« La présente décision s’applique jusqu’au 31 janvier 2013. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. »

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2012, le requérant, M. Mohamed Trabelsi, a introduit le présent recours. Il a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « déclarer la requête recevable et bien fondée » ;

–        « déclarer nulle et non avenue » la décision 2012/50 pour autant qu’elle le concerne ;

–        « condamner le Conseil aux dépens, ainsi qu’au paiement de 25 000 [euros] au titre des frais irrépétibles ».

12      Le 21 décembre 2012, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense. Il a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « rejeter le recours en annulation comme non fondé » ;

–        « rejeter comme irrecevable la demande d’un versement d’une somme de 25 000 euro[s] pour les frais de défense ‘irrépétibles’ » ;

–        « condamner le requérant aux dépens ».

13      Le 31 janvier 2013 a été adoptée la décision 2013/72/PESC du Conseil, modifiant la décision 2011/72 (JO L 32, p. 20). Cette décision a prorogé jusqu’au 31 janvier 2014 l’application des mesures restrictives prévues par la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79.

14      Les mémoires en réplique et en duplique ont été déposés, respectivement, par le requérant le 25 mars 2013 et par le Conseil le 15 mai 2013.

15      Par arrêt du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil (T‑187/11, non encore publié au Recueil), le Tribunal a annulé la décision d’exécution 2011/79 en tant qu’elle visait le requérant, tout en précisant que les effets de cette décision seraient maintenus jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi était introduit dans ce délai, jusqu’au rejet de celui-ci.

16      Le 30 juillet 2013, alors que le délai de pourvoi contre l’arrêt mentionné au point précédent continuait de courir, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2013/409/PESC mettant en œuvre la décision 2011/72 (JO L 204, p. 52). Cette décision amende le texte de l’annexe à la décision 2011/72. Elle a modifié, en particulier, le motif pour lequel le requérant était soumis au gel d’avoirs institué par l’article 1er de la décision 2011/72. Le nouveau motif d’inscription du requérant sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/72 est ainsi le suivant :

« Personne faisant l’objet d’enquêtes judiciaires des autorités tunisiennes pour complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public (en l’occurrence l’ex-PDG de la Société tunisienne de banque et l’ex-PDG de la Banque nationale agricole) pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration. »

17      Par la voie d’une mesure d’organisation de la procédure, adoptée en vertu de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, il a été rappelé aux parties que, par l’arrêt Trabelsi e.a./Conseil, point 15 supra, la décision d’exécution 2011/79 avait été annulée en tant qu’elle concernait le requérant. Par ailleurs, les parties ont été invitées à indiquer au Tribunal si, à leur opinion, les conclusions du requérant dirigées contre la décision 2012/50 continuaient, dans ce contexte, à présenter un objet.

18      Par acte déposé au greffe le 2 octobre 2013, le Conseil a répondu « que le requérant n’[avait] plus dans la présente affaire d'intérêt à demander l'annulation de la décision 2012/50 ».

19      Le requérant, quant à lui, n’a pas déféré à l’invitation du Tribunal dans le délai qui lui était imparti.

20      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur initialement désigné a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

 Sur le non-lieu à statuer

21      En vertu de l’article 113, lu en combinaison avec l’article 114, paragraphes 3 et 4, du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. La suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

22      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer, sans ouvrir la procédure orale, par voie d’ordonnance motivée.

 Sur l’objet du recours

23      Ainsi qu’il ressort du point 11 ci-dessus, le requérant demande l’annulation de la décision 2012/50 en tant que cette décision le concerne.

24      Or, la décision 2012/50 a eu pour effet :

–        d’une part, de proroger l’application des prévisions de portée générale de la décision 2011/72, c’est-à-dire de proroger l’application de ses articles 1er, 2, 3 et 5 ;

–        et, d’autre part, de proroger l’application des mesures individuelles prévues par son annexe telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, tout en laissant inchangé le motif sur lequel reposaient initialement ces mesures individuelles.

25      Dès lors, il convient de considérer que, par son recours, le requérant demande l’annulation de l’annexe à la décision 2011/72 telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 en tant que cette annexe a été prorogée, par la décision 2012/50, et qu’elle mentionne son nom.

 Sur la disparition de l’intérêt à agir en cours d’instance

26      Selon une jurisprudence constante, l’objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêts de la Cour du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, non encore publié au Recueil, point 61, et du 27 juin 2013, Xeda International et Pace International/Commission, C‑149/12 P, non publié au Recueil, point 31).

27      En l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué, par l’arrêt Trabelsi e.a./Conseil, point 15 supra, le Tribunal a annulé la décision d’exécution 2011/79 en tant qu’elle visait le requérant, tout en précisant que les effets de cette décision seraient maintenus jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi était introduit dans ce délai, jusqu’au rejet de celui-ci.

28      Or, d’une part, aucun pourvoi n’a été formé, à ce jour, à l’encontre de cet arrêt.

29      D’autre part, l’annulation prononcée par celui-ci comporte un effet ex tunc, et non un simple effet ex nunc comme cela pourrait être le cas s’agissant d’une abrogation prononcée par le Conseil. Ainsi, le nom du requérant doit être réputé ne jamais avoir figuré sur l’annexe à la décision 2011/72 telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79.

30      Par suite, en cours d’instance, le requérant a perdu tout intérêt à maintenir les conclusions à fin d’annulation mentionnées au point 25 ci-dessus. Les parties ayant pu faire valoir leurs observations à cet égard, le Tribunal ne peut que constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

31      Cette conclusion ne se trouve pas démentie du fait de l’adoption de la décision d’exécution 2013/409. En effet, ainsi qu’il est précisé au point 16 ci-dessus, cette décision, entrée en vigueur le 31 juillet 2013, a modifié l’annexe à la décision 2011/72 afin d’y inscrire le nom du requérant, pour un motif autre que celui figurant dans la décision d’exécution 2011/79. Mais elle était dépourvue de tout effet rétroactif.

 Sur les dépens

 En ce qui concerne les conclusions relatives aux « frais irrépétibles »

32      Le requérant a conclu à la condamnation du Conseil au paiement de 25 000 euros « au titre des frais irrépétibles qu’il s’est vu contraint d’exposer pour assurer sa défens[e] ».

33      Le Conseil a, quant à lui, fait valoir que ces conclusions seraient irrecevables si elles étaient examinées séparément des conclusions tendant à la condamnation aux dépens.

34      Le Tribunal ne peut que souscrire à cette argumentation.

35      Les conclusions dont il s’agit sont, en effet, relatives au dédommagement de frais indispensables, exposés par le requérant aux fins de la procédure. Or, en vertu de l’article 91 du règlement de procédure, de tels frais sont compris dans les dépens.

36      Par suite, elles doivent être examinées conjointement aux conclusions tendant à la condamnation du Conseil aux dépens.

 En ce qui concerne le règlement des dépens

37      En vertu de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, le Tribunal règle librement les dépens en cas de non-lieu à statuer.

38      Dès lors que la disparition de l’intérêt à agir du requérant résulte uniquement de ce que la décision d’exécution 2011/79 a été annulée par l’arrêt Trabelsi e.a./Conseil, point 15 supra, en tant qu’elle concernait le requérant, il y a lieu de mettre l’intégralité des dépens à la charge du Conseil.

39      À cet égard, observant que le requérant avait indiqué qu’une somme de 25 000 euros devrait lui être attribuée en dédommagement de ses frais de procédure (voir points 32 à 35 ci-dessus), le Tribunal rappelle que, en cas de contestation entre les parties, le Tribunal statue, à la demande de la partie intéressée, sur les dépens récupérables, par voie d’ordonnance adoptée sur le fondement de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 18 novembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       D. Gratsias


* Langue de procédure : le français.