Language of document : ECLI:EU:C:2024:417

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 16 mai 2024 (1)

Affaire C171/23

UP CAFFE d.o.o.

contre

Ministarstvo financija Republike Hrvatske

[demande de décision préjudicielle formée par l’Upravni sud u Zagrebu (Tribunal administratif de Zagreb, Croatie)]

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Régime d’exonération des petites entreprises – Pratique abusive en matière de TVA par la constitution d’une nouvelle société – Interdiction par le droit de l’Union des pratiques abusives en matière de TVA – Applicabilité directe ou appréciation des faits selon une approche économique »






I.      Introduction

1.        Il existe, dans le droit de l’Union, un principe général selon lequel les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union. Ce principe s’applique également en matière de TVA, laquelle a été largement harmonisée par la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « directive TVA ») (2).

2.        Ainsi, les autorités et les juridictions nationales doivent refuser le bénéfice de droits à déduction, à exonération ou à remboursement de la TVA prévus par la directive TVA, lorsque ceux-ci sont invoqués frauduleusement ou abusivement. La question se pose maintenant de savoir s’il en va de même pour le bénéfice d’un régime que les États membres peuvent (mais ne sont pas tenus de) prévoir pour les petites entreprises en vertu de l’article 287 de la directive TVA.

3.        Dans l’affaire au principal, l’administration fiscale croate souhaite refuser à un assujetti le bénéfice du régime croate d’exonération des petites entreprises, en raison d’un abus supposé, bien que le droit croate ne prévoit pas de base pour un tel refus. Ainsi, la présente affaire donne à la Cour la possibilité de préciser la portée et les limites de sa jurisprudence relative à l’interdiction générale des pratiques abusives en matière de TVA.

4.        En outre, se pose la question du rapport entre ce principe général et les principes généraux de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de légalité de l’impôt, eux aussi consacrés par le droit de l’Union.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

5.        Les articles 281 et suivants de la directive TVA prévoient des régimes particuliers pour les petites entreprises. L’article 282 de cette directive, dans la version applicable à l’affaire au principal, dispose :

« Les franchises et les atténuations prévues à la présente section s’appliquent aux livraisons de biens et aux prestations de services effectuées par les petites entreprises. »

6.        L’article 287, point 19, de la directive TVA, dans sa version applicable à l’affaire au principal, dispose :

« Les États membres ayant adhéré après le 1er janvier 1978 peuvent octroyer une franchise de taxe aux assujettis dont le chiffre d’affaires annuel est au maximum égal à la contre-valeur en monnaie nationale des montants suivants au taux du jour de leur adhésion : (...)

19) la Croatie : 35 000 EUR. »

7.        En vertu de l’article 1er de la décision d’exécution du Conseil, du 25 septembre 2017 (3), la Croatie est autorisée, par dérogation à l’article 287, point 19, de la directive TVA à octroyer une exonération de TVA aux assujettis dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur ou égal à la contre-valeur en monnaie nationale de 45 000 euros au taux de conversion du jour de son adhésion à l’Union européenne.

B.      Le droit croate

8.        L’article 90 du Zakon o porezu na dodanu vrijednost (loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée ; ci-après le « ZPDV ») a transposé l’article 287 de la directive TVA.

9.        En substance, cette disposition prévoit qu’une personne morale ou physique nationale peut être traitée comme une petite entreprise si son chiffre d’affaires de l’année civile précédente n’a pas excédé 300 000 Kuna (HRK) (plus de 39 000 EUR). Une petite entreprise est par principe exonéré de la TVA, mais, en revanche, elle n’a pas le droit de déduire la TVA acquittée en amont.

III. Les antécédents du litige

10.      La juridiction de renvoi a présenté les faits pertinents de manière extrêmement succincte, comme suit :

11.      L’administration fiscale croate (ci-après la « partie défenderesse ») a effectué un contrôle spécial de TVA dans les locaux de la société UP CAFFE d.o.o. (ci-après la « requérante »), établie en Croatie. À cette occasion, la partie défenderesse a constaté que la requérante assurait la continuité de l’entreprise de la société SS-UGO d.o.o. (ci-après la « société antérieure ») à laquelle elle était toujours liée.

12.      La partie défenderesse en a conclu que la constitution de la requérante et la transmission d’entreprise à celle-ci n’auraient pas interrompu la continuité de l’entreprise de la société antérieure. En conséquence, il a déterminé la TVA due par la requérante sans appliquer le régime d’exonération des petites entreprises dont celle-ci se prévaut. Ce faisant, il lui a néanmoins accordé une déduction correspondante de la TVA acquittée en amont.

13.      Par la suite, le 17 octobre 2018, la partie défenderesse a émis un avis d’imposition à la TVA à l’encontre de la requérante. Elle y a fixé la TVA et les intérêts de retard dus pour la période du 1er janvier 2018 au 31 juillet 2018. La requérante a introduit contre cet avis d’imposition une réclamation qui a été rejetée par décision de la partie défenderesse du 24 août 2020.

14.      La requérante a formé contre cette décision un recours devant la juridiction de renvoi. Elle fait valoir notamment qu’elle remplit toutes les conditions pour être qualifiée de petite entreprise. En outre, elle souligne que c’est seulement après la fin de la période d’imposition qu’une disposition générale visant à prévenir les abus aurait été introduite en apportant des modifications à l’Opći porezni zakon (loi fiscale générale, ci-après l’« OPZ »). De même, ce ne serait qu’ultérieurement que des modifications apportées à l’article 49, paragraphe 1, point 4, de l’OPZ, auraient permis de traiter plusieurs personnes comme une personne liée et donc comme un seul assujetti. Or, l’application rétroactive de dispositions serait contraire à l’Ustav Republike Hrvatske (Constitution de la République de Croatie).

15.      Les parties au principal ont complété ces indications lacunaires sur les faits par les explications concordantes qui suivent.

16.      Initialement, il existait une entreprise de restauration, enregistrée en tant qu’assujettie à la TVA du 1er janvier 2013 au 12 juillet 2017. L’activité de restauration a ensuite été poursuivie par la société antérieure, fondée le 28 juin 2017 par le propriétaire de l’entreprise de restauration. La société antérieure a fait usage du droit d’option accordé par l’article 90, paragraphe 1, du ZPDV pour être traitée comme une petite entreprise aux fins de la TVA.

17.      En raison du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année 2017, en 2018, la société antérieure n’a plus rempli les conditions permettant de continuer à appliquer le régime d’exonération des petites entreprises. Cette société a cessé presque toute activité de restauration à la fin de l’année 2017.

18.      Au même moment, la requérante a été constituée, apparemment par une autre personne que le propriétaire de la société antérieure. Elle a fait usage de la possibilité d’être imposée en tant que petite entreprise à partir de 2018. Elle a aussi exercé une activité de restauration, dans les mêmes locaux, avec les mêmes employés et les mêmes fournisseurs que la société antérieure.

19.      En outre, dans le cadre du contrôle spécial, la partie défenderesse a constaté que le propriétaire et gérant de la société antérieure avait été engagé par la requérante. Cependant, il semble qu’il n’ait été ni associé ni gérant de la requérante, c’est du moins ce que la Commission laisse à entendre dans ses observations. Toutefois, il était conjointement et solidairement responsable avec la requérante pour le loyer des locaux commerciaux, et signataire unique du compte bancaire de la société.

IV.    La demande de décision préjudicielle

20.      L’Upravni sud u Zagrebu (tribunal administratif de Zagreb, Croatie), compétent pour connaître de la procédure au principal, a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de la question préjudicielle suivante, au titre de l’article 267 TFUE :

Lorsque les éléments objectifs de l’affaire indiquent qu’une fraude à la TVA a été commise par la constitution d’une nouvelle société, c’est‑à‑dire par l’interruption de la continuité fiscale de l’entreprise d’une société antérieure, et ce dans une situation où l’assujetti sait ou [aurait dû] savoir qu’il a participé à une telle opération, le droit de l’Union impose-t-il aux autorités et juridictions nationales de déterminer l’obligation en matière de la taxe sur la valeur ajoutée (obligation différente de celle de refuser la demande de remboursement de la taxe) également dans le cas où, au moment de l’intervention du fait générateur, la législation nationale ne prévoit pas une telle détermination ?

21.      Dans le cadre de la procédure devant la Cour, la requérante, la République de Croatie et la Commission européenne ont déposé des observations écrites. La Cour a décidé de ne pas tenir d’audience de plaidoiries, en application de l’article 76, paragraphe 2, de son règlement de procédure.

V.      Appréciation juridique

A.      Recevabilité et clarification de la question préjudicielle

22.      La Commission doute que la demande de décision préjudicielle de la juridiction de renvoi satisfasse aux exigences de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour. D’après cette disposition, la demande doit notamment contenir un exposé sommaire des faits pertinents constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles la question est fondée.

23.      L’ordonnance de renvoi ne contient que des indications très succinctes concernant les faits pertinents. En particulier, l’exposé des circonstances précises dont pourrait ressortir un éventuel abus de droit est insuffisant. Toutefois, les explications fournies par la juridiction de renvoi permettent encore tout juste de comprendre le contexte factuel du litige au principal. De surcroît, la requérante et la Croatie ont exposé les faits de manière concordante, contribuant ainsi à la compréhension du cadre factuel.

24.      Néanmoins et en outre, la question préjudicielle ne porte pas sur une disposition déterminée du droit de l’Union. Les dispositions de la directive TVA citées par la juridiction de renvoi dans l’exposé des motifs de la demande (articles 11, 19, 28 et 80) n’ont qu’un lien très ténu avec la procédure au principal. Cependant, le contexte de l’affaire montre de façon suffisamment claire que la question porte sur l’application de l’exonération des « petites entreprises », que les États membres ont la faculté de prévoir en vertu de l’article 287 de la directive TVA, et du principe général d’interdiction des pratiques abusives.

25.      C’est pourquoi nous estimons que, en fin de compte, la juridiction de renvoi a expliqué le contexte factuel et juridique du litige au principal de façon tout juste suffisante pour pouvoir répondre à la question préjudicielle.

26.      Toutefois, pour apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, il est nécessaire de reformuler la question préjudicielle. La juridiction de renvoi souhaite savoir en substance si le bénéfice du régime croate d’exonération des petites entreprises peut être refusé à la requérante en vertu du principe d’interdiction des pratiques abusives inhérent à l’ordre juridique de l’Union, même si le droit croate ne prévoit pas de disposition permettant un tel refus, une telle disposition n’ayant été introduite qu’ultérieurement.

B.      Sur la question préjudicielle

27.      La question préjudicielle porte en premier lieu sur l’interdiction des pratiques abusives en tant que principe général du droit de l’Union. C’est pourquoi nous aborderons tout d’abord l’applicabilité et la portée de ce principe dans la présente affaire (section 1). Nous nous pencherons ensuite sur les éléments constitutifs (section 2) et les conséquences juridiques (section 3) d’un abus de droit.

1.      Sur l’applicabilité et la portée du principe général d’interdiction des pratiques abusives

a)      Remarques générales

28.      Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’interdiction de l’abus de droit constitue un principe général du droit de l’Union (4). Ce principe a également des effets étendus dans le domaine du droit de la TVA.

29.      Ainsi, d’une part, un assujetti ne saurait invoquer frauduleusement ou abusivement les droits à déduction, à exonération ou à remboursement de la TVA prévus par la directive TVA (5). D’autre part, cette directive doit être interprétée en ce sens « qu’elle s’oppose à une pratique nationale consistant à qualifier d’“exercice d’un droit non conforme à la destination de ce droit” le choix d’un assujetti d’exercer une activité économique sous la forme qui lui permet de réduire ses coûts économiques et à refuser, pour ce motif, à cet assujetti le bénéfice du droit à déduction de la TVA acquittée en amont ». Il en va ainsi « lorsque n’est pas établie l’existence d’un montage purement artificiel, dépourvu de réalité économique, effectué à la seule fin, ou, à tout le moins, dans le but essentiel, d’obtenir un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire aux objectifs de cette directive » (6).

30.      Cela montre que, en matière de TVA, le principe général d’interdiction des pratiques abusives est considéré comme un principe d’interprétation (7). La lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels constitue un objectif reconnu et encouragé par la directive TVA (8). Par conséquent, les dispositions de cette directive doivent être interprétées en ce sens que des assujettis ne sauraient les invoquer frauduleusement ou abusivement.

31.      En l’espèce, les seules dispositions nécessitant une interprétation sont l’article 287 de la directive TVA et la disposition croate de transposition figurant à l’article 90, paragraphe 1, du ZPDV. Étant donné que l’article 287 de la directive TVA accorde aux États membres simplement la faculté de prévoir une exonération pour les assujettis dont le chiffre d’affaires est inférieur à certaines limites (régime d’exonération des petites entreprises), cette disposition n’est pas directement applicable à l’égard des particuliers. Seul l’article 90, paragraphe 1, du ZPDV produit un effet direct à l’égard de l’assujetti.

32.      Les juridictions nationales sont tenues d’interpréter la législation nationale de transposition, dans toute la mesure du possible, à la lumière du libellé et de la finalité de la disposition de la directive. D’après leur libellé, les conditions auxquelles la législation de l’État membre soumet l’octroi du régime de franchise de TVA pour les petites entreprises (article 90, paragraphe 1, du ZPDV) semblent être remplies. En tout cas, c’est ce que suggère la demande de décision préjudicielle. Une interprétation différente ne semble pas possible en l’espèce. Les parties s’accordent également à considérer qu’il n’existe, en droit croate, aucune disposition susceptible d’empêcher le recours abusif au régime d’exonération des petites entreprises.

b)      Appréciation des faits ou interprétation d’une règle de droit

33.      Toutefois, selon la Cour, le principe d’interdiction des pratiques abusives (principe d’interdiction des abus) peut être opposé à un assujetti même en l’absence de dispositions du droit national prévoyant de refuser l’exercice de droits au titre de la directive TVA invoqués frauduleusement ou abusivement (9).

34.      La Cour fonde son argumentation notamment sur le fait que la possibilité de refuser des avantages au titre de la directive TVA invoqués frauduleusement ou abusivement doit être considérée comme inhérente au système de commun de la TVA (10). En particulier, dans un tel cas de figure, les conditions objectives requises aux fins de l’obtention de l’avantage recherché ne sont en réalité pas satisfaites (11).

1)      Ce qui ne pose pas de problème : établir les faits économiques

35.      En effet, lors de l’établissement des faits pertinents, il convient d’apprécier l’opération telle qu’elle était réellement voulue par les parties, donc en fonction des circonstances économiques réelles. Ce qui est déterminant, ce n’est pas le montage de droit civil choisi, qui constitue la « forme juridique apparente » de l’opération, mais le résultat économique voulu par les parties au regard de l’ensemble de la situation. Cependant, il s’agit d’une question, non pas d’interprétation du droit de l’Union (ou du droit national), mais d’appréciation des faits.

36.      Toutefois, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une stricte séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, seul le juge national est compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal (12). La Cour peut tout au plus fournir des indications à cet égard. Par exemple, si la juridiction de renvoi parvient à la conclusion que la constitution de la requérante n’était qu’un artifice juridique visant à poursuivre l’activité économique de la société antérieure, elle peut, en adoptant une approche économique, ignorer la « forme juridique apparente » et se fonder sur le résultat économique réellement voulu.

37.      Il en est ainsi parce que le droit fiscal vise, en définitive, à imposer les situations économiques de façon uniforme. C’est pourquoi il convient tout d’abord d’appréhender correctement la substance économique des faits. Un montage qui, au titre de la liberté d’effectuer des montages que confère le droit civil, vise à contourner artificiellement ou à dissimuler cette substance ne peut pas altérer la réalité des faits sous-jacents. En outre, ne serait-ce qu’au regard du principe d’égalité fiscale, des situations comparables du point de vue économique (quel que soit le montage de droit civil choisi) doivent être imposées de façon uniforme. Il est même possible qu’une telle appréciation des faits soit envisageable en l’espèce sur la base de l’article 11 de l’OPZ, cité par la Commission. En effet, cette disposition semble requérir d’établir les faits fiscaux en fonction de la substance économique des faits.

2)      Ce qui pose problème : compléter le droit de l’Union par des éléments constitutifs non écrits

38.      En outre, s’il fallait comprendre la jurisprudence citée au point 33 en ce sens que, par voie d’interprétation, elle complète le droit de l’Union par des éléments constitutifs non écrits, en tout état de cause, cette approche très extensive (et controversée dans la doctrine (13)), qui fait désormais l’objet d’une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme (14), ne serait pas applicable dans la présente affaire.

39.      Dans le cas de figure de l’espèce, les conditions requises pour obtenir l’avantage recherché, en l’occurrence le régime d’exonération des petites entreprises, ne sont justement pas régies par la directive TVA, à la différence, par exemple, de la déduction de la TVA acquittée en amont. En effet, seuls les États membres peuvent accorder le régime d’exonération des petites entreprises en dessous de certains plafonds de chiffre d’affaires, et réglementer les conditions concrètes d’octroi de ce régime. Ainsi, les conditions précises auxquelles est soumise l’exonération des petites entreprises découlent non pas de la directive TVA, mais uniquement du droit croate. Partant, en tout cas dans le cas de figure de l’espèce, il n’est justement pas possible de considérer que les conditions prévues par le droit de l’Union pour bénéficier du régime d’exonération de TVA des petites entreprises ne sont pas réunies.

40.      D’après le libellé des conditions auxquelles la législation croate soumet l’exonération des petites entreprises (voir point 32 des présentes conclusions) semblent remplies. Une interprétation différente, fondée sur l’interdiction des pratiques abusives en droit de l’Union, ne semble pas possible en l’espèce. En effet, le sens littéral du libellé constitue la limite de toute interprétation, y compris lorsque celle-ci vise à prévenir les abus. Même le principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites. Ainsi, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne est limitée par les principes généraux du droit et elle ne peut servir de fondement à une interprétation contra legem de ce droit interne (15).

41.      Ainsi, comme le souligne la juridiction de renvoi, en l’espèce, il ne s’agit pas, comme jusqu’à présent, de refuser une déduction de la TVA acquittée en amont ou une exonération prévues par le droit de l’Union. Il s’agit plutôt d’imposer l’assujetti sur la base d’une interdiction générale et non écrite des pratiques abusives inhérente au droit de l’Union, en dépit de l’exonération prévue par le droit national, c’est-à-dire sans base juridique.

42.      Or, cela irait à l’encontre du principe général de légalité de l’impôt, également reconnu par le droit de l’Union, sur lequel la grande chambre de la Cour a récemment insisté à plusieurs reprises (16). Le droit fiscal est, par nature, un droit qui accorde à l’État un droit d’ingérence dans les droits de particuliers. C’est pourquoi les ingérences éventuelles de l’État dans les droits fondamentaux de l’assujetti résultant d’une imposition doivent être déterminées de manière suffisamment précise dans une loi directement applicable à celui-ci.

43.      Ainsi, selon la Cour, « le principe de légalité de l’impôt, qui fait partie de l’ordre juridique de l’Union en tant que principe général du droit, exige que toute obligation de paiement d’un impôt ainsi que tous les éléments essentiels qui définissent les caractéristiques fondamentales de celui-ci soient prévus par la loi, le contribuable devant être en mesure de prévoir et de calculer le montant de l’impôt dû et de déterminer à quel moment il sera exigible » (17). Or, cela s’oppose à l’applicabilité directe d’une interdiction générale et non écrite des pratiques abusives inhérente au droit de l’Union.

c)      Conclusion intermédiaire

44.      Si l’État membre ne prévoit aucune disposition empêchant les comportements abusifs de ses assujettis, il peut avoir manqué à son obligation de prévoir des règles visant à prévenir les pratiques abusives en matière de TVA. Cependant, un manquement de l’État membre ne saurait être opposé à l’assujetti qui remplit les conditions établies par le droit national. Seule une interprétation conforme du droit national est possible, celle-ci s’inscrivant toutefois dans certaines limites. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une telle interprétation est envisageable en l’espèce. Si tel n’était pas le cas, il serait exclu en l’espèce de recourir à une application directe du principe général d’interdiction des pratiques abusives afin d’établir une obligation fiscale de la requérante.

45.      Cependant, il est concevable que, lors l’établissement de la substance économique de l’opération, qui incombe à la juridiction de renvoi (établissement et appréciation des faits), il apparaisse qu’il n’y a pas eu de modification de la situation sur le plan économique malgré la modification de la forme juridique. Dans un tel cas, il convient de fonder l’imposition sur la situation économique réelle. Dans le cadre d’une approche « économique », aucune base juridique spécifique n’est nécessaire pour identifier correctement la situation imposable pertinente sur le plan économique.

46.      L’exposé des faits, très succinct, ne permet pas d’apprécier si, dans le cas d’une nouvelle société ayant des associés différents, la création d’un nouvel assujetti est purement formelle et vise à bénéficier artificiellement du régime d’exonération des petites entreprises. D’ailleurs, il n’appartient pas à la Cour de porter une telle appréciation dans le cadre d’une procédure préjudicielle. Au contraire, c’est à la juridiction de renvoi ou aux autorités fiscales qu’il incombe d’établir un tel constat de fait. Il se peut que les explications qui suivent, relatives aux pratiques constitutives d’un abus de droit (fournies à titre subsidiaire), facilitent cette tâche.

2.      À titre subsidiaire : les éléments constitutifs d’un abus de droit

47.      Pour le cas où la Cour ne se rangerait pas à l’argumentation développée ci-dessus et considèrerait que l’interdiction générale des pratiques abusives inhérente au droit de l’Union s’applique directement en l’espèce, il convient d’examiner plus en détail les éléments constitutifs d’un abus de droit.

48.      Selon une jurisprudence constante, la constatation d’une pratique abusive en matière de TVA requiert que soient remplies cumulativement une condition objective [sous a)] et une condition subjective [sous b)]. En outre, l’application du principe général d’interdiction des pratiques abusives dans chaque cas d’espèce ne doit pas contrevenir aux principes de légalité de l’impôt, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime [sous c)].

49.      En outre, la constatation d’une pratique abusive dépend d’une appréciation d’ensemble de toutes les circonstances du cas d’espèce. À cet égard, la charge de la preuve repose sur l’administration fiscale (18). Il appartient à la juridiction de renvoi de réaliser un contrôle juridictionnel de cette appréciation d’ensemble.

a)      Condition objective

50.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la constatation d’un abus suppose tout d’abord que, malgré son accomplissement formel, l’objectif poursuivi par la disposition invoquée ne soit pas atteint (19). C’est pourquoi, il n’est jamais possible de constater une pratique abusive autrement qu’au regard de l’objectif spécifique de la disposition en cause.

51.      Dans la procédure au principal, il semble que la requérante remplissait formellement les conditions requises pour bénéficier du régime d’exonération des petites entreprises. En particulier, comme la requérante était nouvellement constituée, les seuils de chiffre d’affaires pertinents n’ont été dépassés ni pendant l’année précédente ni pendant l’année en cours.

52.      Il se pourrait que le recours au régime croate d’exonération des petites entreprises soit contraire la finalité de ce régime. Cela suppose de déterminer cette finalité. En ce qui concerne l’article 287 de la directive TVA, qui permet aux États membres d’accorder une telle exonération, la Cour considère que celui-ci vise à favoriser la création et l’activité des petites entreprises et à renforcer leur compétitivité (20). Cela est douteux puisque, en même temps, la possibilité de déduire la TVA acquittée en amont leur est refusée et que l’exonération en cause vise seulement le chiffre d’affaires annuel réalisé par une entreprise au cours d’une année dans l’État membre dans lequel elle est établie (21). La façon dont le seuil de chiffre d’affaires a été conçu, comme un seuil d’exonération et non comme un seuil d’abattement, ne plaide pas non plus en faveur d’un tel objectif, car elle désavantage précisément les créateurs d’entreprises qui réussissent particulièrement bien (22).

53.      Au contraire, l’objectif principal de cette exonération est la simplification administrative (régime de minimis). Si aucun seuil de chiffre d’affaire n’était fixé, l’administration fiscale devrait traiter comme un assujetti toute personne exerçant une activité économique même très réduite. Cela représenterait une charge administrative considérable, tant pour les assujettis que pour cette administration, sans que des revenus fiscaux correspondants ne viennent compenser cette charge (23).

54.      Eu égard à l’objectif de simplification administrative, la disposition profite au moins autant aux États membres (24). Dans ces conditions, nous doutons qu’il soit possible qu’un assujetti bénéficie abusivement du régime d’exonération des petites entreprises. Le fait que, en vertu de l’article 289 de la directive TVA, les assujettis qui bénéficient du régime d’exonération des petites entreprises n’ont pas le droit de déduire la TVA acquittée en amont corrobore cette interprétation. Ainsi, dans l’ensemble, il n’en résulte pas nécessairement un avantage fiscal pour l’assujetti.

55.      En revanche, il n’est pas non plus exclu que, dans certains cas, il en résulte un avantage fiscal contraire à la finalité du régime d’exonération. Le chiffre d’affaires annuel visé à l’article 287 de la directive TVA est celui qui a été réalisé par l’assujetti ayant agi (25). C’est pourquoi il est concevable qu’un recours à cette disposition soit contraire à l’objectif de celle-ci, notamment lorsqu’une entreprise unique est scindée en plusieurs assujettis « constitués à dessein » afin de ne pas dépasser les plafonds de chiffre d’affaires pertinents.

56.      En tout état de cause, il en va ainsi lorsque les différents assujettis ne peuvent pas être considérés comme un seul assujetti aux fins de l’article 287 de la directive TVA (26). Ainsi que l’a relevé la Croatie, la disposition facultative de l’article 11 de la directive TVA, relative au traitement de plusieurs personnes comme un seul assujetti, n’a pas été transposée en droit national. Par conséquent, il est exclu de traiter la requérante et la société antérieure comme un seul assujetti.

57.      En conclusion, nous considérons que, certes un recours abusif au régime d’exonération des petites entreprises prévu à l’article 287 de la directive TVA n’est pas inconcevable. Cependant, étant donné que cette disposition vise au moins autant à une simplification administrative au profit des États membres, un recours abusif à celle-ci ne saurait être constatée que dans des cas exceptionnels.

b)      L’élément subjectif

58.      La constatation d’un abus suppose un élément subjectif en plus de l’élément objectif. Il doit résulter d’un ensemble d’éléments objectifs que l’obtention d’un avantage fiscal constitue le but essentiel des opérations en cause. L’interdiction de pratiques abusives n’est pas pertinente lorsque les opérations en cause sont susceptibles d’avoir une autre justification que la simple obtention d’avantages fiscaux (27).

59.      À cet égard, l’assujetti a en principe le droit de choisir la structure de son activité de manière à limiter sa dette fiscale (28). C’est pourquoi il est, en principe, libre de choisir les structures organisationnelles et les modalités transactionnelles qu’il estime les plus appropriées pour son activité économique et pour limiter sa charge fiscale (29). Ne sont interdits que les montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, effectués à la seule fin d’obtenir un avantage fiscal (30). A contrario, il n’y pas de montage purement artificiel lorsque des raisons objectives plaident en faveur du montage choisi.

60.      La partie défenderesse s’est fondée sur le fait que la requérante a poursuivi l’exercice de l’activité dans les locaux et avec les employés et les fournisseurs de la société antérieure. Ces indices peuvent plaider en faveur d’un montage purement artificiel. En revanche, il semble que les associés de la requérante et ceux de la société antérieure ne soient pas les mêmes personnes. La participation de personnes différentes peut constituer un indice sérieux de l’existence de motifs économiques justifiant la constitution de la requérante pour poursuivre l’activité de la société antérieure.

61.      Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, en fonction de l’ensemble des circonstances de l’espèce, si le montage choisi avait essentiellement pour but l’obtention d’un avantage fiscal. En tout état de cause, les éléments de fait fournis jusqu’à présent par la juridiction de renvoi ne permettent pas, à eux seuls, de considérer que la constitution de la requérante par un tiers et la continuité de l’entreprise de la société antérieure constituent un montage purement artificiel.

c)      Absence de violation des principes de légalité de l’impôt, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

62.      La requérante au principal invoque également les principes de légalité et de sécurité juridique.

63.      Toutefois, dans certains arrêts plus anciens en matière de TVA, la Cour a considéré que les assujettis qui ont créé les conditions afférentes à l’obtention d’un droit de manière abusive ou frauduleuse ne peuvent pas se prévaloir de ces principes (31).

64.      Cette affirmation, formulée de manière très générale, nous paraît problématique du point de vue de l’État de droit et compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour relative aux valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Elle n’est pas non plus conforme aux récents arrêts de la Cour relatifs au principe de l’État de droit.

65.      Ainsi, dans sa jurisprudence récente, la Cour souligne de plus en plus souvent que l’Union est composée d’États qui respectent et partagent les valeurs mentionnées à l’article 2 TUE (32). Parmi les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, telles qu’énoncées à l’article 2 TUE, figure notamment l’État de droit. Celui-ci exige, tout d’abord, que les interventions de l’État reposent sur une disposition légale. En droit fiscal, cette réserve légale s’exprime par le principe de légalité de l’impôt (33), de la même manière que, en droit pénal, par le principe nulla poene sine lege certa (principe de légalité des délits et des peines), et la Cour considère qu’il s’agit d’une expression particulière du principe général de sécurité juridique (34).

66.      Le principe de sécurité juridique, qui a pour corollaire celui de la protection de la confiance légitime et qui découle ainsi également du principe de l’État de droit, exige notamment que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (35). À cet égard, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent être respectés aussi bien par les institutions de l’Union européenne que par les États membres dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les directives de l’Union (36).

67.      La grande chambre de la Cour a déjà jugé que l’exigence de précision de la loi applicable, qui est inhérente au principe de légalité (en l’occurrence, des délits et des peines), implique que la loi définisse de manière claire ses conséquences juridiques. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité (en l’occurrence pénale) (37). Il en va de même pour tout autre droit d’ingérence dans des droits de particuliers, comme le droit fiscal et la responsabilité fiscale que celui-ci prévoit. Ainsi, la Cour a déjà également reconnu l’importance particulière de la réserve légale pour le droit fiscal et l’a qualifiée de principe général du droit faisant partie de l’ordre juridique de l’Union (38).

68.      C’est pourquoi, lorsqu’une législation fiscale crée des obligations dans le chef des particuliers, elle doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables. Selon la Cour, cela s’impose avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit d’une réglementation susceptible d’avoir des conséquences financières (39). À cet égard, toute obligation de paiement d’un impôt, tel que la TVA, et tous les éléments essentiels qui définissent les caractéristiques fondamentales de celui-ci doivent être prévus par la loi. L’assujetti doit être en mesure de prévoir le montant de l’impôt dû (40).

69.      En revanche, l’interdiction des pratiques abusives (par le droit de l’Union) ne saurait se fonder sur le droit primaire écrit ni, a fortiori, sur les valeurs mentionnées à l’article 2 TUE. Dans des situations dans lesquelles tant le principe de l’État de droit que celui de l’interdiction des pratiques abusives sont applicables, cela plaide en faveur d’une application très diligente et restrictive de ce dernier.

70.      Cette prémisse étant posée, la requérante ne saurait se voir refuser, de manière générale, d’invoquer la protection de la confiance légitime en l’espèce. Cela d’autant moins que, comme l’indique également la Croatie, l’affaire au principal concerne non pas un grief de fraude à la TVA, mais « seulement » un abus de droit. Il s’agit là d’une différence essentielle qui justifie également un traitement différent.

71.      Ce qui caractérise la fraude fiscale, c’est qu’elle vise à obtenir un avantage fiscal par un comportement passible d’une sanction. En revanche, ce qui caractérise le montage abusif c’est que, bien qu’il respecte la législation applicable (et qu’il s’agisse donc d’un comportement licite), il a seulement pour effet un avantage fiscal qui n’est pas visé par la législation. La frontière entre un comportement déjà abusif et un comportement « normal », qui n’est pas encore abusif, d’un assujetti qui tente de minimiser sa charge fiscale peut être fluctuante et très différente d’un cas à l’autre. Cela est d’autant plus vrai que la Cour reconnaît que, lorsqu’un assujetti a le choix entre deux opérations, il n’est pas tenu de choisir celle qui implique le paiement du montant de la TVA le plus élevé, mais a le droit, au contraire, de choisir la structure de son activité de manière à limiter sa dette fiscale. Par conséquent, les assujettis sont en principe libres de choisir les structures organisationnelles et les modalités transactionnelles qu’ils estiment les plus appropriées pour leurs activités économiques et pour limiter leurs charges fiscales (41).

72.      Toutefois, cela suppose aussi que l’assujetti puisse se fier à la législation en vigueur dans l’État membre concerné. Par conséquent, si, comme dans l’affaire au principal, il n’y existe pas de disposition législative visant à interdire les abus et que le droit national ne peut pas non plus être interprété en ce sens que l’invocation d’une disposition d’exonération fiscale dans le seul but de minimiser l’impôt est illicite, alors, l’exonération fiscale, qui est la conséquence juridique prévue par la loi, ne saurait être refusée de manière générale.

73.      Au contraire, il appartient toujours à la juridiction de renvoi de déterminer, en fonction de l’ensemble des circonstances de l’espèce, si, en l’espèce, la requérante pouvait légitimement se fier à la stabilité du droit positif. Si la juridiction de renvoi répond à cette question par l’affirmative, alors l’administration fiscale défenderesse ne peut pas se prévaloir d’une interdiction générale et non écrite des pratiques abusives inhérente au droit de l’Union à l’encontre de la requérante, lorsque cette interdiction n’a pas encore été transposée en droit national.

3.      Sur la conséquence juridique d’un abus de droit

74.      Si la juridiction de renvoi parvenait à la conclusion que toutes les conditions requises pour présumer un abus de droit (y compris l’absence de confiance légitime) sont réunies, l’imposition devrait se fonder sur la situation qui aurait existé en l’absence de comportement abusif (42).

75.      Cependant, pour des raisons de proportionnalité, l’imposition ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l’exacte perception de la TVA (43). Partant, l’administration fiscale défenderesse serait, certes, en droit de refuser à la requérante l’invocation du régime d’exonération des petites entreprises. Cependant, ainsi que l’a également observé cette administration, la requérante bénéficierait dans ce cas d’un droit à déduction de la TVA acquittée en amont pour la période d’imposition en cause.

VI.    Conclusion

76.      Par conséquent, nous proposons à la Cour de répondre à la question préjudicielle de l’Upravni sud u Zagrebu (tribunal administratif de Zagreb) en ces termes :

Le principe général d’interdiction des pratiques abusives n’impose pas aux autorités et aux juridictions nationales d’ignorer, en violation du principe de légalité de l’impôt, l’exonération d’une petite entreprise prévue par le droit national sur le fondement de l’article 287 de la directive TVA, lorsqu’une interprétation conforme du droit national n’est pas envisageable et que la législation nationale ne fournit pas de base juridique pour refuser cette exonération. Néanmoins, lors de la détermination de la situation imposable, l’administration fiscale peut se fonder sur la situation économique recherchée et ignorer une situation qui n’a été réalisée qu’en apparence (approche « économique »).


1      Langue originale : l’allemand.


2      Directive du Conseil, du 28 novembre 2006 (JO 2006, L 347, p. 1), dans sa version applicable à l’année litigieuse (2018) ; telle que modifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens (JO 2017, L 348, p. 7).


3      Décision d’exécution (UE) 2017/1768 du Conseil, du 25 septembre 2017, autorisant la République de Croatie à introduire une mesure particulière dérogatoire à l’article 287 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2017, L 250, p. 71).


4      Arrêt de principe du 5 juillet 2007, Kofoed (C‑321/05, EU:C:2007:408, point 38).


5      Arrêt du 18 décembre 2014, Schoenimport « Italmoda » Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, points 49 et 62).


6      Ordonnance du 9 janvier 2023, A.T.S. 2003 (C‑289/22, EU:C:2023:26, point 42).


7      Conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2005:200, point 69), et de l’avocat général Szpunar dans les affaires jointes Schoenimport « Italmoda » Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2217, point 63). Voir, également, arrêt du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 85).


8      Arrêt du 18 décembre 2014, Schoenimport « Italmoda » Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, point 42 et jurisprudence citée).


9      Arrêts du 22 novembre 2017, Cussens e.a. (C‑251/16, EU:C:2017:881, point 33), et du 18 décembre 2014, Schoenimport « Italmoda » Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, point 62).


10      Arrêt du 18 décembre 2014, Schoenimport « Italmoda » Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, point 59).


11      Arrêts du 22 novembre 2017, Cussens e.a. (C‑251/16, EU:C:2017:881, point 32), et du 18 décembre 2014, Schoenimport « Italmoda » Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, point 57) ; auparavant, arrêt de principe du 14 décembre 2000, Emsland-Stärke (C‑110/99, EU:C:2000:695, point 56)


12      Arrêts du 16 juin 2022, DuoDecad (C‑596/20, EU:C:2022:474, point 37), du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, points 78 et 132), et du 26 avril 2017, Farkas (C‑564/15, EU:C:2017:302, point 37).


13      Voir simplement, à titre d’exemple, le point de vue très critique de deux spécialistes du droit de la TVA très renommés en Allemagne : H. Stadie, in Rau et Dürrwächter, UStG, « Einführung », point 615 (édition : janvier 2024), « En définitive, si les propos développés par la Cour sont exacts, ils montrent néanmoins une absence d’approche théorique » ; et W. Reiß, Umsatzsteuerrecht, 20e éd., 2022, point 303, « Dans ce contexte, le droit de l’Union s’impose à la Cour de justice de l’Union européenne en ce sens que, nonobstant sa compétence pour donner une interprétation de ce droit faisant autorité, celle-ci est liée par la directive dans le respect des principes généraux du droit de l’Union. Or, la Cour n’a pas pour fonction de se substituer au législateur de l’Union et d’imposer aux États membres, et à leurs juridictions et autorités administratives respectives, des exigences qui ne découlent pas de la directive ».


14      Bewusst weggelassen ? (ja, ich dachte es reicht mit der Verfharensnummer ? – i.O) Requête no 16395/18 – Italmoda Mariano Previti e.a. c. Pays-Bas.


15      Dernièrement, arrêt du 20 février 2024, X (Absence de motifs de résiliation) (C‑715/20, EU:C:2024:139, point 70 et jurisprudence citée).


16      Arrêts du 5 décembre 2023, Luxembourg e.a./Commission (C‑451/21 P et C‑454/21 P, EU:C:2023:948, point 119), et du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 97).


17      Arrêts du 5 décembre 2023, Luxembourg e.a./Commission (C‑451/21 P et C‑454/21 P, EU:C:2023:948, point 119), et du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 97). Voir aussi, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Związek Gmin Zagłębia Miedziowego (C‑566/17, EU:C:2019:390, point 39).


18      Voir arrêt du 26 février 2019, T Danmark et Y Denmark (C‑116/16 et C‑117/16, EU:C:2019:135, point 117).


19      Arrêt de principe du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 74) ; dernièrement, aussi, arrêt du 26 février 2019, T Danmark et Y Denmark (C‑116/16 et C‑117/16, EU:C:2019:135, point 97).


20      Voir arrêts du 9 juillet 2020, AJPF Caraș-Severin et DGRFP Timișoara (C‑716/18, EU:C:2020:540, point 40), du 2 mai 2019, Jarmuškienė (C‑265/18, EU:C:2019:348, point 37), et du 26 octobre 2010, Schmelz (C‑97/09, EU:C:2010:632, point 63), ainsi que nos conclusions dans l’affaire Schmelz (C‑97/09, EU:C:2010:354, point 33).


21      Arrêt du 26 octobre 2010, Schmelz (C‑97/09, EU:C:2010:632, point 77).


22      Voir nos conclusions dans l’affaire AJPF Caraș-Severin et DGRFP Timișoara (C‑716/18, EU:C:2020:82, point 27).


23      Arrêts du 9 juillet 2020, AJPF Caraș-Severin et DGRFP Timișoara (C‑716/18, EU:C:2020:540, point 40), du 2 mai 2019, Jarmuškienė (C‑265/18, EU:C:2019:348, point 37), et du 26 octobre 2010, Schmelz (C‑97/09, EU:C:2010:632, points 63 et 68).


24      Voir nos conclusions dans l’affaire AJPF Caraș-Severin et DGRFP Timișoara (C‑716/18, EU:C:2020:82), point 28).


25      Voir nos conclusions dans l’affaire Valstybinė mokesčių inspekcija (Contrat d’activité commune) (C‑312/19, EU:C:2020:310, point 67).


26      Voir nos conclusions dans l’affaire Valstybinė mokesčių inspekcija (Contrat d’activité commune) (C‑312/19, EU:C:2020:310, point 65).


27      Arrêt du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 75).


28      Ordonnance du 9 janvier 2023, A.T.S. 2003 (C‑289/22, EU:C:2023:26, point 40), et arrêt du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 73).


29      Voir ordonnance du 9 janvier 2023, A.T.S. 2003 (C‑289/22, EU:C:2023:26, point 40).


30      Arrêts du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832, point 35), et du 20 juin 2013, Newey (C‑653/11, EU:C:2013:409, point 46).


31      Arrêts du 22 novembre 2017, Cussens e.a. (C‑251/16, EU:C:2017:881, point 43), du 18 décembre 2014, Schoenimport « Italmoda » Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, point 60), et, de manière allusive, du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 84).


32      Arrêts du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, points 42 et 43), du 10 décembre 2018, Wightman e.a. (C‑621/18, EU:C:2018:999, point 63), et du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 35). En ce qui concerne la prise en compte des valeurs qui sont mentionnées par cette disposition lors de l’interprétation des directives, voir également arrêt du 9 mars 2010, Commission/Allemagne (C‑518/07, EU:C:2010:125, point 41).


33      Arrêts du 5 décembre 2023, Luxembourg e.a./Commission (C‑451/21 P et C‑454/21 P, EU:C:2023:948, point 119), du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 97), et du 8 mai 2019, Związek Gmin Zagłębia Miedziowego (C‑566/17, EU:C:2019:390, point 39).


34      Voir conclusions de l’avocat général Emiliou dans l’affaire Belgian Association of Tax Lawyers e.a. (C‑623/22, EU:C:2024:189, point 42), et arrêt du 20 décembre 2017, Vaditrans (C‑102/16, EU:C:2017:1012, point 50).


35      Arrêts du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, point 77), du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft (C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 127), et du 12 décembre 2013, Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation (C‑362/12, EU:C:2013:834, point 44). Voir aussi nos conclusions dans l’affaire Banco de Portugal e.a. (C‑504/19, EU:C:2020:943, point 79).


36      Voir simplement, en matière de TVA, arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean (C‑183/14, EU:C:2015:454, point 30 et jurisprudence citée).


37      Arrêts du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C‑42/17, EU:C:2017:936, point 56), et du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, point 162).


38      Arrêts du 5 décembre 2023, Luxembourg e.a./Commission (C‑451/21 P et C‑454/21 P, EU:C:2023:948, point 119), du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 97), et du 8 mai 2019, Związek Gmin Zagłębia Miedziowego (C‑566/17, EU:C:2019:390, point 39).


39      Arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean (C‑183/14, EU:C:2015:454, point 31).


40      Arrêts du 5 décembre 2023, Luxembourg e.a./Commission (C‑451/21 P et C‑454/21 P, EU:C:2023:948, point 119), du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 97), et du 8 mai 2019, Związek Gmin Zagłębia Miedziowego (C‑566/17, EU:C:2019:390, point 39).


41      Ordonnance du 9 janvier 2023, A.T.S. 2003 (C‑289/22, EU:C:2023:26, point 40), et arrêts du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 73), et du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832, point 42).


42      Voir les arrêts du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832, point 52), et du 20 juin 2013, Newey (C‑653/11, EU:C:2013:409, point 50).


43      Arrêt du 22 novembre 2017, Cussens e.a. (C‑251/16, EU:C:2017:881, point 46).