Language of document : ECLI:EU:T:2015:56

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

29 janvier 2015 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale INVESTING FOR A NEW WORLD – Marque constituée d’un slogan publicitaire – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑59/14,

Blackrock, Inc., établie à Wilmington, Delaware (États-Unis), représentée par M. S.  Malynicz, barrister, Mme K.  Gilbert et M. M.  Blair, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 31 octobre 2013 (affaire R 573/2013‑1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal INVESTING FOR A NEW WORLD comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, O. Czúcz et A. Popescu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 janvier 2014,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 août 2012, la requérante, Blackrock, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal INVESTING FOR A NEW WORLD.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35 et 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Fourniture d’informations et d’analyses en matière de données économiques de marché ; fourniture de services commerciaux et d’étude de marché à des investisseurs financiers privés et institutionnels et à des professionnels de la finance ; consultation en gestion commerciale ; analyse de marché » ;

–        classe 36 : « Services de gestion d’investissements ; services de conseils en investissements ; services de gestion des risques financiers ; services de courtage d’actions de société de placement; services de courtage de fonds communs de placement ; services d’investissement de fonds communs de placement ; services de distribution de fonds communs de placement ; gestion d’actifs financiers ; évaluation d’avoirs financiers ; services d’investissement, à savoir gestion et courtage d’actions, d’obligations, d’options, de marchandises, de contrats à terme et autres titres de placement, et investissement de fonds de tiers; services de conseils en investissements; études relatives aux placements financiers ; placement en actions ; investissement financier dans le domaine de l’immobilier ; expertise et évaluations fiscales ; gestion immobilière financière et fonds communs de placement ; services de recherche financière ; préparation de rapports financiers pour des tiers et analyse financière associée ; informations financières en matière d’opportunités de placement et d’analyse financière ; gestion d’investissements et distribution d’actions de sociétés de placement ou autres outils de placement en gestion commune, à savoir obligations adossées à des créances, obligations adossées à des emprunts, fonds communs de placement, fonds spéculatifs et fonds d’assurance à prestations variables ; services financiers en ligne, à savoir transferts de fonds d’investissement et réalisation de transactions, services de planification financière et de recherche financière ; gestion financière et planification financière ; distribution et gestion de fonds indiciels négociables en bourse ».

4        Par lettre du 28 septembre 2012, l’examinatrice a informé la requérante que le signe en cause n’était pas susceptible d’être enregistré en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

5        Le 17 janvier 2013, la requérante a présenté ses observations sur les motifs de refus de la marque demandée évoqués par l’examinatrice.

6        Par décision du 7 février 2013, l’examinatrice a maintenu ses objections initiales, en sorte qu’elle a refusé l’enregistrement de la marque demandée au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

7        Le 25 mars 2013, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

8        Par décision du 31 octobre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours de la requérante. Elle a d’abord défini le public pertinent comme étant composé de consommateurs moyens et de professionnels anglophones. Elle a ensuite indiqué que, compte tenu de la nature des services en cause, le niveau d’attention du public pertinent était « relativement élevé ». Elle a également indiqué que l’expression « investing for a new world » serait comprise par le public pertinent, sans effort d’interprétation, comme un message laudatif selon lequel les services concernés étaient destinés à répondre aux besoins d’un monde nouveau. Cette signification serait d’autant plus claire que les services en cause concernent des investissements financiers ou des services connexes et présentent un lien étroit avec le mot « investing ». Selon la chambre de recours, la marque demandée n’était donc pas une indication de l’origine commerciale desdits services. En outre, rien dans ladite expression, au-delà de sa signification promotionnelle évidente, ne permettrait au public de la mémoriser facilement et immédiatement comme une marque distinctive. À cet égard, la chambre de recours a relevé que la marque demandée ne constituait pas un jeu de mots et n’était pas imaginative, ni surprenante ou inattendue. Par ailleurs, cette analyse ne méconnaîtrait pas l’arrêt de la Cour du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, Rec, EU:C:2010:29), dans la mesure où, en l’espèce, la marque demandée n’avait pas été rejetée au motif qu’il s’agissait d’un slogan promotionnel, mais au motif qu’elle n’était pas perçue par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des services visés, s’agissant d’un slogan banal, dont la signification laudative était claire et non équivoque. Enfin, la chambre de recours a précisé que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Audi/OHMI, précité, le slogan en cause était également très connu en raison de son usage pendant de nombreuses années, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, qui se subdivise en deux branches. Par la première branche, la requérante soutient que la chambre de recours s’est livrée à une appréciation erronée du caractère distinctif de la marque demandée. Par la seconde branche, elle reproche, en substance, à la chambre de recours de ne pas avoir tiré les conséquences appropriées de l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29).

 Sur la première branche

12      Dans la première branche du moyen unique, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir constaté à tort l’absence de caractère distinctif de la marque demandée. Elle fait valoir, notamment, que l’expression « investing for a new world » est dotée d’une certaine prégnance dans la mesure où celle-ci a de multiples significations et, de ce fait, ne sera pas perçue comme un slogan banal décrivant la nature des services financiers en question.

13      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

14      Aux termes de l’article 4 du règlement n° 207/2009, peuvent constituer des marques communautaires tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

15      La fonction essentielle de la marque est celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne, de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative [arrêts du 12 juin 2007, MacLean-Fogg/OHMI (LOKTHREAD), T‑339/05, EU:T:2007:172, point 28, et du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec, EU:T:2007:179, point 25].

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

17      Selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif d’une marque au sens de cet article signifie que cette marque permet d’identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou service de ceux d’autres entreprises (arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑468/01 P à C‑472/01 P, Rec, EU:C:2004:259, point 32 ; du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec, EU:C:2004:645, point 42, et Audi/OHMI, point 8 supra, EU:C:2010:29, point 33).

18      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêts Audi/OHMI, point 8 supra, EU:C:2010:29, point 34 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, Rec, EU:C:2012:460, point 24 et jurisprudence citée).

19      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation. Afin d’apprécier le caractère distinctif de telles marques, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts Audi/OHMI, point 8 supra, EU:C:2010:29, points 35 et 36, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 25)

20      Si les critères relatifs à l’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, il peut apparaître, dans le cadre de l’application de ces critères, que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et que, dès lors, il peut s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que de celles d’autres catégories (voir arrêts Audi/OHMI, point 8 supra, EU:C:2010:29, point 37 et jurisprudence citée, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 26 et jurisprudence citée).

21      De telles difficultés ne justifient pas, en tout cas, de fixer des critères spécifiques suppléant ou dérogeant au critère du caractère distinctif, pour des marques verbales constituées de slogans publicitaires (voir, en ce sens, arrêts Audi/OHMI, point 8 supra, EU:C:2010:29, point 38, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 27).

22      Il ne saurait toutefois être exigé qu’un slogan publicitaire présente un « caractère de fantaisie », voire un « champ de tension conceptuelle, qui aurait pour conséquence un effet de surprise et dont on pourrait de ce fait se rappeler » pour qu’un tel slogan soit pourvu de caractère distinctif (arrêts Audi/OHMI, point 8 supra, EU:C:2010:29, point 39, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 28).

23      En outre, le simple fait qu’une marque soit perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et que, eu égard à son caractère élogieux, elle pourrait en principe être reprise par d’autres entreprises n’est pas en tant que tel suffisant pour conclure que cette marque est dépourvue de caractère distinctif (arrêts Audi/OHMI, point 8 supra, EU:C:2010:29, point 44, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 29).

24      En effet, la connotation élogieuse d’une marque verbale n’exclut pas que celle-ci soit néanmoins apte à garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services qu’elle désigne. Ainsi, une telle marque peut concomitamment être perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et une indication de l’origine commerciale des produits ou des services. Il en découle que, pour autant que ce public perçoit la marque comme une indication de cette origine, le fait qu’elle soit simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif (arrêts Audi/OHMI, point 8 supra, EU:C:2010:29, point 45, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 30).

25      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en concluant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

26      En premier lieu, s’agissant de la détermination du public pertinent, il convient de relever qu’il résulte des points 18 et 20 de la décision attaquée que ce public est constitué à la fois de consommateurs moyens et de professionnels et que, dans la mesure où la marque demandée est composée de termes anglais, son caractère distinctif doit être évalué au regard du public anglophone. Il convient de confirmer cette définition du public pertinent, qui n’est d’ailleurs pas contestée pas les parties.

27      L’assertion de la chambre de recours, contenue au point 18 de la décision attaquée, selon laquelle le niveau d’attention dudit public était relativement élevé du fait qu’il s’agissait de services financiers est toutefois inexacte. En effet, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie, le niveau d’attention du public pertinent peut être relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel, qu’il s’agisse du consommateur final moyen [voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 2009, Apollo Group/OHMI (THINKING AHEAD), T‑473/08, EU:T:2009:442, point 33, et du 25 mars 2014, Deutsche Bank/OHMI (Passion to Perform), T‑291/12, EU:T:2014:155, point 32] ou d’un public plus attentif de spécialistes ou de consommateurs avisés [voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, Rec, EU:T:2002:301, point 24 ; du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, Rec, EU:T:2003:183, point 25, et du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec, EU:T:2005:325, point 74], et ce même si, comme en l’espèce, les services visés sont des services financiers et monétaires (voir, en ce sens, arrêts LIVE RICHLY, précité, EU:T:2005:325, points 73 et 74, et Passion to Perform, précité, EU:T:2014:155, point 33).

28      Néanmoins, le caractère inexact de l’assertion de la chambre de recours n’est pas susceptible de remettre en cause l’appréciation opérée par celle-ci quant à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée. En effet, le degré de spécialisation du public pertinent et son niveau d’attention ne sauraient avoir une influence déterminante sur les critères juridiques utilisés pour l’appréciation du caractère distinctif d’un signe, dès lors qu’une telle appréciation dépend de l’impression d’ensemble qu’il produit. Ainsi, s’il est vrai que le niveau d’attention du public pertinent spécialisé est plus élevé que celui du consommateur moyen, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’un caractère distinctif plus faible du signe est suffisant pour en permettre l’enregistrement lorsque le public pertinent est spécialisé (voir, en ce sens, arrêt Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, points 48 et 49). En l’espèce, la chambre de recours ayant fondé son analyse sur la prémisse que le niveau d’attention du public pertinent était relativement élevé, ses conclusions quant à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée n’auraient pas pu être différentes si elle avait considéré que le niveau d’attention dudit public était relativement faible.

29      En second lieu, il convient d’examiner si la chambre de recours a correctement analysé la signification de la marque demandée pour conclure à son absence de caractère distinctif par rapport aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.

30      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que le signe en cause est composé de plusieurs éléments verbaux. Or, il résulte d’une jurisprudence constante que l’appréciation du caractère distinctif de signes verbaux composés ne peut se limiter à une analyse de chacun de leurs termes ou de leurs éléments, considérés isolément, mais doit, en tout état de cause, se fonder sur la perception globale de ces signes par le public pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec, EU:C:2008:261, point 41 et jurisprudence citée). Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen de chacun des différents éléments constitutifs de la marque en cause. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée [arrêts du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec, EU:C:2007:635, point 82 ; du 8 février 2011, Paroc/OHMI (INSULATE FOR LIFE), T‑157/08, Rec, EU:T:2011:33, point 50, et du 6 juin 2013, Delphi Technologies/OHMI (INNOVATION FOR THE REAL WORLD), T‑515/11, EU:T:2013:300, point 29].

31      En l’espèce, le signe demandé est composé de cinq mots communs de langue anglaise, à savoir les mots « investing », « for », « a », « new » et « world ». Ainsi, comme le souligne à bon droit la chambre de recours au point 21 de la décision attaquée, sans par ailleurs être contredite par la requérante, « le mot “investing” signifie\/ placer de l’argent ou du capital dans une entreprise dans le but d’en retirer un profit ». Le mot « for » est une préposition indiquant le but, tandis que l’expression « new world » fait référence à « la Terre et toutes les personnes, tous les lieux et toutes les choses qui s’y trouvent ; un groupe de choses comme des pays ou des animaux, ou un domaine d’activité ou de compréhension humaine ». Certes, dans la définition de cette dernière expression, la chambre de recours a omis de se référer explicitement à l’adjectif « new » ‒ lequel, ainsi que le précise l’OHMI en reprenant la définition de l’examinatrice, signifie « créé récemment ou ayant commencé à exister récemment » ‒, mais cela est sans incidence, s’agissant d’un adjectif dont la signification est notoire et univoque.

32      Or, la combinaison de termes communs en anglais en un seul signe, qui est conforme aux règles de la grammaire anglaise, véhicule un message clair et non équivoque, immédiatement perceptible et qui ne nécessite aucun effort d’interprétation de la part d’un consommateur anglophone [voir, en ce sens, arrêts du 25 mars 2014, Deutsche Bank/OHMI (Leistung aus Leidenschaft), T‑539/11, EU:T:2014:154, et Passion to Perform, point 27 supra,, EU:T:2014:155, point 41]. Ainsi, comme l’a indiqué la chambre de recours aux points 22 et 23 de la décision attaquée, le signe verbal INVESTING FOR A NEW WORLD, considéré dans son ensemble, peut être facilement appréhendé par le public pertinent, compte tenu des termes communs en anglais qui le composent, comme signifiant que les services proposés sont destinés à répondre aux besoins d’un monde nouveau. Étant donné que les services visés par la marque demandée concernent tous des activités liées à la finance et qu’ils ont un lien étroit avec le mot « investing », tel qu’il a été défini au point 31 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 31 de la décision attaquée, que le message transmis par l’expression « investing for a new world » était que, en achetant les services en cause, l’argent ou le capital investi crée une opportunité dans un nouveau monde, véhiculant une connotation positive.

33      De surcroît, l’expression constituant la marque demandée est univoque et ne présente aucune profondeur sémantique particulière qui empêcherait le public pertinent de faire un lien direct avec les services revendiqués (voir, en ce sens, arrêt INNOVATION FOR THE REAL WORLD, point 30 supra, EU:T:2013:300, point 40). La marque demandée constitue donc, compte tenu des services visés par la demande d’enregistrement, une formule banale que le public pertinent n’aura pas besoin d’analyser pour la comprendre.

34      Par ailleurs, ainsi que l’indique la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée, le signe verbal INVESTING FOR A NEW WORLD ne constitue aucun jeu de mots et ne comporte aucun élément imaginatif, surprenant ou inattendu de nature à lui conférer, dans l’esprit du public pertinent, un caractère distinctif. Ainsi, le signe en cause est dans sa forme un message publicitaire ordinaire, dépourvu d’éléments qui pourraient permettre au public pertinent de le mémoriser facilement et immédiatement en tant que marque pour les services désignés.

35      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que le signe en cause était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

36      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante tiré de ce que l’expression en cause peut présenter de nombreuses significations, dont la chambre de recours n’aurait pas tenu compte, alors que celles-ci témoignent de l’originalité et de la prégnance de la marque demandée.

37      Force est de constater que la requérante ne critique pas la signification du signe en cause dont a tenu compte la chambre de recours, ni les conclusions de cette dernière quant au caractère élogieux du signe. Elle se limite à invoquer la nature polysémique du signe en cause, et plus particulièrement de l’expression « for a new world », et à évoquer certaines significations possibles, tout en précisant que, conformément à l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29), le fait qu’une marque possède plusieurs significations constitue le cachet de son caractère distinctif.

38      À cet égard, il convient, premièrement, d’observer qu’il ressort clairement du point 47 de l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29) que le fait que la marque demandée peut, notamment, avoir plusieurs significations constitue l’une des caractéristiques de nature à conférer au signe, en principe, un caractère distinctif et non, comme semble le suggérer la requérante, le facteur déterminant pour constater ledit caractère distinctif.

39      Deuxièmement, il doit être relevé que le fait que l’expression en cause puisse être interprétée de plusieurs façons ne modifie pas la nature élogieuse de celle‑ci. À cet égard, la requérante fait valoir que le mot « world » peut également être perçu\/ avec la signification plus spécifique de « référence à un environnement ou un scénario particulier que le prestataire de service a la capacité unique d’exploiter ». En outre, elle suggère que l’expression « a new world » pourrait évoquer un « monde plus difficile », à savoir une situation dans laquelle, par exemple, les dangers et les risques financiers sont plus importants, ou bien connoter « un changement de stratégie d’investissement », ou encore que les services liés à l’investissement soient fournis aux clients dans le cadre de « nouvelles technologies » et/ou de nouveaux secteurs d’investissement, ou que les investissements soient faits dans des économies du « nouveau monde », tels que les pays dénommés « BRIC », à savoir la République fédérative du Brésil, la Fédération de Russie, la République de l’Inde et la République populaire de Chine.

40      Or, force est de constater, à l’instar de l’OHMI, que toutes ces significations possibles avancées par la requérante dénotent toujours des connotations positives du signe demandé au regard des services en cause. En effet, dans tous les cas, même lorsque le scénario auquel se réfère la requérante est problématique, le message véhiculé est positif pour le public pertinent, étant donné qu’il signifie logiquement que les services proposés sont considérés comme adaptés pour faire face à la nouvelle situation et apporter des solutions aux nouveaux défis en termes d’opportunités commerciales.

41      Par conséquent, même en tant que slogan élogieux ou promotionnel, le signe INVESTING FOR A NEW WORLD n’est pas suffisamment original ou prégnant pour requérir un minimum d’effort d’interprétation, de réflexion ou d’analyse de la part du public pertinent, celui-ci étant amené à l’associer d’emblée aux services concernés. Par ailleurs, il convient d’observer que, dans la mesure où le public pertinent est peu attentif à l’égard d’un signe qui ne lui donne pas une indication sur la provenance ou la destination de ce qu’il souhaite acheter, mais plutôt une information exclusivement promotionnelle et abstraite, il ne s’attardera ni à rechercher les différentes fonctions éventuelles de l’expression en cause ni à le mémoriser en tant que marque [voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2012, Fomanu/OHMI (Qualität hat Zukunft), T‑22/12, EU:T:2012:663, point 30 et jurisprudence citée].

42      Troisièmement, il convient de rappeler qu’un signe verbal composé doit se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [voir arrêt du 23 janvier 2014, Novartis/OHMI (CARE TO CARE), T‑68/13, EU:T:2014:29, point 41 et jurisprudence citée], ce qui est le cas en l’espèce.

43       Il s’ensuit que la première branche du moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche

44      Par la seconde branche du moyen unique, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir procédé à une interprétation erronée de l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29), dans la mesure où l’issue de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt était fondée sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque en cause et non pas, comme l’indiquerait la chambre de recours, sur le caractère distinctif acquis par l’usage. Ainsi, la chambre de recours aurait opéré à tort une distinction entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29), fondée sur l’absence de preuve d’un usage de longue durée de la marque demandée.

45      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

46      Premièrement, il convient d’observer que la chambre de recours a examiné, aux points 34 à 40 de la décision attaquée, les arguments que la requérante tirait de l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29). Plus particulièrement, au point 35 de la décision attaquée, elle a précisé que le signe demandé avait été rejeté par l’examinatrice au motif qu’il n’était pas perçu par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des services visés par la demande d’enregistrement et non parce qu’il s’agissait d’un slogan promotionnel. Au point 36 de la décision attaquée, elle a considéré que, bien que ledit arrêt Audi/OHMI (EU:C:2010:29) ait clarifié certains aspects de la jurisprudence en matière de marques, il ne saurait être interprété en ce sens que toute expression promotionnelle, aussi descriptive ou banale soit-elle, puisse désormais être enregistrée comme marque simplement au motif qu’elle se présente sous la forme d’un message publicitaire.

47      En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté aux points 32 et 33 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas rejeté la demande de marque au motif que le signe constituait un slogan promotionnel, mais au motif que, au-delà de son sens promotionnel, il ne présentait aucun élément permettant au public pertinent de le percevoir comme une indication d’origine commerciale des services en cause.

48      Or, il est certes vrai, ainsi que le prétend la requérante, que, au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a fondé la distinction entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29), notamment, sur l’absence d’un usage de longue durée de la marque litigieuse.

49      Toutefois, la chambre de recours a simplement précisé que, par ailleurs, la constatation par la Cour du caractère prégnant du signe en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29) reposait, notamment, sur le fait que le signe constituait un slogan renommé et utilisé depuis de nombreuses années par Audi (point 37 de la décision attaquée). Il ne ressort donc pas du raisonnement suivi par la chambre de recours que celle‑ci a posé comme condition la preuve de la renommée d’un slogan pour que ce dernier puisse servir d’indication de l’origine commerciale des produits ou des services.

50      La lecture faite par la chambre de recours de l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29), doit, au demeurant, être confirmée. En effet, la Cour a constaté, pour ce qui est du signe en cause dans cette affaire, que, dans la mesure où il s’agissait d’un slogan renommé et utilisé depuis de nombreuses années par Audi, il ne saurait être exclu que le fait que le public concerné soit habitué à établir le lien entre ce slogan et les automobiles fabriquées par cette société facilitait également l’identification par ce public de l’origine commerciale des produits ou services désignés (point 59 de l’arrêt).

51      Or, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours dans la présente affaire, la requérante n’avait avancé aucun élément qui démontrerait que la marque demandée bénéficiait d’une renommée. Il n’était donc pas possible de tenir compte, le cas échéant, d’une telle circonstance particulière, ainsi qu’il fut le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29) (voir, en ce sens, arrêt Qualität hat Zukunft, point 41 supra, EU:T:2012:663, point 33).

52      Du reste, en ce que l’argumentation de la requérante peut être comprise comme visant à faire valoir que le raisonnement développé par la Cour dans l’arrêt Audi/OHMI, point 8 supra (EU:C:2010:29), devrait, en substance, conduire le Tribunal à annuler la décision attaquée, elle doit être rejetée comme étant non fondée. En effet, au point 47 dudit arrêt, la Cour a relevé que la marque VORSPRUNG DURCH TECHNIK, qui signifiait « avance par la technique », disposait d’un caractère distinctif pour le public concerné dès lors qu’elle pouvait avoir plusieurs significations, constituer un jeu de mots ou être perçue comme fantaisiste, surprenante et inattendue, et par la même être mémorisable. Or, à la différence de la marque VORSPRUNG DURCH TECHNIK, la marque demandée, qui ne permet pas en l’espèce d’identifier l’origine commerciale des services qu’elle vise, ne présente aucun caractère distinctif, comme il a été relevé aux points 30 à 34 ci-dessus.

53      Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du moyen doit être rejetée comme non fondée.

54      Le recours doit être ainsi rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclus en ce sens.

56      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Blackrock, Inc. est condamnée aux dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.