Language of document : ECLI:EU:T:2014:307

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 mai 2014 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Demandes de devis – Refus d’accès – Remplacement de l’acte attaqué en cours d’instance – Défaut d’adaptation des conclusions en annulation – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑511/10,

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis et M. Dermitzakis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme P. Costa de Oliveira, M. E. Manhaeve et Mme C. ten Dam, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision Ares(2010)508190 de la Commission, du 12 août 2010, refusant l’accès à des demandes de devis établies dans le cadre de certains contrats-cadres gérés par l’Office des publications de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        Par décision du 1er août 2008, la Commission européenne, en réponse à une demande confirmative de la requérante Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), a refusé l’accès à plusieurs demandes de devis, telles qu’établies dans le cadre du contrat-cadre n° 6031, lot n° 4, géré par l’Office des publications de l’Union européenne (ci-après l’« OP »).

2        Par lettre du 9 novembre 2009, la requérante a demandé l’accès à, notamment, « toutes les demandes de devis relatives à tous les lots de contrats : ESP, ESP-DIMA, ESP-DESIS, contrats-cadres portant les numéros 6011, 6102, 6103, 6020, 10042, 6121, 6031 et 10030 de l’OP ». Le traitement de cette demande a été attribué à l’OP sous la référence Gestdem 2009/4890.

3        Par lettre du 11 décembre 2009, l’OP a refusé l’accès aux demandes de devis demandées concernant les contrats-cadres portant les numéros 6011, 6020, 6031, 6102, 6103, 6121 et 10042, y compris le lot n° 4 du contrat-cadre n° 6031, accès qui avait déjà été refusé par décision de la Commission du 1er août 2008. S’agissant des documents relatifs au contrat-cadre n° 10030, l’OP a indiqué que, en raison de la signature dudit contrat-cadre par la seule requérante, celle-ci était déjà en possession desdits documents.

4        Par lettre du 31 décembre 2009, la requérante a adressé au secrétariat général de la Commission une demande confirmative d’accès à toutes les demandes de devis relatives à tous les lots des contrats-cadres gérés par l’OP portant les numéros 6011, 6020, 6031, 6102, 6103, 6121 et 10042.

5        Par décision du 12 août 2010, sous la référence Ares(2010)508190, la Commission a refusé la demande d’accès de la requérante à toutes les demandes de devis relatives à l’ensemble des lots des contrats-cadres de l’OP portant les numéros 6011, 6102, 6103, 6020, 10042, 6121, 6031 et 10030 (ci-après la « décision attaquée »). Au soutien de ladite décision, à la suite d’une analyse « représentative » d’un échantillon de 20 demandes de devis issues d’environ 500 dossiers, la Commission a invoqué les exceptions tirées de l’article 4, paragraphe 1, sous a), quatrième tiret, relatif à la « protection de la politique [...] économique de la Communauté », et de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, relatif à la « protection des intérêts commerciaux » des contractants et de la Commission, du règlement n° 1049/2001.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 octobre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

8        Dans la réplique, la requérante a, d’une part, limité la portée de son recours aux « demandes de devis relatives à l’ensemble des lots des contrats-cadres de l’OP [portant les numéros] 6011, 6102, 6103, 6020, 6121 et 6031 » et, d’autre part, précisé que ledit recours concernait également le lot n° 4 du contrat-cadre n° 6031.

9        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

10      À la suite de l’arrêt du Tribunal du 6 décembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission (T‑167/10, non publié au Recueil), annulant deux décisions analogues de la Commission refusant une demande d’accès de la requérante à des demandes de devis similaires, la requérante et la Commission ont entamé des discussions portant sur les conséquences qu’il convenait de tirer dudit arrêt pour la suite de la présente procédure, en particulier dans la perspective de l’éventuel octroi d’un accès aux demandes de devis sollicitées.

11      Le 8 novembre 2013, la Commission a adopté une nouvelle décision, sous la référence Ares(2013)3442982, accordant à la requérante un accès partiel aux demandes de devis sollicitées (ci-après la « nouvelle décision »). Dans les motifs, la Commission a précisé que la nouvelle décision était destinée à remplacer la décision attaquée et qu’elle révoquait formellement cette dernière.

12      Eu égard à ce qui précède, la Commission a demandé, par lettre déposée au greffe du Tribunal le 11 novembre 2013, à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le litige, celui-ci étant devenu sans objet et la requérante n’ayant plus d’intérêt à voir annuler la décision attaquée révoquée.

13      Par lettre du 12 novembre 2013, l’OP a envoyé à la requérante, sous forme de DVD, les documents pour lesquels la nouvelle décision lui avait accordé un accès partiel, un répertoire général des documents classés par contrat-cadre et par lot, ainsi que des répertoires spécifiques par contrat-cadre.

14      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 7 janvier 2014, la requérante a contesté la demande de non-lieu à statuer de la Commission et a maintenu sa demande d’annulation de la décision attaquée dans sa totalité, au motif, notamment, que la nouvelle décision ne lui accordait qu’un accès partiel aux demandes de devis sollicitées et que la Commission y avait modifié les raisons invoquées au soutien de son refus d’accorder un accès complet auxdites demandes, ce qui porterait atteinte au droit de la requérante à une protection juridictionnelle effective. Or, dans cette lettre, la requérante n’a ni demandé l’adaptation de ses conclusions en annulation pour les étendre à la nouvelle décision, ni fait part de son intention éventuelle de former un recours séparé contre ladite décision.

15      Par lettre du 27 janvier 2014, le Tribunal a invité la requérante, au titre de mesure d’organisation de la procédure en vertu de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, d’une part, à indiquer si elle avait l’intention de former un recours au sens de l’article 263 TFUE contre la nouvelle décision et, d’autre part, en substance, à préciser dans quelle mesure ladite décision ainsi que la divulgation, par lettre de l’OP du 12 novembre 2013, des documents concernés avaient satisfait à sa demande d’accès initiale faisant l’objet de la décision attaquée et de la présente procédure.

16      Par lettre du 4 février 2014, en réponse à cette mesure d’organisation de la procédure, la requérante a avancé, en substance, qu’elle considérait la nouvelle décision comme étant fondée sur le règlement n° 1049/2001 prévoyant une procédure permettant au demandeur d’accès d’introduire une demande confirmative et à l’institution de confirmer son refus ; ce serait ce dernier acte de refus qui serait susceptible de recours. En outre, la requérante s’est référée à une « demande confirmative » qu’elle a adressée à la Commission le même jour. Selon la requérante, ce serait uniquement au cas où la Commission maintiendrait sa position qu’elle examinera ses « options juridiques » se présentant à ce stade. Par ailleurs, la requérante a essentiellement réaffirmé que les documents divulgués à la suite de l’adoption de la nouvelle décision ne satisfaisaient que pour partie sa demande d’accès initiale.

 En droit

17      En vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

18      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

19      La requérante ayant contesté la demande de non-lieu à statuer de la Commission dans sa totalité, il y a lieu de vérifier si et dans quelle mesure le litige a perdu son objet et la requérante conserve un intérêt à voir annuler la décision attaquée.

20      Force est de relever, d’abord, que, conformément à une jurisprudence établie, dans la mesure où la requérante a obtenu, sur le fondement de la nouvelle décision, un accès partiel aux documents demandés, le litige a perdu son objet et la requérante son intérêt à agir, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer (arrêts du Tribunal du 23 novembre 2004, Turco/Conseil, T‑84/03, Rec. p. II‑4061, points 28 à 30 ; du 9 septembre 2011, LPN/Commission, T‑29/08, Rec. p. II‑6021, point 57, et ordonnance du Tribunal du 6 septembre 2012, Nickel Institute/Commission, T‑180/10, non publiée au Recueil, point 20).

21      Ensuite, il convient d’examiner si le litige a également perdu son objet et la requérante son intérêt à agir quant aux documents ou aux parties des documents demandés qui ne lui ont pas été communiqués à la suite de l’adoption de la nouvelle décision.

22      À cet égard, il y a lieu de préciser, à titre liminaire, que l’argumentation de la requérante selon laquelle, en substance, la nouvelle décision ne serait que provisoire et que celle-ci requerrait une confirmation définitive de la part de la Commission qui serait susceptible de recours, ne saurait être accueillie.

23      D’une part, la nouvelle décision a été adoptée par le secrétaire général de la Commission en vertu de l’article 4 de l’annexe de la décision 2001/937/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 5 décembre 2001, modifiant son règlement intérieur (JO L 345, p. 94), visant le « traitement des demandes confirmatives ». En outre, dans son objet, la nouvelle décision se réfère à la « demande confirmative d’accès aux documents au titre du règlement [...] n° 1049/2001 (Gestdem 2009/4890) » et à la « décision confirmative du 12 août 2010, contestée dans l’affaire T‑511/10 », à savoir la décision attaquée. Par ailleurs, à la fin de la nouvelle décision, la Commission attire l’attention sur la possibilité soit de former un recours devant le Tribunal au titre de l’article 263 TFUE, soit de soumettre une plainte auprès du Médiateur européen en vertu de l’article 228 TFUE. Ainsi, il ressort clairement de la nouvelle décision que celle-ci constitue, à l’instar de la décision attaquée abrogée et remplacée, une décision ayant un caractère définitif au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001. D’autre part, ce n’est que le 4 février 2014 que la requérante a envoyé la prétendue « demande confirmative » à la Commission (voir point 16 ci-dessus). Cependant, compte tenu du délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse de l’institution prescrit par l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, une telle demande était manifestement tardive et il ne ressort même pas de la lettre de la requérante du 4 février 2014 que celle-ci était censée être fondée sur la disposition précitée.

24      Il s’ensuit que le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE ayant expiré, la requérante est forclose de contester la nouvelle décision devant le Tribunal (arrêt du Tribunal du 16 décembre 2011, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑291/04, Rec. p. II‑8281, points 94 à 97).

25      S’agissant de la décision attaquée dont il est constant qu’elle a été retirée et remplacée par la nouvelle décision, il convient de rappeler que la disparition de l’objet du litige peut, notamment, provenir du retrait ou du remplacement de l’acte attaqué en cours d’instance, de sorte que celui-ci disparaît de l’ordre juridique de l’Union, à tout le moins avec effet pour l’avenir (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, Rec. p. II‑1, points 14 à 16). Il est également constant que la requérante ne demande que l’annulation de la décision attaquée et non celle de la nouvelle décision. En effet, malgré l’adoption par la Commission, en cours d’instance, de la nouvelle décision, la requérante a renoncé à adapter ses conclusions afin de couvrir cette dernière décision, bien que cela lui fût loisible (voir ordonnance Terezakis/Commission, précitée, point 18, et la jurisprudence citée), et a même explicitement indiqué, en réponse à une question écrite du Tribunal, ne pas vouloir former de recours séparé contre ladite décision.

26      Dès lors, force est de constater que le présent recours est devenu sans objet également pour ce qui est des documents ou des parties de documents non encore divulgués à la requérante.

27      À cet égard, la requérante ne saurait rétorquer que, à titre exceptionnel, ce recours n’est pas devenu sans objet, malgré le retrait de l’acte dont l’annulation est recherchée, au motif qu’elle conserve néanmoins un intérêt suffisant à obtenir un arrêt annulant cet acte avec effet ex tunc (voir, en ce sens, ordonnance Terezakis/Commission, point 25 supra, point 17). En particulier, en l’absence de recours contre la nouvelle décision qui fonde, à l’instar de la décision attaquée, le refus (partiel) d’accès aux documents demandés sur l’exception de la « protection des intérêts commerciaux » au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, la requérante ne peut se prévaloir d’un éventuel intérêt à éviter un risque de reproduction, à l’avenir, de l’illégalité alléguée indépendamment des circonstances de l’affaire (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, points 50 à 53, et la jurisprudence citée). En effet, il aurait incombé à la requérante d’entreprendre toute démarche nécessaire à prévenir la perpétuation de ladite illégalité et, notamment, de saisir en temps utile le Tribunal de la nouvelle décision. En outre, au vu du caractère définitif de la nouvelle décision, même dans l’hypothèse d’une annulation par le Tribunal de la décision attaquée, la Commission ne serait pas obligée, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, d’octroyer à la requérante un accès aux demandes de devis ou à certaines parties desdites demandes refusées ou de rouvrir la procédure administrative à cet égard. Par conséquent, une telle annulation ne procurerait aucun bénéfice à la requérante et ne serait pas non plus susceptible de lui faciliter un éventuel recours en indemnité, ces objectifs ayant pu être atteints par un recours à l’encontre de la nouvelle décision (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 9 novembre 2011, ClientEarth e.a./Commission, T‑120/10 et T‑449/10, non publiées au Recueil, point 53 et point 40 respectivement).

28      Enfin, la requérante n’a avancé aucun autre élément justifiant un intérêt à obtenir une annulation de la décision attaquée.

29      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

 Sur les dépens

30      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

31      Eu égard aux circonstances factuelles qui caractérisent le cas d’espèce et le déroulement de la procédure devant le Tribunal, celui-ci estime opportun de condamner chacune des parties à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE et la Commission européenne sont condamnées à supporter leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 7 mai 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Prek


* Langue de procédure : l’anglais.