Language of document : ECLI:EU:T:2008:148

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

14 mai 2008 (*)

« Recours en annulation – Recours en indemnité – Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres communautaire – Rejet d’une offre – Décision d’annuler la procédure d’appel d’offres – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit – Non‑lieu à statuer »

Dans les affaires T‑383/06 et T‑71/07,

Icuna.Com SCRL, établie à Braine-le-Château (Belgique), représentée par Mes J. Windey et P. De Bandt, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. O. Caisou-Rousseau et Mme M. Ecker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, dans l’affaire T‑383/06, d’une part, une demande d’annulation de la décision du Parlement européen du 1er décembre 2006 rejetant l’offre soumise par la requérante dans le cadre du lot n° 2 (contenu des émissions) de la procédure d’appel d’offres EP/DGINFO/WEBTV/2006/0003, relative à la création et à la mise en place de la chaîne de télévision en ligne du Parlement européen, ainsi que, d’autre part, une demande en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par la requérante à la suite de l’adoption de la décision du 1er décembre 2006 et, dans l’affaire T‑71/07, d’une part, une demande d’annulation de la décision du Parlement européen du 31 janvier 2007 portant annulation de la procédure d’appel d’offres EP/DGINFO/WEBTV/2006/0003, relative à la création et à la mise en place de la chaîne de télévision en ligne du Parlement européen, en ce qui concerne le lot n° 2 (contenu des émissions), ainsi que, d’autre part, une demande en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par la requérante à la suite de l’adoption de la décision du 31 janvier 2007,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 100 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier ») :

« 1. L’ordonnateur compétent désigne l’attributaire du marché, dans le respect des critères de sélection et d’attribution préalablement définis dans les documents d’appel à concurrence et des règles de passation des marchés.

2. Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs à l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

[…] »

2        L’article 101 du règlement financier prévoit :

« Le pouvoir adjudicateur peut, jusqu’à la signature du contrat, soit renoncer au marché soit annuler la procédure de passation du marché, sans que les candidats ou les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation.

Cette décision doit être motivée et portée à la connaissance des candidats ou des soumissionnaires. »

3        Selon l’article 149, paragraphes 1 et 3, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après le « règlement d’exécution »), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 1261/2005 de la Commission, du 20 juillet 2005 (JO L 201, p. 3) :

« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’attribution du marché […], y inclus les motifs pour lesquels ils ont décidé de renoncer à passer un marché […] pour lequel il y a eu mise en concurrence ou de recommencer la procédure.

[…]

3. Pour les marchés passés par les institutions communautaires pour leur propre compte, au titre de l’article 105 du règlement financier, les pouvoirs adjudicateurs notifient […] à chaque soumissionnaire ou candidat évincé […] que leur offre ou candidature n’a pas été retenue, en précisant dans chaque cas les motifs du rejet de l’offre ou de la candidature.

Les pouvoirs adjudicateurs notifient, en même temps qu’ils informent les candidats ou soumissionnaires évincés du rejet de l’offre, la décision d’attribution à l’attributaire en précisant que la décision notifiée ne constitue pas un engagement de la part du pouvoir adjudicateur concerné.

[...] »

 Faits à l’origine du litige

4        Le 6 mai 2006, le Parlement européen a publié un avis de marché au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 87) ayant pour objet la chaîne de télévision en ligne du Parlement européen. Cet appel d’offres, portant la référence EP/DGINFO/WEBTV/2006/0003, comprenait deux lots ayant trait, respectivement, à l’architecture et la conception graphique (lot n° 1) et au contenu des émissions (lot n° 2).

5        Par lettre datée du 14 juillet 2006, la requérante, Icuna.Com SCRL, a répondu à l’appel d’offres pour le lot n° 2, « contenu des émissions », conjointement avec la société Parallèles productions, avec laquelle elle projetait de former un consortium.

6        Par lettre datée du 7 août 2006, le Parlement a informé la requérante que le marché lui avait été attribué (ci-après la « décision du 7 août 2006 »). Vers la fin du mois d’août 2006, des contacts ont eu lieu entre la personne chargée de ce dossier au Parlement et la requérante aux fins de prévoir une date de réunion pour la signature du contrat. Cette date, initialement fixée au 1er septembre 2006, a toutefois été reportée à plusieurs reprises.

7        Les 14 et 18 août 2006, deux soumissionnaires évincés ont envoyé des lettres de réclamation au Parlement. Par courrier électronique du 8 septembre 2006, la personne chargée du dossier au Parlement a informé la requérante de ces réclamations et du fait que le dossier devait, dès lors, être soumis à un examen supplémentaire.

8        Le 14 septembre 2006, le directeur des médias auprès du Parlement et ordonnateur pour la procédure d’appel d’offres en cause a informé la requérante que, à la suite d’un examen complémentaire du dossier, il avait relevé l’indice d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le comité d’évaluation et que, en conséquence, il avait décidé d’annuler la décision du 7 août 2006, « dans l’esprit de l’article 149, paragraphe 3, » du règlement d’exécution. L’ordonnateur a également décidé d’inviter un nouveau comité d’évaluation à réexaminer toutes les offres reçues. La requérante a répondu à cette lettre par un courrier du 19 septembre 2006.

9        Par courrier électronique du 28 septembre 2006, le Parlement a demandé à la requérante de fournir, d’une part, un extrait de casier judiciaire et, d’autre part, une liste de références de projets récemment exécutés par elle, accompagnée des attestations s’y rapportant, ainsi qu’une description de l’équipement technique qui serait utilisé pour assurer l’exécution des services faisant l’objet du marché. La requérante a fait suite à cette demande par courrier du 2 octobre 2006, par lequel elle a transmis les pièces demandées.

10      Le 26 octobre 2006, le nouveau comité d’évaluation a conclu que l’offre de la société Mostra était la plus avantageuse du point de vue économique et a proposé d’attribuer le marché à cette société.

11      Le 21 novembre 2006, la requérante a adressé une lettre à l’ordonnateur, dans laquelle, en substance, si besoin en était, eu égard à la nouvelle décision devant être prise par le comité d’évaluation, elle proposait de clarifier son offre et ce, à l’occasion, le cas échéant, d’une rencontre avec lui.

12      Par décision du 1er décembre 2006, le Parlement a rejeté l’offre soumise par la requérante (ci-après la « décision du 1er décembre 2006 »). Par ailleurs, il ressort du dossier que le marché litigieux a été attribué à la société Mostra.

 Procédure devant le Tribunal

13      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 19 décembre 2006 (affaire T‑383/06), la requérante a introduit un premier recours visant à l’annulation de la décision du 1er décembre 2006 et à ce qu’elle soit indemnisée du dommage subi en raison de l’adoption de cette décision.

14      Par acte séparé, enregistré au greffe le même jour (affaire T‑383/06 R), la requérante a introduit une demande en référé, visant au sursis à l’exécution de la décision du 1er décembre 2006 et du contrat qui aurait, le cas échéant, été conclu par le Parlement avec la société Mostra, ainsi qu’à la production de certains documents.

15      Le 21 décembre 2006, au matin, le Parlement et la société Mostra ont signé le contrat concernant le lot n° 2.

16      Le 21 décembre 2006, dans l’après-midi, le président du Tribunal a rendu une ordonnance prononçant le sursis à l’exécution de la décision du 1er décembre 2006, sur la base de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Il a également enjoint au Parlement, pour autant qu’il aurait déjà conclu le contrat avec la société Mostra, de surseoir à son exécution jusqu’au prononcé d’une ordonnance définitive (ordonnance du président du Tribunal du 21 décembre 2006, Icuna.Com/Parlement, T‑383/06 R, non publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance du 21 décembre 2006 »).

17      L’audience de référé dans l’affaire T‑383/06 R a eu lieu le 22 janvier 2007. Il ressort du procès-verbal de cette audience que le président du Tribunal a invité le Parlement à « considérer la possibilité d’annuler la procédure d’appel d’offres faisant l’objet de la […] demande en référé conformément à l’article 101 du règlement [financier], et de relancer une nouvelle procédure de passation du marché ».

18      Faisant suite à un courrier du 26 janvier 2007 adressé au greffe par la requérante, le Parlement a communiqué, par lettre du 31 janvier 2007, la copie d’un avenant, signé le 30 janvier 2007 avec la société Mostra, aux termes duquel le contrat signé le 21 décembre 2006 portant sur le lot n° 2 de l’appel d’offres litigieux était annulé avec effet aux date et heure auxquelles la société Mostra avait pris connaissance de l’ordonnance prononçant le sursis à l’exécution de la décision du 1er décembre 2006, soit le 21 décembre 2006, à 17 h 14. Le Parlement a également mentionné, dans ce courrier, son intention de « retirer subséquemment la décision d’attribution du marché ».

19      Par décision du 31 janvier 2007, l’ordonnateur a décidé d’annuler la procédure en vertu de laquelle la société Mostra s’est vu octroyer le contrat pour le lot n° 2 (ci-après la « décision du 31 janvier 2007 »). Il a également recommandé de lancer le plus rapidement possible un nouvel appel d’offres.

20      Par lettre du 7 février 2007, la requérante a indiqué qu’elle entendait maintenir sa demande en référé dans l’affaire T‑383/06 R relative à la décision du 1er décembre 2006, eu égard à l’absence de compétence du Parlement pour annuler la procédure d’appel d’offres.

21      Par ordonnance du 26 février 2007, Icuna.Com/Parlement (T‑383/06 R, non publiée au Recueil), le président du Tribunal a considéré qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en référé dans l’affaire T‑383/06 R, dès lors que le contrat signé entre le Parlement et la société Mostra avait été annulé d’un commun accord entre les parties contractantes et que le Parlement avait indiqué clairement qu’il n’entendait plus donner aucune exécution à la décision du 1er décembre 2006.

22      Par requête enregistrée au greffe le 9 mars 2007 (affaire T‑71/07), la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision du 31 janvier 2007 ainsi qu’à l’indemnisation du préjudice subi en raison de l’adoption de cette décision.

23      Par acte séparé, enregistré au greffe le même jour, la requérante a également demandé au Tribunal de statuer sur ce recours selon la procédure accélérée, en vertu de l’article 76 bis du règlement de procédure.

24      Par acte séparé, enregistré au greffe le même jour (affaire T‑71/07 R), la requérante a en outre introduit une demande en référé, visant, d’une part, à ce que le président du Tribunal statue sur le fondement de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure, avant que le Parlement n’ait présenté ses observations et, d’autre part, à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du 31 janvier 2007.

25      Le 16 mars 2007, un nouvel appel d’offres ayant pour objet le marché litigieux a été publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 53).

26      Le 22 mars 2007, le Parlement a déposé, par acte séparé, une exception d’irrecevabilité dans l’affaire T‑71/07, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure.

27      Le 2 avril 2007, la deuxième chambre du Tribunal a décidé de rejeter la demande de la requérante de statuer selon la procédure accélérée dans l’affaire T‑71/07.

28      Par ordonnance du 4 mai 2007, Icuna.Com/Parlement (T‑71/07 R, non publiée au Recueil), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé dans l’affaire T‑71/07 R et a réservé les dépens.

29      À la demande du Tribunal, le Parlement et la requérante ont soumis leurs observations sur une éventuelle jonction des affaires T‑383/06 et T‑71/07, respectivement, le 20 décembre 2007 et le 7 janvier 2008.

30      Le président de la deuxième chambre a déféré la décision sur la jonction à cette formation, conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure. Les recours dans les affaires T‑383/06 et T‑71/07 étant connexes, le Tribunal décide qu’il y a lieu de joindre celles-ci aux fins de la présente ordonnance.

 Conclusions des parties

31      Dans l’affaire T‑383/06, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 1er décembre 2006 ;

–        constater la responsabilité non contractuelle de la Communauté, condamner le Parlement à lui payer, premièrement, la somme de 58 700 euros à titre d’indemnité pour les frais encourus dans le cadre de l’appel d’offres et, deuxièmement, le montant du préjudice moral subi en raison de l’atteinte à sa réputation, et désigner un expert pour évaluer celui-ci ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

32      Dans l’affaire T‑383/06, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en annulation ;

–        rejeter la demande en indemnité ainsi que la demande de nomination d’un expert ;

–        condamner la requérante aux dépens.

33      Dans l’affaire T‑71/07, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité comme manifestement non fondée ;

–        à titre subsidiaire, joindre l’examen de l’exception d’irrecevabilité à celui du fond ;

–        en tout état de cause, condamner le Parlement aux dépens supplémentaires engendrés par l’exception d’irrecevabilité.

–        annuler la décision du 31 janvier 2007 ;

–        constater la responsabilité non contractuelle de la Communauté, condamner le Parlement à l’indemniser pour l’ensemble du préjudice subi en raison de la décision du 31 janvier 2007, et désigner un expert pour évaluer celui-ci ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

34      Dans l’exception d’irrecevabilité soulevée dans l’affaire T‑71/07, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

35      En vertu de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

36      Par ailleurs, en vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

1.     Sur le recours dans l’affaire T‑71/07

37      Il y a lieu, dans l’affaire T‑71/07, de joindre au fond l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement, conformément à l’article 114, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

38      Dans son exception d’irrecevabilité, le Parlement soutient, d’une part, que la décision du 31 janvier 2007 ne concerne ni directement ni individuellement la requérante et, d’autre part, que cette dernière n’a aucun intérêt à l’annulation de ladite décision, qui ne lui fait pas grief.

39      Le Parlement ajoute que la procédure d’appel d’offres forme un tout indissociable et l’attribution du marché à la société Mostra en est l’aboutissement. Il estime qu’aucune autre décision que celle d’écarter l’offre de la requérante et d’attribuer le marché à la société Mostra n’était possible. Selon le Parlement, en tout état de cause, il n’était pas envisageable d’attribuer le marché à une entreprise qui ne satisfaisait pas aux critères de sélection. Le Parlement ne pouvait se limiter au retrait de la seule décision du 1er décembre 2006 ayant rejeté l’offre de la requérante, tout en maintenant la partie de la procédure d’évaluation qui lui était favorable.

40      La requérante conteste les arguments du Parlement. D’une part, elle fait valoir que la décision du 31 janvier 2007 l’affecte directement, puisqu’elle a pour effet d’annuler la décision du 7 août 2006 qui la désignait comme attributaire du marché, qu’elle l’oblige à exposer des frais pour participer à la nouvelle procédure d’appel d’offres et pour assurer la protection de ses intérêts en justice et qu’elle l’empêche d’obtenir, dans le cadre du recours dans l’affaire T‑383/06, l’indemnisation du préjudice subi en raison de l’adoption de la décision du 1er décembre 2006.

41      D’autre part, la requérante estime être individuellement concernée par la décision du 31 janvier 2007, parce qu’elle est à l’origine de cette décision, adoptée à la suite de la procédure de référé dans l’affaire T‑383/06 R engagée par elle. De plus, sa situation se différencierait de celle des autres soumissionnaires en ce qu’elle serait la seule à s’être initialement vu attribuer le marché en cause. Enfin, la décision du 31 janvier 2007 affecterait de manière négative l’issue de sa demande en indemnité dans l’affaire T‑383/06.

 Appréciation du Tribunal

42      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

43      En l’espèce, il convient de relever que la requérante n’est pas destinataire de la décision du 31 janvier 2007.

44      Selon une jurisprudence constante, pour concerner directement un particulier, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, l’acte communautaire entrepris doit produire directement des effets sur la situation juridique de l’intéressé et sa mise en oeuvre doit revêtir un caractère purement automatique et découler de la seule réglementation communautaire, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43, et la jurisprudence citée).

45      En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, point 11 ; arrêt du Tribunal du 27 avril 1995, ASPEC e.a./Commission, T‑435/93, Rec. p. II‑1281, point 62).

46      Enfin, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Cet intérêt doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé (voir arrêts du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, Rec. p. II‑1197, point 25, et la jurisprudence citée, et du 20 septembre 2007, Salvat père & fils e.a./Commission, T‑136/05, non encore publié au Recueil, point 34).

47      En l’espèce, la décision du 31 janvier 2007 produit directement des effets sur la situation juridique de la requérante. S’agissant d’une annulation de l’ensemble de la procédure d’appel d’offres, la décision du 31 janvier 2007 entraîne l’annulation de la décision du 1er décembre 2006 rejetant son offre, mais également celle de la décision du 14 septembre 2006, qui annulait la décision attribuant le marché à la requérante, ainsi que celle de la décision du 7 août 2006 lui attribuant le marché. La requérante est donc directement concernée par la décision du 31 janvier 2007. Pour la même raison, la décision du 31 janvier 2007 fait grief à la requérante, qui a donc un intérêt à la voir annulée.

48      La requérante est également individuellement concernée par la décision du 31 janvier 2007, en ce qu’elle était la seule soumissionnaire à s’être vu attribuer le marché dans le cadre de la procédure d’appel d’offres annulée. Cet élément est de nature à l’individualiser par rapport à tous les autres soumissionnaires évincés.

49      Dès lors, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement à l’égard du recours introduit par la requérante dans l’affaire T‑71/07.

 Sur la demande en annulation

 Arguments de la requérante

50      À l’appui de sa demande en annulation dans l’affaire T‑71/07, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte et de la violation de l’article 101 du règlement financier. Le second moyen est pris d’un défaut de motivation. Le Parlement n’a pas présenté de mémoire en défense dans l’affaire T‑71/07 et ne s’est donc pas prononcé sur les moyens invoqués au soutien de la demande en annulation.

–       Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte et de la violation de l’article 101 du règlement financier

51      La requérante relève qu’aucune disposition de droit communautaire n’autorisait le pouvoir adjudicateur à annuler l’attribution d’un marché après la signature du contrat avec l’attributaire du marché. En particulier, ni l’ordonnance du 21 décembre 2006, ni l’invitation faite par le président du Tribunal lors de l’audience de référé du 22 janvier 2007 ne sauraient constituer une base légale pour la décision du 31 janvier 2007.

52      À supposer que la décision du 31 janvier 2007 soit fondée sur l’article 101 du règlement financier, les conditions d’application de cette disposition ne seraient pas satisfaites en l’espèce. En effet, l’article 101 du règlement financier limiterait la compétence du pouvoir adjudicateur d’annuler une procédure d’appel d’offres, de telle sorte que celui-ci ne disposerait de la compétence d’adopter une telle décision que jusqu’à la signature du contrat avec l’attributaire. Or, le Parlement aurait signé le contrat avec la société Mostra le 21 décembre 2006, soit plus d’un mois avant l’adoption de la décision du 31 janvier 2007.

53      Pour la requérante, une annulation de la procédure d’appel d’offres ne pouvait, en outre, plus être envisagée, puisque le marché avait déjà été attribué régulièrement à la requérante par la décision du 7 août 2006.

54      Par ailleurs, la résiliation du contrat avec la société Mostra n’impliquerait pas que le contrat n’ait pas été signé. En outre, la résiliation envisagée ne viserait pas l’ensemble des effets du contrat, celui-ci étant annulé avec effet aux date et heure auxquelles la société Mostra a pris connaissance de la suspension de l’exécution du contrat. Tout effet s’étant produit préalablement à cette prise de connaissance est donc, selon la requérante, maintenu.

55      La requérante soutient, par ailleurs, que la décision du 31 janvier 2007 viole l’article 101 du règlement financier, dès lors que l’annulation de la procédure d’appel d’offres ne porte que sur le lot n° 2. Cette disposition ne permettrait pas de procéder à une annulation partielle de la procédure d’appel d’offres. Il est évident, selon la requérante, que, dans la mesure où les lots nos 1 et 2 font partie du même appel d’offres, une annulation éventuelle aurait dû porter sur l’ensemble de la procédure, c’est-à-dire également sur la procédure relative à l’attribution du lot n° 1.

–       Sur le second moyen, pris de la violation de l’obligation de motivation

56      La requérante soutient que la décision du 31 janvier 2007 viole l’obligation de motivation qui s’impose comme un principe général et qui est prévue à l’article 101 du règlement financier et à l’article 149, paragraphe 1, du règlement d’exécution.

57      La décision du 31 janvier 2007 ne permettrait pas de comprendre les motifs qui ont amené le Parlement à adopter la mesure en cause. La référence à l’« invitation » du président du Tribunal ne saurait suffire à motiver la décision du 31 janvier 2007. Elle serait d’ailleurs en contradiction avec le reste de la décision du 31 janvier 2007, dès lors que le Parlement a considéré que la décision du 31 janvier 2007 « ne représent[ait] en aucune façon une reconnaissance de ce que la décision du [14] septembre 2006 annulant la décision d’attribution initiale et désignant un nouveau comité d’évaluation n’était pas la façon correcte d’agir ».

 Appréciation du Tribunal

–       Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte et de la violation de l’article 101 du règlement financier

58      Il y a lieu de considérer que le Parlement était compétent pour adopter la décision du 31 janvier 2007. L’avis contraire de la requérante est fondé sur une interprétation erronée de l’article 101, premier alinéa, du règlement financier, qui a pour objet de régler, dans l’hypothèse d’une renonciation au marché ou d’une annulation de la procédure d’appel d’offres par le pouvoir adjudicateur, le conflit entre les intérêts privés des soumissionnaires et de l’attributaire, d’une part, et l’intérêt général qu’est censé poursuivre le pouvoir adjudicateur, d’autre part. En effet, il y a lieu de distinguer deux phases dans le cadre de l’application de cette disposition.

59      Premièrement, avant la signature du contrat avec le soumissionnaire sélectionné, le pouvoir adjudicateur n’est pas engagé et peut ainsi, dans le cadre de sa mission relevant de l’intérêt général, renoncer librement au marché ou annuler la procédure d’appel d’offres. L’article 101 du règlement financier exclut, dans ce cas de figure, tout droit à indemnisation des candidats ou des soumissionnaires en raison d’une telle renonciation ou annulation.

60      Deuxièmement, après la signature du contrat, le pouvoir adjudicateur est engagé contractuellement envers le soumissionnaire choisi. Il ne peut donc plus, en principe, renoncer au marché ou annuler la procédure d’appel d’offres de manière unilatérale. Il ne saurait en aller autrement qu’à la suite de circonstances exceptionnelles telles que celles du cas d’espèce où les parties contractantes ont décidé, d’un commun accord, de renoncer au contrat.

61      L’interprétation contraire de l’article 101, premier alinéa, du règlement financier proposée par la requérante, selon laquelle le pouvoir adjudicateur, une fois le contrat avec l’attributaire signé, n’a plus compétence pour annuler la procédure de passation de marché, même si l’attributaire a renoncé à sa position contractuelle, risquerait, dans un cas comme celui de l’espèce, dans lequel le pouvoir adjudicateur a constaté, après la signature du contrat, l’éventuelle présence d’irrégularités dans la procédure d’attribution, de placer les parties à cette procédure dans une impasse. D’une part, une exécution du contrat les exposerait, dans une telle situation, au risque de se voir ordonner un sursis à exécution, lequel a d’ailleurs été ordonné à titre provisoire en l’espèce, ou à une annulation de la décision d’attribution, à la suite d’un recours devant le Tribunal introduit par un soumissionnaire non retenu. D’autre part, le pouvoir adjudicateur ne pourrait pas annuler la procédure ou renoncer au marché, même si l’attributaire, comme c’est le cas en l’espèce, était prêt à renoncer au contrat. Or, l’article 101 du règlement financier ne saurait être interprété comme s’opposant à la volonté commune des parties au contrat d’annuler celui-ci sans lui avoir donné un début d’exécution. Dans une telle situation, le pouvoir adjudicateur doit donc avoir le droit d’annuler la procédure d’appel d’offres.

62      Dès lors, la ratio legis de l’article 101 du règlement financier et la sécurité juridique imposent de considérer que, dans les circonstances de l’espèce, le Parlement avait compétence pour annuler la procédure d’appel d’offres.

63      Il convient de considérer également que le Parlement n’a pas violé l’article 101 du règlement financier en distinguant deux lots. Si ces deux lots présentent un certain degré d’interdépendance en ce sens qu’ils font partie du même appel d’offres, ils sont pourtant autonomes. En effet, d’une part, les deux lots portaient sur des objets distincts, à savoir, respectivement, l’architecture et la conception graphique (lot n° 1) et le contenu des émissions (lot n° 2). D’autre part, le déroulement de la procédure relative au lot n° 1 a été totalement autonome par rapport à celui de la procédure relative au lot n° 2, chacun de ces lots pouvant être attribué à des soumissionnaires différents et non liés entre eux.

–       Sur le second moyen, pris de la violation de l’obligation de motivation

64      Il y a lieu de rappeler que l’article 101, second alinéa, du règlement financier prévoit que la décision d’annuler la procédure de passation du marché doit être motivée et portée à la connaissance des candidats ou des soumissionnaires.

65      L’article 149, paragraphe 1, du règlement d’exécution dispose que les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’attribution du marché, en indiquant les motifs pour lesquels ils ont décidé de renoncer à passer un marché.

66      En vertu de ces dispositions et, plus généralement, de l’obligation générale de motivation qui découle de l’article 253 CE, le Parlement avait l’obligation de communiquer, en même temps que la décision d’annuler l’appel d’offres, les motifs de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 mai 2007, Citymo/Commission, T‑271/04, Rec. p II‑1375, point 100).

67      Selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non fondée et, d’autre part, à permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63 ; arrêt du Tribunal du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec. p. II‑127, point 119, et ordonnance du président du Tribunal du 20 septembre 2005, Deloitte Business Advisory/Commission, T‑195/05 R, Rec. p. II‑3485, point 108).

68      Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement la mention de la base juridique d’un acte légal, il ressort de la jurisprudence que l’omission de la référence à une disposition précise peut ne pas constituer un vice substantiel lorsque la base juridique d’un acte peut être déterminée à l’appui d’autres éléments, une telle référence explicite n’étant indispensable que lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et le juge communautaire sont laissés dans l’incertitude quant à la base juridique précise (arrêt de la Cour du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, Rec. p. 1493, point 9).

69      En l’espèce, il convient de relever, à titre liminaire, que la requérante a reçu, dans le cadre de la procédure de référé dans l’affaire T‑71/07 R, une copie des observations du 31 janvier 2007 du Parlement sur le procès-verbal de l’audience de référé du 22 janvier 2007, incluant, notamment, une copie d’un projet de décision d’annulation de la procédure, ainsi qu’une copie de la décision du 31 janvier 2007, portant annulation de la procédure d’appel d’offres.

70      Or, ainsi que la requérante le reconnaît, dans sa requête dans l’affaire T‑71/07, le Parlement a indiqué, dans ses observations du 31 janvier 2007, qu’il entendait fonder la décision du 31 janvier 2007 sur l’article 101 du règlement financier. En outre, les considérants de cette décision énonçaient, notamment, que l’ordonnance du 21 décembre 2006 interdisait au Parlement de mettre en œuvre le contrat jusqu’à ce qu’une décision définitive soit prononcée, que le Parlement avait été invité par le président du Tribunal, lors de l’audience de référé, à examiner la possibilité d’annuler la procédure de passation de marché et d’engager une nouvelle procédure et que le Parlement et la société Mostra s’accordaient à considérer que l’ordonnance du 21 décembre 2006 rendait impossible une mise en œuvre du contrat dans un délai raisonnable et que, dès lors, ils étaient convenus de renoncer à ce contrat.

71      Il ressort donc des circonstances ayant entouré l’adoption de la décision du 31 janvier 2007 ainsi que de ses motifs, que le Parlement considérait n’avoir pas d’autre choix que d’annuler la procédure d’appel d’offres, sur le fondement de l’article 101 du règlement financier, afin d’éviter que la réalisation de son projet de télévision en ligne ne subisse un retard important. Il y a lieu de constater, dès lors, que la motivation donnée par le Parlement dans sa décision du 31 janvier 2007 fait clairement apparaître le raisonnement suivi.

72      Une telle motivation permet à la requérante de faire valoir ses droits et au Tribunal d’exercer son contrôle.

73      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les deux moyens soulevés par la requérante et de rejeter la demande en annulation dans l’affaire T‑71/07 comme manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

 Sur la demande en indemnité

 Arguments de la requérante

74      La requérante invoque la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE. Elle considère que, pour l’ensemble des motifs qu’elle invoque à l’appui de la demande en annulation, il est manifeste que le Parlement a commis diverses illégalités dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision du 31 janvier 2007. Ces illégalités, prises individuellement ou ensemble, seraient de nature à constituer une violation caractérisée du droit communautaire.

75      Premièrement, la requérante affirme avoir subi un dommage tenant à la privation des bénéfices de la décision du 7 août 2006, du fait de l’ouverture d’une procédure irrégulière par le Parlement, qui a abouti à l’attribution du marché à un autre soumissionnaire, et de l’adoption de la décision du 31 janvier 2007. Ce préjudice serait difficilement quantifiable, mais il serait constitué des frais, imminents et prévisibles, exposés pour la participation à un nouvel appel d’offres. Deuxièmement, la requérante allègue avoir subi un préjudice moral. En effet, l’appréciation négative invoquée pour fonder le rejet de son offre par la décision du 1er décembre 2006 serait réitérée dans la décision du 31 janvier 2007, ce qui porterait atteinte à sa réputation. Ce préjudice moral s’élèverait à environ 10 % de la valeur totale du marché, montant qui pourrait être estimé de façon précise par un expert désigné par le Tribunal.

76      Le Parlement n’a pas présenté de mémoire en défense dans l’affaire T‑71/07 et ne s’est donc pas prononcé sur les moyens invoqués au soutien de la demande en indemnité.

 Appréciation du Tribunal

77      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le dommage invoqué (arrêt de la Cour du 2 juillet 1974, Holtz & Willemsen/Conseil et Commission, 153/73, Rec. p. 675, point 7, et arrêt du Tribunal du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 76).

78      Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’elles suffit pour qu’un recours en indemnité soit rejeté (arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 14, et arrêt du Tribunal du 6 décembre 2001, Emesa Sugar/Conseil, T‑43/98, Rec. p. II‑3519, point 59).

79      S’agissant de la première de ces conditions, le comportement illégal reproché à une institution communautaire doit consister en une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 42).

80      En l’espèce, la requérante invoque, en substance, les moyens avancés à l’appui de sa demande en annulation pour faire valoir des illégalités de nature à constituer une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire.

81      Or, il a été considéré ci-dessus, que la demande en annulation formulée par la requérante était manifestement dépourvue de tout fondement en droit, en l’absence de comportement illégal du Parlement. Puisque la demande en indemnité dans cette affaire est fondée sur les mêmes arguments que ceux invoqués au soutien de la demande en annulation, il y a donc lieu de considérer qu’elle est également dépourvue de tout fondement en droit, faute de violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

82      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité dans l’affaire T‑71/07 comme étant manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

2.     Sur le recours dans l’affaire T-383/06

 Sur la demande en annulation

83      À la suite d’une invitation de la part du Tribunal, les parties se sont prononcées, lors du deuxième tour de mémoires dans l’affaire T‑383/06, sur les conséquences à tirer, pour cette affaire, de la décision du 31 janvier 2007 annulant la procédure de passation du marché litigieux.

 Arguments des parties

84      La requérante estime que la décision du 31 janvier 2007 a été adoptée par un organe incompétent et que, partant, elle ne saurait avoir pour conséquence de priver d’effets la décision du 1er décembre 2006. Selon elle, l’appel d’offres et les décisions qui y sont relatives produisent encore tous leurs effets. Dès lors, le recours en annulation dans l’affaire T‑383/06 conserverait son objet.

85      Au soutien de cette thèse, la requérante invoque des arguments identiques, en substance, à ceux qu’elle a développés dans le premier moyen supportant ses conclusions en annulation dans l’affaire T‑71/07 (voir points 51 à 55 ci‑dessus).

86      Le Parlement conteste les arguments de la requérante, estimant, en premier lieu, que l’annulation de l’ensemble de la procédure d’appel d’offres par la décision du 31 janvier 2007 emportait ipso facto le retrait de la décision du 1er décembre 2006 et, en second lieu, qu’il était compétent pour prendre ladite décision.

 Appréciation du Tribunal

87      Il convient de rappeler que les conclusions en annulation de la requérante ont pour objet la décision du 1er décembre 2006, qui a été annulée par la décision du 31 janvier 2007. Or, la légalité de la décision du 31 janvier 2007 annulant la procédure d’appel d’offres fait l’objet du recours en annulation dans l’affaire T‑71/07, rejeté comme manifestement non fondé au point 73 ci-dessus.

88      Par conséquent, la décision du 31 janvier 2007 continue à produire tous ses effets. Dans ces circonstances, le Tribunal considère que l’annulation de la décision du 1er décembre 2006 par la décision du 31 janvier 2007 a conduit au résultat que la requérante visait à obtenir par sa demande en annulation dans l’affaire T‑383/06, à savoir la disparition de la décision du 1er décembre 2006 (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 17 septembre 1997, Antillean Rice Mills/Commission, T‑26/97, Rec. p. II‑1347, point 15).

89      Il s’ensuit que la demande en annulation dans l’affaire T‑383/06 est devenue sans objet et que, par conséquent, conformément à l’article 113 du règlement de procédure, il n’y a plus lieu de statuer sur cette demande.

 Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

90      La requérante invoque la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE. Elle considère que, pour l’ensemble des motifs avancés à l’appui de la demande en annulation, il est manifeste que le Parlement a commis diverses illégalités dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision du 1er décembre 2006.

91      Dans le cadre de sa demande en annulation dans l’affaire T‑383/06, d’une part, la requérante a invoqué l’irrégularité manifeste de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision du 1er décembre 2006, en raison de l’incompétence du Parlement, de la violation de l’article 101 du règlement financier et de la violation de l’article 149 du règlement d’exécution. D’autre part, elle a fait valoir une méconnaissance des critères fixés dans l’appel d’offres, des principes d’égalité de traitement et de transparence et de l’obligation de motivation.

92      Selon la requérante, ces illégalités, qu’elles soient prises individuellement ou, en tout état de cause, ensemble, sont de nature à constituer une violation caractérisée du droit communautaire.

93      Le préjudice subi par la requérante serait difficilement quantifiable. Il serait constitué, premièrement, des frais exposés pour la participation à la procédure d’appel d’offres, d’un montant de 58 700 euros, et, deuxièmement, d’un dommage moral, imminent et prévisible, tenant à l’atteinte susceptible d’être portée à la réputation de la requérante. Ce préjudice moral s’élèverait à environ 10 % de la valeur totale du marché, montant qui pourrait être estimé de façon précise par un expert à désigner par le Tribunal.

94      Le Parlement estime que la requérante n’est pas fondée à demander des dommages et intérêts couvrant ses frais de participation à l’appel d’offres, puisque, d’une part, l’article 4 du cahier des conditions générales applicables aux marchés du Parlement exclut expressément cette possibilité et, d’autre part, la requérante n’a pas fourni le moindre élément permettant de déroger au principe jurisprudentiel selon lequel les charges et frais encourus par un soumissionnaire pour sa participation à un appel d’offres ne sauraient constituer un préjudice susceptible d’être réparé par l’octroi de dommages-intérêts.

 Appréciation du Tribunal

95      Il y a lieu de constater, premièrement, en ce qui concerne le prétendu préjudice constitué par les frais de participation à la procédure de passation de marché annulée, que la requérante n’a pas établi de lien de causalité entre le comportement reproché au Parlement, à savoir, les prétendues illégalités commises dans le cadre de la procédure de passation du marché litigieux, d’une part, et le préjudice constitué par les frais de sa participation à cette procédure, d’autre part. En effet, même à supposer que la procédure ayant conduit aux décisions du 14 septembre et du 1er décembre 2006, ainsi que ces décisions elles-mêmes aient été entachées d’illégalité, de sorte que la requérante pourrait encore bénéficier des effets de la décision du 7 août 2006 lui ayant initialement attribué le marché, cette dernière ne lui donnait aucun droit à la conclusion du contrat. Au contraire, la décision du 7 août 2006 spécifiait expressément, conformément à l’article 149, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement d’exécution, qu’elle ne comportait aucun engagement de la part du Parlement et que ce dernier, en tant qu’autorité contractante, avait la possibilité, jusqu’à la signature du contrat, d’annuler la procédure d’appel d’offres sans que la requérante ait droit à une quelconque indemnisation. Or, cette possibilité s’est réalisée en l’espèce, sous la forme de la décision du 31 janvier 2007. Dans ces conditions, force est de constater qu’il n’existe aucun lien de causalité entre le comportement reproché au Parlement et le préjudice invoqué par la requérante.

96      Deuxièmement, en ce qui concerne le préjudice moral allégué par la requérante, il n’est pas davantage établi. Elle indique que le rejet de son offre serait motivé, dans la décision du 1er décembre 2006, par une appréciation très négative, susceptible d’être diffusée rapidement dans les milieux intéressés et de porter ainsi gravement atteinte à sa réputation.

97      Cependant, il convient de relever que la requérante ne précise pas quelles seraient les appréciations négatives portant atteinte à sa réputation. Dans la décision du 1er décembre 2006 rejetant l’offre de la requérante, le Parlement explique que cette dernière ne répondait pas aux critères de sélection au regard de ses capacités techniques et financières. Il est évident que de telles explications susciteront nécessairement des appréciations négatives, soit sur les qualités de l’offre, soit sur celles du soumissionnaire. Cependant, il ne saurait, en principe, être déduit de telles appréciations négatives qu’elles portent atteinte à la réputation du soumissionnaire en question, à condition qu’elles soient formulées de manière non polémique et conformément aux faits.

98      En effet, il incombait au Parlement, aux fins de la décision d’attribution à prendre, et notamment aux fins de sa motivation, de vérifier le respect des critères de sélection par les offres soumises. À cet égard, il ne saurait être fait aucun reproche à la décision du 1er décembre 2006, dans laquelle il est expliqué, en des termes appropriés, que le personnel d’encadrement, l’expérience, le chiffre d’affaires ainsi que les résultats d’exploitation des exercices récents de la requérante étaient considérés comme étant trop faibles pour que le Parlement puisse lui confier un projet d’une envergure telle que celle du marché en cause. De tels propos ne sauraient en soi, dans le cadre du rejet d’une offre, être considérés comme portant atteinte à la réputation de la requérante.

99      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme étant manifestement dépourvue de tout fondement en droit la demande en indemnité de la requérante dans l’affaire T‑383/06.

 Sur les dépens

100    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

101    Selon l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. Par ailleurs, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

102    La décision du 1er décembre 2006, faisant l’objet du recours dans l’affaire T-383/06, a été annulée postérieurement à l’introduction du recours, par une décision prise par le Parlement conformément à la procédure prévue en matière d’appel d’offres. Toutefois, il ne saurait être exclu, à la lumière du dossier tant dans les présentes affaires que dans les affaires en référé correspondantes, que le Parlement, par le comportement qu’il a adopté dans le cadre de la procédure d’attribution du marché, ait provoqué l’introduction du recours dans l’affaire T‑383/06 ainsi que la demande en référé dans l’affaire T‑383/06 R. Dans ces circonstances, il y a lieu de décider que la requérante supportera la moitié de ses propres dépens dans les affaires T‑383/06 et T‑383/06 R, tandis que le Parlement supportera, outre ses propres dépens, la moitié de ceux de la requérante.

103    Dans l’affaire T‑71/07, la requérante ayant succombé, il y a lieu, eu égard aux conclusions du Parlement, de la condamner aux dépens, y compris ceux relatifs à la procédure de référé dans l’affaire T‑71/07 R et à l’exception d’irrecevabilité.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Les affaires T‑383/06 et T‑71/07 sont jointes aux fins de l’ordonnance.

2)      Dans l’affaire T‑71/07, l’exception d’irrecevabilité est jointe au fond.

3)      Le recours dans l’affaire T‑71/07 est rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

4)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande en annulation dans l’affaire T‑383/06.

5)      La demande en indemnité dans l’affaire T‑383/06 est rejetée comme étant manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

6)      Dans l’affaire T‑383/06, le Parlement supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens d’Icuna.Com SCRL, y compris ceux relatifs à la procédure de référé. Icuna.Com supportera la moitié de ses propres dépens.

7)      Dans l’affaire T‑71/07, Icuna.Com supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par le Parlement, y compris ceux relatifs à la procédure de référé et à l’exception d’irrecevabilité.

Fait à Luxembourg, le 14 mai 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       I. Pelikánová


* Langue de procédure : le français.