Language of document : ECLI:EU:T:2019:491

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

9 juillet 2019 (*)

« Recours en indemnité – Résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement – Directive 2014/59/UE et règlement (UE) no 806/2014 – Aides d’État – Méconnaissance des exigences de forme – Article 76, sous d), du règlement de procédure – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑158/18,

Mario Scaloni, demeurant à Ancône (Italie),

Ennio Figini, demeurant à Chiaravalle (Italie),

représentés par Me P. Putti, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes D. Recchia, A. Steiblytė et M. K.-P. Wojcik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Parlement européen, représenté par MM. L. Visaggio et M. Sammut, en qualité d’agents,

et par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. E. Rebasti et J. Bauerschmidt, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation des préjudices matériels que les requérants auraient prétendument subis du fait du refus de la Commission d’autoriser la République italienne à mettre en place une aide d’État en faveur de Banca delle Marche,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur) et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Banca delle Marche SpA était une banque et un groupe bancaire italiens ayant son siège à Jesi (Italie) et exerçant son activité principalement dans la Regione Marche (région des Marches, Italie).

2        Les requérants, M. Mario Scaloni et M. Ennio Figini étaient actionnaires de Banca delle Marche à hauteur, le premier, de 15 250 actions ordinaires et de 19 750 actions ordinaires réévaluées et, le second, de 387 581 actions ordinaires.

3        Banca delle Marche a rencontré des difficultés financières à partir de 2013.

4        En novembre 2015, les autorités italiennes ont ouvert une procédure de résolution de Banca delle Marche.

5        Par lettres du 30 août 2017, Nuova Banca delle Marche SpA a informé M. Scaloni, d’une part, et M. Figini, d’autre part, de l’annulation intégrale des actions qu’ils détenaient dans Banca delle Marche.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 2018, les requérants ont introduit le présent recours.

7        La Commission européenne a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 4 juin 2018.

8        Les requérants ont déposé la réplique le 9 juillet 2018 et la Commission a déposé la duplique le 29 août 2018.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 juin 2018, le Parlement européen a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par décision du président de la neuvième chambre du 26 juillet 2018, le Parlement a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Le 10 octobre 2018, il a déposé son mémoire en intervention. Le 30 octobre 2018, les requérants ont soumis leurs observations sur le mémoire en intervention du Parlement.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 juin 2018, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par décision du président de la neuvième chambre du 26 juillet 2018, le Conseil a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Le 9 octobre 2018, il a déposé son mémoire en intervention. Le 30 octobre 2018, les requérants ont soumis leurs observations sur le mémoire en intervention du Conseil.

11      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de condamner la Commission ou, à défaut, l’Union européenne à verser aux requérants une indemnité égale à la valeur faciale de leurs actions.

12      Les requérants demandent également au Tribunal d’inviter la Commission à fournir toutes informations et tous documents relatifs aux échanges entre elle et la République italienne ayant précédé l’adoption de la décision finale de la Commission relative à la résolution de Banca delle Marche.

13      La Commission, soutenue par le Parlement et le Conseil, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        se déclarer incompétent ;

–        à défaut, rejeter le recours comme irrecevable ou, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

14      En vertu de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

15      Sans soulever formellement une exception au sens de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission invoque, d’une part, l’incompétence du Tribunal et, d’autre part, l’irrecevabilité du recours.

 Sur la compétence

16      La Commission estime que le Tribunal n’est pas compétent pour connaître du présent recours. En effet, les requérants se plaindraient en réalité du fait que les autorités italiennes n’ont pas accordé d’aide d’État à Banca delle Marche au début de la crise financière, soit avant 2013, et du fait qu’elles ont décidé en 2015 de mettre à contribution les actionnaires de cette banque dans le cadre d’une procédure de résolution impliquant l’annulation de leurs actions. Il s’ensuivrait que le fait illégal invoqué par les requérants serait imputable aux autorités italiennes et non à la Commission. Partant, seules les juridictions nationales seraient compétentes pour connaître de la présente demande en indemnité.

17      Le Parlement et le Conseil ne se prononcent pas sur la compétence du Tribunal.

18      Les requérants ne formulent, dans la réplique, aucune observation relative à la compétence du Tribunal.

19      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les dispositions combinées des articles 268 et 340, deuxième alinéa, TFUE ne donnent compétence au juge de l’Union que pour réparer les dommages causés par les institutions de l’Union ou les agents de celles-ci agissant dans l’exercice de leurs fonctions, c’est-à-dire pour réparer les dommages susceptibles de mettre en jeu la responsabilité non contractuelle de l’Union. En revanche, les dommages causés par les autorités nationales ne sont susceptibles de mettre en jeu que la responsabilité de ces autorités nationales et les juridictions nationales demeurent seules compétentes pour en assurer la réparation [arrêt du 26 février 1986, Krohn Import-Export/Commission, 175/84, EU:C:1986:85, point 18 ; voir, également, ordonnance du 17 juillet 2008, Pellegrini/Commission, C‑114/08 P(R), non publiée, EU:C:2008:438, point 17 et jurisprudence citée].

20      Il s’ensuit que, pour déterminer si le juge de l’Union est compétent, il convient de vérifier si l’illégalité alléguée à l’appui de la demande d’indemnité émane bien d’une institution de l’Union et ne peut être regardée comme imputable à une autorité nationale (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 1986, Krohn Import-Export/Commission, 175/84, EU:C:1986:85, point 19, et du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:1992:217, point 9).

21      En l’espèce, les requérants soutiennent, en substance, que l’annulation de leurs actions est la conséquence du refus de la Commission d’autoriser la mise en place d’une aide d’État en faveur de Banca delle Marche. À titre principal, ils estiment que ce refus est illégal parce que la Commission a fait une mauvaise interprétation de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190) ainsi que du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 255, p. 1). À titre subsidiaire, ils considèrent que la directive 2014/59/UE et le règlement no 806/2014 sont eux-mêmes entachés d’illégalité.

22      Il ressort ainsi des écritures des requérants que le comportement illégal allégué par ces derniers ne pourrait, s’il est établi, être imputé qu’aux institutions de l’Union et ne saurait en aucun cas être attribué aux autorités italiennes.

23      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la Commission tiré de ce que la Commission aurait non pas refusé, mais au contraire approuvé, par la décision C(2015) 8371 final, du 22 novembre 2015 (JO 2018, C 40, p. 1), la mise en place d’une aide d’État en faveur de Banca delle Marche. À cet égard, il suffit de constater que cet argument est relatif à la réalité du comportement illégal allégué par les requérants. Il relève donc de l’examen du fond, c’est-à-dire des conditions dans lesquelles la responsabilité de l’Union peut être engagée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:1992:217, points 10 et 11).

24      Partant, le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours.

 Sur la recevabilité

25      La Commission soutient que le recours est irrecevable. En effet, faute d’identifier avec une précision suffisante le comportement reproché à la Commission et de cerner ainsi l’objet du litige, la requête ne satisferait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

26      Le Parlement appuie la fin de non-recevoir soulevée par la Commission. Il insiste sur l’imprécision du recours en ce qui concerne, d’une part, les motifs pour lesquels le comportement reproché à la Commission serait illégal et, d’autre part, les raisons pour lesquelles ce comportement serait à l’origine des préjudices allégués.

27      Le Conseil ne se prononce pas sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission. Toutefois, il relève, s’agissant de la légalité de la directive 2014/59 et du règlement n o 806/2014, que les requérants n’indiquent clairement ni quel principe général du droit de l’Union aurait été violé du fait de l’adoption de ces deux actes législatifs ni quelles dispositions desdits actes seraient illégales.

28      Les requérants se bornent, dans la réplique, à indiquer que la Commission a été en mesure de comprendre que le Tribunal était saisi d’un recours en indemnité.

29      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20 et jurisprudence citée).

30      Il s’ensuit que la partie requérante est tenue d’exposer d’une manière suffisamment systématique les développements relatifs à chaque moyen qu’elle présente, sans que le Tribunal puisse être contraint, du fait du manque de structure de la requête ou de rigueur de cette partie, de reconstituer l’articulation juridique censée soutenir un moyen en rassemblant divers éléments épars de la requête, au risque de reconstruire ce moyen en lui donnant une portée qu’il n’avait pas dans l’esprit de ladite partie. En décider autrement serait contraire, à la fois, à une bonne administration de la justice, au principe dispositif ainsi qu’aux droits de la défense de la partie défenderesse (arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 44).

31      Pour satisfaire aux exigences mentionnées aux points 29 et 30 ci-dessus, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution doit indiquer avec une précision suffisante de quelle façon l’ensemble des conditions pour la réparation du préjudice prétendument subi sont réunies (ordonnance du 3 décembre 1992, TAO/AFI/Commission, C‑44/92, EU:C:1992:497, points 11 et 12, et arrêt du 12 janvier 1994, White/Commission, T‑65/91, EU:T:1994:3, points 135 et 136).

32      Il s’ensuit qu’une telle requête doit contenir les éléments qui permettent d’identifier, premièrement, le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, deuxièmement, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre ce comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi ainsi que, troisièmement, le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêts du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, EU:T:1990:42, point 73, et du 30 juin 2009, CPEM/Commission, T‑444/07, EU:T:2009:227, point 33 et jurisprudence citée).

33      En particulier, la partie requérante doit mettre le Tribunal en mesure d’apprécier l’étendue et le caractère de son préjudice. Ainsi, il appartient à la partie requérante de préciser, notamment, la nature du préjudice allégué, au regard du comportement reproché à l’institution concernée, puis de préciser, même de façon approximative, l’évaluation de l’ensemble de ce préjudice (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, EU:T:1999:124, point 81 et jurisprudence citée, et du 7 février 2007, Gordon/Commission, T‑175/04, EU:T:2007:38, point 45). De plus, il y a lieu de rappeler qu’une demande tendant à obtenir une indemnité quelconque manque de la précision nécessaire et doit, par conséquent, être considérée comme étant irrecevable (arrêts du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, EU:C:1971:116, point 9, et du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, EU:T:1990:42, point 73).

34      Certes, d’une part, la Cour et le Tribunal ont reconnu que, dans des circonstances particulières, notamment lorsqu’il était difficile de chiffrer le préjudice allégué, il n’était pas indispensable de préciser dans la requête l’étendue exacte du préjudice et de chiffrer le montant de la réparation demandée (arrêt du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, EU:C:2004:555, point 62, et du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, EU:T:1990:42, point 76). Cependant, il a également été jugé que la partie requérante devait établir ou au moins invoquer, dans la requête, l’existence de circonstances particulières (ordonnances du 14 mai 1998, Goldstein/Commission, T‑262/97, EU:T:1998:107, point 25, et du 5 février 2007, Sinara Handel/Conseil et Commission, T‑91/05, EU:T:2007:31, point 110).

35      D’autre part, il est vrai qu’il est possible aux juridictions de l’Union de se prononcer, par voie d’arrêt interlocutoire, sur le principe de l’engagement de la responsabilité de l’Union en réservant la détermination exacte de la réparation à une décision ultérieure (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 1979, Granaria/Conseil et Commission, 90/78, EU:C:1979:85, point 6). Néanmoins, cette possibilité reconnue aux juridictions de l’Union ne saurait dispenser la partie requérante du respect des exigences de forme minimales prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure (ordonnance du 5 février 2007, Sinara Handel/Conseil et Commission, T‑91/05, EU:T:2007:31, point 111). De plus, il appartient à la partie requérante de se réserver la possibilité de préciser ultérieurement la portée du préjudice en demandant un arrêt interlocutoire (voir, en ce sens, ordonnance du 18 février 2009, IMS/Commission, T‑346/06, non publiée, EU:T:2009:38, points 37 et 38), notamment afin qu’il ne soit statué qu’après expertise sur l’étendue exacte du préjudice et sur le montant de la réparation (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 1975, CNTA/Commission, 74/74, EU:C:1975:59, points 5 et 6).

36      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si, en l’espèce, la requête satisfait aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

37      En premier lieu, il convient de relever que la requête, prise dans son ensemble, est confuse et peu compréhensible. En effet, les éléments de droit et de fait pertinents, bien que complexes, ne sont pas présentés de façon claire et rigoureuse. Dans ces conditions, il est très difficile d’analyser l’argumentation juridique exposée au soutien des moyens de la requête, sauf à reconstituer cette argumentation en rassemblant divers éléments épars de cette requête. En outre, la requête ne devient réellement intelligible et cohérente qu’après lecture des écritures de la Commission, du Parlement et du Conseil.

38      En deuxième lieu, il importe de noter que la requête présente des imprécisions notables, ainsi que cela résulte notamment des deux exemples suivants, en partie mentionnés, le premier, par la Commission, et, le second, par le Parlement et le Conseil.

39      D’une part, s’agissant de l’identification du fait générateur des dommages, la requête évoque, en des termes très généraux, un « refus de la part de la Commission » qui aurait empêché les autorités italiennes d’intervenir en faveur de Banca delle Marche. À cet égard, la requête se borne à préciser, à titre principal, que l’acte ayant causé les dommages est constitué par « l’interprétation incorrecte de la directive [2014/59] », cet acte étant imputable à la Commission et, à titre subsidiaire, que, dans l’hypothèse où la Commission aurait correctement interprété cette directive, les actes ayant produit les dommages seraient constitués par l’adoption de cette directive et du règlement no 806/2014, ces actes étant alors imputables à l’« Union dans son ensemble ». Or, en ce qui concerne le fait générateur invoqué à titre principal, en l’absence de toute indication quant à la forme, à la date et au contenu du refus prétendument opposé par la Commission aux autorités italiennes, il n’est pas possible d’identifier précisément le comportement reproché à la Commission, ne serait-ce que pour s’assurer de l’existence de ce comportement, ni, a fortiori, d’apprécier la légalité dudit comportement. Par ailleurs, en ce qui concerne le fait générateur invoqué à titre subsidiaire, les requérants n’expliquent pas clairement s’ils entendent soulever l’exception d’illégalité de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014 en tant que moyen dirigé contre le prétendu refus de la Commission ou si, au contraire, ils reprochent directement au Conseil et au Parlement d’avoir adopté ces deux actes législatifs.

40      D’autre part, s’agissant de l’illégalité prétendument fautive ainsi que du lien de causalité entre cette illégalité et les préjudices allégués, la requête fait état d’une violation du principe d’égalité de traitement commise lors de l’adoption ou de l’application de la directive 2014/59 et du règlement n o 806/2014, sans toutefois mentionner aucune disposition spécifique de cette directive ou de ce règlement. Or, en l’absence de mention d’une ou de plusieurs dispositions particulières de la directive 2014/59 ou du règlement n o 806/2014, il n’est pas possible de comprendre comment et pourquoi l’adoption ou l’application de cette directive ou de ce règlement aurait constitué une violation du principe d’égalité de traitement et comment cette adoption ou cette application aurait été directement à l’origine de l’annulation des actions des requérants.

41      En troisième lieu, il convient de constater que la requête ne comporte pas de chiffrage du montant des préjudices prétendument subis et qu’elle n’indique pas davantage les éléments de fait qui permettraient d’apprécier l’étendue exacte de ces préjudices.

42      En effet, les requérants se contentent de faire état de la « valeur perdue des actions », de la « valeur que ces actions auraient conservée à la suite de l’intervention de l’État [italien] » ou encore de la « valeur faciale des actions telle qu’exposée dans la requête et comme elle ressort des documents joints ». À aucun moment, ils ne fournissent d’indications quant à la valeur faciale – c’est-à-dire la valeur nominale – de leurs actions. Par ailleurs, la référence aux « documents joints » ne permet pas davantage de connaître cette valeur. En effet, les seules pièces pertinentes produites en annexe à la requête sont les lettres du 30 août 2017, mentionnées au point 5 ci-dessus, informant les requérants de l’annulation intégrale de leurs actions ; or si ces lettres font mention du nombre d’actions annulées, elles ne font nullement état de la valeur faciale de ces actions.

43      Pourtant, en l’espèce, le chiffrage exact des préjudices allégués ne présentait aucune difficulté dès lors que la valeur faciale des actions était fixe et connue des requérants.

44      Par ailleurs, les requérants n’exposent pas les raisons qui justifieraient l’absence de chiffrage précis des préjudices prétendument subis. En outre, ils ne se réservent pas davantage la possibilité de préciser ultérieurement la portée de ces préjudices en demandant un arrêt interlocutoire ou en sollicitant une expertise.

45      Enfin, les requérants ne prétendent pas que les préjudices prétendument subis pourraient être réparés autrement que par le versement d’une indemnité égale à la valeur en argent des actions annulées. Ils n’évoquent aucun autre mode de réparation, tel qu’une réparation en nature.

46      Dans ces conditions, rien ne justifie l’absence de chiffrage du montant exact des préjudices prétendument subis. Cette absence d’évaluation chiffrée de l’étendue des préjudices met le Tribunal dans l’impossibilité de juger l’affaire puisque, à supposer que le recours soit fondé, le montant de l’indemnité à laquelle la Commission devrait être condamnée ne pourrait être déterminé.

47      Dans ces conditions, la requête ne satisfait pas, à l’évidence, aux exigences résultant de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, telles que rappelées aux points 29 à 35 ci-dessus.

48      Partant, sans qu’il soit besoin d’inviter la Commission à fournir certaines informations ou certains documents, le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

50      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Le Parlement et le Conseil supporteront donc leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mario Scaloni et M. Ennio Figini sont condamnés à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 9 juillet 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


*      Langue de procédure : l’italien.