Language of document : ECLI:EU:T:2011:339

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 juillet 2011 (*)

« Recours en annulation – Enregistrement d’une indication géographique protégée − Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑351/09,

Acetificio Marcello de Nigris Srl, établie à Afragola (Italie), représentée par Mes F. Perani et P. Pozzi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Rossi et B. Rasmussen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République italienne, représentée par Mes G. Palmieri et S. Fiorentino, avvocati dello Stato,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 583/2009 de la Commission, du 3 juillet 2009, enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées [Aceto balsamico di Modena (IGP)] (JO L 175, p. 7),


LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

 Règlement (CEE) n° 2081/92

1        Le règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 208, p. 1) établit, aux termes de son article 1er, les règles relatives à la protection des appellations d’origine et des indications géographiques dont peuvent bénéficier certains produits agricoles et certaines denrées alimentaires.

2        Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[…]

b)      ‘indication géographique’ : le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, qui sert à désigner un produit agricole ou une denrée alimentaire :

–        originaire de cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays

et

–        dont une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique et dont la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée. »

3        En vertu de l’article 5, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 2081/92, la demande d’enregistrement d’une indication géographique doit être adressée à l’État membre dans lequel est située l’aire géographique concernée. Il incombe à cet État membre de vérifier que la demande est justifiée et de la transmettre, le cas échéant, à la Commission européenne afin que celle-ci l’examine. À compter de la date de cette transmission, l’État membre peut accorder une protection à l’indication géographique concernée au niveau national. Cette protection nationale ne peut cependant qu’être transitoire. Elle cesse d’exister à partir de la date à laquelle est prise une décision sur l’enregistrement en vertu dudit règlement.

4        Conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2081/92, lorsque la Commission estime que les conditions pour ce faire sont réunies, elle publie au Journal officiel des Communautés européennes la demande d’enregistrement.

5        En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du même règlement, tout État membre peut se déclarer opposé à l’enregistrement dans un délai de six mois à compter de la date de cette publication.

6        Aux termes du paragraphe 3 dudit article du règlement n° 2081/92 :

« Toute personne physique ou morale légitimement concernée peut s’opposer à l’enregistrement envisagé par l’envoi d’une déclaration dûment motivée à l’autorité compétente de l’État membre dans lequel elle réside ou est établie. L’autorité compétente adopte les mesures nécessaires pour prendre en considération ces remarques ou cette opposition dans les délais requis. »

7        Lorsqu’une dénomination est enregistrée par la Commission comme indication géographique protégée, elle bénéficie d’une protection, dont le champ est défini au paragraphe 1 de l’article 13 du règlement n° 2081/92. À titre dérogatoire, le paragraphe 2 de ce même article permet aux États membres de maintenir, temporairement et sous certaines conditions, des régimes nationaux permettant l’utilisation des dénominations enregistrées au titre de l’article 17 du même règlement.

8        Aux termes de l’article 17 du règlement n° 2081/92 :

« 1. Dans un délai de six mois suivant la date d’entrée en vigueur du présent règlement, les États membres communiquent à la Commission quelles sont, parmi leurs dénominations légalement protégées ou, dans les États membres où un système de protection n’existe pas, consacrées par l’usage, celles qu’ils désirent faire enregistrer en vertu du présent règlement. […]

2. La Commission enregistre, selon la procédure prévue à l’article 15, les dénominations visées au paragraphe 1 qui sont conformes aux articles 2 et 4. L’article 7 ne s’applique pas. Toutefois, les dénominations génériques ne sont pas enregistrées.

[…] »

 Règlement (CE) n° 510/2006

9        Le règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 93, p. 12) a, par son article 19, abrogé et remplacé le règlement n° 2081/92.

10      Selon l’article 5, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 510/2006, lorsque la demande d’enregistrement concerne une aire géographique située dans un État membre déterminé, elle est adressée à cet État membre. Il appartient à celui-ci de l’examiner et d’entamer une « procédure nationale d’opposition », puis, s’il considère que les conditions pour ce faire sont satisfaites, de la transmettre à la Commission, accompagnée de divers documents.

11      Conformément à l’article 6, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 510/2006, la Commission entame alors l’examen de la demande. Si elle estime que les conditions requises sont remplies, elle publie au Journal officiel de l’Union européenne les éléments principaux de la demande, laquelle comprend notamment, selon l’article 5, paragraphe 3, du même règlement, le cahier des charges de la dénomination.

12      L’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 510/2006 prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la date de cette publication, tout État membre ou pays tiers peut s’opposer à l’enregistrement envisagé par le dépôt auprès de la Commission d’une déclaration dûment motivée. Le paragraphe 2 du même article permet également à toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime, établie ou résidant dans un pays tiers ou dans un État membre autre que celui qui a demandé l’enregistrement, de former une opposition, par le dépôt d’une déclaration dûment motivée.

13      En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 510/2006, il appartient à la Commission d’examiner la recevabilité des oppositions visées aux paragraphes 1 et 2. Ainsi que le prévoit le paragraphe 5 dudit article, si une opposition est recevable, la Commission invite les parties intéressées à procéder à des consultations. Si aucun accord n’intervient, la Commission arrête une décision en tenant compte des usages loyalement et traditionnellement pratiqués et des risques effectifs de confusion. Elle suit alors la procédure prévue à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 510/2006, lequel renvoie aux articles 5 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23).

14      La décision ainsi arrêtée est publiée au Journal officiel de l’Union européenne. Elle a pour effet d’inscrire la dénomination dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées, lequel est, selon l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 510/2006, tenu par la Commission. Cette inscription confère à la dénomination la protection prévue par l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement, aux termes duquel :

« Les dénominations enregistrées sont protégées contre toute :

a)      utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l’enregistrement, dans la mesure où ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou dans la mesure où cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée ;

b)      usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que ‘genre’, ‘type’, ‘méthode’, ‘façon’, ‘imitation’, ou d’une expression similaire ;

c)      autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l’utilisation pour le conditionnement d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur l’origine ;

d)      autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.

Lorsqu’une dénomination enregistrée contient en elle-même le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire considéré comme générique, l’utilisation de ce nom générique sur les produits ou denrées correspondants n’est pas considérée comme contraire au premier alinéa, [sous] a) ou b). »

 Antécédents du litige

 Enregistrement de la dénomination au niveau communautaire

15      Au cours de l’année 1994, la République italienne a demandé l’enregistrement, d’une part, des dénominations « Aceto balsamico tradizionale di Reggio Emilia » et « Aceto balsamico tradizionale di Modena » en tant qu’appellations d’origine protégées, et, d’autre part, de la dénomination « Aceto balsamico di Modena » en tant qu’indication géographique protégée, conformément à la procédure simplifiée prévue à l’article 17 du règlement n° 2081/92.

16      Les deux premières dénominations ont été enregistrées par le règlement (CE) n° 813/2000 du Conseil, du 17 avril 2000, complétant l’annexe du règlement (CE) n° 1107/96 de la Commission relatif à l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine au titre de la procédure prévue à l’article 17 du règlement n° 2081/92 (JO L 100, p. 5).

17      En revanche, la dénomination « Aceto balsamico di Modena » n’a pas fait l’objet d’un enregistrement, les autorités italiennes ayant retiré leur demande en ce sens.

18      Par lettre en date du 27 novembre 2001, la République italienne a demandé l’annulation de ce retrait. Cette demande a, toutefois, été rejetée par la Commission au motif que la procédure simplifiée prévue par l’article 17 du règlement n° 2081/92 n’était plus applicable.

19      En novembre 2004, les autorités italiennes ont transmis à la Commission une demande tendant à l’enregistrement de l’indication géographique « Aceto balsamico di Modena », qui avait été introduite par le groupement coopératif « Aceto balsamico di Modena », le groupement coopératif « Produzione certificata aceto balsamico modenese » et le comité « Produttori indipendenti aceto balsamico di Modena ».

20      Après qu’il eut été répondu à certaines interrogations de la Commission, ladite demande a fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne, le 6 juillet 2007 (JO C 152, p. 18).

21      La République fédérale d’Allemagne, la République hellénique et la République française se sont déclarées opposées à l’enregistrement d’une telle indication géographique, en application de l’article 7 du règlement n° 510/2006. Cette opposition a été considérée recevable.

22      En l’absence d’accord entre les États membres concernés, la Commission a suivi la procédure visée à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 510/2006. À l’issue de celle-ci, elle a adopté le règlement (CE) nº 583/2009, du 3 juillet 2009 (JO L 175, p. 7 ; ci-après le « règlement attaqué »), portant inscription de la dénomination « Aceto balsamico di Modena » dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées. L’annexe II de ce règlement mentionne, en son point 4.3, que la production de l’« Aceto Balsamico di Modena » doit avoir lieu sur le territoire administratif des provinces de Modène et de Reggio Emilia (Italie).

 Reconnaissance de la dénomination au niveau national

23      L’article 46 du décret n° 162 du président de la République italienne, du 12 février 1965 (supplément ordinaire à la GURI n° 73, du 23 mars 1965, p. 3 ; ci-après le « décret du 12 février 1965 ») a reconnu l’usage de dénominations spécifiques s’agissant de certains vinaigres, tels que l’« Aceto balsamico di Modena », tout en renvoyant à un autre décret le soin de préciser les règles afférentes à la composition et à la préparation de ceux-ci.

24      Le 3 décembre 1965, le ministre de l’Agriculture et des Forêts italien a adopté un décret d’application définissant l’« Aceto balsamico di Modena », en référence non pas à un terroir, mais à une technique de production particulière (GURI n° 306, du 9 décembre 1965 ; ci-après le « décret du 3 décembre 1965 »).

25      Par un décret du ministre de l’Agriculture et des Forêts du 15 novembre 1989 portant reconnaissance de la dénomination d’origine « Aceto balsamico di Modena » (GURI n° 289, du 12 décembre 1989, p. 11 ; ci-après le « décret du 15 novembre 1989 »), la zone de production de ce vinaigre a été circonscrite aux provinces de Modène et de Reggio Emilia.

26      Sur le fondement des décrets des 12 février et 3 décembre 1965, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par un arrêt n° 5798/2000 en date du 14 juillet 2000, a annulé le décret du 15 novembre 1989. Ainsi, le Consiglio di Stato a accueilli l’appel interjeté par la requérante, Acetificio Marcello de Nigris Srl, à l’encontre du jugement n° 467 du Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Lazio, Italie) du 28 janvier 2000. Celui-ci avait rejeté un recours formé par la requérante contre le décret du 15 novembre 1989.

27      Par l’article 2 d’un décret du 16 novembre 2000 (GURI n° 276, du 25 novembre 2000, p. 13 ; ci-après le « décret du 16 novembre 2000 »), le directeur général des politiques agricoles et agro-industrielles nationales près le ministère des Politiques agricoles et forestières a reconnu, en se fondant sur l’article 13, paragraphe 2, du règlement n° 2081/92, aux producteurs de vinaigre balsamique ayant respecté les règles posées par les décrets des 12 février 1965, 3 décembre 1965 et 15 novembre 1989, le droit de continuer à utiliser à des fins commerciales la dénomination « Aceto balsamico di Modena » jusqu’au 20 avril 2005. L’article 3 du même décret a étendu à la requérante, expressément nommée, le bénéfice de cette autorisation temporaire, et ce « en conséquence de l’arrêt du Consiglio di Stato », précité.

28      Par un arrêt n° 17553/2002 en date du 24 octobre 2002, la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) a rejeté un recours formé contre l’arrêt du Consiglio di Stato.

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 septembre 2009, la requérante a introduit le présent recours. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        adopter, en conséquence, tous les actes et mesures nécessaires à la suppression de l’inscription de l’indication géographique protégée « Aceto balsamico di Modena » du registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2009, la Commission a, en application de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, soulevé une exception d’irrecevabilité. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

31      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 décembre 2009, la République italienne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

32      Le 12 janvier 2010, la requérante a déposé au greffe du Tribunal ses observations écrites en réponse à l’exception d’irrecevabilité. Elle y conclut au rejet de celle-ci.

33      Par ordonnance du 13 janvier 2010, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la République italienne. Celle-ci a déposé son mémoire en intervention le 8 avril 2010.

34      Par ordonnance du 21 mai 2010, le président de la cinquième chambre du Tribunal, les parties entendues, a suspendu la procédure dans la présente affaire, conformément à l’article 77, sous d), du règlement de procédure, jusqu’à ce que le Tribunal se prononce sur la recevabilité des recours dans les affaires T‑532/08, Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission, ainsi que T‑539/08, Etimine et Etiproducts/Commission.

35      Le 7 septembre 2010, le Tribunal a statué par voie d’ordonnance sur ces deux affaires (ordonnances du Tribunal du 7 septembre 2010, Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission, T‑532/08, non encore publiée au Recueil, et Etimine et Etiproducts/Commission, T‑539/08, non encore publiée au Recueil). La procédure a, par conséquent, été reprise dans la présente affaire.

36      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juin 2011, le Consorzio Filiera Aceto Balsamico di Modena a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

37      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur initialement désigné a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la même chambre.

 En droit

38      Aux termes de l’article 114 du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

39      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans ouvrir la procédure orale, par voie d’ordonnance motivée.

 Arguments des parties

40      Dans la requête, la requérante fait valoir que, alors même que le règlement attaqué présente un caractère normatif, il ne peut être exclu qu’il la concerne individuellement.

41      Elle soutient, en premier lieu, qu’elle est le seul producteur italien d’« Aceto balsamico di Modena » disposant d’une structure de production intégralement localisée en dehors des provinces de Modène et de Reggio Emilia, en Campanie. Le règlement attaqué aurait ainsi pour effet de l’exclure du marché et de lui imposer de cesser son activité.

42      Elle ajoute que le règlement attaqué présente des conséquences d’autant plus significatives qu’elle produit de l’« Aceto balsamico di Modena » depuis des décennies en Campanie, a contribué à la notoriété de l’appellation et dispose d’une part de marché importante. Selon elle, ledit règlement instaurerait, sans justification, en faveur des producteurs des provinces de Modène et de Reggio Emilia un monopole, de nature à causer des préjudices importants à la région dans laquelle elle est établie.

43      Elle fait valoir, en deuxième lieu, que, en vertu des décrets du 3 décembre 1965 et du 16 novembre 2000 ainsi que des arrêts, précités, du Consiglio di Stato du 14 juillet 2000 et de la Corte suprema di cassazione du 24 octobre 2002, elle dispose d’un droit spécifique auquel le règlement attaqué porte atteinte.

44      La requérante expose, en troisième lieu, que le recours devant le Tribunal est la seule voie de droit lui étant offerte afin de contester l’enregistrement de la dénomination « Aceto balsamico di Modena ». Si ce recours devait être regardé comme irrecevable, son droit à une protection juridictionnelle effective serait méconnu.

45      En effet, d’une part, l’abrogation du règlement n° 2081/92, alors que la demande d’enregistrement de la dénomination n’était pas encore publiée, lui aurait retiré la possibilité de former une opposition après publication de la demande d’enregistrement, ainsi que le permettait l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement.

46      D’autre part, la procédure nationale d’opposition, préalable à la transmission à la Commission d’une demande d’enregistrement, n’aurait été introduite que par le règlement n° 510/2006. Elle n’aurait donc pu en bénéficier dès lors que la demande d’enregistrement visant la dénomination en cause avait été communiquée antérieurement à l’entrée en vigueur du règlement n° 510/2006.

47      Quant à elle, en premier lieu, la Commission estime que le règlement attaqué est doté d’une portée générale. La protection afférente à la dénomination « Aceto balsamico di Modena » serait, en effet, identique dans l’ensemble des États membres et trouverait à s’appliquer, indifféremment, à l’égard de tous les acteurs économiques.

48      En deuxième lieu, la Commission soutient que la requérante n’est pas concernée directement et individuellement par le règlement attaqué. Elle ne serait pas placée dans une situation différente de celle des producteurs ayant utilisé la dénomination « Aceto balsamico di Modena », mais n’étant plus en droit de le faire depuis l’enregistrement de celle-ci. La circonstance qu’elle ait été privée par le règlement attaqué de la protection temporaire que lui accordait le décret du 16 novembre 2000 ne serait d’ailleurs pas de nature à remettre en cause cette conclusion. De même, l’incidence du règlement attaqué sur l’activité commerciale de la requérante ne pourrait pas être utilement invoquée par elle.

49      En troisième lieu, la Commission expose que la requérante n’est pas fondée à se prévaloir d’une méconnaissance de son droit à une protection juridictionnelle effective. En effet, selon la Commission, la procédure d’examen des demandes d’enregistrement d’indications géographiques n’a pas été affectée par l’abrogation du règlement n° 2081/92. Il s’ensuivrait qu’il était loisible à la requérante de défendre ses intérêts dans le cadre de la procédure nationale d’opposition, mais qu’au même titre que toute autre personne physique ou morale, elle ne pouvait former opposition à l’enregistrement de la dénomination en cause devant les instances communautaires.

50      Au soutien des conclusions de la Commission, la République italienne souligne, en premier lieu, que le règlement attaqué ne concerne pas individuellement la requérante. Le cas d’espèce pourrait d’ailleurs, selon elle, être rapproché de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance de la Cour du 26 octobre 2000, Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission (C‑447/98 P, Rec. p. I‑9097), dans laquelle la Cour avait jugé que les requérantes n’étaient pas individuellement concernées par un règlement relatif à l’enregistrement d’une appellation d’origine protégée.

51      En deuxième lieu, elle expose que la situation de la requérante a toujours été contestée par les groupements coopératifs de producteurs issus des provinces de Modène et de Reggio Emilia et ajoute que la requérante n’est pas fondée à invoquer les arrêts, précités, du Consiglio di Stato du 14 juillet 2000 et de la Corte suprema di cassazione du 24 octobre 2002. En effet, le Consiglio di Stato aurait modifié sa jurisprudence par un arrêt n° 3890/2008 du 6 juin 2008.

52      En troisième lieu, la République italienne indique que la requérante a systématiquement contesté les actes du gouvernement italien préalables à l’enregistrement de la dénomination « Aceto balsamico di Modena », et a ainsi pu faire valoir ses droits devant les juridictions italiennes compétentes.

53      En quatrième lieu, elle soutient que le règlement n° 510/2006 ne présente, contrairement aux allégations de la requérante, aucune innovation en ce qui concerne les possibilités offertes aux personnes morales pour former opposition à l’encontre d’une demande d’enregistrement d’une indication géographique.

54      En réponse à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, la requérante reprend les arguments relatifs à la recevabilité de son recours exposés dans la requête.

55      En outre, elle relève que la portée générale du règlement attaqué n’est qu’apparente. En sa qualité de seul producteur d’« Aceto balsamico di Modena » disposant d’une usine hors des provinces de Modène et de Reggio Emilia, elle en constituerait, en réalité, l’unique destinataire. Cela rapprocherait sa situation de celle dont il avait été question dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil (C‑309/89, Rec. p. I‑1853).

 Appréciation du Tribunal

56      L’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit que toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

57      Ainsi qu’il a été jugé dans les ordonnances Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission, point 35 supra (points 69 à 75), et Etimine et Etiproducts/Commission, point 35 supra (points 75 à 80), l’article 263 TFUE ne trouve à s’appliquer qu’aux procédures juridictionnelles engagées à compter du 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Par suite, la recevabilité du présent recours, introduit le 4 septembre 2009, doit être appréciée au regard des dispositions de l’article 230 CE.

58      Conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

59      En l’espèce, le règlement attaqué confère à l’indication géographique « Aceto balsamico di Modena » la protection prévue à l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 510/2006. Ainsi, il ne s’adresse pas à des sujets de droit limitativement énumérés ou pris en compte subjectivement, mais vise , de manière générale et abstraite, l’ensemble des opérateurs économiques susceptibles d’être intéressés par l’utilisation de la dénomination en cause. Il se présente donc comme un acte de portée générale au sens de l’article 249, deuxième alinéa, CE (voir, en ce sens, ordonnance Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, point 50 supra, point 67, et ordonnance du Tribunal du 11 septembre 2007, Honig-Verband/Commission, T‑35/06, Rec. p. II‑2865, point 42).

60      Toutefois, il n’est pas exclu que le règlement attaqué puisse concerner individuellement la requérante. Pour que tel soit le cas, il doit atteindre cette dernière en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223 ; Codorniu/Conseil, point 55 supra, points 19 et 20 ; ordonnance de la Cour du 30 janvier 2002, La Conqueste/Commission, C‑151/01 P, Rec. p. I‑1179, point 33, et arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 36).

61      Tel n’est pas le cas en l’espèce.

62      Premièrement, la requérante n’était, à la date d’adoption du règlement attaqué, pas détentrice de droits acquis lui étant spécifiques. Sa situation diffère ainsi de celle de la société requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorniu/Conseil, point 55 supra, laquelle avait été empêchée, par une disposition normative réglementant l’emploi d’une appellation, d’utiliser la marque graphique qu’elle avait enregistrée et utilisée pendant une longue période avant l’adoption du règlement litigieux (voir, en ce sens, ordonnances de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C‑10/95 P, Rec. p. I‑4149, point 43, et du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C‑87/95 P, Rec. p. I‑2003, point 36).

63      En effet, il ne ressort, tout d’abord, ni des arguments développés par les parties ni des documents produits devant le Tribunal que les décrets des 12 février et 3 décembre 1965, en définissant les règles et techniques applicables à l’ensemble des producteurs d’« Aceto balsamico di Modena », aient conféré à la requérante des droits spécifiques.

64      En outre, il est vrai que, par l’arrêt, précité, du 14 juillet 2000, le Consiglio di Stato a annulé le décret du 15 novembre 1989, qui établissait un lien entre la dénomination « Aceto balsamico di Modena » et une zone géographique déterminée, après avoir relevé que ses dispositions méconnaissaient les décrets des 12 février et 3 décembre 1965 autorisant tous les opérateurs économiques qui respectaient certaines modalités techniques à produire et à commercialiser du vinaigre sous cette dénomination. Ce faisant, cette juridiction s’est, toutefois, bornée à censurer un acte administratif italien de portée générale en se fondant sur des textes détenant, eux aussi, une portée générale. Elle n’a donc pas octroyé à la requérante de droits lui étant propres.

65      Enfin, l’article 3 du décret du 16 novembre 2000 a, certes, reconnu à la seule requérante, expressément mentionnée, le droit de continuer à utiliser la dénomination, en conséquence de l’arrêt, précité, du Consiglio di Stato du 14 juillet 2000. Néanmoins, il résulte de cet article, lu en combinaison avec l’article 2 du même décret, que cette mesure favorable à la requérante n’était, en tout état de cause, plus applicable postérieurement au 20 avril 2005. Or, il ne ressort d’aucune des pièces versées au dossier qu’elle ait été ultérieurement réintroduite. Par suite, la requérante n’est pas fondée à prétendre que, à la date de publication du règlement attaqué, elle en aurait encore tiré des droits.

66      Deuxièmement, le fait, même à le supposer établi, que la requérante soit l’unique producteur utilisant la dénomination « Aceto balsamico di Modena » installé hors des provinces de Modène et de Reggio Emilia ne suffit pas à démontrer que les conditions rappelées au point 59 ci-dessus sont satisfaites. En effet, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant qu’il est constant que cette application s’effectue, comme en l’espèce, en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (arrêt de la Cour du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98, Rec. p. I‑8949, point 52 ; ordonnance de la Cour du 25 avril 2002, Galileo et Galileo International/Conseil, C‑96/01 P, Rec. p. I‑4025, point 38, et arrêt de la Cour du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, Rec. p. I‑2903, point 31).

67      Troisièmement, la circonstance, à la supposer avérée, que la requérante dispose d’une position prééminente ainsi que d’une présence ancienne sur le marché en cause et qu’elle ait contribué à la notoriété de la dénomination n’est pas de nature à la caractériser par rapport à tout autre opérateur économique concerné par le règlement attaqué (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 9 novembre 1999, CSR Pampryl/Commission, T‑114/99, Rec. p. II‑3331, point 46, et du 13 décembre 2005, Arla Foods e.a./Commission, T‑397/02, Rec. p. I‑5365, point 69).

68      Quatrièmement, s’agissant de l’argument relatif à la prise en compte, aux fins de l’individualisation de la situation de la requérante, des conséquences, du point de vue de la concurrence, de l’enregistrement de la dénomination « Aceto balsamico di Modena » à l’égard des producteurs installés dans les provinces de Modène et de Reggio Emilia, il y a lieu de rappeler que, en tout état de cause, le fait qu’un acte de portée générale puisse avoir des effets concrets différents pour les divers sujets de droit auxquels il s’applique n’est pas de nature à les caractériser par rapport à tous les autres opérateurs concernés, dès lors que, comme en l’espèce, l’application de cet acte s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée (ordonnance Arla Foods e.a./Commission, point 67 supra, point 70).

69      Cinquièmement, la requérante ne peut utilement invoquer les éventuels effets défavorables du règlement attaqué sur la situation économique de la région où est installé son outil de production. L’invocation d’éléments étrangers à la situation propre de la requérante n’est, en effet, pas susceptible de démontrer que la condition tenant à l’affectation individuelle est remplie.

70      Sixièmement, ainsi que l’indique le considérant 10 du règlement attaqué, lequel a pour objet de décliner, au cas particulier, la règle générale énoncée à l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 510/2006, la protection est conférée à la dénomination composée « Aceto balsamico di Modena » dans son ensemble, et, dès lors, les termes individuels non géographiques de cette dénomination composée, même employés conjointement, ainsi que leur traduction, peuvent être utilisés dans tous les États membres dans le respect des principes et des règles applicables dans l’ordre juridique de l’Union européenne. Ainsi, la requérante n’est, en tout état de cause, pas fondée à prétendre que la protection accordée à la dénomination « Aceto balsamico di Modena » lui imposerait de cesser son activité de production et de commercialisation de vinaigre. Tout au plus peut-elle prétendre devoir adapter cette activité. Or, cela ne suffit pas pour qu’elle soit concernée individuellement d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (voir, en ce sens, ordonnances de la Cour La Conqueste/Commission, point 60 supra, point 35, et du 21 novembre 2005, SNF/Commission, C‑482/04 P, non publiée au Recueil, point 41 ; ordonnance du Tribunal du 6 septembre 2004, SNF/Commission, T‑213/02, Rec. p. II‑3047, point 68).

71      Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la requérante relatifs à la prétendue violation de son droit à une protection juridictionnelle effective.

72      Certes, les particuliers doivent pouvoir bénéficier d’une protection juridictionnelle effective des droits qu’ils tirent de l’ordre juridique de l’Union (arrêts de la Cour Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 60 supra, point 39, et du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, point 29). En effet, le droit à une telle protection constitue un principe général de droit qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a, d’ailleurs, été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, puis réaffirmé par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE a reconnu une valeur identique à celle des traités (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, Rec. p. I‑2271, point 37). Toutefois, l’invocation du droit à une protection juridictionnelle effective ne saurait conduire à remettre en cause les conditions posées à l’article 230 CE, sauf à ce que le juge de l’Union outrepasse les compétences qui lui sont dévolues par les traités (arrêts de la Cour Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 60 supra, point 44, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville vesuviane, C‑445/07 P et C‑455/07 P, Rec. p. I‑7993, points 65 ; ordonnance du Tribunal du 30 novembre 2009, Veromar di Tudisco Alfio & Salvatore/Commission, T‑313/08, non publiée au Recueil, point 49).

73      Conformément à une jurisprudence constante, la protection juridictionnelle des personnes physiques ou morales qui ne peuvent pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 230, quatrième alinéa, CE, attaquer directement devant le juge de l’Union des actes du type du règlement attaqué, doit être assurée de manière efficace par les voies de recours devant les juridictions nationales (arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 60 supra, points 40 à 42, et Commission/Jégo-Quéré, point 72 supra, points 30 à 32).

74      Par ailleurs, l’allégation de la requérante selon laquelle le présent recours est la seule façon, pour elle, de contester utilement l’enregistrement de la dénomination « Aceto balsamico di Modena » n’est pas fondée.

75      À cet égard, il convient d’observer, à titre liminaire, qu’il résulte des dispositions de l’article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 2081/92 que, sous l’empire de ce règlement, la Commission ne pouvait être saisie d’une déclaration d’opposition à un enregistrement envisagé que par un État membre autre que celui ayant déposé la demande d’enregistrement (ordonnances Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, point 50 supra, points 72 et 74, et La Conqueste/Commission, point 60 supra, point 43). Ainsi, si ces dispositions avaient été en vigueur à la date de publication de la demande d’enregistrement de la dénomination en cause, le 6 juillet 2007, la requérante n’aurait pu former directement une opposition auprès de la Commission. L’abrogation du règlement n° 2081/92, alors que la demande d’enregistrement n’avait pas été publiée, n’a donc pu priver la requérante d’une telle faculté.

76      En outre, il résulte du libellé et de l’économie de l’article 7 du règlement n° 2081/92 que, sous l’empire de ce règlement, les oppositions existant entre l’autorité compétente de l’État membre qui avait demandé l’enregistrement d’une dénomination et une personne physique ou morale qui résidait ou était établie dans cet État membre devaient, en principe, être traitées avant même que l’État membre concerné ne transmît à la Commission, conformément à l’article 5 dudit règlement, une demande d’enregistrement (ordonnance Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, point 50 supra, point 75). Ainsi, contrairement aux allégations de la requérante, la procédure nationale d’opposition, préalable à la transmission à la Commission de toute demande d’enregistrement, n’a pas été introduite par l’article 5, paragraphe 5, du règlement n° 510/2006. Elle existait sous l’empire du règlement n° 2081/92, lequel était applicable à la date de la transmission à la Commission de la demande d’enregistrement en cause, au cours du mois de novembre 2004.

77      Enfin, antérieurement à l’entrée en vigueur du règlement n° 510/2006, si, au stade de la procédure nationale d’opposition, l’autorité compétente de l’État membre ne tenait pas compte des observations soulevées par un opérateur légitimement concerné à l’encontre d’une demande d’enregistrement, il appartenait à celui-ci de saisir les juridictions nationales compétentes pour faire constater, le cas échéant, l’illégalité du comportement de ladite autorité au regard des dispositions du règlement n° 2081/92, dont, en vertu de son article 5, paragraphe 5, l’État membre était tenu de vérifier le respect avant de transmettre la demande d’enregistrement à la Commission (ordonnances Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, point 50 supra, point 76, et La Conqueste/Commission, point 60 supra, point 47). Il en allait de même dans le cas où l’action de l’État membre en cause avait pour effet d’empêcher la production d’observations par un opérateur légitimement concerné.

78      Ainsi, il revenait à la requérante de former, devant la juridiction italienne compétente, un recours tendant à ce que soit censurée une éventuelle illégalité commise par les autorités italiennes au stade de la procédure nationale d’opposition. À cet égard, il convient, au surplus, de constater que, ainsi qu’il résulte de l’arrêt n° 3890/2008 du Consiglio di Stato du 6 juin 2008 (point 51 ci-dessus), produit par la République italienne, la requérante a notamment attaqué devant le Tribunale amministrativo regionale del Lazio le décret du directeur général de la qualité des produits agroalimentaires et de la protection des consommateurs près le ministère des Politiques agricoles et forestières du 18 novembre 2004 (GURI n° 287, du 7 décembre 2004, p. 21), qui portait attribution à la dénomination « Aceto balsamico di Modena » de la protection transitoire prévue par l’article 5 du règlement n° 2081/92 et contenait, en annexe, le cahier des charges de production transmis à la Commission dans le cadre de la demande d’enregistrement. La décision rendue par cette juridiction, qui n’a pas accueilli le recours de la requérante, a été déférée par celle-ci au Consiglio di Stato, lequel, par l’arrêt, précité, du 6 juin 2008 n’a, sur le fond, pas fait droit à ses demandes.

79      Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par la requérante sont irrecevables. Il en va de même, par voie de conséquence, s’agissant des conclusions tendant à ce que soient adoptés, à la suite d’une éventuelle annulation du règlement attaqué, tous les actes et mesures nécessaires à la suppression de l’inscription de l’indication géographique protégée « Aceto balsamico di Modena » du registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées. En effet, la requérante a expressément subordonné ces conclusions à celles tendant à l’annulation, de sorte que leur sort dépend de celui réservé à ces dernières. Au surplus, même si tel n’avait pas été le cas, il aurait convenu de les rejeter dès lors que le Tribunal est manifestement incompétent pour en connaître (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 septembre 2009, Thomson Sales Europe/Commission, T‑225/07 et T‑364/07, non publié au Recueil, points 218 à 221).

80      Ainsi, le recours doit être rejeté dans son ensemble comme irrecevable, sans qu’il soit besoin de statuer sur la demande d’intervention du Consorzio Filiera Aceto Balsamico di Modena (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 11 juillet 2000, Fédération nationale d’agriculture biologique des régions de France e.a./Conseil, T‑268/99, Rec. p. II‑2893, point 58).

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

82      En vertu de l’article 87, paragraphe 4, du même règlement, la République italienne supportera ses propres dépens.

83      Sur le fondement de l’article 87, paragraphe 6, dudit règlement, le Consorzio Filiera Aceto Balsamico di Modena supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention du Consorzio Filiera Aceto Balsamico di Modena.

3)      Acetificio Marcello de Nigris Srl supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

4)      La République italienne et le Consorzio Filiera Aceto Balsamico di Modena supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 7 juillet 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : l’italien.