Language of document : ECLI:EU:T:2007:126

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

4 mai 2007(*)

« Marchés publics – Procédure d’appel d’offres communautaire –Procédure de référé – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑71/07 R,

Icuna.Com SCRL, établie à Braine-le-Château (Belgique), représentée par Mes J. Windey et P. de Bandt, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. O. Caisou-Rousseau et Mme M. Ecker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision du Parlement européen du 31 janvier 2007 par laquelle celui-ci a annulé l’appel d’offres EP/DGINFO/WEBTV/2006/0003, en ce qui concerne le lot n° 2, jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours au principal,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige et procédure

1        Le 22 mai 2006, le Parlement européen a informé la requérante qu’il envisageait de passer un marché public (appel d’offres EP/DGINFO/WEBTV/2006/0003) ayant pour objet la chaîne de télévision web du Parlement européen, comprenant deux lots, « Architecture et conception graphique » (lot n° 1) et « Contenu des émissions » (lot n° 2).

2        Par courrier du 14 juillet 2006, la requérante, conjointement avec la société Parallèles productions, a répondu à l’appel d’offres pour le lot n° 2.

3        Par courrier du 7 août 2006, le Parlement a informé la requérante que le marché lui avait été attribué.

4        Vers la fin du mois d’août 2006, des contacts ont eu lieu entre la personne en charge de ce dossier au Parlement et la requérante aux fins de prévoir une date de réunion pour la signature du contrat. Cette date, initialement fixée au 1er septembre 2006, a toutefois été reportée à plusieurs reprises.

5        Le 8 septembre 2006, la requérante a été informée par cette personne du fait que des contestations avaient été émises par d’autres soumissionnaires et que, en raison de ces contestations, le dossier était soumis à un nouvel examen.

6        Le 14 septembre 2006, le directeur des médias auprès du Parlement, ordonnateur pour la procédure d’appel d’offres à l’origine du litige, a informé la requérante que, à la suite d’un réexamen du dossier, il avait relevé l’indice d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le comité d’évaluation et que, en conséquence, il avait décidé d’annuler la décision d’attribution du 7 août 2006 et d’inviter un nouveau comité d’évaluation à examiner les offres reçues.

7        La requérante a répondu à cette lettre par un courrier du 19 septembre 2006.

8        Par courriel du 28 septembre 2006, le Parlement a demandé à la requérante de fournir, d’une part, un extrait de casier judiciaire et, d’autre part, une liste de références de projets récemment exécutés par elle, accompagnée des attestations s’y rapportant, ainsi qu’une description de l’équipement technique qui serait utilisé pour assurer l’exécution des services faisant l’objet du marché.

9        La requérante a fait suite à cette demande par courrier du 2 octobre 2006, par lequel elle a transmis les pièces demandées.

10      Le 21 novembre 2006, la requérante a adressé une lettre à l’ordonnateur, dans laquelle, en substance, elle proposait de clarifier son offre, si besoin en était, eu égard à la nouvelle décision devant être prise par le comité d’évaluation, à l’occasion, le cas échéant, d’une rencontre avec l’ordonnateur.

11      Par décision du 1er décembre 2006, le Parlement a attribué le lot n° 2 à la société Mostra et a rejeté l’offre de la requérante.

12      Par courrier du 4 décembre 2006, la requérante a sollicité des informations complémentaires sur les motifs du rejet de son offre.

13      Le Parlement a répondu à cette lettre par courrier du 14 décembre 2006.

14      Par courrier du même jour, la requérante a informé le Parlement de sa décision d’introduire un recours en annulation et une demande en référé visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision du 1er décembre 2006.

15      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 20 décembre 2006, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision du 1er décembre 2006 et à ce qu’elle soit indemnisée pour les frais encourus dans le cadre de l’appel d’offres et pour le préjudice moral qu’elle aurait subi du fait d’une atteinte à sa réputation (affaire T‑383/06).

16      Par acte séparé enregistré au greffe à la même date, la requérante a déposé une demande de mesures provisoires visant au sursis à l’exécution de la décision du 1er décembre 2006 et du contrat qui aurait, le cas échéant, été conclu avec la société Mostra par le Parlement, ainsi qu’à la production de certains documents.

17      Le Parlement a conclu le contrat avec la société Mostra le 21 décembre 2006.

18      Par ordonnance du 21 décembre 2006, le président du Tribunal a prononcé, sur la base de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le sursis à l’exécution de la décision du 1er décembre 2006. Il a par ailleurs ordonné au Parlement de ne pas procéder à la signature du contrat en cause dans l’appel d’offres EP/DGINFO/WEBTV/2006/0003 jusqu’au prononcé d’une ordonnance définitive et, dans la mesure où le Parlement aurait déjà conclu ce contrat, de surseoir à l’exécution de celui-ci.

19      Les parties ont été entendues en leurs explications orales lors d’une audition tenue le 22 janvier 2007.

20      À cette occasion, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de cette audition, le président du Tribunal a invité le Parlement à considérer la possibilité d’annuler la procédure d’appel d’offres et de relancer une nouvelle procédure de passation du marché.

21      Faisant suite à un courrier adressé au greffe par la requérante en date du 26 janvier 2007, le Parlement a communiqué, par lettre du 31 janvier 2007, la copie d’un avenant, signé le 30 janvier 2007 avec la société Mostra, aux termes duquel le contrat signé le 21 décembre 2006 portant sur le lot n° 2 de l’appel d’offres EP/DGINFO/WEBTV/2006/2003 était annulé avec effet aux date et heure auxquelles la société Mostra avait pris connaissance de l’ordonnance prononçant le sursis à l’exécution de la décision du 1er décembre 2006, soit le 21 décembre 2006 à 17 h  14.

22      Par lettre du 1er février 2007, le Parlement a communiqué la copie d’une décision prise le 31 janvier 2007 par l’ordonnateur du marché, aux termes de laquelle celui-ci annulait la procédure d’appel d’offres à l’issue de laquelle il avait été décidé d’attribuer le contrat relatif au lot n° 2 à la société Mostra (ci-après la « décision litigieuse »).

23      Par lettre enregistrée au greffe le 8 février 2007, la partie requérante a toutefois indiqué qu’elle entendait maintenir sa demande en référé, eu égard au fait que le Parlement était incompétent, selon elle, pour annuler la procédure d’appel d’offres.

24      Par ordonnance du 26 février 2007, le président du Tribunal a décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en référé.

25      Par requête enregistrée au greffe le 9 mars 2007, la requérante a introduit un recours en annulation de la décision litigieuse ainsi qu’un recours en indemnité.

26      Par acte séparé, enregistré au greffe le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé visant, d’une part, à ce que le président du Tribunal statue, sur le fondement de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure, avant que le Parlement n’ait présenté ses observations et, d’autre part, à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision litigieuse.

27      Un nouvel appel d’offres, faisant l’objet de l’avis de marché 2007/S 53-064845, a été publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne le 16 mars 2007.

28      Le Parlement a présenté ses observations écrites sur la demande en référé le 20 mars 2007. Il conclut à l’irrecevabilité et au caractère vexatoire de la demande de sursis à exécution et à ce que la requérante soit condamnée aux dépens.

 En droit

29      En vertu des dispositions combinées de l’article 242 CE et de l’article 225, paragraphe 1, CE, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué devant lui.

30      Selon une jurisprudence constante, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent, en application de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision au principal. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnances du président de la Cour du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98 R, Rec. p. I‑6229, point 41, et du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73 ; ordonnances du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T 207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 48, et du 2 août 2006, Aughinish Alumina/Commission, T‑69/06 R, non publiée au Recueil, point 32).

31      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23].

32      C’est à la lumière des principes rappelés ci-dessus que doit être examinée la présente demande en référé.

33      En l’état du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande, sans qu’il soit nécessaire d’entendre les parties en leurs explications orales.

34      D’une part, le Parlement soutient, en substance, que la décision litigieuse est une décision qui ne s’adressait ni directement ni individuellement à la requérante, cette décision visant uniquement la société Mostra et ne faisant en aucun cas grief à la requérante, la seule décision concernant directement et individuellement cette dernière étant la décision du 1er décembre 2006 ne retenant pas son offre.

35      D’autre part, le Parlement avance que, dans le cadre du recours dans l’affaire T‑383/06, l’un des griefs avancés par la requérante à son égard est de ne pas avoir annulé toute la procédure de passation de marché, eu égard à l’article 101 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1). Or, après que le Parlement a procédé à l’annulation de l’appel d’offres, la requérante plaiderait à présent en faveur de l’annulation partielle de la procédure, ce qui démontrerait, outre l’incohérence de l’argumentation de la requérante, le caractère vexatoire de la demande en référé et du recours au principal dans la présente affaire.

36      Toutefois, en l’espèce, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer, d’une part, sur la recevabilité de la présente demande ni, d’autre part, sur la recevabilité du recours au principal, contestées par le Parlement, il convient d’examiner si la condition relative à l’urgence est établie.

37      À cet égard, il est de jurisprudence constante que le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire (voir ordonnance du président du Tribunal du 27 juillet 2004, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04 R, Rec. p. II‑3027, point 41, et la jurisprudence citée).

38      Dans la présente affaire, la requérante invoque, en substance, quatre arguments en ce qui concerne la condition relative à l’urgence de sa demande.

39      À titre liminaire, elle indique que les dommages résultant de la décision litigieuse et de la mise en œuvre d’une nouvelle procédure d’appel d’offres ne sauraient être entièrement compensés par une réparation financière. En outre, la seule annulation de la décision litigieuse ne saurait avoir d’effet utile en l’absence d’un sursis à l’exécution de cette décision.

40      En premier lieu, elle soutient, en substance, que, en l’absence d’un sursis à l’exécution de la décision litigieuse, elle se verra privée des bénéfices de la décision du Parlement du 7 août 2006 lui attribuant le marché.

41      À cet égard, la requérante allègue, en substance, que, dès lors que la décision litigieuse annule l’ensemble de la procédure d’appel d’offres, celle-ci entraîne également l’annulation de la décision du 7 août 2006 lui attribuant le marché, alors que, si le Parlement avait retiré la décision du 1er décembre 2006 au lieu d’annuler l’ensemble de la procédure d’appel d’offres, la décision du 7 août 2006 aurait pu reprendre ses pleins effets.

42      Or, dès lors qu’une réparation sous forme de dommages et intérêts ne pourrait compenser que très imparfaitement le préjudice qu’elle subit, seul un sursis à exécution, selon la requérante, lui permettra d’obtenir une réparation en nature, c’est-à-dire, en l’occurrence, l’attribution et l’exécution du marché au titre de la décision du 7 août 2006.

43      Sans préjuger des conséquences que tirera le Tribunal à cet égard dans le cadre de l’affaire au principal, il convient d’observer que la requérante n’a pas attaqué, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 230 CE, la décision du Parlement du 14 septembre 2006 annulant sa décision du 7 août 2006.

44      Il convient en outre de relever que, contrairement à ce qu’elle affirme, la requérante n’a pas formellement contesté la légalité de la décision d’annulation du 14 septembre 2006 avant que le Parlement n’adopte, le 1er décembre 2006, sa décision de ne pas lui attribuer le marché. Elle a, au contraire, adressé au Parlement les documents que lui réclamait celui-ci dans le cadre de la seconde procédure d’évaluation. De plus, sa lettre du 21 novembre 2006 témoigne de son souhait de participer à cette nouvelle évaluation afin d’obtenir le marché.

45      Dès lors, force est de constater que la requérante ne démontre pas qu’elle subit un préjudice grave et irréparable qui se caractériserait par la perte du bénéfice de la décision du 7 août 2006.

46      Au reste, il convient de rappeler que les mesures que peut ordonner le juge des référés sont de nature accessoire, en ce sens qu’elles doivent tendre uniquement à sauvegarder, pendant la procédure devant le Tribunal, les intérêts d’une des parties au litige afin de ne pas rendre illusoire l’arrêt au principal en le privant d’effet utile (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 17 mai 1991, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90 R, Rec. p. I‑2557, points 23 et 24, et ordonnances du président du Tribunal du 3 mars 1997, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑6/97 R, Rec. p. II‑291, point 51, et du 3 mars 1998, Carlsen e.a./Conseil, T‑610/97 R, Rec. p. II‑485, point 55).

47      Or, en l’espèce, à supposer que le Tribunal annule la décision litigieuse, de même que la décision du 1er décembre 2006 dans le cadre de l’affaire T‑383/06, rien ne permet d’affirmer que, au titre de l’obligation qui pèserait sur le Parlement de prendre les mesures que comporterait l’exécution de ces arrêts en vertu de l’article 233, premier alinéa, CE, la requérante se verrait nécessairement, par voie de conséquence, reconnaître le bénéfice de la décision du 7 août 2006, qui lui avait attribué le marché.

48      En effet, il convient de rappeler que, en application de l’article 233 CE, c’est l’institution dont émane l’acte annulé qui est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal. Il s’ensuit, d’une part, que le juge de l’annulation n’est pas compétent pour indiquer à l’institution dont émane l’acte annulé les modalités d’exécution de la décision de justice et, d’autre part, que le juge des référés ne peut pas préjuger les mesures qui pourraient être prises à la suite d’un éventuel arrêt d’annulation. Les modalités d’exécution d’un arrêt d’annulation dépendent non seulement de la disposition annulée et de la portée dudit arrêt, laquelle s’apprécie par rapport à ses motifs, mais aussi de circonstances propres à chaque espèce, telles que le délai dans lequel survient l’annulation de l’acte attaqué ou les intérêts des tiers concernés (ordonnances du président du Tribunal du 20 septembre 2005, Deloitte Business Advisory/Commission, T‑195/05 R, Rec. p. II‑3485, point 129, et du 20 juillet 2006, Globe/Commission, T‑114/06 R, non encore publiée au Recueil, point 102).

49      La requérante n’établit donc pas à suffisance de droit que le sursis à l’exécution de la décision litigieuse aurait pour conséquence nécessaire l’effet qu’elle lui prête, à savoir sauvegarder la validité de la décision du 7 août 2006, qui lui avait attribué le marché, décision qui a été annulée par la décision du Parlement du 14 septembre 2006, sans que cette annulation n’ait été formellement contestée par la requérante.

50      La première allégation avancée par la requérante à l’appui de son argumentation relative à l’urgence ne saurait dès lors prospérer.

51      En deuxième lieu, la requérante allègue, en substance, en s’appuyant sur le caractère, selon elle, difficilement explicable des raisons qui ont conduit le Parlement et la société Mostra à résilier le contrat conclu le 21 décembre 2006, que la décision litigieuse et les actes qui ont précédé celle-ci, qui font notamment l’objet de l’affaire T‑383/06, témoignent de ce que l’ordonnateur ne voudrait pas lui attribuer le marché et souhaiterait en réalité attribuer celui-ci à la société Mostra ou, à tout le moins, constituent l’indice de ce qu’elle n’aurait aucune garantie, voire aucune chance objective, d’emporter ce marché. La requérante estime dès lors, en substance, que ni un arrêt d’annulation ni un recours en indemnité ne sauraient, à eux seuls, dans ces conditions, permettre la réparation de son préjudice, dans la mesure où la nouvelle procédure d’appel d’offres aura été mise en œuvre et aura conduit à l’attribution du marché, vraisemblablement à la société Mostra, avant que n’intervienne un tel arrêt.

52      Quant audit préjudice, d’une part, la requérante avance qu’elle est la seule attributaire régulière du marché et que sa situation se distingue dès lors de celle des autres soumissionnaires.

53      D’autre part, elle soutient qu’elle a une chance très sérieuse d’obtenir le marché, compte tenu de la décision de lui attribuer celui-ci prise par le Parlement le 7 août 2006. Or, la procédure suivie par le Parlement ayant remis en cause cette décision du 7 août 2006 fait l’objet d’un recours actuellement pendant devant le Tribunal, dans le cadre de l’affaire T‑383/06, et le Parlement, en adoptant la décision litigieuse, semble, selon la requérante, avoir voulu priver ce recours de son objet. Par ailleurs, la chance d’obtenir le marché serait, selon elle, très difficile, voire impossible, à quantifier et il serait dès lors très difficile, voire impossible, d’évaluer avec précision le préjudice résultant de sa perte, laquelle se confondrait en outre, en l’espèce, avec la possibilité d’être privée d’un recours utile dans le cadre de l’affaire T‑383/06. En conséquence, le préjudice, qui serait certain ou, à tout le moins, établi avec une probabilité suffisante, serait, en outre, très difficilement évaluable et, partant, serait très difficilement réparable. En outre, le préjudice serait grave, eu égard aux bénéfices significatifs qu’elle aurait pu retirer de l’attribution et de l’exécution du contrat, à savoir les bénéfices d’ordre financier attachés au marché ainsi que l’avantage concurrentiel dont elle aurait pu jouir à l’égard des autres opérateurs sur le marché en cause.

54      Tout d’abord, il convient de souligner que la requérante n’apporte aucun élément de nature à laisser penser que la procédure d’appel d’offres qui a été lancée par le Parlement le 16 mars 2007 pourrait conduire à une appréciation subjective et biaisée de son offre, qu’elle n’aurait aucune chance d’obtenir le marché et que le Parlement aurait l’intention subreptice d’attribuer celui-ci à la société Mostra, en violation des règles applicables aux marchés publics. Son argumentation quant à la résiliation du contrat est, à cet égard, dénuée de pertinence, dans la mesure où cette résiliation ne lui fait en aucun cas grief et ne constitue manifestement pas, en soi, l’indice d’une préférence que consentirait le Parlement à la société Mostra. Il est par ailleurs évident que, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, aucun soumissionnaire ne saurait avoir de garantie que le marché lui sera attribué, pas plus la requérante que la société Mostra.

55      Ensuite, il y a lieu de constater, pour les besoins de la présente demande, que, n’ayant pas attaqué la décision du Parlement du 14 septembre 2006 annulant la décision d’attribution du 7 août 2006 et ayant accepté de participer à la seconde évaluation des offres, la requérante ne saurait ni prétendre être la seule attributaire régulière de ce marché ni revendiquer le bénéfice d’une chance très sérieuse d’obtenir le marché en raison de la décision du 7 août 2006. Partant, la requérante ne saurait alléguer utilement que l’annulation de la procédure d’appel d’offres par le Parlement serait de nature à la priver d’un recours utile dont l’objet serait de lui conférer le bénéfice de cette même décision du 7 août 2006, puisque ce recours ne saurait nécessairement avoir pour effet d’obliger le Parlement à retirer sa décision du 14 septembre 2006 annulant cette même décision et de lui attribuer le marché.

56      Enfin, à titre surabondant, il convient d’observer que la résiliation du contrat liant la société Mostra au Parlement, l’annulation de la première procédure d’appel d’offres et la nouvelle procédure d’appel d’offres ouverte le 16 mars 2007 par le Parlement donnent à la requérante une nouvelle chance d’obtenir le marché, alors que la chance pour celle-ci d’obtenir le bénéfice de la décision du 7 août 2006 de lui attribuer ce même marché apparaît, au regard des faits de l’espèce, très sérieusement compromise.

57      La deuxième allégation avancée par la requérante à l’appui de son argumentation doit par conséquent être rejetée.

58      En troisième lieu, la requérante soutient, en substance, que, alors que, en l’absence de prise d’effets de la décision litigieuse, elle demeure la seule attributaire régulière de ce marché, elle devra exposer des frais afin de participer à la nouvelle procédure d’appel d’offres, frais qui seront exposés inutilement dans la mesure où la nouvelle procédure d’appel d’offres devra elle aussi être annulée eu égard à l’annulation de la décision litigieuse.

59      Il y a lieu, en l’occurrence, de considérer que la requérante n’a pas démontré, pour les besoins de la présente demande, qu’elle était la seule attributaire régulière du marché, eu égard au fait qu’elle n’a pas attaqué la décision du Parlement du 14 septembre 2006 annulant la décision d’attribution du 7 août 2006 et qu’elle a accepté de participer à la seconde évaluation des offres. Par ailleurs, il convient de relever que la requérante ne soutient nullement que le fait d’exposer des frais afin de participer à la nouvelle procédure d’appel d’offres serait de nature à lui causer un préjudice grave et irréparable. Il y a dès lors lieu de rejeter l’argumentation de cette dernière sur ce point.

60      Enfin, en quatrième lieu, la requérante avance, en substance, que la décision litigieuse l’empêchera d’obtenir l’indemnisation de son dommage dans le cadre de l’affaire T‑383/06, étant donné que, en vertu de l’article 101 du règlement n° 1605/2002, le pouvoir ordonnateur dispose de la possibilité d’annuler la procédure d’appel d’offres sans que les candidats ou les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation. Or, il ne serait pas impossible, selon la requérante, que ce soit avec cet objectif que le Parlement ait décidé de recourir à l’annulation de la procédure d’appel d’offres plutôt qu’au retrait de la décision du 1er décembre 2006.

61      Il y a lieu de constater que la requérante ne démontre pas en quoi elle subirait de la sorte un préjudice grave et irréparable justifiant que le sursis à l’exécution de la décision litigieuse soit prononcé. L’argumentation de la requérante ne saurait donc prospérer et doit, partant, être rejetée.

62      Aucune des allégations avancées par la requérante n’étant de nature à établir que la condition relative à l’urgence est satisfaite, la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions d’octroi du sursis à exécution sont remplies.

63      Enfin, quoique la requérante n’ait pas été en mesure de démontrer qu’elle satisfaisait à la condition de l’urgence, le juge des référés estime, eu égard à l’ensemble des éléments dont il dispose, que la demande n’était pas pour autant vexatoire et rejette les conclusions du Parlement visant à faire condamner la requérante aux dépens pour cette raison.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 4 mai 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      B. Vesterdorf


* Langue de procédure : le français.