Language of document : ECLI:EU:T:2012:63

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

10 février 2012(*)

« Union douanière – Importation de sucre de canne brut en provenance des Antilles néerlandaises – Recouvrement a posteriori de droits à l’importation – Demande de remise de droits à l’importation – Article 220, paragraphe 2, sous b), et article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 – Violation des formes substantielles »

Dans l’affaire T‑32/11,

Verenigde Douaneagenten BV, établie à Rotterdam (Pays-Bas), représentée par Mes J. van der Meché et S. Moolenaar, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Bouyon et M. B. Burggraaf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2010) 6754 final de la Commission, du 1er octobre 2010, constatant, d’une part, qu’il est justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation et, d’autre part, que la remise de ces droits n’est pas justifiée dans un cas particulier (REC 02/09),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, M. Prek et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Entre le 13 août et le 10 décembre 1997, la requérante, Verenigde Douaneagenten BV, a déclaré, en vue de leur mise en libre pratique, six envois de sucre de canne brut en provenance de Curaçao (Antilles néerlandaises).

2        À l’époque des faits, en vertu de l’article 101 de la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté économique européenne (JO L 263, p. 1), lu en combinaison avec les articles 1er et 12 de l’annexe II de cette décision, les produits entièrement obtenus dans les pays et territoires d’outre-mer (PTOM), dont faisait partie Curaçao, pouvaient être importés dans la Communauté économique européenne en exemption de droits de douane sur présentation d’un certificat de circulation des marchandises EUR.1 (ci-après le « certificat EUR.1 »).

3        La requérante a présenté en douane, à l’appui de ses déclarations d’importation, des certificats EUR.1 délivrés par les autorités douanières de Curaçao. Les autorités douanières néerlandaises ont accepté lesdites déclarations et accordé le bénéfice de l’exemption des droits de douane.

4        Des représentants de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et d’un État membre ont réalisé du 26 mai au 13 juin 1999, dans le cadre de la coopération entre les administrations douanières, une mission de vérification au cours de laquelle il a été constaté que le sucre importé par la requérante avait en fait été obtenu à partir de sucre importé de Colombie et transformé à Curaçao. En outre, il a été constaté que cette transformation n’était pas suffisante pour considérer que ce sucre était originaire des Antilles néerlandaises. Au vu du résultat de cette enquête, les autorités douanières néerlandaises ont donc engagé à l’encontre de la requérante une action tendant au recouvrement a posteriori des droits à l’importation d’un montant de 531 985,59 euros.

5        Le 3 août 2001, la requérante a présenté au bureau douanier concerné une demande de remise des droits à l’importation, conformément à l’article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »). La requérante a, par ailleurs, introduit une réclamation auprès des autorités douanières néerlandaises en vue de contester le recouvrement a posteriori de ces droits, conformément aux dispositions combinées de l’article 243 et de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes.

6        À la suite du rejet de sa réclamation, la requérante a, le 19 août 2003, interjeté appel devant le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam). Au cours de cette procédure, les autorités douanières néerlandaises sont arrivées à la conclusion que le cas d’espèce concernait une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de procéder au recouvrement a posteriori des droits, conformément aux dispositions de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes.

7        Par décision du 22 mai 2007, le Gerechtshof te Amsterdam a donné raison à la requérante et a annulé la décision de rejet de sa réclamation ainsi que les avis de recouvrement. Le Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) du Royaume des Pays-Bas s’est pourvu en cassation contre cette décision. Selon lui, même si l’administration néerlandaise souhaitait renoncer au recouvrement, conformément à l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, elle devrait pour ce faire avoir l’approbation de la Commission des Communautés européennes, conformément à l’article 871 du règlement (CEE) n°2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement n° 2913/92 (JO L 253, p. 1, ci-après le « règlement d’application »).

8        Le 14 août 2009, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême du Royaume des Pays-Bas) a rendu un arrêt dans lequel il estimait que le pourvoi en cassation du Staatssecretaris van Financiën était fondé.

9        Le 11 novembre 2009, les autorités douanières néerlandaises ont adressé à la requérante le projet de dossier qu’elles envisageaient d’envoyer à la Commission, en vertu de l’article 871 du règlement d’application, et la requérante a fait savoir, par lettre du 19 novembre 2009, qu’elle avait pris connaissance dudit projet de dossier et qu’elle n’avait rien à y ajouter.

10      Par demande du 19 novembre 2009, reçue le 2 décembre 2009, les autorités douanières néerlandaises ont transmis le cas à la Commission européenne en vertu de l’article 871 du règlement d’application et ont demandé à celle-ci, afin de pouvoir procéder à la remise des droits à l’importation au titre de l’article 236 du code des douanes, d’établir s’il était justifié au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), dudit code de procéder ou non à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation. En revanche, les autorités néerlandaises n’ont pas transmis à la Commission le cas relatif à la demande de remise des droits présentée par la requérante conformément à l’article 239, paragraphe 2, du code des douanes.

11      Par lettre du 18 juin 2010, la Commission a informé la requérante qu’elle envisageait de prendre à son égard une décision défavorable en ce qui concerne la remise des droits à l’importation au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 236 du code des douanes et lui a précisé les raisons de ses objections. Par lettre du 13 juillet 2010, la requérante a pris position sur lesdites objections.

12      Le 1er octobre 2010, la Commission a adopté la décision C (2010) 6754 final (ci-après la « décision attaquée »), signifiée à la requérante le 26 novembre 2010 et constatant, d’une part, qu’il était justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation d’un montant de 531 985,59 euros et, d’autre part, que la remise de ces droits au titre de l’article 236 du code des douanes combiné avec l’article 220, paragraphe 2, sous b), dudit code et au titre de l’article 239 du même code n’était pas justifiée.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2011, la requérante a formé le présent recours.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2011, la requérante a renoncé au dépôt d’une réplique.

15      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

16      Par lettre du 28 octobre 2011, la Commission a déposé des observations sur le rapport d’audience.

17      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 18 novembre 2011. Les parties ont, en particulier, été entendues concernant le moyen susceptible d’être soulevé d’office et tiré d’une violation des formes substantielles de la procédure en ce que la décision attaquée se prononcerait sur la remise des droits au titre de l’article 239 du code des douanes en l’absence de transmission à la Commission, par les autorités néerlandaises, du cas relatif à la demande de remise présentée par la requérante.

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens.

21      Les deux premiers moyens sont tirés d’une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes en ce que la Commission n’aurait pas considéré de manière erronée que le montant des droits légalement dus n’avait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes. Le premier moyen concerne la question de savoir si les certificats EUR.1 délivrés par les autorités douanières de Curaçao ont été établis sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur. Le deuxième moyen est tiré du fait que la Commission aurait considéré de manière erronée que les autorités douanières de Curaçao ne savaient pas ou n’auraient pas dû savoir que les marchandises en cause ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier de l’exemption de droits de douane.

22      Les troisième et quatrième moyens sont tirés d’une violation de l’article 239 du code des douanes en ce que la Commission aurait considéré de manière erronée que la remise des droits à l’importation au titre de cette disposition n’était pas justifiée. Le troisième moyen concerne une prétendue violation de la procédure suivie devant la Commission. Dans le cadre de ce moyen, la requérante affirme que la Commission n’a pas respecté le délai de neuf mois prévu à l’article 907, deuxième alinéa, du règlement d’application pour prendre une décision sur l’existence d’une situation particulière qui justifierait ladite remise des droits. En outre, la Commission aurait violé les droits de la défense au cours de la procédure visée aux articles 905 à 909 du règlement d’application. Enfin, le quatrième moyen est tiré du fait que la Commission aurait considéré de manière erronée que le cas d’espèce ne constituait pas une situation particulière.

23      De plus, le Tribunal a informé les parties, lors de l’audience, qu’il était susceptible de soulever d’office le moyen tiré de ce que l’adoption de la décision relative à la remise des droits au titre de l’article 239 du code des douanes, en l’absence de transmission à la Commission, par les autorités néerlandaises, du cas relatif à la demande de remise présentée par la requérante, pourrait constituer une violation des formes substantielles de la procédure et a donné aux parties la possibilité de s’exprimer sur ce point.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, relatif à la présentation des faits par l’exportateur

24      La requérante fait valoir, en substance, que le fait que le montant des droits à l’importation en cause n’a pas été pris en compte par les autorités douanières néerlandaises résultait bien d’une erreur des autorités douanières de Curaçao dès lors que les certificats EUR.1 délivrés par ces dernières n’avaient pas été établis sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur. Par conséquent, en vertu de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, la Commission n’aurait pas dû, selon la requérante, décider que ces droits à l’importation devaient être pris en compte a posteriori.

25      Aux termes de l’article 220, paragraphe 2, sous b), premier alinéa, du code des douanes, il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation lorsque le montant des droits légalement dus n’a pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane. Le deuxième alinéa de cette disposition prévoit que, lorsque le statut préférentiel d’une marchandise est établi sur la base d’un système de coopération administrative impliquant les autorités d’un pays tiers, la délivrance d’un certificat par ces autorités, s’il se révèle incorrect, constitue une erreur qui n’était pas raisonnablement décelable au sens du premier alinéa. Toutefois, selon le troisième alinéa de cette même disposition, la délivrance d’un certificat incorrect ne constitue pas une erreur lorsque le certificat a été établi sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur, sauf si, notamment, il est évident que les autorités de délivrance du certificat savaient ou auraient dû savoir que les marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel.

26      S’agissant de la question de savoir à qui il appartient de prouver qu’un certificat EUR.1 a été établi sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur, il convient de relever qu’il appartient aux autorités douanières qui veulent se prévaloir de l’article 220, paragraphe 2, sous b), troisième alinéa, initio, du code des douanes, en vue de procéder au recouvrement a posteriori des droits, d’apporter, à l’appui de leurs prétentions, la preuve que la délivrance des certificats incorrects est imputable à la présentation inexacte des faits par l’exportateur (arrêt de la Cour du 9 mars 2006, Beemsterboer Coldstore Services, C‑293/04, Rec. p. I‑2263, point 39, et ordonnance de la Cour du 2 juin 2010, DSV Road/Commission, C‑358/09 P, non publiée au Recueil, point 49).

27      Par conséquent, dans le cas d’espèce où les autorités douanières néerlandaises ont transmis le cas à la Commission conformément à l’article 871, paragraphe 1, du règlement d’application afin que celle-ci prenne une décision au titre de l’article 873 dudit règlement établissant soit que la situation examinée permet de ne pas prendre en compte a posteriori les droits en cause, soit qu’elle ne le permet pas, c’est à la Commission qu’il appartient de prouver que les certificats EUR.1 en cause ont été établis sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur.

28      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de constater que la Commission s’est fondée, afin de démontrer que les autorités douanières de Curaçao ont établi les certificats EUR.1 en cause sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur, sur la demande de l’exportateur auxdites autorités relative à la délivrance des certificats EUR.1 en cause. Au considérant 21 de la décision attaquée, la Commission indique, à cet égard, que l’exportateur a fait référence, dans le cadre de sa demande, à l’article 6 de l’annexe II de la décision 91/482 qui porte sur le cumul d’origines entre la Communauté, les États d’Afrique, du Pacifique et des Caraïbes (ACP), signataires, successivement, des conventions de Lomé (Togo), puis de l’accord de Cotonou (Bénin), et les PTOM, mais non la Colombie. En second lieu, au considérant 22 de la décision attaquée, la Commission considère que les autorités douanières de Curaçao n’ont pas été informées par l’exportateur que du sucre de Colombie avait été utilisé. Dans ce contexte, elle fait référence notamment à une lettre datant du 23 janvier 1995 adressée auxdites autorités par une autre entreprise établie à Curaçao et dont les activités ont été reprises par l’exportateur.

29      Il convient de relever que les considérations de la Commission au considérant 21 de la décision attaquée n’ont pas été contestées par la requérante. En faisant référence à l’article 6 de l’annexe II de la décision 91/482, l’exportateur a donc donné une présentation incorrecte des faits dès lors que le sucre en cause n’était pas originaire d’un pays faisant partie, à l’époque, de la Communauté, des États ACP ou des PTOM.

30      Toutefois, la requérante affirme qu’il ressort de la lettre du 23 janvier 1995 qu’il ne pouvait être exclu que l’entreprise, dont les activités ont été reprises par l’exportateur, ait importé également, à un stade ultérieur, du sucre de canne d’autres pays.

31      Or, cette entreprise indiquait dans ladite lettre qu’elle « import[ait] du sucre de canne en provenance d’États ACP (pour le moment, uniquement de la République dominicaine) ». Contrairement à ce qu’allègue la requérante, il ne ressort pas des termes entre parenthèses qu’il pouvait être envisagé que ladite entreprise importât également, dans le futur, du sucre de pays autres que les États ACP. Au contraire, ces termes indiquent uniquement qu’il n’est pas exclu qu’à l’avenir du sucre soit importé d’autres États ACP.

32      Par lettre du 15 janvier 1997, l’exportateur a informé les autorités douanières de Curaçao qu’il avait repris les activités de cette entreprise à compter du 1er janvier 1997 sans rien changer au processus de production et qu’il demandait dès lors que des certificats EUR.1 continuassent à être délivrés. Dans ladite lettre, l’exportateur a également indiqué que sa production totale était, en principe, exportée en Europe au titre de la décision 91/482.

33      Sur la base de ces éléments de fait, la Commission pouvait à bon droit conclure, au considérant 23 de la décision attaquée, que l’exportateur avait présenté les faits de manière incorrecte afin d’obtenir la délivrance des certificats EUR.1 en cause de la part des autorités douanières de Curaçao. En effet, en raison de l’omission d’informations sur l’origine exacte du sucre de canne en cause, ces autorités n’avaient pas de raison de douter, lors de l’établissement desdits certificats EUR.1, que ledit sucre était toujours importé de la République dominicaine ou tout au moins d’un État ACP. Il a donc été démontré que les certificats EUR.1 en cause avaient été établis sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur.

34      Ce moyen doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), troisième alinéa, du code des douanes, relatif à la connaissance des faits par les autorités douanières de Curaçao

35      La requérante fait valoir, en substance, que la délivrance des certificats EUR.1 en cause constituait bien une erreur des autorités douanières de Curaçao au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), troisième alinéa, du code des douanes dès lors que ces autorités savaient ou auraient dû savoir que le sucre de canne en cause ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel.

36      En premier lieu, en ce qui concerne la question de savoir à qui il incombe de prouver que les autorités douanières qui ont délivré les certificats EUR.1 en cause manifestement savaient ou auraient dû savoir que lesdites marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel, il convient de relever que c’est à celui qui invoque une exception figurant in fine du troisième alinéa de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes qu’il incombe de supporter la charge de la preuve (arrêt Beemsterboer Coldstore Services, point 26 supra, point 45). Ainsi que la Commission l’a considéré au considérant 26 de la décision attaquée, la charge de la preuve incombe donc à la requérante.

37      En second lieu, en ce qui concerne l’appréciation des éléments avancés par la requérante pour démontrer qu’il est évident que les autorités douanières de Curaçao savaient ou auraient dû savoir que le sucre de canne en cause ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel, premièrement, la requérante se réfère à un extrait de la décision du Gerechtshof te Amsterdam duquel il ressortirait que les autorités douanières de Curaçao avaient effectué des contrôles, qu’elles connaissaient l’origine dudit sucre et qu’elles savaient comment il avait été obtenu et transformé.

38      À cet égard, il convient de relever que l’extrait cité par la requérante, figurant au point 2.7 de la décision du Gerechtshof te Amsterdam, ne constitue que l’interprétation du compte rendu non signé d’un entretien entre les mandataires de la requérante et deux personnes concernées par l’exportateur. Il ne s’agit donc pas de faits constatés et établis objectivement par le juge, mais de constatations unilatérales de la requérante qui ne sont pas, en tout état de cause, de nature à démontrer que les autorités douanières de Curaçao connaissaient manifestement ou auraient manifestement dû connaître l’origine du sucre de canne en cause.

39      Deuxièmement, la requérante fait référence à une lettre du Dienst Economische Zaken (service des affaires économiques) des Antilles néerlandaises du 28 février 1995. Selon la requérante, il ressort de cette lettre que les autorités douanières de Curaçao ont fixé l’origine du sucre en cause en se fondant sur la règle de la valeur ajoutée, en vertu de laquelle les produits en cause, du fait de leur transformation à Curaçao, pouvaient être regardés comme originaires des Antilles néerlandaises, parce que la valeur des marchandises achetées ne s’élevait pas à plus de 30 % du prix à la sortie d’usine du produit.

40      Force est de constater qu’une telle affirmation ne saurait être démontrée, à suffisance de droit, par la référence à cette lettre. Certes, le deuxième alinéa de cette lettre indique que la marchandise en cause entre dans le champ d’application de la règle de cumul visée à l’article 6 de l’annexe II de la décision 91/482. Cependant, cet aspect n’établit aucunement l’affirmation de la requérante. En effet, le paragraphe 2 de cette disposition prévoit que, lorsque des produits entièrement obtenus dans la Communauté ou dans les États ACP font l’objet d’ouvraisons ou de transformations dans les PTOM, ils sont considérés comme ayant été entièrement obtenus dans les PTOM. Ladite disposition présuppose donc que la marchandise soit originaire de la Communauté ou des États ACP pour pouvoir être regardée comme originaire des PTOM en raison d’ouvraisons ou de transformations dans ces derniers. Le fait que le sucre de canne en cause provienne de Colombie ne permet donc pas de conclure que ledit sucre tombe sous le coup de l’article 6 de l’annexe II de la décision 91/482 dès lors que cet État ne faisait partie à l’époque ni de la Communauté ni des États ACP.

41      Il importe également de relever que le contenu de cette lettre montre plutôt que les autorités douanières de Curaçao considéraient que le sucre de canne en cause provenait effectivement des États ACP. Selon le deuxième alinéa de cette lettre, il s’agissait de « sucre de canne originaire d’États ACP (pour le moment de la République dominicaine) qui sera[it] transformé au niveau local ».

42      Troisièmement, la requérante affirme qu’il ressort du rapport de mission de 1999 que les autorités douanières de Curaçao avaient délivré les certificats EUR.1 sur la base de certificats d’origine « formule A » qui étaient utilisés dans le cadre du système des préférences tarifaires généralisées. Selon elle, ces autorités auraient dû savoir que cela était interdit.

43      À cet égard, il convient de relever que le rapport de mission de 1999 mentionne certes, dans sa partie générale, les certificats d’origine « formule A ». Toutefois, ce rapport, qui traite également des importations de sucre et d’autres produits dans les Antilles néerlandaises par d’autres entreprises, indique seulement que les certificats EUR.1 en cause dans ce rapport sont délivrés sur la base de certificats d’origine « formule A », de certificats délivrés par une chambre de commerce ou de déclarations du fournisseur. La partie du rapport traitant spécifiquement des importations du sucre de canne en cause ne mentionne pas l’utilisation de certificats d’origine « formule A ». Il est vrai que, selon ce rapport, en ce qui concerne les autres entreprises qui y sont mentionnées, les déclarations et certificats utilisés pour prouver l’origine des marchandises concernées ont été indiqués dans chaque cas et les certificats d’origine « formule A » n’ont pas été mentionnés. Cependant, si cet aspect constitue un indice permettant de considérer que des certificats d’origine « formule A » ont été utilisés dans le cas d’espèce, il n’est pas susceptible d’établir, à lui seul, le fait que ces certificats aient effectivement été utilisés afin d’obtenir les certificats EUR.1 en cause. En tout état de cause, cet élément ne démontre pas que les autorités de Curaçao savaient manifestement ou auraient manifestement dû savoir que le sucre de canne en cause ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel, étant donné qu’elles disposaient des informations selon lesquelles ce sucre était originaire des États ACP.

44      Quatrièmement, s’agissant de la constatation, au considérant 31 de la décision attaquée, selon laquelle aucun certificat d’origine « formule A » n’a été présenté aux membres de la mission en 1999, la requérante affirme que ce fait est logique dès lors que ces certificats seraient directement transmis aux autorités compétentes à l’arrivée d’un navire. À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 12, paragraphe 5, de l’annexe II de la décision 91/482, l’exportateur, ou son représentant, présente avec sa demande toute pièce justificative utile et susceptible d’apporter la preuve que les produits à exporter peuvent donner lieu à la délivrance d’un certificat EUR.1 et que l’exportateur est tenu de conserver pendant au moins deux ans ces pièces justificatives. Étant donné que les certificats EUR.1 ont été délivrés au cours de la période allant du 25 juillet au 3 novembre 1997, ainsi qu’il ressort du rapport de mission de 1999, et que ladite mission s’est déroulée du 26 mai au 13 juin 1999, donc moins de deux ans après la délivrance desdits certificats, il n’est pas logique que, lors de cette mission, aucun certificat d’origine « formule A » n’ait été présenté. L’argumentation de la requérante ne peut donc être accueillie.

45      Cinquièmement, s’agissant de la prétendue confirmation des autorités douanières de Curaçao, à la demande des autorités douanières néerlandaises, que les certificats EUR.1 en cause ont été correctement délivrés, d’une part, il suffit de relever que la requérante n’a pas établi l’existence d’une telle confirmation dès lors qu’un contrôle a posteriori par les autorités de Curaçao n’a été mentionné que dans la partie générale du rapport de mission. D’autre part, à supposer même qu’une telle confirmation ait été donnée, cela ne démontrerait pas que, au moment de la délivrance des certificats EUR.1, les autorités douanières de Curaçao savaient manifestement ou auraient manifestement dû savoir que les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel n’étaient pas remplies.

46      Enfin, s’agissant de l’offre formulée par la requérante dans la requête de compléter à un stade ultérieur de la procédure les preuves fournies jusque là, il convient de relever que, en annonçant uniquement d’autres preuves, sans les préciser, la requérante ne fournit aucun élément de preuve supplémentaire qui permettrait d’établir que les autorités douanières de Curaçao savaient manifestement ou auraient manifestement dû savoir que les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel n’étaient pas remplies.

47      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent moyen. La Commission a donc, à bon droit, considéré qu’il y avait lieu de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation d’un montant de 531 985,59 euros et que la remise de ces droits, au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 236 du code des douanes, n’était pas justifiée.

 Sur le moyen soulevé d’office et tiré de ce que l’adoption de la décision relative à la remise des droits au titre de l’article 239 du code des douanes en l’absence de transmission à la Commission, par les autorités néerlandaises, du cas relatif à la demande de remise présentée par la requérante constitue une violation des formes substantielles de la procédure

48      En l’espèce, le Tribunal estime que, en l’absence de transmission à la Commission par les autorités néerlandaises, en vertu de l’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application, du cas relatif à la demande de remise des droits, présentée par la requérante conformément à l’article 239, paragraphe 2, du code des douanes, la Commission ne pouvait, en tout état de cause, prendre la décision, au titre de l’article 907, paragraphe 1, dudit règlement, établissant que la remise des droits à l’importation n’était pas justifiée au titre de l’article 239 du code des douanes, sans violer les formes substantielles de la procédure. En effet, l’article 905 du règlement d’application ne prévoyant aucune autre modalité de saisine de la Commission, la transmission du cas à ladite institution par les autorités douanières était une condition sine qua non pour que la Commission se prononçât sur celui-ci au titre de l’article 239 du code des douanes (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 29 septembre 2009, Thomson Sales Europe/Commission, T‑225/07 et T‑364/07, non publié au Recueil, point 201).

49      À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que le non-respect des règles de procédure relatives à l’adoption d’un acte constitue une violation des formes substantielles, au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, laquelle peut être examinée par le juge de l’Union européenne même d’office (voir arrêts du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, point 143, et du 2 octobre 2009, Chypre/Commission, T‑300/05 et T‑316/05, non publié au Recueil, point 206, et la jurisprudence citée).

50      Deuxièmement, s’agissant de l’argumentation de la Commission selon laquelle la procédure applicable à une demande de prise en compte a posteriori des droits à l’importation, conformément à l’article 220, paragraphe 2, du code des douanes lu en combinaison avec les articles 871 à 876 du règlement d’application, et celle applicable à une demande de remise des droits, conformément à l’article 239 du code des douanes combiné avec les articles 905 à 909 du règlement d’application, sont sensiblement identiques, il y a lieu de relever que la transmission d’un cas en vertu de l’article 871, paragraphe 1, du règlement d’application ne peut être interprétée en ce sens qu’elle comprend également la transmission d’un cas en vertu de l’article 905, paragraphe 1, dudit règlement.

51      Il est vrai que les procédures prévues aux articles 220 et 239 du code des douanes poursuivent le même but, à savoir limiter le paiement a posteriori des droits à l’importation ou à l’exportation aux cas où un tel paiement est justifié et où il est compatible avec un principe fondamental tel que le principe de protection de la confiance légitime (voir ordonnance de la Cour du 10 juin 2010, Thomson Sales Europe/Commission, C‑498/09 P, non publiée au Recueil, point 95, et la jurisprudence citée).

52      Toutefois, les articles 220 et 239 du code des douanes ne coïncident pas. Le premier a en effet une finalité plus restreinte que le second, dans la mesure où il a uniquement pour objectif de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien-fondé de l’ensemble des éléments intervenant dans la décision de recouvrer ou non les droits de douane. En revanche, l’article 239 du code des douanes constitue une clause générale d’équité, destinée à couvrir une situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l’opérateur économique concerné par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité (arrêt de la Cour du 25 juillet 2008, C.A.S./Commission, C‑204/07 P, Rec. p. I‑6135, point 85 ; voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 10 mai 2001, Kaufring e.a./Commission, T‑186/97, T‑187/97, T‑190/97 à T‑192/97, T‑210/97, T‑211/97, T‑216/97 à T‑218/97, T‑279/97, T‑280/97, T‑293/97 et T‑147/99, Rec. p. II‑1337, point 233, et du 7 juin 2001, Spedition Wilhelm Rotermund/Commission, T‑330/99, Rec. p. II‑1619, point 52). Ainsi, l’article 239 du code des douanes perdrait son caractère de disposition générale d’équité si les conditions énoncées à l’article 220, paragraphe 2, du même code devaient être remplies dans tous les cas (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 139). Il résulte de ce qui précède que les deux procédures en cause, même si elles poursuivent le même but, doivent être clairement distinguées.

53      Troisièmement, il convient de relever que le rôle des autorités douanières nationales ne se limite, ni dans le contexte de l’article 871 du règlement d’application, ni dans celui de l’article 905 dudit règlement, pas au rôle d’un simple intermédiaire. Elles doivent au contraire évaluer, dans chacun des cas, le comportement de l’intéressé (voir, pour ce qui est de l’article 871 du règlement d’application, arrêt Thomson Sales Europe/Commission, point 48 supra, point 203). En effet, en vertu de l’article 871, paragraphe 3, et de l’article 905, paragraphe 3, dudit règlement, le dossier transmis par les autorités douanières doit comporter tous les éléments nécessaires à un examen complet du cas présenté et doit inclure une évaluation détaillée sur le comportement de l’opérateur concerné.

54      Or, si les autorités douanières d’un État membre sont destinataires d’une demande de remise de droits au titre de l’article 239, paragraphe 2, du code des douanes, elles ont la possibilité de ne pas la transmettre à la Commission. En effet, l’attribution d’un pouvoir de décision à la Commission en matière de recouvrement ou de remise de droits a pour but de garantir l’application uniforme du droit de l’Union et l’article 871, paragraphe 2, ainsi que l’article 905, paragraphe 2, du règlement d’application prévoient qu’il n’est pas procédé à la transmission prévue au paragraphe 1 lorsque la Commission est déjà saisie d’un cas dans lequel des éléments de fait et de droit comparables se présentent. Il s’ensuit que, si les autorités nationales estiment qu’une demande de remise, du point de vue des faits et du droit, peut à la fois être analysée à la lumière de l’article 239 et de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, ces autorités peuvent, en principe, transmettre une seule demande à la Commission, les éléments de fait et de droit desdites demandes étant alors nécessairement comparables (voir, par analogie, arrêt Thomson Sales Europe/Commission, point 48 supra, points 209 à 211).

55      En l’espèce, il est constant que les autorités douanières néerlandaises ont uniquement transmis le présent cas à la Commission, en vertu de l’article 871, paragraphe 1, du règlement d’application, et demandé à celle-ci, afin de pouvoir procéder à la remise des droits à l’importation au titre de l’article 236 du code des douanes, d’établir s’il était justifié de ne pas procéder à la prise en compte des droits à l’importation au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), dudit code. Au vu de ce qui précède, force est de constater que cette transmission ne coïncide pas avec celle prévue à l’article 239 du code des douanes combiné avec l’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application. Il s’ensuit que, en l’absence de transmission du cas, par les autorités douanières néerlandaises, en vertu de l’article 905, paragraphe 1, dudit règlement, la Commission n’a pas été valablement saisie d’une demande de remise des droits conformément à l’article 239 du code des douanes. Un tel défaut de saisine constituant une violation des formes substantielles, il convient de conclure que l’analyse de la Commission à cet égard est entachée d’illégalité.

56      Par conséquent, dans la mesure où l’analyse de la Commission portant sur la demande de remise des droits au titre de l’article 239 du code des douanes présente un caractère détachable par rapport au reste de la décision attaquée, il convient de conclure que celle-ci doit être annulée dans la seule mesure où elle dispose que la remise des droits à l’importation d’un montant de 531 985,59 euros au titre de l’article 239 du code des douanes n’est pas justifiée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les troisième et quatrième moyens soulevés par la requérante. Le recours doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

58      Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2010) 6754 final de la Commission, du 1er octobre 2010, en ce qu’elle constate que la remise des droits à l’importation d’un montant de 531 985,59 euros, au titre de l’article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, n’est pas justifiée, est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Dittrich

Prek

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 février 2012.

Signatures


* Langue de procédure : le néerlandais.